CA Nîmes, 1re ch. civ., 21 mars 2013, n° 12/01876
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
DCP (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruzy
Conseillers :
M. Berthet, Mme Hebrard
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 avril 2012 madame X a relevé appel d'un jugement rendu le 12 avril 2012 par le juge de l’exécution d'AVIGNON :
- l'ayant déboutée de ses demandes en nullité des commandements de quitter les lieux et saisie-vente notifiés le 15 juin 2011 à la requête de Monsieur Y à Monsieur Z par la SCP d'huissiers A, en nullité du procès-verbal de tentative d'expulsion du 6 septembre 2011 en l'absence de titre opposable à son égard et en paiement solidaire par la SCP d'huissiers et Monsieur Y de la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de celle de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'ayant condamnée à payer à la SCP A la somme de 1200 € à titre de dommages et intérêts ;
- l'ayant déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à chacun de Monsieur Y et de la SCP A la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par acte d’huissier du 20 juin 2012, madame X a signifié sa déclaration d'appel à Monsieur Z et l'a cité à comparaître devant la cour.
Dans ses dernières conclusions du 25 septembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'appelante sollicite la cour au visa des articles 31 du code de procédure civile, L311 ' 12 ' 1 du code de l'organisation judiciaire et 19 de la loi du 9 juillet 1991 :
* à titre principal,
- de déclarer son appel recevable bien-fondé,
- de constater qu'elle a un intérêt direct et personnel contester la procédure d'expulsion, que Monsieur Z n'occupe plus les lieux à tout le moins le 2 septembre 2009, qu'elle occupe les lieux litigieux depuis le mois de novembre 2009, qu'elle ne les occupe pas en qualité d'occupante du chef de Monsieur Z,
- de juger qu'elle a qualité pour agir,
- de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de juger que les commandements de quitter les lieux et de saisie vente notifiés le 15 juin 2011 à Monsieur Z sis [...] sont nuls et en tout état de cause lui sont inopposables,
- de juger que le procès-verbal de tentative d'expulsion du 6 septembre 2011 est nul à son égard, en l'absence de tout titre qui lui soit opposable,
- de débouter Monsieur Y et la SCP A de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
* à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner le sursis à statuer en l'état de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Monsieur Y auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d’AVIGNON, en application de l'article 4 du code de procédure civile,
* en tout état de cause, de condamner solidairement la SCP A et Monsieur Y aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs écritures en réplique auxquelles il est également explicitement renvoyé :
- Monsieur Y dans ses écritures déposées le 28 septembre 2012, signifiées à madame X ce même jour et à monsieur Z le 9 octobre 2012, conclut, au visa des articles L311 - 12 - 1 de l'organisation judiciaire et 19 de la loi du 9 juillet 1991, au constat que Z ne lui a jamais délivré congé pour le bien situé [...] et qu'en conséquence madame X est bien occupante de son chef.
Par suite madame X sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions. L'appelante sera condamnée solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- la SCP A conclut le 10 septembre 2012 à la confirmation du jugement critiqué et y ajoutant, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, demande à la cour de juger que l'action de madame X tend à la défense des intérêts de Monsieur Z de telle sorte que l'appelante n'a pas d'intérêt à agir et que par suite son action est irrecevable.
A titre subsidiaire, elle requiert qu'il soit jugé que les actes établis par ses soins sont conformes aux termes du jugement du 15 juin 2010 confirmé par l'arrêt du 24 mars 2011 devenu définitif, que lors de son intervention Monsieur Z était domicilié au [...], que les actes qu'elle a établis sont donc réguliers, que madame X n'a pas de titre pour l'occupation des lieux de son propre chef, qu'elle n'a quant à elle, commis aucune faute et que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice en lien causal avec son intervention, qu'il n'y a pas lieu à prononcer d'un sursis à statuer dans l'attente de la clôture de l'instruction à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Monsieur Y à l'encontre de madame X pour faux en écriture et usage de faux à raison d'un protocole d'accord et que par voie de conséquence cette dernière ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
En toute hypothèse, madame X sera condamnée à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts pour appel abusif et celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur Z ayant été cité en l'étude huissier mais ayant signé le 16 octobre 2012, l'avis de réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par l’huissier significateur, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
SUR CE
Le 6 septembre 2011, la SCP A a procédé à la requête de Monsieur Y à une tentative d'expulsion de madame X des locaux situés [...]. Que celle-ci occupe les lieux en vertu d'un protocole d'accord signé avec monsieur Y les 9 et 30 septembre 2009 ainsi qu'elle l'affirme ou du chef de Monsieur Z ainsi que le soutient Monsieur Y, elle a bien un intérêt direct à contester la procédure en expulsion diligentée à son encontre et donc à agir en la présente instance.
