CSA, 24 juin 2015, n° 2015-11
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
à l’Autorité de la concurrence sur la saisine par les sociétés Groupe Canal Plus, D8 et D17 de l’Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schrameck
Vu le Code de commerce, notamment son article R.463-9 ;
Vu la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le règlement n°330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;
Vu la décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 de l’Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 de la société NT1 et Monte-Carlo Participations ;
Vu la décision du Conseil d’Etat en date du 23 décembre 2013 relative à l’annulation de la décision n°12-DCC-101du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus ;
Vu la décision n°14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus,
Vu l’avis n°2014-2 du 13 février 2014 du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel à l’Autorité de la concurrence sur la saisine de l’Autorité de la concurrence relative à la notification de l’acquisition des sociétés Direct 8, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermedia par les sociétés Vivendi et Groupe Canal Plus
Vu le courrier du 20 février 2015 de l’Autorité de la concurrence invitant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel à formuler ses observations sur la saisine des sociétés Groupe Canal Plus, D8 et D17 ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions sur le marché de l’acquisition de films de catalogue d’Expression Originale Française (EOF) ;
Vu les demandes d’informations du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel aux groupes TF1, Métropole Télévision, France Télévisions et Canal Plus en date du 9 avril 2015 ;
Vu la réponse du groupe Canal Plus en date du 24 avril 2015 ; Vu la réponse du groupe TF1 en date du 30 avril 2015 ;
Vu la réponse du groupe France Télévisions en date du 4 mai 2015 ;
Vu la réponse du groupe Métropole Télévision en date du 18 mai 2015 ;
Après en avoir délibéré, Emet l’avis suivant :
Le 6 décembre 2013, les sociétés Groupe Canal Plus, D8 et D17 ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions sur le marché de l’acquisition de films de catalogue d’Expression Originale Française (EOF)1.
Le 20 février 2015, l’Autorité de la concurrence a communiqué la saisine au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, en application des dispositions de l’article R. 463-9 du Code de commerce, et lui a demandé de transmettre ses observations.
Le groupe Canal Plus soutient que l'activité des chaînes D8 et D17 est entravée par des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les sociétés des groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions.
Selon le groupe Canal Plus, les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions restreindraient l'accès des chaînes de la TNT gratuite non adossées à une chaîne « historique » aux films de catalogue EOF. Ces restrictions résulteraient en particulier de droits de priorité et de préemption dont bénéficient les chaînes «historiques» en clair.
Ces droits de priorité et de préemption résultent d’accords contractuels entre les chaînes et les ayants droits des films EOF. Il s'agirait donc d'accords de volonté formalisés contractuellement qui, selon le groupe Canal Plus, devraient être qualifiés d'entente au sens des articles L.420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
Le groupe Canal Plus considère que les difficultés d'accès aux œuvres cinématographiques EOF rencontrées par les chaînes D8 et D17 et par l’ensemble des chaînes de la TNT non adossées à une chaîne « historique » en clair résultent du cumul de contrats du même type contenant des clauses de priorité et de préemption et conclus par les chaînes «historiques» en clair avec les ayants-droit, aboutissant à un blocage du marché.
Dès lors, l’effet cumulatif de ces contrats étant, selon le groupe Canal Plus, restrictif de concurrence, ils seraient constitutifs d’une entente anticoncurrentielle sur le marché de l'acquisition de droits relatifs aux films de catalogue EOF.
Les observations du Conseil portent successivement sur les marchés concernés par la saisine, la position des acteurs, et les pratiques qui sont reprochées aux groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions.
1. La définition des marchés pertinents
S’agissant des œuvres cinématographiques, la pratique décisionnelle effectuait traditionnellement une segmentation en fonction de l’origine de l’œuvre acquise (œuvre française ou américaine), des fenêtres (films inédits ou de catalogue) et modes de diffusion (télévision payante, télévision en clair, vidéo à la demande, etc.).
Par ailleurs, les autorités de concurrence considèrent que l’ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques sont de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique. Cependant, dans sa décision du 23 décembre 2013, le Conseil d’Etat a envisagé une définition plus précise des marchés de l’achat de droits relatifs aux films EOF pour une diffusion en clair, en tenant compte des différentes modalités d’acquisition de ce type de droits.
L’Autorité de la concurrence a ainsi, dans le cadre de sa décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, indiqué qu’il « convient de segmenter le marché des droits de diffusion en clair de film français à la fois selon le fenêtrage, en distinguant les droits relatifs à la première fenêtre des droits relatifs aux fenêtres subséquentes et selon les modalité d’acquisition, en distinguant les préachats des achats postérieur à l’agrément du CNC ».
Dès lors, le marché des droits de diffusion en clair de film EOF a été segmenté en deux marchés :
- le marché du préachat de droits de diffusion, segmenté en deux sous marché :
- le marché du préachat de droits de diffusion de films français en première fenêtre en clair ;
- le marché du préachat de droits de diffusion de films français en deuxième et troisième fenêtres en clair.
- le marché de l’achat de droits de diffusion de films français.
Le Conseil considère une telle segmentation des marchés comme pertinente et réitère ses observations formulées dans le cadre de son avis 2014-2 du 12 février 2014 s’agissant des différences dans les modalités d’acquisition des films EOF :
- Dans le cadre des préachats, la décision d’acquérir un film se fait en amont de la production, à la lecture du scénario et sur examen des éléments artistiques et économiques, et en particulier le devis du film. Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, les préfinancements sont complétés par des investissements en parts de coproduction, réalisés par l’intermédiaire d’une filiale de production. En outre, le préachat de films EOF fait l’objet d’obligations réglementaires en matière d’investissements dans la production cinématographique qui sont distinctes de celles qui sont relatives aux achats de droits de diffusion. A ce titre, les lignes directrices relatives au contrôle des concentrations de l’Autorité de la concurrence relèvent que « l'existence d'une norme légale ou d’une réglementation spécifique est susceptible d’influencer le comportement de la demande, dans la mesure où elle peut influencer les prix des produits, leur qualité ou la perception que les demandeurs en ont ». Dès lors, une segmentation des marchés de droits de diffusion de films EOF selon leurs modalités d’acquisition, semble pertinente compte tenu de l’environnement juridique propre au cinéma français.
- Dans le cadre de l’achat, la chaîne a généralement connaissance du succès en salle réalisé par le film. En outre, les achats de droits de diffusion sont réalisés dans des conditions de concurrence qui présentent des différences avec le préachat. Une chaîne qui souhaite, par exemple, acheter les droits de diffusion d’un film peut se voir priver de l’accès à ce film par la chaîne qui l’a préfinancé et qui bénéficie généralement d’une clause d’option prioritaire ou d’un droit de préemption à son profit ou pour une de ses filiales. Enfin, le marché de l’achat de droits de films français met principalement en relation les diffuseurs avec les distributeurs2, tandis que le marché du préachat met en relation les diffuseurs et leurs structures de production aves les producteurs du film.
Le Conseil souhaite également apporter un certain nombre d’éléments concernant la définition du marché de l’achat des droits de diffusion de films français.
En effet, au cours des auditions menées par le Conseil, certains acteurs, et notamment les distributeurs, ont indiqué considérer l’achat de droits pour les chaînes «historiques» et l’achat de droits pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012 comme relevant de deux marchés différents.
Le Conseil constate que les différences dans la commercialisation des droits se matérialiseraient par :
- Une différence dans les prix pratiqués : La différence de prix pour l’achat de droits de diffusion d’œuvres cinématographiques françaises entre chaînes «historiques» et chaînes de la TNT peut se situer dans un rapport de 1 à 10. Ainsi, à titre d’exemple, la chaîne TF1 a investi en moyenne en 2014 la somme de (…) euros pour l’achat d’un film français diffusé en première partie de soirée, contre (…) euros pour la chaîne TMC (et (…) euros pour NT1 et (…) euros pour HD1)3.
- Une différence dans les films achetés et diffusés : Les prix élevés consentis par les chaînes «historiques» leur assurent la diffusion des films qui présentent les meilleures capacités d’audience. Certains films ne sont diffusés que sur ces chaînes, à l’exception des fenêtres acquises dans le cadre du préachat. A l’inverse, un film diffusé sur les chaînes de la TNT 2005 et 2012 fait très rarement l’objet de diffusions ultérieures sur les chaînes «historiques».
- Les conditions de diffusion : Les chaînes «historiques» négocient dans le cadre des achats une seule diffusion, là où les chaînes de la TNT 2005 et 2012 achètent systématiquement une ou plusieurs multidiffusions ;
- La durée d’exclusivité : Les chaînes «historiques», compte tenu du montant très élevé des acquisitions, négocient une durée d’exclusivité sur les films qu’elles achètent de 18 mois ou de deux ans. Cette rareté organisée par les chaînes autour des films qu’elles acquièrent vise à préserver le caractère évènementiel de leur diffusion et ainsi tenter de maximiser les audiences. Les chaînes récentes de la TNT négocient de manière générale des durées bien plus courtes (pouvant être de 3 mois, plus généralement 6 ou 9 mois), ce qui a pour effet d’accélérer la vitesse de circulation de films qui sont diffusés sur ce marché.
2. La position des acteurs sur les marchés du préachat et de l’achat de droits de diffusion de films français en clair
2.1 Caractéristiques essentielles et évolutions des marchés
2.1.1 L’importance du cinéma pour les chaînes de télévision gratuites
2.1.1.1 L’importance du cinéma dans la programmation des chaînes
Les chaînes en clair ont procédé à la diffusion de près de 3 800 œuvres cinématographiques en 2014.
Le cinéma est l’un des programmes essentiels dans les grilles des chaînes en clair généralistes. A l’exception de France 5, de RMC Découverte et de L’Equipe 21, dont la programmation est essentiellement centrée sur les documentaires ou sur le sport, de France Ô et de Chérie 254, toutes les chaînes en clair diffusent un volume important d’œuvres cinématographiques, proche du maximum autorisé5.
Tableau n°1 : Nombre de diffusions d’oeuvres scinématographiques des chaînes en clair depuis trois ans6
En outre, selon les termes du décret n°90-66 du 17 janvier 1990, les chaînes en clair doivent réserver, « dans le nombre total annuel de diffusions et de rediffusions d’œuvres cinématographiques de longue durée, au moins 60% à la diffusion d’œuvres européennes et 40% à la diffusions d’œuvres d’expression originale française (EOF)7. Ces obligations de diffusions d’œuvres européennes et d’œuvres EOF doivent également être respectées aux heures de grande écoute. Sont considérées comme heures de grande écoute les heures comprises entre 20h30 et 22h30 ».
L’ensemble des chaînes en clair respectent, sauf rares exceptions ponctuelles, cette obligation : 1200 diffusions d’œuvres cinématographiques ont été assurées par les chaînes en clair en 2014 (Tableau n°1).
Ainsi, l’accès aux œuvres EOF est primordial pour leur permettre de satisfaire à leurs obligations règlementaires.
2.1.1.2 L’importance du cinéma dans la formation de l’audience des chaînes
Au-delà du respect des obligations règlementaires, la programmation d’œuvres cinématographiques en première partie de soirée permet aux chaînes gratuites, en particulier sur les chaînes gratuites 2005 et 2012, d’obtenir de bons résultats d’audience.
D’après les études « Année TV 2012, Année TV 2013 et Année TV 2014 » publiées par Médiamétrie, le cinéma est un programme qui reste en moyenne toutes chaînes confondues légèrement surconsommé par rapport à son poids relatif dans les grilles de programmes des chaînes.
Depuis trois ans, les audiences des œuvres cinématographiques diffusées en première partie de soirée se détériorent sur les chaînes «historiques» en clair ; les chaînes de la TNT 2005 et 2012 enregistrent toutefois toujours de bonnes performances.
La part du cinéma dans les 40 meilleures audiences des chaînes en clair
En 2014, les œuvres cinématographiques sont peu présentes parmi les 40 meilleures audiences tous programmes confondus sur les chaînes hertziennes «historiques» (moins de 2% des 40 meilleures audiences).
Les œuvres cinématographiques représentent en revanche en moyenne 44 % des 40 meilleures audiences sur les chaînes de la TNT 2005 et 2012.
La part des films français13 dans les 40 meilleures audiences cinéma des chaînes gratuites
S’agissant uniquement des 40 meilleures audiences cinéma14, la part de films français est en moyenne de 50% sur les chaînes hertziennes «historiques» en clair et de 20% sur les chaînes de la TNT 2005 et 2012.
Parmi ces films français présents dans le palmarès des 40 meilleures audiences cinéma, en moyenne toutes chaînes en clair confondues15, 70% sont des films qui ont été cofinancés par les chaînes en clair. Cette part est portée à 80% s’agissant des seules chaînes «historiques».
Sur D8, la part de films coproduits sur le total des films français présents dans le palmarès des meilleures audiences cinéma est plus faible que la moyenne réalisée par les chaînes de la TNT 2005 et 2012 (50% contre 60%) en raison notamment de la présence parmi les meilleures audiences de 4 films réalisés entre 1952 et 1972, époque pendant laquelle le cinéma n’était pas financé par les chaînes de télévision.
Un constat similaire peut être réalisé s’agissant des chaînes 6Ter et HD1, la présence importante de films de patrimoine dans leurs meilleures audiences expliquant également la faible part de films coproduits.
Ainsi, si le cinéma français participe de manière marginale à l’audience moyenne des chaînes, les films français peuvent contribuer sensiblement aux meilleures audiences cinéma des chaînes en particulier «historiques». Parmi eux, ceux réalisant les meilleures audiences sont en majorité des films coproduits par les groupes «historiques».
2.1.2 L’évolution des investissements en préfinancement des chaînes gratuites dans le cinéma
2.1.2.1 L’investissement dans les œuvres cinématographiques
Les investissements des chaînes de télévision dans le cinéma sont essentiels à l’équilibre économique du secteur de la production cinématographique puisqu’ils couvrent en 2014, 32% des investissements français dans le cinéma. Ces investissements s’effectuent sous la forme de préachats et souvent de parts de coproduction16.
En moyenne sur trois ans, les chaînes hertziennes en clair ont participé au financement de 45% des films d’initiative française (FIF), représentant 8 % du financement français total dans le cinéma17. Ces investissements permettent à ces chaînes de respecter leurs obligations de production dans le cinéma18 et, dans une moindre mesure, leurs obligations de diffusion.
