CA Colmar, 3e ch. civ. A, 24 janvier 2022, n° 21/01055
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Groupe Solly Azar (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mme Fabreguettes, Mme Dayre
Par jugement en date du 5 janvier 2017, exécutoire par provision, du tribunal d'instance de Mulhouse, Monsieur Stéphane P. a été condamné à payer à la Sas Groupe Solly Azar, la somme de 3 756,79 €, au titre de loyers impayés, et celle de 400 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été signifié à Monsieur P. le 29 mai 2017, par procès-verbal de recherches infructueuses.
Suivant assignation du 3 mars 2020, Monsieur Stéphane P., assisté de son curateur l'Apamad, a sollicité auprès du juge de l'exécution du Tribunal de Proximité de Guebwiller la main levée d'une saisie-attribution, pratiquée le 30 janvier 2020 à la requête de la Sas Groupe Solly Azar, par Maître S., huissier de justice à Strasbourg, sur son compte détenu à la Banque Postale, effectuée en vertu de ce jugement de condamnation.
Monsieur P. a également sollicité la condamnation de la Sas Groupe Solly Azar à lui payer les sommes de 500 € de dommages-intérêts pour abus de saisie et 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a fait valoir que la saisie n'avait pas été dénoncée à son curateur, que par ailleurs, le procès-verbal de signification du jugement était nul en ce que l'huissier n'avait pas entamé toutes les recherches pour le trouver et qu'enfin les sommes saisies étaient entièrement composées d'allocations adulte handicapé non saisissables.
La Sas Groupe Solly Azar a conclu au débouté de la demande et sollicité une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a fait valoir que le procès-verbal de signification était régulier et que par ailleurs Monsieur P. ne démontrait pas que son compte bancaire ne détenait que des sommes insaisissables.
Par jugement du 24 novembre 2020 le juge de l'exécution a débouté Monsieur P. et validé la saisie-attribution et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré qu'un seul extrait du compte postal pour juillet-août 2019 ne pouvait suffire à démontrer que les sommes saisies six mois après sur le compte ne provenaient que de prestations insaisissables.
Il a ajouté que le demandeur était malvenu à reprocher à l'huissier significateur de ne pas avoir fait de plus amples recherches alors que l'instance objet du jugement concernait son départ, sans laisser d'adresse, du logement loué.
Suivant déclaration du 16 février 2021, Monsieur Stéphane P., assisté de son curateur l'Apamad, a interjeté appel de ce jugement, dont il demande l'infirmation.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées au greffe le 14 avril 2021, Monsieur Stéphane P. demande à la cour de :
-déclarer son appel recevable et bien fondé,
-déclarer les demandes, moyens fins et prétentions de l'intimée irrecevables en tout cas mal fondées et les rejeter y compris s'agissant d'un éventuel appel incident,
-prononcer la nullité de la dénonciation de saisie-attribution en date du 4 février 2020,
-ordonner la main-levée de la saisie opérée entre les mains de la banque postale,
-condamner la Sas Groupe Solly Azar à payer à Monsieur P. une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
-condamner la Sas Groupe Solly Azar à payer à Monsieur P. une somme de 1 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
A l'appui de son appel, Monsieur P. et son curateur font valoir que le procès-verbal de recherches infructueuses, valant signification du jugement du 5 janvier 2017, serait entaché de nullité car l'huissier n'aurait pas effectué toutes les diligences qu'il était en mesure d'entreprendre pour connaître l'adresse de Monsieur P., que notamment l'huissier n'aurait pas interrogé la caisse d'allocation familiales ou l'employeur de Monsieur P..
Ils soutiennent que la nullité du procès-verbal, enlève au jugement son caractère exécutoire, que la main levée de la saisie devrait donc être ordonnée.
Monsieur P. et son curateur ajoutent que les sommes saisies, sont uniquement composées d'allocations adulte handicapé, notamment d'un rappel versé le 26 juillet 2019 et que ces sommes sont insaisissables en vertu de l'article L812-5 du code de la sécurité sociale. Ils entendent le prouver par la production de ses relevés de compte.
Suivant conclusions notifiées le 16 avril 2021, la Sas Groupe Solly Azar a conclu au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement. Elle sollicite une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle conteste la nullité du procès-verbal de recherches infructueuses, soulignant que l'huissier instrumentaire a effectué toutes les diligences requises.
S'agissant du dossier de surendettement en cours, elle fait observer que sa créance en est exclue, Monsieur P. ne l'ayant pas déclarée à la Commission de surendettement.