Son action est donc parfaitement recevable.
Il est constant que le 6 septembre 2012, date à laquelle la SCP A, agissant à la demande de Monsieur Y, propriétaire de l'immeuble sis [...] en vertu d'un jugement réputé contradictoire du tribunal d'instance d'Avignon du 15 juin 2010 et d'un arrêt de la cour d'appel de NÎMES du 24 mars 2011, a dressé procès-verbal de tentative d'expulsion à l'encontre de Monsieur Z et de tous occupants de son chef, madame X a déclaré être occupante des lieux en exécution d'un protocole d'accord signé avec son ex-mari Y les 9 et 30 octobre 2009 dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial.
Au-delà du fait que Monsieur Y dénie avoir signé ce protocole d'accord, ayant déposé plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'AVIGNON, il doit être relevé que ce protocole d'accord prévoyait que le « partage ne deviendra définitif qu'une fois toutes les conditions suspensives susmentionnées levées, lequel partage sera régularisé par devant maîtres D. et Y, notaire, dans le mois suivant la levée de la dernière des conditions suspensives et au plus tard le 30 mai 2009 (2010 par rectification de l'erreur matérielle) ».
Madame X ne prétend pas que les cinq conditions suspensives aient été toutes levées et que le partage ait été régularisé par acte notarié avant le 30 mai 2010. D'ailleurs, dans ses conclusions du 11 mars 2010 déposées dans l'instance en paiement des loyers du domicile familial diligentée à son encontre par monsieur Y devant le tribunal de grande instance d’AVIGNON qui les évoque dans son jugement du 26 avril 2010, madame X faisait valoir que les parties avaient envisagé un accord amiable mais que les pourparlers transactionnels n'ont pas abouti à un accord.
Dès lors force est de constater qu'un tel protocole d'accord qui n'est pas un compromis de vente et ne peut en avoir les conséquences juridiques, même signé par les deux parties est demeuré à l'état de projet et que le partage prévu faute de régularisation n'est jamais devenu définitif.
Le sursis à statuer jusqu'à décision définitive sur la plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux déposée par monsieur Y ne se justifie de ce fait aucunement puisque sans conséquence sur la validité du partage.
Par suite Monsieur Y, propriétaire en propre de l'ensemble immobilier composé d'un bâtiment à usage de hangar et d'habitation avec terrain attenant cadastré section AB n° 76 et 77 lieu-dit [...] n'a pas à ce jour, abandonné la propriété de ce bien au profit de madame X, laquelle ne peut donc valablement opposer le sous-seing des 9 et 30 octobre 2009, lequel prévoit expressément en page 2 l'entrée en jouissance pour la parcelle AB 77 par madame X, 'une fois le partage signé', au 31 mars 2010 à charge pour monsieur Y de libérer les lieux pour cette date, pour occuper les lieux depuis novembre 2009 selon ses déclarations.
Elle n'est donc titulaire d’aucun droit personnel à occuper l'immeuble de monsieur Y.
Elle n'est pas non plus fondée à l'occuper depuis novembre 2009 du chef de monsieur Z, fils de son compagnon suivant attestations régulièrement versées aux débats, dont l'expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef a été ordonnée par l'arrêt de la Cour d'Appel de NÎMES du 24 mars 2011confirmatif du jugement du tribunal d'instance d'AVIGNON du 15 juin 2010 et qui faute d'avoir restitué les clefs des locaux à monsieur Y, en est toujours occupant en titre même s'il a quitté les lieux pour GRABELS. Il sera observé à toutes fins utiles qu'au cours de cette instance d'appel devant la Cour, monsieur Z, appelant, n'a jamais déclaré une autre adresse domiciliaire que celle du [...].