Si la part de financement total des chaînes en clair dans le total des sommes investies dans les Films d’Initiative Française (FIF) peut apparaître relativement faible (entre 7% et 9%), leur apport est cependant essentiel dans le financement des films ayant les budgets les plus élevés, et qui, souvent, réalisent les meilleures performances en salles et généralement les meilleures audiences à la télévision.
Pour mémoire, les investissements du groupe Canal Plus dans le préachat de droits de diffusion d’œuvres cinématographiques via ses chaînes payantes Canal+ et Ciné+ s’élèvent en moyenne sur trois ans à 162 M d’euros par an (dont 143 M d’euros pour la seule chaîne Canal+), soit 85 % du total de la moyenne des investissements des chaînes payantes.
2.1.2.2 L’investissement dans les œuvres aux devis les plus élevés
Les chaînes en clair concentrent leurs investissements dans les films qui présentent les devis les plus élevés. Ces films présentent généralement pour ces chaînes le meilleur potentiel commercial leur permettant d’espérer réaliser de bonnes performances en termes d’audience lors de leurs diffusions.
Ainsi, en moyenne depuis trois ans, 84% des films aux devis supérieurs à 7 M d’euros ont été préfinancés par les chaînes en clair, et près de 70% des sommes investies par ces chaînes se sont portées sur des films dont les devis sont supérieurs à 7M d’euros.
L’apport financier accordé par les chaînes en clair «historiques» aux films qu’elles coproduisent couvre une part substantielle des devis de ces films.
Sans ces apports, nombres de ces films ne pourraient être réalisés par manque de financement, alors même qu’ils sont essentiels à l’équilibre économique du secteur du cinéma et à la diversité culturelle.
A titre de comparaison, le taux de couverture des films préfinancés par la chaîne D8 pour des premières fenêtres de diffusion est de 7% en moyenne sur trois ans20. Le taux de couverture des devis des films préachetés par W9 et TMC pour une deuxième et/ou une troisième fenêtre de diffusion est de 1%21. Le taux de couverture des trois films préachetés en trois ans par TMC pour des premières fenêtres de diffusion est de 2,4%.
Les analyses du Conseil confirment bien l’existence d’une relation d’interdépendance entre la production cinématographique et les groupes audiovisuels. L’apport de ces derniers est capital pour la production, et la production vient elle-même alimenter les grilles des chaînes et participer à la formation de leur audience.
2.2 Analyse concurrentielle
2.2.1 La position des différents groupes audiovisuels dans le préfinancement des œuvres cinématographiques EOF
2.2.1.1 La position prépondérante des groupes TF1, France Télévisions et Métropole Télévision dans le préfinancement de la production française
En moyenne sur la période 2012-2014, les groupes TF1, France Télévisions et M6 cumulent à eux trois 92% des investissements réalisés par les chaînes en clair dans le préfinancement de films français. Ces trois groupes ont préfinancé 81% des films ayant bénéficié d’un préfinancement par les chaînes en clair.
Au sein des groupes TF1, France Télévisions et Métropole Télévision, ce sont les chaînes « mères » qui réalisent l’essentiel des investissements dans le cinéma, les chaînes de la TNT 2005 et 2012 investissant en préachat des sommes qui restent plus modestes.
Le Conseil relève l’augmentation progressive du montant de préfinancement de la chaîne D8 dans les œuvres cinématographiques (augmentation de 60% sur 3 ans en nombre de films, doublement du montant d’investissement entre 2012 et 2014). Ces montants restent toutefois bien moindres que ceux investis par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions au stade du préfinancement.
Néanmoins, les investissements par film réalisés par D8 dans le cadre du préfinancement sont plus élevés que ceux réalisés par TMC et W9 : en moyenne sur trois ans 271 000 d’euros24 pour D8 contre 150 000 d’euros pour TMC et 183 000 d’euros pour W9. Cette différence s’explique notamment par le fait que D8 est la seule de ces trois chaînes à investir en tant que coproducteur du film, les montants alloués dans le cadre du préachat étant semblables à ceux de TMC, et légèrement inférieurs à ceux de W9.
Le Conseil relève également que les films préfinancés par les chaînes en clair ont tous des devis bien plus élevés que la moyenne des films français25.
2.2.1.2 Focus sur les investissements dans le cinéma des chaînes de la TNT 2005 et 2012 filiales des grands groupes
Les chaînes de la TNT 2005 et 2012 interviennent rarement dans le préachat de première fenêtre de diffusion. Les chaînes TMC, NT1, HD1 et W9 préachètent quasi systématiquement les deuxièmes et troisièmes fenêtres de films dont leur chaîne-mère a préacheté les premières fenêtres de diffusion.
En effet, l’apport substantiel par film des chaînes TF1, France 2, France 3 et M6, en préachat et en part de coproduction, leur permet de négocier auprès du producteur une deuxième ou une troisième fenêtre de diffusion en faveur des chaînes en clair de leur groupe, et cela pour des sommes qui restent modestes par rapport aux droits acquis. Ces fenêtres interviennent souvent très rapidement après la première fenêtre de diffusion accordée aux chaînes «historiques» : certains contrats indiquent par exemple que la fenêtre de diffusion négociée par M6 débute à partir du 29éme mois après la sortie en salles du film, et celle de W9 dès le 31éme mois.
Ces négociations conjointes entre chaînes du même groupe permettent à TMC, NT1, HD1, France 4 et W9 de pouvoir intervenir en préachat en deuxième ou troisième fenêtres sur des films dont les budgets sont très élevés (en moyenne 11,4 M d’euros26).
En revanche, lorsqu’elles interviennent seules en préachat sur des premières fenêtres de films EOF, ces films présentent des devis bien plus faibles(en moyenne 4,1 M d’euros), et leur apport par film est lui-même assez contenu 27 (en moyenne toutes fenêtres confondues 191 000 d’euros par film pour une ou deux multidiffusions)28.
Le budget moyen des films préfinancés par D8 connaît depuis trois ans une croissance significative. Jusqu’en 2013, l’intégralité du préfinancement de la chaîne D8 a été réalisée par le préachat de premières fenêtres.
Le niveau de son intervention par film (0,33 M d’euros en moyenne en préfinancement et par film en 2012 et 2013) ne lui permettaient pas d’intervenir sur des films aux devis élevés.
En 2014, sur les 10 films préfinancés par D8, 5 ont été acquis pour une première fenêtre en clair (devis moyen de 4,3 M d’euros pour ces films) et 5 ont été acquis pour des deuxièmes ou troisièmes fenêtres, dans le cadre de négociations groupées avec la chaîne Canal+. Ces deniers ont un devis moyen élevé (9,19 M d’euros pour ces films) et sont des films dont la première fenêtre gratuite a été acquise soit par TF1 (dont La famille Belier) soit par France 2 et qui sont également préfinancés par le groupe Canal Plus pour une exploitation en payant.
De telles négociations groupées ont été autorisées par la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 de l’Autorité de la concurrence dans la limite de 20 films par an, et sous certaines conditions de plafonnement par catégorie de films (2 films maximum d’un devis de plus de 15 millions d’euros, 3 films maximum d’un devis compris entre 10 et 15 millions d’euros et 5 films maximum d’un devis compris entre 7 et 10 millions d’euros).
Ces négociations groupées ont, jusqu’à présent, été menées pour des seules deuxièmes ou troisièmes fenêtres, à l’instar des négociations groupées menées par TF1 et TMC, NT1 ou HD1, ou par M6 et W929.
Néanmoins, le Conseil relève que, dans le cadre de ses auditions, certains opérateurs du secteur ont indiqué que le groupe Canal Plus avait tendance à conditionner l’investissement de la chaîne Canal+ dans le préachat de droit de diffusion pour la télévision payante à l’attribution d’une deuxième ou d’une troisième fenêtre en diffusion en clair à la chaîne D8, ce qui pourrait selon eux fragiliser le plan de financement du film. Un tel effet de levier avait par ailleurs été envisagé dans le cadre de la décision n°14-DCC-50 du 2 avril 2014 qui relevait que « les producteurs français dépendent financièrement des investissements réalisés par les chaînes payantes dans le préachat de fenêtre de diffusion, marché sur lequel GCP occupe une position de quasi- monopsone »30. L’Autorité en déduisait que « cette situation confère à GCP la capacité d’imposer aux producteurs l’achat groupé des fenêtres de diffusion payante et gratuite pour des films qu’il aurait auparavant financés au côté de chaînes en clair concurrents de D8 »31.
D8, pour avoir accès à des films porteurs en première fenêtre, devrait entrer en concurrence avec les chaînes hertziennes «historiques» qui acquièrent une part très substantielle des films en première fenêtre et investir des montants similaires dans la coproduction et le préachat (en moyenne sur 2014, 2,1 M d’euros par film pour TF1, et 2,1 M d’euros par film pour M6). Or, l’économie actuelle de cette chaîne ne lui permet pas à court et à moyen termes de pouvoir rivaliser avec les chaînes hertziennes «historiques», le total de ses investissements en production en 2014 étant de 2,4 M d’euros et son chiffre d’affaires en 2013 de (…) euros (contre 1 275 M d’euros pour TF1 et 654 M d’euros pour M6).
2.2.2 La position des différents groupes audiovisuels dans la diffusion d’œuvres cinématographiques EOF
2.2.2.1 L’offre d’œuvres cinématographiques françaises sur les chaînes gratuites
Sur les 28 chaînes gratuites nationales, 21 diffusent régulièrement des œuvres cinématographiques, et donc des œuvres cinématographiques EOF (compte tenu des quotas de diffusion).
En 2014, près de 1000 œuvres cinématographiques françaises ont été diffusées pour un total de plus de 1600 diffusions, certaines œuvres étant diffusées la même année plusieurs fois sur la même chaîne. Depuis 2012 et le lancement de six nouvelles chaînes gratuites, l’offre de films français a augmenté de 14 %.
Les chaînes en clair diffusent une majorité de films coproduits : sur les 853 œuvres cinématographiques françaises différentes diffusées sur les chaînes en clair en 2014, 478 étaient des films coproduits (soit 56%). Sur ces 853 films français diffusés en clair en 2014, 548 sont des films produits depuis 1990, dont 430 sont des films coproduits, soit 78% (83% en excluant Arte).
Or, plus de la moitié des films français produits annuellement ne sont pas des films coproduits (cf. tableau n°7). Les chaînes en clair pourraient puiser dans ce corpus de films des titres disponibles sur le marché et n’étant pas soumis à l’exercice de clauses de priorité et de préemption.
2.2.2.2 Focus sur les diffusions des films français ayant réalisé les meilleures audiences sur les chaînes gratuites
Les films coproduits par les chaînes en clair représentent une très large part des meilleures audiences réalisées par les films français : en moyenne sur la période 2012-2014, 70% des films français qui apparaissent dans les 40 meilleures audiences par chaîne sont des films coproduits (soit 112 films sur 160 films).
Parmi les 160 films français ayant réalisé les 40 meilleures audiences par chaîne :
- 74 films sont des films cofinancés par le groupe qui les a effectivement diffusés (46%) :
- s’agissant des chaînes «historiques», 69% des films présents dans le palmarès sont des films cofinancés par le groupe les ayant diffusés. Ce constat peut ici s’expliquer par la présence dans le palmarès de films inédits ou récents dont les fenêtres de diffusion ont été acquises au stade du préfinancement.
- s’agissant des chaînes de la TNT, seuls 19% des films présents dans le palmarès des meilleures audiences sont des films qui ont été effectivement cofinancés par le groupe qui les a diffusés. Ce constat est principalement dû à la présence, dans le classement des meilleures audiences cinéma, de films anciens qui ne bénéficient pas du financement des chaînes gratuites.
- 48 films ne sont pas coproduits parmi lesquels 38 sont des films anciens (produits dans les années 60 ou 70 en majorité) qui ne bénéficiaient pas à leur époque de production de financement de la part des chaînes, et 10 sont des films produits après 1990 sans financement des télévisions gratuites32.
Parmi les 112 films coproduits par une chaîne en clair et présents dans les 160 films ayant réalisé les 40 meilleures audiences par chaîne, 74 sont diffusés sur la chaîne qui les a cofinancés (ou sur une chaîne de son groupe) soit 62% :
- Cette proportion est de 86% sur les chaînes «historiques» compte tenu du grand nombre de premières fenêtres de diffusion de films coproduits, dont la plupart sont acquises au stade du préfinancement du film.
- Les chaînes de la TNT 2005 adossées aux groupes TF1 et Métropole Télévision présentent, dans leurs meilleures audiences de films français une large part de films coproduits par leur chaîne-mère (83% pour TMC, 100% pour NT1 et 75% pour W9).
Les films français ayant réalisé les meilleures audiences sur les chaînes D8, D17, NRJ 12 et Numéro 23, non adossées à des chaînes hertziennes «historiques», sont également majoritairement des films cofinancés par les chaînes «historiques» en clair bénéficiant du mécanisme des clauses de priorité et de préemption (50% sur D8, 63% du D17, 100% sur NRJ 12 et Numéro23).
L’intégralité des films diffusés sur NRJ 12 et Numéro 23 et présents dans le palmarès des meilleures audiences sont des films cofinancés par les groupes «historiques» gratuits et grevés des clauses de priorité et de préemption. Sur les 21 films cofinancés et présents dans le palmarès des meilleures audiences de D8, D17, NRJ 12 et Numéro 23, 13 sont des films cofinancés par TF1 ; les autres l’ont été par France 2, France 3 ou M6.
2.2.2.3 Focus sur les chaînes D8, NRJ 12, TMC et W9
Les chaînes D8, NRJ 12, TMC et W9 diffusent chacune annuellement un nombre élevé de films français33. Comme les autres chaînes de la TNT 2005, elles rediffusent souvent le même film d’une année sur l’autre et/ou la même année.
En effet, les contrats d’achats de droits sont très souvent négociés pour une multidiffusion du film c’est-à-dire deux passages dans une durée d’un mois avec parfois l’obligation que la seconde diffusion s’effectue en seconde partie de soirée. NRJ 12 est la chaîne qui rediffuse le plus les films qu’elle programme.
Cette pratique de la multidiffusion n’est pas mise en œuvre par les chaînes hertziennes «historiques» à l’exception d’Arte ou, de manière plus limitée, par M6.
L’offre de films cofinancés par une chaîne en clair
82% des films français diffusés sur D8, NRJ 12, TMC et W9 en première partie de soirée sont des films coproduits par les chaînes en clair «historiques», TF1, France 2, France 3 ou M6.
45% des films diffusés coproduits l’ont été par TF1, cette chaîne coproduisant des œuvres cinématographiques adaptées à une programmation en première partie de soirée (acteurs connus, bons résultats en salles, films tout publics…).