Sur l'insaisissabilité des sommes saisies, l'intimée fait observer que les pièces produites ne le démontrent pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité du procès-verbal de signification du jugement fondant la saisine
Aux termes de l'article 654 du code de procédure civile la signification doit être faite à personne.
Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le procès-verbal doit mentionner précisément les diligences accomplies par l'huissier de justice pour rechercher le destinataire de l'acte.
Il est constant que le jugement en date du 5 janvier 2017 a été signifié à Monsieur P. par procès-verbal de recherches infructueuses.
En l'espèce il ressort du procès-verbal litigieux que l'huissier a relaté comme suit les diligences qu'il a effectuées :
-il a constaté que le nom de Monsieur P. ne figurait ni sur la sonnette ni sur la boîte aux lettres,
-les voisins du 2ème étage lui ont confirmé que l'intéressé n'habitait plus là depuis longtemps et qu'ils ne connaissaient pas son nouveau lieu de résidence,
-la nouvelle locataire a indiqué ne pas connaître le nouveau lieu de résidence de Monsieur P.,
-l'huissier précise qu'il ne peut interroger les services fiscaux et postaux en raison du secret professionnel, mais qu'il a consulté sur internet les pages blanches, jaunes, les réseaux sociaux sans aucun résultat.
Monsieur P. allègue que l'huissier aurait pu consulter la caisse d'allocations familiales ou son employeur pour trouver son adresse.
Or il apparait que l'huissier de justice instrumentaire n'a pas réalisé des investigations complètes aux fins de délivrer l'acte à la personne de Monsieur P. et c'est en vain qu'il argue du secret professionnel pour se dispenser de recherches complémentaires.
En effet il ne s'est rapproché ni de la mairie ni d'aucune administration ou établissement public ou organisme contrôlé par l'Etat, qui sont tenus, en vertu de l'article L152-1 du code des procédures civiles d'exécution, de lui communiquer les renseignements qu'ils détiennent permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur éventuel, sans pouvoir opposer le secret professionnel.
Pour autant Monsieur P. qui fait grief à l'huissier de justice de ne pas avoir consulté la caisse d'allocations familiales ni son employeur, sur lequel il ne fournit aucune indication, ne justifie pas qu'il était allocataire de prestations sociales et avait communiqué, le cas échéant à cet organisme sa nouvelle adresse ni qu'il avait un emploi au jour de la signification de l'acte.
Il ne justifie pas davantage avoir signé un contrat de réexpédition de son courrier ni avoir déclaré à la mairie son nouveau domicile.
Il ne justifie ainsi pas que s'il avait été plus diligent, l'huissier aurait pu retrouver son adresse.
Il en résulte qu'il ne peut justifier d'aucun grief et que c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen pris de la nullité de l'acte de signification du jugement du 5 janvier 2017 et par conséquence refusé de prononcer la nullité de la dénonciation de la saisie-attribution en date du 4 février 2020.
Sur la saisissabilité des sommes détenues sur le compte
Il ressort de la réponse du tiers saisi, en l'espèce la Banque Postale, qu'a été saisi sur les deux comptes bancaires de
Monsieur P., la somme totale de 5 310,50 €, le 30 janvier 2020.
Il est justifié, par ailleurs, par la production du relevé de compte de Monsieur P. du 7 août 2019, que le 26 juillet 2019, celui-ci a perçu un rappel d'allocation adulte handicapé d'un montant de 4 444,75 €.
Il est exact, que par application de l'article L812-5 du code de la sécurité sociale, l'allocation adulte handicapé est une prestation non saisissable.
Toutefois, le fait que la somme de 4 444,75 € soit détenue sur le compte bancaire, le 26 juillet 2019, ne peut permettre de conclure que c'est la même somme, de la même origine, qui est toujours présente sur le compte le 30 janvier 2020, alors même qu'il n'est fourni aucune explication sur la situation professionnelle de Monsieur P., et que les relevés de compte, entre août 2019 et janvier 2020, ne sont pas non plus produits aux débats.
Par conséquent Monsieur P. n'établit pas, qu'à la date du 30 janvier 2020, les sommes détenues sur son compte étaient des sommes insaisissables.
Il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé.
Il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Sas Groupe Solly Azar au titre de l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire
CONFIRME le jugement
Y ajoutant
CONDAMNE Monsieur Stéphane P. à payer à la Sas Groupe Solly Azar la somme de 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur Stéphane P. aux dépens.