Il est donc tout naturel que la SCP A ait signifié à monsieur Z l'arrêt du 24 mars 2011 à l'adresse précitée et à sa suite les commandements de quitter les lieux et de saisie-vente le 15 juin 2011, puis ait tenté de procéder à son expulsion le 6 septembre 2011. Au demeurant, madame X n'est effectivement pas recevable à venir contester la délivrance de tels actes que monsieur Z, pourtant régulièrement avisé de l'instance d'appel en cours, ne vient pas discuter.
Madame X reproche encore à la SCP A. d'avoir dénaturé le titre exécutoire visant de manière générale tout occupant au lieu de viser dans ses actes tout occupant du chef de monsieur Z, faute qui 'au visa de l'article 19 de la loi de 1991 devrait ipso facto entraîner la nullité des actes litigieux'.
En l'espèce, les actes critiqués par l'appelante qu'il s'agisse du commandement de quitter les lieux, de la saisie-vente ou du procès-verbal de tentative d'expulsion ont tous trois été délivrés à l'encontre de monsieur Z auquel il est clairement "fait commandement de quitter et libérer de toutes personnes et de tous biens les lieux que vous occupez indûment". Les personnes visées sont donc bien celles présentes dans les lieux du seul chef de monsieur Z.
La critique de Madame X n'a donc pas le moindre fondement. L'huissier n'a pas dénaturé le titre exécutoire, soit l'arrêt de la Cour d'appel de NÎMES du 24 mars 2011 confirmatif du jugement du Tribunal d'instance d'AVIGNON du 15 juin 2010 en vertu duquel il agissait.
Il ne peut en tout état de cause lui être fait grief de ne pas avoir eu connaissance, avant de procéder à l’exécution des décisions de justice à la requête de monsieur Y, que madame X se revendiquait d'un droit propre à occuper les lieux. Cette dernière n'établit nullement que monsieur Y, qui dénie tout accord en ce sens, avait avisé l'huissier de sa présence, aux surplus réguliers, dans les lieux.
L'article 19 de la loi du 9 juillet 1991 - abrogé par l'ordonnance du 19 décembre 2011 et remplacé par les articles L 122-2 et R 151-3 du code des procédures civiles d’exécution - en vigueur au 15 juin 2011 et au 6 septembre 2011, stipule que l'huissier de justice chargé de l'exécution, a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution. Il est habilité lorsque la loi l'exige, à demander au juge de l’exécution ou au Ministère Public de donner les autorisations ou de prescrire les mesures nécessaires.
Au regard de cet article, l'huissier n'a commis aucune faute, alors même que trouvant Madame X dans les lieux, il a relaté ses déclarations sur procès-verbal et s'est retiré sans procéder à l'expulsion.
Par confirmation de la décision du premier juge, madame X ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées tant à l'encontre de monsieur Y que de la SCP A.
En persistant en cause d'appel à invoquer devant la cour 'la particulière mauvaise foi 'de la SCP A qui ne pouvait selon elle ignorer que monsieur Z avait quitté les lieux depuis août 2009 et a donc fait un faux lors de l'établissement des actes des 15 juin 2011 et 6 septembre 2011, alors même que le premier juge lui a rappelé que les mentions inscrites sur les actes d'huissier faisaient foi jusqu'à inscription de faux et que dans la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt du 24 mars 2011, monsieur Z s'était domicilié - et la dissimulation du domicile est une cause de nullité de l'acte d'appel - au [...], madame X jette la suspicion sur la probité de cet officier public et lui occasionne un préjudice certain réparé par l'octroi de la somme de 1200 € à titre de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, en matière civile, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne madame X aux dépens d'appel ;
Accorde à la SCP B avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame X à payer à chacun de monsieur Y et la SCP A la somme complémentaire de 800 € au titre de leurs frais irrépétibles.