Les chaînes D8 et NRJ 12, ne diffusent pas une proportion plus élevée de films non coproduits que la moyenne des quatre chaînes qu’elles forment avec TMC et W9. W9 est la chaîne qui en 2014 a diffusé le plus de films non coproduits (7 films) même si la proportion de ces films sur le total des films diffusés reste faible (23% des films diffusés).
L’intégralité des films non coproduits diffusés par D8 et D17 sont des films anciens dont le financement lors de leur production ne reposait pas sur des investissements des chaînes de télévision. Pour alimenter leur grille, ces chaînes n’ont pas eu recours en 2014 à des films récents non coproduits.
L’offre de films inédits
L’offre de films inédits sur les chaînes en clair est majoritairement originaire des Etats Unis.
L’offre de films inédits français sur les chaînes en clair se concentre sur les chaînes hertziennes «historiques» qui diffusent à ce titre les films qu’elles ont préfinancés et dont elles ont acquis la première fenêtre de diffusion : ainsi sur 114 films inédits diffusés en 2014, 89 ont été diffusés sur TF1, France 2, France 3 ou M6 (soit 78%).
Ces films français inédits sont à 67% des films coproduits par les chaînes en clair (77 films). En excluant les 8 films inédits non coproduits sortis en salles avant les années 1970 et qui sont des films de patrimoine, ce ne sont que 31 films français inédits non coproduits qui ont été diffusés sur l’ensemble des chaînes en clair, chacune d’elles diffusant par an un nombre très faible de ces titres (entre 1 et 3) à l’exception de France 4 qui en a diffusé 7.
Les chaînes récentes de la TNT diffusent une faible part de films français inédits : D8, NRJ 12, TMC et W9 ont diffusé en moyenne un à deux films inédits par an, tous non coproduits, à l’exception de 2 films inédits diffusés sur TMC en trois ans et qui ont été coproduits par TF1.
Compte tenu du faible nombre de films inédits diffusés sur ces 4 chaînes, ces dernières s’approvisionnent donc très majoritairement sur le marché des films de catalogue.
L’offre de films récents
Si la part de films français inédits diffusés est très faible, la part des films diffusés ayant moins de 10 ans apparait également peu élevée.
En effet, si l’on étudie les 1880 films français diffusés depuis quatre ans sur les quatre chaînes D8, NRJ 12, TMC et W9, 23% ont moins de 10 ans (426 films).
Il ressort de l’étude par année de production des 426 films ayant moins de 10 ans diffusés sur chacune de ces chaînes que les films français diffusés sur NRJ 12 et W9 sont plus récents que ceux diffusés sur D8 et TMC.
Le nombre de diffusions de films français produits avant 1990 est bien supérieur sur D8 que sur les trois chaînes concurrentes NRJ 12, TMC et W9.
La chaîne NRJ 12 n’a, quant à elle, diffusé aucun film produit avant les années 90.
Offre de films selon leur nombre de rentrées en salles
Si l’on s’attache à étudier le nombre d’entrées des films produits depuis moins de 10 ans diffusés en 2014 par D8, NRJ 12, TMC et W9, il apparait que les films diffusés sur TMC et W9 ont eu plus de succès en salles que les films diffusés sur D8 et NRJ 12.
L’intégralité des 7 films diffusés sur W9 et ayant réalisé plus de 2 millions d’entrées sont des films préfinancés par M6.
Sur TMC, 6 des 7 films ayant réalisé plus de 2 millions d’entrées sont des films préfinancés par TF134.
2.2.3 La position des différents groupes audiovisuels dans l’achat de droits de diffusion des œuvres cinématographiques EOF
Malgré une baisse du nombre de films acquis globalement par D8, TMC et W9 entre 2012 et 2014, les sommes investies dans l’achat de droits de ces films augmentent de 20% sur la même période.
Cette augmentation s’explique par la forte augmentation sur la période des investissements de D8, qui passent de (…) euros à (…) euros (soit + 64%).
L’investissement moyen par film de D8 a doublé entre 2012 et 2014, mais reste inférieur à celui des chaînes TMC et W9.
Cet investissement moindre par film pourrait expliquer que les films diffusés en 2014 sur cette chaîne sont moins récents que ceux diffusés par les chaînes concurrentes étudiées (54% de films produits avant 1990 contre 23% sur TMC et 33% sur W9) et ceux produits après 1990 ont réunis moins de spectateurs en salles que ceux programmés sur TMC et W9 (cf. Tableau n°24).
Le « coût de case » en 2014 de D8 pour la diffusion de films EOF en première partie de soirée reste inférieur à celui de TMC ( (…) euros contre (…) euros pour TMC)35.
Enfin, compte tenu des prix pratiqués sur le marché des chaînes de la TNT, qui sont 10 fois moins élevés que ceux pratiqués par les chaînes hertziennes «historiques» ( (…) euros de prix moyen pour la diffusion sur TF1 en première partie de soirée d’un film EOF contre (…) euros sur TMC36), les distributeurs ne concentrent pas, dans un premier temps, leurs efforts de vente sur ces chaînes. En tout état de cause, les distributeurs, dans une logique d’efficacité, ciblent leurs propositions d’acquisition sur les chaînes susceptibles d’être les plus intéressés et ayant les moyens financiers de les acquérir au meilleur prix.
2.2.4 Identité et offre des détenteurs de droits et des titulaires de mandats de distribution
Sur le marché des achats de droits de diffusion de films français aucune segmentation ne peut être opérée entre marché payant et marché gratuit, puisque ces films peuvent être vendus indistinctement à une chaîne payante ou à une chaîne gratuite. En effet, la chronologie des médias ne distingue pas entre les droits gratuits et payants pour ces films.
En France, le marché de la vente de films est atomisé.
Le groupe Canal Plus est actif comme vendeur, à travers sa filiale StudioCanal. Les autres groupes hertziens possèdent également des catalogues de droits et des structures de distribution : TF1 International (ou TF1 DA) pour le groupe TF1, France Télévisions Distribution (FTD) pour le groupe France Télévisions et SND pour le groupe Métropole Télévision.
Le groupe Orange, via sa filiale Orange Studio, détient également un catalogue de films et a mis en place une structure de vente37.
Les sociétés de production d’œuvres cinématographiques comme Pathé, Gaumont, UGC, EuropaCorp, disposent également de structures de distribution, afin de commercialiser les droits des films qu’elles ont produits ou dont elles ont négocié les mandats auprès des détenteurs de droits.
Peu d’informations précises sont disponibles sur la composition effective des catalogues, sur le nombre d’œuvres cinématographique disponibles pour le marché français ou sur la répartition des titres par nationalité.
Les données disponibles ci-dessous sont des estimations, à partir des informations réunies par le Conseil.
StudioCanal exploite le catalogue le plus important sur le marché français, avec plus de 5 000 films, lui octroyant ainsi un avantage concurrentiel qui a notamment été examiné par la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, et qui a donné lieu à des engagements de la part du groupe Canal Plus.
Les auditions menées par le Conseil ont confirmé le rôle d’animation du marché joué par les titulaires des mandats de distribution, qui pilotent généralement les négociations avec les chaînes.
A ce titre, les distributeurs ont indiqué procéder à une sélection des chaînes auxquelles le film est proposé, sous réserve du mécanisme des clauses de priorité et de préemption. Cette sélection semble s’effectuer sur des critères divers, tels que la puissance d’achat des chaînes, leur potentiel d’audience, leur identité et ligne éditoriale, leur volonté de mise en avant du film etc.
2.2.5 Conclusion sur l’analyse concurrentielle
Le Conseil relève ainsi, que si le nombre de films diffusés par chaînes a diminué ces dernières années, le genre cinématographique reste un programme essentiel dans la composition des grilles des chaînes généralistes. A ce titre, le Conseil précise également que si le cinéma français participe de manière marginale à l’audience globale de l’ensemble des chaînes, les films français peuvent contribuer sensiblement aux meilleures audiences cinéma des chaînes. Parmi eux, ceux réalisant les meilleures audiences sont en majorité des films coproduits par les groupes «historiques».
S’agissant de l’investissement des chaînes gratuites dans le préfinancement des films français, le Conseil relève que si la part de financement total des chaînes en clair dans le total des sommes investies dans les films français peut apparaître relativement faible (entre 7% et 9%), leur apport est cependant essentiel dans le financement des films ayant les budgets les plus élevés, et qui, souvent, réalisent les meilleures performances en salles.
En moyenne sur la période 2012-2014, les groupes TF1, France Télévisions et M6 cumulent à eux trois 92 % des investissements réalisés par les chaînes en clair dans le préfinancement de films français. Au sein des groupes, ce sont les chaînes hertziennes «historiques» qui réalisent l’essentiel des investissements dans le cinéma, les chaînes de la TNT 2005 et 2012 investissant en préachat des sommes qui restent plus modestes. En effet, les chaînes de la TNT 2005 et 2012 interviennent rarement dans le préachat de première fenêtre de diffusion. Les chaînes TMC, NT1, HD1 et W9 préachètent quasi systématiquement les deuxièmes et troisièmes fenêtres de films dont leur chaîne-mère a préacheté les premières fenêtres de diffusion. Le Conseil relève néanmoins la progression de la chaîne D8 dans le préfinancement d’œuvres cinématographiques (augmentation de 60 % sur 3 ans en nombre de films, doublement du montant d’investissement entre 2012 et 2014). Ces montants restent toutefois bien moindres que ceux investis par les groupes TF1, M6 et France Télévisions au stade du préfinancement.
S’agissant de la diffusion d’œuvres cinématographiques françaises, le Conseil constate que sur les 28 chaînes gratuites nationales, 21 diffusent régulièrement des œuvres cinématographiques, et, en raison des quotas de diffusion, des œuvres cinématographiques françaises. A ce titre, le Conseil souligne que les chaînes en clair diffusent une majorité de films coproduits par les groupes «historiques» (56 %), qui représentent par ailleurs une part importante des meilleures audiences réalisées par les films français. Le Conseil relève en outre que les chaînes de la TNT 2005 et 2012 diffusent une faible part de films français inédits ainsi que de films de moins de 10 ans. A ce titre, les films français diffusés sur NRJ 12 et W9 sont plus récents que ceux diffusés sur D8 et TMC.
Enfin, s’agissant de l’achat de droits de diffusion, malgré une baisse du nombre de films acquis globalement par D8, TMC et W9 entre 2012 et 2014, les sommes investies dans l’achat de droits de ces films augmentent de 20 %. Le Conseil constate en outre que l’investissement moyen par film de D8 a doublé entre 2012 et 2014, mais reste inférieur à celui des chaînes TMC et W9.
3. Les pratiques
3.1 L’objet des pratiques
La qualification d’une pratique d’entente anticoncurrentielle nécessite la réunion de trois éléments constitutifs :
- Un élément intentionnel qui correspond à l’existence d’un concours de volonté entre entreprises juridiquement et économiquement distinctes.
- Un élément matériel qui correspond à l’atteinte au fonctionnement du marché. L’article L. 420-1 du Code de commerce prohibe en effet les ententes qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ».
- Un lien de causalité entre ces deux éléments.
Sur l’élément intentionnel de l’entente
Si la forme juridique des ententes est totalement neutre du point de vue de leur contrôle, toutes les ententes supposent en revanche un concours de volonté, même non formalisé. Ainsi, pour qu’une pratique soit sanctionnée, il importe que « les entreprises aient librement et volontairement participé à une action concertée en sachant qu’elle avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »38.
Le Tribunal de Première Instance rappelle également que « la preuve d’un accord doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés sur la mise en pratique d’une politique, la recherche d’un objectif ou l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché »39.
Sur l’élément matériel de l’entente
Outre l’élément intentionnel, une entrave à la concurrence est nécessaire pour qu’une pratique soit qualifiée d’entente anticoncurrentielle. Cette entrave à la concurrence peut résulter de l’objet même de la pratique ou de ses effets.
Les textes applicables et la jurisprudence n’exigent pas que le critère de l’objet anticoncurrentiel et de l’effet anticoncurrentiel soient cumulativement vérifiés pour qu’une entente puisse être jugée contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce et à l’article 101 du TFUE.
Selon la Cour de Justice des Communautés Européennes40, il est donc nécessaire d’opérer un examen en deux étapes :
- La première consiste dans l’examen de l’objet même de la pratique, apprécié dans son contexte économique et des altérations du jeu de la concurrence qui en sont la conséquence logique. Si cet objet révèle un degré suffisant de nocivité, il n’est pas utile d’en rechercher les effets ;
- Si cette analyse ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il s’avère nécessaire d’examiner les effets des pratiques pour en déterminer le caractère anticoncurrentiel.
3.1.1 Objet des clauses de priorité et de préemption dans les contrats de coproduction et de préachat de films EOF
3.1.1.1 Le mécanisme des clauses de priorité et de préemption
Les mécanismes prévus par les clauses de priorité, d’une part, et de préemption, d’autre part, sont complémentaires et doivent être analysés de manière parallèle.
Dans un premier temps, le libellé des clauses prévoit que le titulaire des droits s’engage à proposer en priorité au groupe audiovisuel ayant préfinancé le film les cessions de droits de diffusion en clair ultérieures aux fenêtres préachetées. Le groupe pré-financeur, par l’intermédiaire de sa filiale de production ou par l’intermédiaire de l’une de ses sociétés éditrices, bénéficie alors d’un délai (généralement de 15 jours) pour faire part de sa décision d’acquérir ou non les droits de diffusion du film à l’issue d’une négociation avec le distributeur dans les conditions du marché : il s’agit du mécanisme de la clause de priorité.
Dans un second temps et à défaut d’accord, le titulaire des droits ou du mandat de distribution s’engage à communiquer au groupe bénéficiant des clauses toute offre ferme d’achat qui lui aura été faite par toute chaîne émettant en langue française ou en version sous-titrée française et couvrant le territoire français métropolitain en tout ou en partie. A ce stade, le groupe pré- financeur dispose de la possibilité de préempter à conditions égales et d’un délai de 15 jours pour faire part de sa décision : il s’agit du mécanisme de la clause de préemption.
Les conditions d’exercice de ce droit sont néanmoins strictement encadrées par les contrats de coproduction et de préachat : outre le prix, l’ensemble des conditions proposées par la chaîne tierce doivent être appliquées à l’identique par le groupe choisissant d’exercer son droit de préemption. Il s’agit notamment de la nature des droits cédés, des territoires, du nombre de diffusions, de la durée des droits (et des périodes de diffusion), des modalités de paiement etc.
Cette contrainte qui pèse sur le droit de préemption vient en limiter l’exercice effectif.
A ce titre et dans le cadre des auditions menées par le Conseil, un distributeur a indiqué qu’au regard, notamment, des contraintes de date de diffusion et de leurs grilles de programmes généralement préétablies en amont, certains groupes ne pouvaient pas exercer leur droit de préemption sur certaines offres, laissant ainsi la possibilité à un groupe tiers de diffuser l’œuvre. Cependant, à l’issue de cette diffusion sur une chaîne tierce, le groupe cofinanceur se verra à nouveau proposer en priorité les droits de diffusion et, à défaut d’accord, aura à nouveau la possibilité de préempter ces droits en cas de nouvelle offre concurrente. Si le groupe cofinanceur est toujours intéressé par une diffusion de l’œuvre cinématographique sur une de ses antennes, la probabilité selon laquelle il ne pourrait à nouveau, en pratique, pas préempter les droits en raison de nouvelles contraintes de diffusion reste très marginale, et l’œuvre réintègrera les chaînes du groupe cofinanceur.
Le Conseil souligne en outre qu’aucune limitation de durée n’est spécifiée s’agissant de la validité de ces clauses, ces dernières bénéficiant indéfiniment aux groupes cofinanceurs de l’œuvre. De la même manière, le libellé de ces clauses permet d’en faire bénéficier l’ensemble des chaînes du groupe qui a cofinancé l’œuvre (y compris en l’absence de financement de leur part).
S’agissant de l’impact de ces clauses sur les négociations avec les titulaires des mandats de distribution et sur le prix des droits de diffusion, les éléments portés à la connaissance du Conseil ne permettent pas de conclure à une déflation des prix qui serait la conséquence directe du mécanisme prévu par les clauses.
En effet, au cours des auditions, les acteurs du secteur ont indiqué que la négociation avec les éditeurs se déroulait, en pratique, dans les conditions suivantes :
- Dès lors que les fenêtres préachetées sont arrivées à expiration, le distributeur se rapproche du groupe cofinanceur dans le cadre de son droit de priorité. Le distributeur et l’éditeur négocient alors pour des droits de diffusions ultérieures aux conditions du marché ;
- Si le distributeur n’est pas satisfait de l’offre qui lui est faite par le groupe cofinanceur et qu’il pense pouvoir vendre ces droits de diffusion à un prix supérieur ou à de meilleures conditions (s’agissant de l’exposition de l’œuvre, de l’audience de la chaîne, de sa marque etc.), le distributeur contacte des groupes et/ou des chaînes concurrents. S’ouvre alors une phase de négociation entre le distributeur et les chaînes tierces ;
- Si le distributeur est satisfait par le prix et les conditions proposées par une chaîne tierce, cette dernière va lui transmettre une offre ferme, qui sera transmise à son tour au groupe cofinanceur dans le cadre du droit de préemption dont il bénéficie ;
- A ce stade, soit le groupe cofinanceur décide d’utiliser son droit de préemption à un prix et des conditions strictement identiques et l’œuvre sera diffusée sur une chaîne du groupe cofinanceur, soit le groupe cofinanceur n’exerce pas son droit de préemption et l’œuvre sera diffusée sur la chaîne tierce qui a fait l’offre.
Ces clauses mettent un terme aux négociations qui pourraient avoir lieu entre deux chaînes intéressées par le même film, la chaîne ne bénéficiant pas de la clause de préemption ne pouvant pas surenchérir par rapport à l’offre ferme qu’elle a émise et qui a été soumise à la chaîne bénéficiant des clauses et qu’elle peut exercer à cette condition de prix. Le prix accepté est celui que le distributeur considère comme étant le juste prix, et objet de l’offre ferme.
Ainsi, et malgré les contraintes imposées par le libellé des clauses, ce mécanisme constitue un réel avantage concurrentiel pour le groupe cofinanceur, qui reste en mesure de conserver indéfiniment, s’il le souhaite, et pour l’ensemble de ses antennes (y compris celles n’ayant pas participé au financement de l’œuvre ou ayant participé pour des sommes modestes), les droits de diffusion des films qu’il a cofinancé à condition qu’il accepte le prix proposé par le distributeur dans le cadre de la mise en œuvre de la clause de priorité, ou celui inscrit dans l’offre ferme émise par un éditeur tiers (ainsi que les conditions d’exercice des droits) dans le cadre de la mise en œuvre de la clause de préemption.
Les chaînes n’ayant pas participé au préfinancement d’un film et qui ne sont pas adossées à un groupe dont la chaîne « mère » a participé au préfinancement du film ne bénéficient pas, par conséquent, des clauses de priorité et de préemption, et ne peuvent tirer parti de l’avantage concurrentiel qui en résulte.
Ces chaînes non adossées ne pourront donc présenter des offres fermes d’achat aux distributeurs que dans les cas où :
- le groupe cofinanceur n’a pas souhaité obtenir les droits de diffusion pour une de ses antennes pour des raisons qui lui sont propres41 ;
- le groupe cofinanceur n’a pas trouvé un accord financier avec le distributeur au stade de l’exercice du droit e préemption. Dans cette hypothèse, la chaîne qui présente l’offre ferme reste tributaire de la décision du groupe cofinanceur de préempter les droits de diffusion à conditions égales42 . Le Conseil relève également que ce mécanisme permet ainsi au groupe préfinanceur d’avoir accès à l’ensemble des conditions d’acquisitions des droits de diffusion du concurrent qui réalise l’offre.
En outre, comme le Conseil l’a préalablement relevé, les clauses de priorité et de préemption ne sont soumises à aucune limitation de durée et les groupes participant au préfinancement des œuvres en bénéficient indéfiniment. Dès lors, un refus du groupe cofinanceur d’obtenir les droits de diffusions ultérieures aux fenêtres préachetées ne peut être analysé comme une renonciation définitive au bénéfice de ces clauses. Ainsi, le groupe ou la chaîne tiers, à l’issue de la diffusion qu’il a pu obtenir, se trouvera à nouveau dans une situation de dépendance vis-à-vis de la décision du groupe cofinanceur de l’œuvre d’acquérir -ou non- les droits.
3.1.1.2 La justification des clauses de priorité et de préemption
Les diffuseurs justifient l’inclusion dans les contrats de clauses de priorité et de préemption comme étant d’une part un attribut du droit de propriété qu’ils acquièrent dans la cadre de la coproduction et, d’autre part, une contrepartie du risque pris lors du financement de l’œuvre, la décision de cofinancement intervenant en amont de la production effective de l’œuvre.
Dans le cadre des auditions menées par le Conseil, les syndicats de producteurs d’œuvres cinématographiques n’ont pas estimé que la présence de clauses de priorité et de préemption dans les contrats de coproduction était illégitime, considérant qu’elles permettent une sécurisation de l’approvisionnement des chaînes, et constituent une juste contrepartie de leurs investissements dans la coproduction des œuvres.
Il est, à ce stade, utile de rappeler que l’inclusion de clauses de priorité et de préemption dans les contrats de coproduction ou de préachat d’œuvres cinématographiques est une pratique strictement contractuelle43. Les décrets « production », qui encadrent les obligations d’investissement dans la production d’œuvres cinématographiques des chaînes, ne font aucunement mention de ces clauses. Elles ne sont pas réglementairement considérées comme une contrepartie à l’investissement en préfinancement des chaînes.
L’étude des pratiques contractuelles actuellement mises en œuvre par les diffuseurs montre une déconnexion de plus en plus évidente entre le statut de copropriétaire de l’œuvre (via la coproduction) et le fait de négocier des clauses de priorité et de préemption.
Originellement, seule la chaîne dont la filiale de production intervenait en tant que coproducteur des œuvres qu’elle avait préacheté pouvait bénéficier de la mise en œuvre des clauses de priorité et de préemption. Ces dernières étaient négociées uniquement dans les contrats de coproduction signés par la filiale de production des chaînes hertziennes «historiques» (TF1 Production, France 2 Cinéma, France 3 Cinéma et M6 Films).
Avec la constitution à partir de 2005 de groupes audiovisuels regroupant plusieurs chaînes en clair, les chaînes hertziennes «historiques» de chacun de ces groupes ont étendu le bénéfice de ces clauses aux chaînes en clair filiales, y compris lorsque celles-ci ne sont pas cofinanceuses de l’œuvre.
En outre, les chaînes filiales peuvent également être les bénéficiaires directes de ces clauses lorsque les chaînes négocient les contrats de préachat de deuxièmes ou troisièmes fenêtres de diffusion, sans pour autant intervenir en tant que coproducteurs. Ainsi, ces clauses figurent dans l’intégralité des contrats de préachat signés depuis 2011 par W9 (soit 23 films44), alors même que cette chaîne n’intervient jamais en tant que coproducteur, rarement en tant que préacheteur de premières fenêtres de diffusion, et pour des montants de préachats qui sont très inférieurs à ceux pratiqués par les chaînes en clair «historiques».
En revanche, TMC n’intègre des clauses de priorité et de préemption dans ses contrats de préachats, que pour les films pour lesquels elle a préacheté la première fenêtre de diffusion en clair. Sur les 33 contrats de préachats signés par TMC depuis 2011, 4 d’entre eux contenaient des clauses de priorité et de préemption, tous acquis pour une première fenêtre de diffusion et sur lesquels TMC était la seule chaîne en clair préfinanceuse45.
D8 s’est engagé, dans le cadre de la décision n°14-DCC-50 du 2 avril 2014, à n’inclure des clauses de priorité et de préemption que dans les seules œuvres cinématographiques pour lesquelles elle a acquis la première fenêtre de diffusion en clair. Toutefois, ces engagements prennent fin en juillet 201746.
Les chaînes filiales des chaînes hertziennes «historiques» bénéficient donc des clauses de priorité et de préemption, soit indirectement parce qu’elles ont été négociées par leur chaîne « mère », soit directement, dans de contrats de préachats souvent négociés de façon groupée avec les chaînes hertziennes «historiques» de leur groupe.
Cet avantage concurrentiel dont bénéficient les groupes TF1, France Télévisions et M6 pourrait cependant être perçu comme représentant une juste contrepartie des investissements élevés de ces groupes dans la production d’œuvres cinématographiques (cf. Tableau n°12).
Les chaînes TF1 et M6 ont en effet à plusieurs reprises alerté le Conseil sur le manque de rentabilité de leurs investissements dans le préfinancement d’œuvres cinématographiques, conduisant à des pertes annuelles considérables pour leurs chaînes. Elles s’interrogent régulièrement sur l’efficacité économique de leurs investissements et leur pérennité, a fortiori dans la période actuelle de contraction de la demande des annonceurs et la rétraction de leurs recettes publicitaires.
Afin de renforcer sa connaissance dans l’appréhension de cette problématique, le Conseil a mené une étude visant à fournir quelques éléments chiffrés permettant de mesurer « l’efficacité » économique de l’investissement des chaînes en préachats d’œuvres cinématographiques d’expression originale française47. Cette étude a permis de conclure que peu de films réalisaient, lors des diffusions télévisuelles prévues dans le cadre du contrat de préachat, des recettes publicitaires supérieures aux montants accordés dans le cadre des préachats afin d’obtenir les droits de diffusion desdits films. Cette étude a également souligné que, si ce calcul de rentabilité est effectué en mutualisant l’ensemble des préachats entre chaînes préfinanceuses d’un même groupe (et donc en analysant l’ensemble des diffusions effectuées sur les chaînes d’une même groupe), « l’efficacité » des films préachetés s’améliore de façon non négligeable48.
Lors des auditions menées par le Conseil dans le cadre de la présente saisine, les responsables des grands groupes audiovisuels en clair ont par ailleurs affirmé que l’exercice des droits de priorité et de préemption, en sécurisant la diffusion sur leur différentes antennes de titres porteurs qu’ils avaient préfinancés, permettait de rentabiliser les investissements effectués dans le préfinancement que les seules diffusions des fenêtres préachetées ne permettent que rarement.
Dans un contexte de réduction des recettes publicitaires des chaînes «historiques» gratuites, et de baisse depuis plusieurs années de diffusion de films49, le Conseil souligne l’importance de ces clauses qui constituent l’un des facteurs centraux de la pérennité du financement dans la production cinématographique.
3.1.1.3 L’analyse juridique des clauses de priorité et de préemption
Les clauses de priorité et de préemption contenues dans les contrats de coproduction et de préachat d’œuvres cinématographiques EOF ont notamment été examinées par l’Autorité de la concurrence dans le cadre de la décision n°10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative au rachat de TMC et NT1 par le groupe TF1.
L’Autorité a considéré dans cette décision qu’ « en ce qui concerne les œuvres cinématographiques EOF, TF1 s’engage également à ce que, lorsque les contrats en cours ou les nouveaux contrats prévoient qu’il bénéficie d’un droit de préemption, ce droit soit compris comme un droit de préférence à conditions au moins égales vis-à-vis d’une offre concurrente »50.
Dès lors, l’Autorité, en qualifiant ces clauses de « droit de préférence à conditions au moins égales » et en conditionnant leur exercice effectif au respect d’un certain nombre d’engagements, semble avoir reconnu leur validité intrinsèque.
Ainsi, l’exercice de ce droit de préemption était conditionné par l’engagement de TF1 :
- à préempter à des conditions au moins égales à celle de l’offre concurrente ;
- à diffuser les œuvres concernées dans un certain délai et dans un certain créneau horaire :
- lorsque ce droit était exercé au profit de la chaîne TF1, TF1 s’engageait à effectuer au moins une diffusion commençant entre 8h00 et 23h59 de cette œuvre cinématographique EOF pendant la période de droits acquise au titre du droit de préemption, qui ne saurait excéder trois (3) années calendaires ;
- lorsque ce droit était exercé au profit des chaînes TMC ou NT1, TF1 s’engageait à effectuer au moins une diffusion commençant entre 8h00 et 23h59 de cette œuvre cinématographique EOF pendant la période de droits acquise au titre du droit de préemption, qui ne saurait excéder dix-huit (18) mois calendaires.
En outre, cette décision de l’Autorité a été confirmée par le Conseil d’Etat qui relève, s’agissant des engagements pris par le groupe TF1 relatifs aux conditions d’exercice des clauses de premier et dernier refus et de préemption, que « de tels engagements sont toutefois de nature à limiter les pratiques de « gel des droits » et contribuent ainsi à limiter les difficultés d’accès à ces droits des chaînes de la TNT qui ne sont liées à aucun groupe “historique ” » 51.
Enfin, ces clauses ont été une nouvelle fois évoquées par l’Autorité dans le cadre de la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus. A ce titre, elles ont été considérées par l’Autorité comme étant une limitation à la capacité du groupe Canal Plus à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de l’accès aux droits de films de catalogue EOF sur les chaînes gratuites52.
Si la pratique décisionnelle récente de l’Autorité semble avoir confirmé la validité de ces clauses, le Conseil souhaite cependant, dans le cadre de la saisine, apporter un certain nombre d’éléments supplémentaires s’agissant de l’appréciation juridique de ces clauses, et notamment s’agissant de leurs effets sur la transparence du marché.
En effet, l’Autorité de la concurrence a souligné que la clause de préférence « introduite dans le contrat signé avec TF1 au seul bénéfice de la société TDF, pouvait permettre à cette dernière de se faire communiquer les conditions proposées par ses concurrents et de faire une offre comparable, voire largement inférieure, à la meilleure de ces offres » et que, dès lors, « son objet et sa potentialité d’effet anticoncurrentiel sont avérés »53.
L’Autorité a également relevé dans le cadre de sa décision n° 95-D-39 du 30 mai 1995 que le bénéficiaire de la clause « connaît à tout moment l'identité et le montant des offres de ses concurrents et à la garantie de pouvoir toujours conserver son espace sans avoir à surenchérir sur une offre concurrente » et « qu'à l'inverse, un concurrent désirant obtenir la location d'un espace précédemment loué à une autre entreprise ne sera jamais assuré, même s'il surenchérit, de pouvoir obtenir l'espace convoité »54.
La Commission Européenne, dans le cadre de son glossaire de droit de la concurrence, considère que les « clauses anglaises »55, dont la mise en œuvre est très proche des clauses de priorité et de préemption, tendent à accroître la transparence entre fournisseurs concurrents et à faciliter les collusions, notamment lorsque ces clauses font obligation au client de révéler le nom de l’autre fournisseur. A titre d’exemple, suite à l'enquête menée par la Commission Européenne dans le secteur des gaz industriels, les producteurs Air Liquide SA, AGA, AB, Union Carbide, BOC Ltd, Air Products Europe Inc., Linde AG, Messer Griesheim GmbH, ont modifié les clauses contenues dans leurs contrats de vente et ont notamment supprimé les clauses anglaises ou, lorsqu’elle était exigée par le client, se sont engagés à préserver l’identité du concurrent qui a fait une offre plus favorable56.
3.1.2 L’effet cumulatif des clauses de priorité et de préemption
Le groupe Canal Plus considère que le caractère anticoncurrentiel de l’insertion de clauses de priorité et de préemption par les groupes TF1, France Télévisions et Métropole Télévision dans leurs contrats de coproduction et de préachat, résulte de l’effet cumulatif des dites clauses.
La question de la caractérisation d’un effet cumulatif des contrats revient à se demander s’il y a lieu, pour apprécier si les contrats litigieux sont interdits par l’article 101 du TFUE, « de tenir compte du contexte économique et de l’ensemble du marché, c’est-à-dire en l’espèce, de l’existence simultanée d’un grand nombre de contrats du même genre » ou s’il faut « s’en tenir à l’examen des effets exercés sur le marché par lesdites conventions envisagées isolément »57.
La Cour de Justice a considéré que « l’existence de contrats similaires est une circonstance qui, avec d’autres, peut former un ensemble constitutif du contexte économique et juridique dans lequel le contrat doit être apprécié ; que si cette situation doit donc être prise en considération, elle ne saurait cependant être à elle seule, considérée comme déterminante ; qu’il ne s’agit là en effet, que d’un élément parmi d’autres pour savoir si, par le moyen d’une éventuelle altération du jeu de la concurrence, le commerce entre Etats-membres est susceptible d’être affecté »58.
Ainsi, dans le cas de l’application de l’effet cumulatif des contrats, les pratiques anticoncurrentielles ne résultent pas d’un accord de volontés de plusieurs concurrents visant à s’entendre, mais de la mise en œuvre indépendante de plusieurs contrats identiques et dont l’effet cumulatif est restrictif de concurrence59.
La prise en compte de cet effet cumulatif est également mentionnée dans le règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité de fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. En effet, le règlement précise que « pour déterminer si le bénéfice de l’application du présent règlement doit être retiré en vertu de l’article 29 du règlement CE n° 1/2003, les effets anti-concurrentiels qui peuvent résulter de l’existence de réseaux parallèles d’accords verticaux ayant des effets similaires qui restreignent de manière significative l’accès à un marché en cause ou la concurrence à l’intérieur de celui-ci, sont particulièrement importants. Ces effets cumulatifs peuvent, par exemple, se produire dans le cas de la distribution sélective ou des obligations de non concurrence ». Il pourrait ainsi y avoir retrait du bénéfice de l’exemption si l’accès au marché est restreint de façon significative par l’effet cumulatif de réseaux parallèles similaires.
Néanmoins, la Cour de Justice considère que si l’examen de l’ensemble des contrats similaires révèle que le marché en cause est difficilement accessible, il convient alors d’apprécier dans quelle mesure les contrats conclus par l’opérateur concerné contribuent de manière effective à l’effet cumulatif produit par l’ensemble des contrats60.
De la même manière, la Cour de cassation souligne la nécessité de « rechercher concrètement si le contrat litigieux, compte tenu de ses spécificités, contribue de manière significative à l’effet de blocage produit par l’ensemble de ces contrats, compte tenu de leur contexte économique et juridique »61.
Dès lors, un contrat ne peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en application de la théorie de l’effet cumulatif que lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :
- En premier lieu, il faut que le marché soit difficilement accessible pour des concurrents qui souhaiteraient s’implanter sur ce marché. Dans le cadre de cet examen, l’existence de contrats similaires qui produisent un effet cumulatif est un facteur d’analyse parmi d’autres pour apprécier si l’accès au marché en est effectivement difficile62 .
- En second lieu, il faut que le contrat litigieux contribue de manière significative à l’effet de blocage produit par l’ensemble de ces contrats dans leur contexte économique et juridique.
Ainsi, afin de déterminer si les accords entre les éditeurs et les détenteurs de droits contenant des clauses de priorité et de préemption sont constitutifs d’une pratique anticoncurrentielle en raison de leur effet cumulatif, il convient de déterminer :
- Si ces accords rentrent dans le champ d’application de l’article 101 du TFUE. Cette condition n’appelle pas de difficulté particulière dans la mesure où le règlement n° 330/2010 de la Commission Européenne relatif aux accords verticaux précise que rentrent dans le champ d’application de l’article 101 les « accords verticaux d’achat ou de vente de biens ou de services lorsque ces accords sont conclus entre entreprises non concurrentes, entre certaines entreprises concurrentes ou par certaines associations de détaillants de biens ».
- Si le marché de l’achat de droits de diffusion de films français est difficilement accessible pour des concurrents, notamment en raison de l’existence de contrats similaires contenant des clauses de priorité et de préemption. A ce titre, le Conseil souligne que la théorie de l’effet cumulatif a été développée par les instances juridictionnelles dans le cadre d’accords d’achat exclusif, dont les effets de verrouillage du marché peuvent être particulièrement importants en raison du monopole de vente dont bénéficie pendant toute la durée du contrat un fournisseur vis-à-vis du distributeur.
- La contribution individuelle des clauses de priorité et de préemption à l’éventuel effet de blocage.
Le Conseil relève en outre que la pratique décisionnelle et la jurisprudence retiennent une conception stricte de l’effet cumulatif.
La Cour d’Appel de Paris a, par exemple, rappelé que l’effet restrictif doit « s’apprécier au regard de la nature et de l’importance des contrats sur le marché en cause, de l’existence de possibilités réelles et concrètes pour un nouveau concurrent de s’infiltrer dans le faisceau des contrats, et des conditions dans lesquelles s’accomplit le jeu de la concurrence sur le marché de référence, à savoir, notamment, le nombre et la taille des producteurs présents sur le marché, le degré de saturation de ce marché, la fidélité de la clientèle aux marques existantes »63.
Sur la base de ces critères, la Cour d’Appel a par ailleurs considéré que « si les entreprises mises en cause dans la présente affaire disposent effectivement, ensemble, d’une part de marché pertinent de 66 %, force est de constater que l’importance de cette part de marché cumulée ne suffit pas, à elle seule, à démontrer la fermeture du marché aux nouveaux entrants »64. La Cour d’Appel relevait notamment que des concurrents étaient apparus sur le marché, dont la croissance s’est traduite par une extension significative du périmètre de commercialisation.
L’Autorité de la concurrence a reconnu le caractère anti-concurrentiel d’une pratique contractuelle en raison de son effet cumulatif dès lors que les clauses (prévoyant notamment la tacite reconduction de contrats pour une durée de quatre ans) concernaient les trois principaux opérateurs détenant ensemble plus de 95% du marché national, chaque acteur bénéficiant d’une part de marché de plus de 30%.
S’agissant du secteur audiovisuel, l’Autorité de la concurrence a examiné sous l’angle de la théorie de l’effet cumulatif les contrats de vente simple ou de coopération entre la régie de la chaîne TF1 et les annonceurs. L’Autorité a ainsi relevé que « les contrats en cause, passés entre des annonceurs et les régies de chaînes de télévision autorisées qui organisent des relations entre des offreurs et des acheteurs finaux et non entre des producteurs et des distributeurs comme cela était le cas dans les décisions rendues par la Cour de justice, ne sont pas tous identiques », que les choix faits par les annonceurs pouvaient être « aisément remis en cause » et, enfin, qu’il « est toujours possible à l’une des chaînes hertziennes nationales de proposer des tarifs particulièrement attrayants pour ses écrans publicitaires et de tenter ainsi d’augmenter sa part sur le marché de la publicité télévisuelle ».
La Commission Européenne, quant à elle, a effectivement reconnu le caractère anticoncurrentiel d’une clause anglaise (proche des clauses de priorité et de préemption), car leur libellé obligeait les chaînes de télévision à concéder aux studios de production les conditions les plus avantageuses qu’elles peuvent accorder à un autre studio, impliquant ainsi « un mode anormal de détermination des tarifs »65.
Ainsi, le Conseil souligne que les conditions requises dans le cadre de l’application de la théorie de l’effet cumulatif, développée à l’origine pour l’appréciation des accords d’achat exclusifs, sont extrêmement strictes. Pour déterminer si les clauses de priorité et de préemption répondent à
ces conditions et sont à l’origine d’un véritable blocage du marché66, le Conseil souhaite apporter des éléments relatifs à la proportion de ces clauses par rapport à l’ensemble du marché, la proportion d’exercice de ces clauses, leur impact sur la circulation des œuvres et sur, in fine, l’économie des chaînes.
3.2 Les effets des pratiques
3.2.1 L’effet des clauses de priorité et de préemption sur la circulation des œuvres cinématographiques françaises entre les groupes audiovisuels
3.2.1.1 La proportion des clauses de priorité et de préemption sur l’ensemble des films produits.
Sur la base des réponses aux questionnaires envoyées aux groupes TF1, France Télévisions, Métropole Télévision et Canal Plus, il ressort que les chaînes liées à ces groupes négocient systématiquement auprès des producteurs des clauses de priorité et de préemption des films qu’ils coproduisent et pour lesquels ils ont préacheté la première fenêtre de diffusion en clair. Les autres groupes ou chaînes hertziennes en clair (Arte, Gulli, NRJ 1267…) ont le même type de pratique.
Les clauses de priorité et de préemption concernent donc les seuls films coproduits par les chaînes en clair, ce qui correspond à moins de la moitié de la production nationale (entre 37% et 46%).
Les films français comportant ces clauses sont cependant les films ayant les budgets les plus élevés, la meilleure distribution, et les sujets les plus « familiaux », et qui sont, en conséquence, les plus aptes à réaliser tant en salles que lors de leur diffusion à la télévision, les meilleures performances possibles. En effet, 84% des films aux devis supérieurs à 7 millions d’euros ont été préfinancés par les chaînes en clair (cf. tableau n°8).
De même, ces films cofinancés par les groupes de télévision en clair (et « sous clauses ») sont également ceux ayant réalisé les meilleures entrées en salles : en 2014, l’ensemble des films ayant réalisé plus d’un million d’entrées en salle ont été cofinancés par un groupe de télévision gratuite « historique ».
Le Conseil relève ainsi que si les clauses de priorité et de préemption sont généralement insérées dans les contrats de coproduction et de préachatDD de films ayant réalisé les meilleures entrées en salles et les plus à même de réaliser les meilleures audiences, la proportion de ces contrats reste cependant inférieure à la moitié de la production nationale.
Néanmoins, les responsables de la chaîne (…), auditionnés dans le cadre de la présente saisine par le Conseil, estimaient également que les difficultés d’accès aux films EOF les plus attractifs, dues à l’existence des clauses de priorité et de préemption, empêchaient leur chaîne de pouvoir proposer une programmation de films EOF de qualité et cela même s’ils étaient en mesure de s’aligner pour certains titres sur les prix pratiqués par ses concurrents.
3.2.1.2 Nombre de films EOF pour lesquels les groupes TF1, France Télévisions, M6 et Canal+ ont négocié des clauses de priorité et de préemption
L’ensemble des chaînes en clair liées aux groupes TF1, France Télévisions et M6 bénéficient de clauses de priorité ou de préemption, soit directement lorsque ces clauses sont inscrites dans les contrats de préachat ou de coproduction des films préfinancés, soit indirectement, puisque ces clauses prévoient que toutes les chaînes du groupe de la chaîne cofinanceuse peuvent bénéficier de ces droits.
Lorsqu’elles interviennent elles-mêmes dans le préfinancement de films via le préachat, les chaînes de la TNT 2005 et 2012 filiales des groupes TF1, France Télévisions et M6 (TMC, NT1, HD1, France 4 et W9) négocient systématiquement des clauses de priorité et de préachat sur les premières fenêtres qu’elles obtiennent.
En revanche, lorsqu’elles n’ont acquis que les deuxièmes et/ou troisièmes fenêtres, la présence de clauses de priorité ou de préemption dans les contrats de préachats, n’est pas systématique : certaines chaînes comme W968 la négocient systématiquement et à l’inverse, TMC ne l’inscrit pas dans ses contrats69.
La chaîne D8, dans les contrats de coproduction qu’elle négocie pour des films dont elle a obtenu les premières fenêtres de diffusion, fait systématiquement figurer ces clauses de priorité et de préemption. Toutefois, le groupe Canal Plus s’est engagé, dans la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014, pour les chaînes D8 et D17 à « renoncer à toute clause de préemption associé à la diffusion d’un film EOF dès lors qu’elles n’auraient pas préacheté le droit relatif à la première diffusion en clair de ce films ».
Rapporté à l’ensemble des films EOF produits depuis moins de 10 ans (environ 1 945 films), la proportion de clauses de priorité et de préemption par groupe reste relativement faible.
En effet, les contrats du groupe TF1 contenant ces clauses ne représentent que (…) % de l’ensemble des films produits depuis 10 ans, tandis que ceux du groupe M6 représentent (…) % de l’ensemble des films produits depuis 10 ans. France Télévisions est le groupe qui bénéficie du plus grand nombre de clauses et représente près de (…) %70 des films produits depuis 10 ans.
Les résultats sont identiques lorsque l’analyse est concentrée sur les trois dernières années.
Ainsi, au regard de la définition actuelle du marché de l’achat de droits de films français, la proportion de contrats contenant les clauses reste très en deçà des 30% par groupe, à l’exception de France Télévisions.
3.2.1.3 La proportion d’utilisation des clauses de priorité et de préemption par les groupes co-financeurs
Le nombre de demandes d’achats de droits en clair de films sous clause de priorité ou de préemption est en augmentation depuis 2012. Le taux de refus, c’est-à-dire le nombre de demandes refusées et donc de mise en œuvre effective des clauses de priorité ou de préemption est très faible, le groupe TF1 ayant le taux de refus le plus élevé ((…)%).
Les demandes d’acquisition de films formulées par D8 et D17 auprès des groupes détenteurs des droits de priorité et de préemption de ces films se sont soldées à (…%) pour D8 et à (…%) pour D17 par des réponses positives.
Enfin, le Conseil souligne que l’ensemble des acteurs auditionnés ont confirmé l’absence d’utilisation du mécanisme de ces clauses à des fins de blocage du marché. De manière générale, l’ensemble des films dont les droits de diffusion ont été obtenus via les clauses de priorité ou de préemption ont fait l’objet d’une diffusion effective.
L’absence de cette pratique de blocage intentionnel résulte à la fois du libellé même des clauses de préemption (qui imposent une diffusion dans les mêmes conditions que celles de l’offre émanant de la chaîne tierce) et de l’absence de la capacité financière pour les groupes audiovisuels de mettre en place une telle pratique pour les droits négociés dans le cadre du droit de priorité.
3.2.1.4 La circulation des œuvres cinématographiques entre les groupes audiovisuels
A partir des listes des films sortis en salles en 2004 et en 200772 ayant réalisé plus de 500 000 entrées, tous coproduits par les chaînes en clair73, le Conseil a étudié leurs différents cycles de diffusion sur les chaînes en clair afin de mesurer la part de ces titres qui ont fait l’objet de diffusions en dehors du groupe préfinanceur (ce dernier disposant donc de droits de priorité et de préemption sur ces films).
Le Conseil relève que s’agissant des films sortis en 2004 et en 2007 et ayant réalisé plus d’un million d’entrées en salles, 40% des films sortis en 2004 et 36% des films sortis en 2007 ont circulé en dehors des groupes préfinanceurs74.
Sur les 6 films sortis en salles en 2004 ayant réalisé plus d’un million d’entrées et ayant fait l’objet d’une circulation extra groupe, deux avaient été coproduits par TF1, deux par M6, un conjointement par TF1 et M6, et un par France 2. En revanche, les 4 films sortis en 2007 ayant réalisé plus d’un million d’entrées et ayant fait l’objet d’une circulation extra groupe ont tous été préfinancés par des chaînes publiques (France 2, France 3 ou Arte), aucun film ayant été cofinancé par un groupe privé n’ayant été diffusé sur une chaîne tierce.
Les films français ayant réalisé entre 500 000 et 1 million d’entrées en salles circulent, quant à eux, plus largement : 86% des films sortis en salles en 2004 ont fait l’objet d’exploitations extra groupe, et 53% des films sortis en 2007. Ceux sortis en salles en 2004 ont tous fait l’objet d’exploitations extra groupe à l’exception de deux titres (La vie est un miracle de Emir Kusturica et de Immortel de Enki Bilal) qui n’ont fait l’objet que d’une diffusion sur les chaînes coproductrices (respectivement France 2 et TF1). Parmi ceux sortis en salles en 2007, huit ont fait l’objet d’une circulation extra groupe dont sept ont été produits par TF1. Cependant, trois d’entre eux n’ont fait l’objet d’aucune diffusion sur le groupe TF1 (Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat, Pars vite et reviens tard de Régis Wargnier et Je crois que je l’aime de Pierre Jolivet).
Les films cofinancés par France Télévisions circulent plus vite à l’extérieur du groupe public que les films cofinancés par les chaînes privées. Les circulations extra groupe de ces derniers ne sont souvent pas définitives, et les diffusions peuvent alterner entre chaînes liées au groupe préfinanceur et chaînes tierces.
Il n’est pas possible à ce stade de déterminer si ce retour dans le groupe pré financeur est le fait de l’activation des clauses de préemption.
Le Conseil relève ainsi que sur les films ayant le plus de succès au cinéma en 200775 (plus d’un million d’entrées), 36 % ont circulé à l’extérieur du groupe cofinanceur. Sur ces films qui ont circulé à l’extérieur du groupe cofinanceur, un seul film a circulé au sein de plusieurs groupes privés gratuits. Les trois autres films ayant réalisés plus d’un million d’entrées en salle ont, soit réintégré le groupe cofinanceur après une multidiffusion sur un groupe tiers, soit circulé au sein de chaînes publiques.
S’agissant de l’accès des chaînes non adossées à un groupe « historique » gratuit aux films sortis en 2007 et ayant réalisé plus de 1 M d’entrées, seule D17 en a diffusé un (99 F, produit par Arte), ni D8, ni NRJ 12, ni Numéro 23 n’en ayant diffusé. A titre de comparaison, deux de ces films ont été diffusés par TMC, un par France 4 et un par W9.
S’agissant des films sortis en 2007 et ayant réalisé entre 0,5 et 1 million d’entrées en salle, 53% ont fait l’objet d’une circulation extra groupe. Parmi les huit films ayant circulé entre les différents groupes, deux films ont été diffusés sur trois groupes privés différents et deux films ont réintégré le groupe cofinanceur.
S’agissant de l’accès des chaînes non adossées à un groupe « historique » gratuit aux films ayant réalisé entre 0,5 et 1 M d’entrées en salles, quatre films ont été diffusés par NRJ 12 dont un non coproduit par les chaînes en clair, trois par D8 et un film a été diffusé par D17 et N23. A titre de comparaison, HD1 en a diffusé trois, TMC et W9 en ont diffusé deux, NT1 et F4 en ont diffusé un.
Enfin, l’examen de la circulation des œuvres cinématographiques françaises sortis en 2007 met en exergue les éléments évoqués par les distributeurs lors des auditions et rappelés par le Conseil s’agissant de la délimitation des marchés pertinents et de l’existence possible d’un marché de l’achat de droits de films français sur les chaînes «historiques» et d’un marché de l’achat de droits de films français sur les chaînes récentes de la TNT. En effet, le Conseil constate que dès lors qu’un film est acheté pour une multidiffusion par une chaîne de la TNT, ce film n’intéresse généralement plus les chaînes «historiques», dans la mesure où celles-ci considèrent qu’il ne revêt plus un potentiel d’audience suffisant. A ce titre, le Conseil relève par ailleurs une plus grande circulation des œuvres dès lors que celles-ci ont « basculé » sur les chaînes récentes de la TNT.
3.2.2 L’effet des clauses de priorité et de préemption sur l’économie des chaînes de la TNT
Afin de mieux appréhender l’impact des clauses de priorité et de préemption contenues dans les accords entre les éditeurs et les détenteurs de droits, le Conseil souhaite apporter des éléments à l’Autorité concernant l’économie des chaînes gratuites de la TNT.
3.2.2.1 La situation des chaînes sur le marché publicitaire
Le Conseil a déjà relevé dans le cadre de son analyse des caractéristiques essentielles du marché76 le poids relatif des œuvres cinématographiques dans les audiences globales des chaînes. Cependant, afin d’apprécier les effets réels de ces clauses de priorité et de préemption sur les chaînes non adossées à des groupes «historiques», il convient également d’examiner l’évolution de leurs recettes publicitaires et de leurs performances sur le marché publicitaire.
(i) Le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes
Les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des chaînes de télévision se sont portées à 3,2 milliards d’euros en 2014, ce qui correspond à une quasi stabilité par rapport à 2013 (+0,1%), mettant un terme à deux années successives de baisse (-4,5% entre 2011 et 2012 puis -3,5% entre 2012 et 2013).
Néanmoins, hors inflation, les recettes publicitaires nettes de la télévision ont sensiblement diminué depuis 2007 pour atteindre, en 2014, leur plus bas niveau depuis 15 ans.
S’agissant plus spécifiquement des chaînes gratuites de la TNT de 2005, l’augmentation en 201377 du chiffre d’affaires publicitaire est modérée, se portant à +5 %, et représentant une augmentation de 29 M d’euros).
Entre 2012 et 2013, les chaînes D8 et D17 affichent respectivement une hausse de leurs ressources publicitaires de 80% ( (…) euros) et de 18% ( (…) euros). Les recettes publicitaires de la chaîne NRJ 12 augmentent légèrement (+2 %). NT1 stabilise ses performances publicitaires tandis que les recettes publicitaires de TMC et W9 sont en baisse.
(ii) Les parts de marché publicitaire des chaînes
Le secteur de la télévision gratuite est considéré comme étant un marché biface : d'un côté, les éditeurs de télévision achètent des programmes et des contenus qui génèrent de l’audience. De l'autre, ils vendent cette audience aux annonceurs. Il s’agit donc d’une économie de plate-forme qui rend possibles et qui facilite les interactions de deux groupes d’agents qui obtiennent des gains en interagissant. Le marché des plates-formes ne dégage des revenus qu’en attirant les deux groupes cibles.
Tableau n°36 : Evolution des parts de marché publicitaires brutes de D8, D17 et NRJ 12 (en %)
(…)
Source : Kantar Médias-Traitement CSA
Le Conseil constate que, comme les autres chaînes de la TNT, la chaîne D8 enregistre une croissance constante de ses parts de marché publicitaire depuis 2007, cette croissance s’étant par ailleurs accélérée depuis l’opération de rachat par le groupe Canal Plus en 2012 des chaînes Direct 8 et Direct Star. Le Conseil relève à ce titre que la part de marché publicitaire brute de la chaîne D8 se situe aux alentours de (…) en 2014, ce qui place la chaîne près d’un point au-dessus de la moyenne des chaînes de la TNT 2005 et 2012 et en deuxième position derrière l’agrégat W9/6Ter ((…) en 2014).
S’agissant de la chaîne D17, le Conseil constate que ses parts de marché publicitaire brutes demeurent sensiblement en dessous de la moyenne des chaînes de la TNT sur la période 2007-2012. Cependant, le Conseil relève également une augmentation rapide des parts de marché de la chaîne depuis le rachat par le groupe Canal Plus en 2012 situant cette dernière très légèrement en dessous du niveau de la moyenne des chaînes de la TNT en 2014.
Enfin, s’agissant de la chaîne NRJ 12, le Conseil relève que les parts de marché publicitaire brutes de la chaîne se situent, sur la période 2007-2012, sensiblement au-dessus de la moyenne des chaînes de la TNT. Néanmoins, la chaîne a enregistré en 2014 une baisse significative de sa part de marché publicitaire brute, qui se situe désormais au niveau de la moyenne des chaînes de la TNT.
Tableau n°37 : Ecart à la moyenne des parts de marché publicitaires brutes de D8, D17 et NRJ 12
(…)
Source : Kantar Média-Traitement CSA
Tableau n°38 : Classement des 15 premières chaînes en termes de parts de marché publicitaires brutes
(…)
Source : Kantar Média/ Traitement CSA
Outre l’examen des parts de marché publicitaire brutes de ces chaînes, le Conseil souhaite également apporter des éléments concernant le rapport part de marché publicitaire / part d'audience, également appelé « taux de transformation » qui permet de mesurer l'efficacité d'une chaîne dans l'exploitation commerciale de son audience.
Tableau n°39 : Rapport Part de marché publicitaire/Part d’audience (Taux de transformation)
(…)
Sources : Irep-Médiamétrie- publications financières et déclarations des éditeurs au CSA
L’analyse des taux de transformation révèle que D8 se situe dans la fourchette haute des taux de transformation des chaînes de la TNT, enregistrant une croissance sensible en 2013, première année de plein exercice suivant son rachat par le groupe Canal Plus.
La chaîne NRJ 12 se situe, dans la moyenne des chaînes de la TNT, tandis que la chaîne D17 se place dans la fourchette basse des taux de transformation, au même niveau que HD1, 6Ter et Chérie 25.
3.2.2.2 L’audience des chaînes de la TNT 2005 et 2012
Le Conseil relève la forte croissance d’audience de la chaîne D8, notamment au cours de la période 2012-2013 (+34%).
En effet, la chaîne a gagné 1 point d’audience sur la période 2012-2014 pour atteindre 3,3% de PdA moyenne, devant TMC (3,1%), W9 (2,6%) et NRJ 12 (1,9%). Elle est aujourd’hui la première chaîne de la TNT en PdA moyenne annuelle (ensemble 4 ans et +).
3.2.2.3 Evolution des coûts de grille et des résultats d’exploitation de D8, D17, W9, 6Ter, TMC et NT1
L’évolution des coûts de grille des chaînes de la TNT
Le coût de grille de la chaîne D8 a progressé de (…) % sur la période 2011-2014. Le coût de grille de la chaîne D8 est désormais le plus élevé des chaînes de la TNT.
Tableau n°41 : Evolution des coûts de grilles des chaînes D8, TMC, NT1, D17 et W9-6Ter
(…)
Source : Réponses des groupes au questionnaire CSA
L’évolution des résultats d’exploitation des chaînes de la TNT
En 2013, le résultat d’exploitation cumulé des chaînes gratuites de la TNT est négatif (-138,7 M d’euros).
Le Conseil relève que le résultat d’exploitation cumulé des chaînes TNT 2005 se dégrade depuis deux ans. En effet, à l’exception de deux chaînes, W9 et BFM TV, toutes les chaînes TNT 2005 enregistrent des résultats d’exploitation négatifs en 2013. Les chaînes D8 et D17 présentent toujours des pertes importantes (respectivement en 2013, (…) euros et (…) euros) même si celles de D8 diminuent en 2013 en raison de l‘augmentation significative de son chiffre d’affaires ( (…) euros en 2012). La chaîne TMC, a enregistré en 2013 son premier déficit d’exploitation depuis 2007.
Tableau n°43 : Evolution des résultats d’exploitation des chaînes D17, D8, NRJ 12, NT1, TMC et W9 (en M d’euros)
(…)
Source : CSA / Ce tableau contient des arrondis
En conclusion, le Conseil constate qu’en dépit d’un résultat d’exploitation fortement déficitaire, notamment en raison d’une augmentation importante de son coût de grille, les performances de la chaîne D8 sur le marché publicitaire ne semblent pas avoir été impactées par les difficultés d’accès à certaines œuvres cinématographiques françaises.
La chaîne D17 reste déficitaire, et ses performances publicitaires sont comprises dans la moyenne des chaînes de la TNT 2012.
3.2.3 L’analyse des propositions du groupe Canal Plus s’agissant de la limitation des clauses de priorité et de préemption
Dans le cadre de sa saisine, Groupe Canal Plus considère que « l’Autorité de la Concurrence, afin que les conditions d’une concurrence non faussée puissent s’établir sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion des films de catalogue EOF, devra nécessairement mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles des groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions en leur enjoignant de :
- limiter la présence des clauses de préemption ou d'option prioritaire dans les contrats de coproduction ou de préachats signés par les chaînes TF1, France 2, France 3 et M6 aux films EOF dont elles assurent au minimum 20% du préfinancement ;
- après la première diffusion inédite en clair du film, limiter l'exercice des droits de préemption ou options prioritaires, à une seule préemption sur une période donnée avec obligation de surenchérir,
- limiter l'exercice du droit de préemption à la seule chaîne qui a effectivement financé le film et non à ses filiales. »
Le Conseil souhaite apporter à l’Autorité un certain nombre d’éléments sur chacune des propositions énoncées ci-dessus par le groupe Canal Plus.
S’agissant de la proposition de limiter la présence des clauses aux contrats de coproduction signés par les chaînes TF1, France 2, France 3 et M6 aux films EOF dont elles assurent plus de 20% du préfinancement
La limitation de la présence de ces clauses aux seuls films dont les chaînes TF1, France 2, France 3 et M6 assurent au minimum 20% du préfinancement aurait pour effet de réserver cet avantage aux seules chaînes dont les apports dans le plan de financement de l’œuvre sont significatifs.
Cette proposition de GCP ne concerne que les chaînes «historiques», et laisserait la possibilité pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012 (et donc D8) de pouvoir négocier ces clauses, sans conditions sur le taux de couverture des devis.
Dans un premier temps, sa mise en œuvre pourrait avoir pour effet, de réduire drastiquement le nombre de contrats signés par TF1, France 2, France 3 et M6, et intégrant ces clauses. En effet, le taux de couverture des devis des films préachetés par ces chaînes est en 2012, 2013 et 2014 toujours largement inférieur à ce seuil de 20% (à l’exception de TF1 en 2014, cf. Tableau n°1080). En effet, intervenant dans des films aux devis élevés, l’apport de ces chaînes, même s’il est substantiel en valeur absolue, ne couvre qu’une part limitée du budget des films qu’elles préfinancent.
Dans un second temps, la mise en œuvre de cette proposition pourrait favoriser la concentration des investissements des diffuseurs sur un plus petit nombre de films, afin de leur permettre d’atteindre ce seuil de 20%81 Le Conseil, qui a toujours plaidé pour une large diversité de la production nationale et, par conséquent, des investissements des chaînes en clair dans le cinéma, estime donc que cette mesure de limitation proposée par GCP pourrait être porteuse d’effets négatifs non négligeables.
S’agissant de la proposition de limiter l’exercice du droit de préemption à une seule fois avec une obligation de surenchérir
La proposition de limiter l’exercice des droits de préemption ou d’options prioritaires à une seule préemption sur une période donnée avec obligation de surenchérir apparait très restrictive.
Dans le cadre des auditions menées par le Conseil, les responsables de la chaîne NRJ 12, certains représentants des syndicats de producteurs et les deux distributeurs entendus se sont prononcés en faveur d’une limitation dans le temps de l’exercice des clauses de priorité et de préemption (à 7 ans, 10 ans ou 15 ans).
Les distributeurs ont souligné la réalité de la contrainte exercée par ces clauses sur les négociations avec les chaînes. En effet, l’insertion de ces clauses dans la quasi-intégralité des contrats de coproduction et de préachat négociés par les chaînes en clair et leur caractère perpétuel se traduit, pour les titulaires des mandats de distribution, par une incertitude permanente dans la commercialisation de leur catalogue et un ralentissement sensible dans les processus de négociation avec les chaînes.
Par ailleurs, l’existence de ces clauses limite considérablement la possibilité pour les distributeurs de pratiquer des ventes groupées de plusieurs œuvres cinématographiques, à l’instar de ce qui se pratique notamment dans le négoce de films américains82.
Au cours de ces auditions, une alternative à une telle limitation de la durée des clauses de préemption a également été proposée par certains acteurs. Il s’agirait soit de limiter, par film, le nombre de mises en œuvre effectives des clauses de préemption, soit de rendre caduques ces clauses à partir d’un certain nombre de diffusions effectuées hors du groupe préacheteur.
Le principe d’une durée limitée d’exercice de ces clauses n’était cependant pas étayé par une analyse objective du délai nécessaire au diffuseur pour rentabiliser les œuvres dans lesquelles il a investi.
Cependant, un aménagement du caractère perpétuel de ces clauses pourrait être envisagé même si le Conseil considère que la possibilité de pouvoir bénéficier de ces clauses pendant une durée relativement longue est la contrepartie des investissements effectués en préfinancement par les chaînes en clair «historiques».
Il apparaît cependant difficile au Conseil de pouvoir déterminer une durée de validité des clauses qui permettrait d’assurer la rentabilité des dits investissements. Les disparités des montants investis dans le préfinancement des films et des recettes commerciales réalisées lors de la sortie en salles des films ou au titre des exploitations secondaires rendent assez aléatoire la détermination d’une durée prédéfinie fixe pouvant s’appliquer à l’ensemble des films.
Néanmoins, le Conseil souligne qu’en tout état de cause, la levée des clauses de priorité et de préemption à l’issue d’une période donnée permettrait simplement de diminuer la contrainte exercée par ces clauses sur les négociations entre les distributeurs et les chaînes. En revanche, une telle limitation ne se traduirait pas par une obligation, pour le détenteur des mandats de distribution, de mettre à la vente les droits de diffusion d’une œuvre à l’ensemble des chaînes du marché, et notamment aux chaînes non adossées à un groupe « historique ».
S’agissant de la proposition de limitation de l'exercice du droit de préemption à la seule chaîne qui a effectivement financé le film et non à ses filiales
Comme le Conseil l’a souligné dans la partie relative à la position des différents groupes audiovisuels dans la diffusion d’œuvres cinématographiques françaises, l’accès aux films coproduits est essentiel dans la constitution des grilles de diffusion.
La proportionnalité entre les investissements des chaînes dans le préfinancement et la possibilité de pouvoir disposer des droits de priorité et de préemption a été régulièrement évoquée dans le cadre des auditions menées par le Conseil.
Certaines chaînes de la TNT 2005 et 2012 bénéficient en effet de ces clauses, alors même que leur apport dans le préfinancement est faible par rapport au devis global du film voire inexistant, ces chaînes pouvant bénéficier en tout état de cause des clauses négociées par leur chaîne-mère.
Le Conseil considère que ces clauses constituent un avantage concurrentiel pour les groupes cofinanceurs dans leur accès aux droits de diffusion des œuvres cinématographiques françaises (notamment sur les films récents et attractifs). Les chaînes hertziennes «historiques» ont ainsi accès autant de fois qu’elles le souhaitent, aux droits de diffusion de l’intégralité des films qu’elles ont elles-mêmes préfinancés (sous condition d’accord sur le prix avec le distributeur). Les effets de cet avantage se ressentent également sur le marché des droits de diffusion pour les chaînes récentes de la TNT adossées à des groupes cofinanceurs83.
Les tensions pour l’acquisition de films français sur le marché des droits de diffusion des chaînes de la TNT 2005 et 2012 sont en effet plus vives du fait d’un déséquilibre entre offre et demande : un plus petit nombre de films coproduits84 sont disponibles pour ces chaînes (de nombreux films ne sont diffusés que sur les chaînes «historiques»85) et le nombre de chaînes voulant acquérir des films français est important (13 chaînes diffusaient de manière régulière des œuvres cinématographiques, et donc des œuvres EOF, début 2015).
Le fait que les filiales d’une chaîne ayant participé au préfinancement et à la coproduction d’un film bénéficient indéfiniment d’un accès prioritaire à un nombre important de films porteurs (à la condition de les acheter au prix demandé par le distributeur (clause de priorité)) ou à celui offert par des chaînes tierces (clause de préemption) revêt donc une certaine acuité.
Dans la continuité de la proposition du groupe Canal Plus, (…) a évoqué, lors des auditions, la possibilité de réserver le droit de préemption aux chaînes coproductrices d’œuvres cinématographiques ou ayant préacheté la première fenêtre de diffusion de cette œuvre, tandis que le droit de priorité pourrait s’exercer, comme actuellement, par toutes les chaînes, soit directement soit en bénéficiant des droits négociés par la chaîne-mère.
Si cette proposition était mise en œuvre, le droit de priorité négocié par une chaîne en clair « historique » pourrait continuer de bénéficier sans limite à l’ensemble des chaînes en clair du groupe, tandis que le droit de préemption ne pourrait être exercé qu’à la condition que la chaîne ait coproduit le film ou préacheté la première fenêtre de diffusion.
Cette proposition aurait pour vocation de simplifier les processus de négociation des droits entre les distributeurs et les chaînes, et poursuivre ainsi un objectif de plus grande fluidité du marché de l’acquisition de films de catalogue pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012 non adossées à un groupe en clair « historique ».
En outre, dans l’esprit des décisions du 30 mai 1995 et du 23 février 1999 de l’Autorité de la concurrence et des publications de la Commission européenne86, la limitation de l’exercice du droit de préemption aurait pour effet de ne pas créer d’asymétrie d’information par une transparence artificielle du marché, et de préserver la confidentialité des politiques d’acquisition d’œuvres cinématographiques EOF mises en œuvre par les chaînes non adossées à un groupe « historique ».
Enfin, cette option de limitation pourrait présenter pour le Conseil une mesure d’incitation, pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012, notamment les chaînes filiales de grands groupes, à intervenir plus massivement dans le préachat de première fenêtres de diffusion, favorisant ainsi la diversité de la production, là où actuellement elles investissent très majoritairement en deuxième ou troisième fenêtres dans des films coproduits par leur chaîne mère. Pour autant, les perspectives réelles d’investissement en première fenêtre s’agissant des chaînes récentes de la TNT restent difficiles à appréhender par le Conseil, notamment en raison des incertitudes liées à la rentabilité économique de ces investissements.
Il conviendrait en outre, dans un objectif de bon fonctionnement concurrentiel du marché, de s’assurer que les prix d’acquisition des œuvres proposées par le distributeur aux chaînes récentes de la TNT bénéficiaires de cette clause soient bien ceux du marché.
En conclusion, le Conseil est soucieux de ne pas rompre les dynamiques actuelles des groupes audiovisuels, qui ont notamment pour effet d’améliorer la rentabilité de leurs investissements en préfinancement dans le cinéma français et ainsi favoriser un cercle vertueux. Le Conseil souligne ainsi les difficultés d’évaluation des conséquences possibles de l’ensemble des propositions de limitation avancées, que ce soit sur les possibilités d’accès aux œuvres cinématographiques EOF par les chaînes non adossées à un groupe « historique », ou sur les équilibres du préfinancement des œuvres cinématographiques EOF et la position des différents groupes audiovisuels sur ce marché.
Ainsi, la limitation de l’exercice des clauses de priorité et de préemption pour les chaînes «historiques» ne parait pas souhaitable au Conseil, ces clauses étant une contrepartie de l’investissement élevé (en particulier, en valeur) apporté par ces chaînes à la production nationale. Par ailleurs, ces clauses peuvent participer à l’amélioration de la rentabilité des investissements dans le cinéma des chaînes «historiques», œuvrant ainsi plus généralement à la pérennisation de leur engagement dans le financement des œuvres cinématographiques.
S’agissant des conséquences possibles d’une limitation de l’exercice des clauses de priorité et de préemption sur l’accès des chaînes D8 et D17 aux œuvres cinématographiques EOF
L’Autorité de la concurrence a relevé, dans le cadre de sa décision n°14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, l’importance de ces clauses de priorité et de préemption insérées dans les contrats de coproduction et de préachat des chaînes en clair.
A ce titre, l’Autorité indiquait que « L’instruction a montré qu’une partie significative des droits de films de catalogue détenus par Studio Canal ne pourrait pas faire l’objet d’un verrouillage au bénéfice de D8 et D17. En effet, les préachats de droits de diffusion en clair par les groupes
«historiques» de la télévision gratuite sont généralement assortis de droits de priorité et/ou de préemption, en application desquels ils disposent d’une option prioritaire d’achat de droits ultérieurs de diffusion voire la possibilité de préempter toute acquisition par une chaîne tierce ».
L’Autorité relevait ainsi que « compte tenu de ces éléments, la capacité de la partie notifiante à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de l’accès aux droits de films de catalogue EOF apparaît fortement limitée par les droits de préemption que possèdent les chaînes coproductrices ».
Dans le cadre de son audition, le groupe TF1 a également souligné l’importance des clauses de priorité et de préemption par leur contribution à la limitation des possibilités d’un verrouillage des films EOF par StudioCanal au bénéfice de D8. En effet, le mécanisme même des clauses de priorité et de préemption empêche la chaîne D8 de bénéficier de conditions préférentielles pour l’achat de droits de diffusion des films EOF auprès de StudioCanal, dès lors que ces films ont été coproduits ou préachetés par une chaîne « historique ».
Dès lors, la limitation de l’exercice des clauses de priorité et de préemption pourrait permettre à StudioCanal de mettre en œuvre au bénéfice des chaînes D8 et D17 cette stratégie de verrouillage identifiée par l’Autorité de la concurrence, et ce dans un contexte de fin possible des engagements pris dans le cadre de la décision d’autorisation 14-DCC-50 en juillet 201787 (notamment les clauses limitant l’auto approvisionnement de D8 et D17 auprès de StudioCanal88), et de renforcement des dynamiques de groupe entre les différentes entités du groupe Canal Plus.
S’agissant plus spécifiquement de la proposition consistant à préserver le mécanisme de clause de priorité pour l’ensemble des chaînes du groupe, mais de réserver le bénéfice de la clause de préemption aux seules chaînes qui ont coproduit le film ou préacheté sa première fenêtre de diffusion, la nécessité de s’assurer que les prix d’acquisition des œuvres proposées par le distributeur aux chaînes bénéficiaires de cette clause soient ceux du marché prend une importance particulière.
En effet, comme l’a souligné l’Autorité de la concurrence, les liens capitalistiques entre StudioCanal et la chaîne D8 pourraient interférer dans les négociations commerciales et fausser le jeu concurrentiel. Dès lors, il convient de s’assurer, en l’absence du droit de préemption, de l’impossibilité pour StudioCanal de vendre les droits de diffusion aux chaînes D8 et D17 pour un montant moindre que celui initialement proposé à la chaîne bénéficiaire de la clause de priorité. Dans une telle hypothèse, le montant proposé initialement par le distributeur et refusé par la chaîne dans le cadre de l’exercice de son droit de priorité devrait constituer le socle de la négociation avec les chaînes D8 et D17.
Néanmoins, le Conseil précise que l’attribution systématique de conditions tarifaires préférentielles à la chaîne D8 s’agissant de l’achat de droits de diffusion de films EOF ne paraît pas répondre à une stratégie économique viable s’agissant de l’activité de StudioCanal et de son modèle économique. Une politique de vente préférentielle au bénéfice de D8 ne pourrait en tout état de cause n’être mise en œuvre que sur les films qui se destinent aux chaînes de la TNT, et non à ceux étant encore destinés à une programmation sur les chaînes hertziennes «historiques» (en ce en raison d’une différence de prix trop importante) et qui disposerait d’un potentiel d’audience important.
4. Conclusion
S’agissant des marchés pertinents, le Conseil considère que la segmentation du marché des droits de diffusion de films selon les modalités d’acquisition des œuvres, en distinguant les préachats des œuvres cinématographiques françaises et les achats des œuvres cinématographiques françaises reste pertinente. Le Conseil s’interroge toutefois sur l’opportunité de segmenter le marché de l’achat d’œuvres françaises en un marché de l’achat de droits de diffusion pour les chaînes «historiques» et un marché de l’achat de droits de diffusion pour les chaînes récentes de la TNT.
S’agissant de la position des acteurs, le Conseil relève dans un premier temps l’importance des investissements dans la production d’œuvres cinématographiques effectués par les groupes audiovisuels gratuits qui demeurent essentiels à l’équilibre du secteur. Le Conseil constate ensuite la part prépondérante des groupes TF1, France Télévisions et Métropole Télévision dans le préfinancement de la production française ainsi que dans l’achat et la diffusion d’œuvres cinématographiques françaises. A ce titre, le Conseil relève que la majorité des œuvres diffusées par les chaînes gratuites sont des œuvres coproduites par les chaînes «historiques». Le Conseil souligne en outre le rôle d’animation du marché que peuvent jouer les titulaires des mandats de distribution qui pilotent généralement les négociations avec les chaînes.
S’agissant des pratiques dénoncées, le Conseil constate que les groupes TF1, France Télévisions, M6 et Canal Plus, négocient systématiquement auprès des producteurs des clauses de priorité et de préemption des films qu’ils coproduisent et pour lesquels ils ont préacheté la première fenêtre de diffusion en clair, ce qui représente cependant moins de la moitié de la production nationale d’œuvres cinématographiques.
Si le Conseil relève que les clauses de priorité et de préemption constituent un véritable avantage concurrentiel, notamment pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012 qui bénéficient, via l’investissement de leurs « chaînes mères » dans le préfinancement des films français, d’un accès privilégié aux œuvres françaises, le Conseil estime néanmoins qu’il n’est pas établi que l’insertion par les groupes TF1, Métropole Télévision et France Télévisions de ces clauses dans les contrats de coproduction ou de préachat soit constitutive d’une pratique anticoncurrentielle.
Le Conseil souligne en effet que les critères mis en place par les juridictions et les autorités de concurrence s’agissant de la qualification d’une pratique anticoncurrentielle en raison de son effet cumulatif ne semblent pas être réunis, les éléments à la disposition du Conseil ne permettant pas de conclure à l’impossibilité pour les chaînes non adossées à un groupe « historique » gratuit de s’infiltrer dans le faisceau de contrats et donc, par conséquent de diffuser des films français.
En effet, si les œuvres cinématographiques en mesure de générer les plus fortes audiences circulent en effet assez peu entre les groupes hertziens gratuits, il apparait à ce stade très difficile pour le Conseil de déterminer dans quelle mesure les contrats contenant les clauses de priorité et de préemption contribuent réellement à ce manque de circulation à l’extérieur des groupes ayant participé au préfinancement de l’œuvre. Cependant, le Conseil relève que le mécanisme des clauses de préemption ont des conséquences en matière de transparence du marché et de confidentialité des politiques d’acquisition des chaînes non adossées à un groupe « historique ». A ce titre, le Conseil souligne la possibilité d’un aménagement des clauses de préemption afin de préserver l’identité de la chaîne à l’origine de l’offre ferme d’achat lors de la transmission de celle-ci par le distributeur au groupe préfinanceur.
Enfin, le Conseil constate que les difficultés potentielles d’accès aux films français pour certaines chaînes de la TNT 2005 et 2012 ne semblent pas avoir eu d’impact manifeste sur l’économie de ces chaînes et sur leurs performances sur le marché publicitaire.
Notes :
1 La saisine est antérieure aux décisions du Conseil d’Etat du 23 décembre 2013 et de l’Autorité de la concurrence du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8 ; Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus.
2 Les sociétés de distribution sont en général soit des filiales de sociétés de production (Pathé, Gaumont, Europacorp, etc.), soit des filiales de diffuseur (TF1 DA, SND etc.), mais il existe également des sociétés de distributions indépendantes.
3 Réponse de TF1 au questionnaire du Conseil.
4 Chérie 25 qui depuis sa création diffusait moins de 52 œuvres cinématographiques par an, a conclu en 2015 avec le Conseil un avenant à sa convention afin de lui permettre de diffuser annuellement un maximum de 192 œuvres cinématographiques de long métrage.
5 Les chaînes en clair ne peuvent diffuser annuellement qu’un maximum de 192 diffusions d’œuvres cinématographiques de longue durée (dont un maximum de 144 programmées entre 20h30 et 22h30). Elles peuvent cependant également diffuser en sus de ce quantum, sous certaines conditions, 52 films d’art et d’essai par an (cf. décret n° 90-66 du 17 janvier 1990). La chaîne ARTE n’est pas soumise à ces limitations.
Les chaînes qui diffusent annuellement plus de 52 œuvres cinématographiques sont assujetties à des quotas de production d’œuvres cinématographiques.
6 D’autres chaînes que celles présentées dans ce graphique diffusent des œuvres cinématographiques, mais en faible volume annuel (RMC Découverte, LCP, France 5…).
7 Selon l’article 5 du décret, « constituent des œuvres cinématographiques EOF les œuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale française ou dans une langue régionale en usage en France. Sont assimilées aux œuvres cinématographiques EOF les œuvres cinématographiques ayant reçu avant la date d’application du présent décret l’agrément d’investissement au sens de l’article 19-1 du décret n°59-1512 du 30 décembre 1959 susvisé ».
8 TF1, France 2, France 3, France 4, France 5, M6, W9, Arte, Gulli, TMC, Direct8/D8, NRJ 12, NT1, Direct Star/D17.
9 TF1, France 2, France 3, France 4, France 5, M6, W9, Arte, Gulli, TMC, D8, NRJ 12, NT1, D17.
10 TF1, France 2, France 3, France 4, France 5, M6, W9, Arte, Gulli, TMC, D8, NRJ 12, NT1, D17, 6ter, HD1, Numéro 23 & RMC Découverte.
11 Méthodologie : nombre moyen de milliers de téléspectateurs en soirée (calcul de l’audience sur la tranche horaire 21h-22h30) pour chaque chaîne. Nombre moyen de téléspectateurs sur les soirées cinéma proposées sur chaque période.
12 Méthodologie : pour chaque chaîne, palmarès par rapport au nombre moyen de téléspectateurs, tous programmes confondus de plus de 5 minutes, et hors journaux télévisés. Le Conseil a également écarté de son analyse la chaîne Arte dont le modèle économique et les objectifs diffèrent des chaînes nationales privées gratuites.
13 Dans ce document, l’essentiel des données fournies concernent les films français et non pas les films EOF, car les informations sur le secteur de la production et de la diffusion d’œuvres cinématographiques publiées par le CNC concernent les films français. Cependant, ces deux notions se recoupent, tous les films français sont EOF à l’exception des quelques films français qui ne sont pas tournés en français (et qui ne sont donc pas d’expression originale française),
14 Méthodologie : palmarès par rapport au nombre moyen de téléspectateurs des films diffusés sur les chaînes de la TNT souscriptrices au Médiamat national quotidien.
15 C’est-à-dire sur les chaînes en clair «historiques» (TF1, France 2, France 3 et M6) et sur les chaînes de la TNT 2012 et 2005.
16 Le préachat d’une œuvre cinématographique est l’achat de droits de diffusion de cette œuvre préalablement à sa réalisation. L’éditeur peut également investir dans un film sous forme de part de coproduction, versée au producteur par la filiale de production de l’éditeur. Cet investissement permet à la filiale de production d’être considérée comme coproducteur de l’œuvre et à ce titre de pouvoir bénéficier d’un couloir de recettes sur l’ensemble des recettes futures de l’œuvre (ventes aux télévisions, ventes à l’international, ventes de DVD…). Les chaînes hertziennes «historiques» TF1, France 2, France 3 et M6 interviennent toujours, sauf rares exceptions en tant que coproductrices de l’œuvre et investissent donc en part coproducteur en complément des parts antenne (préachats). D8 est la seule chaîne de la TNT 2005 et 2012 à intervenir également en tant que coproducteur de l’œuvre et à verser des parts de coproducteur lorsqu’elle préfinance une œuvre cinématographique. Elle a donc créé une filiale de production (D8 Production).
17 Dans cet avis, le montant retenu au titre du préfinancement d’une œuvre cinématographique par un diffuseur regroupe les sommes versées au titre du préachat et au titre de la part coproducteur.
18 Le niveau d’investissement dans le cinéma des chaînes en clair est directement proportionnel au nombre d’œuvres cinématographiques diffusées annuellement sur leur antenne et du niveau de leur chiffre d’affaires. Ainsi, si elles diffusent plus de 52 films par an (104 rediffusions maximum), les chaînes en clair doivent consacrer à la production d’œuvres cinématographiques 3,2% de leur chiffre d’affaires net de l’exercice précédent (3,5% pour les chaînes France 2 et France 3).
La nature de ces investissements dans la production cinématographique est liée à leur niveau de développement économique. Ainsi, les chaînes qui réalisent plus de 150 M d’euros de chiffres d’affaires annuel doivent consacrer l’intégralité de leur contribution aux préachats et/ou aux part de coproduction. Les chaînes dont le chiffre d’affaires se situe entre 75 millions d’euros et 150 millions d’euros peuvent remplir leurs obligations avec une part plus ou moins importante d’achats de droits. Celles qui réalisent moins de 75 millions d’euros de chiffre d’affaires peuvent ne pas investir dans le préachat et les parts de coproduction. Actuellement, seules D8, TMC et W9 ont des obligations de production en préachats.
19 Les films préfinancés par les chaînes en clair sont très majoritairement des films qui ont été également préachetés par les chaînes payantes.
20 Le Conseil ne dispose pas des données pour effectuer ce calcul pour les 5 films préachetés par D8 en deuxième et/ou troisième fenêtre en 2014.
21 1,15% pour TMC et 0,91% pour W9.
22 Le groupe NRJ n’apparait pas dans ce tableau, ni NRJ 12 ni Chérie 25 n’ayant investi en 2012, 2013 et 2014 dans le préfinancement d’œuvres cinématographiques.
23 Pour le groupe Canal Plus, seuls les investissements en préachats et en part de coproducteur de la chaîne D8 ont été pris en compte, la chaîne D17 n’ayant pas investi depuis sa création dans le préfinancement d’œuvres cinématographiques.
24 Ce montant moyen se répartit en moyenne sur trois ans entre (…) euros de part coproducteur et (…) euros de préachat.
25 Le devis moyen des films français était en 2014 de 3,94 M d’euros, et le devis médian de 2,80 M d’euros.
26 Le devis moyen des films français était en 2014 de 3,94 M d’euros et le devis médian de 2,80 M d’euros.
27 Les devis moyen sur trois ans des films préfinancés par TMC et W9 sont ainsi supérieurs à ceux de France 2 et France 3 et cela pour des montants moyens relativement faibles (0,150 M d’euros par film pour TMC, 0,180 M d’euros par film pour W9).
28 Par multidiffusion on entend généralement deux diffusions dans un délai assez court (souvent 1 mois) avec parfois l’obligation que la seconde diffusion s’effectue en seconde partie de soirée.
29 La chaîne 6Ter n’a, à ce stade, jamais préfinancé d’œuvre cinématographique française.
30 Décision n°14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des société Direct 8, Direct Star, Direct productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, §236.
31 Ibid, §238.
32 Parmi ces films, trois ont été réalisés par Luc Besson, Nikita, Léon et le Cinquième Elément.
33 L’analyse de la programmation cinéma de D17 n’est traitée que de façon incidente dans cette partie, cette chaîne étant une chaîne musicale et diffusant moins de 52 titres d’œuvres cinématographiques par an.
34 Le film diffusé par W9 ayant réalisé plus de 2 millions d’entrées et non cofinancé par TF1 est Artur et les Minimoys. Ce film n’a pas de chaîne en clair coproductrice, mais TF1 a cofinancé Arthur et la vengeance de Maltazard et les Minimoys 3.
35 Les groupes M6 et France Télévisions n’ont pas fourni au Conseil cette information. Le groupe TF1 a par ailleurs déclaré un « coût de case » pour NT1 de (…) euros et de (…) euros pour HD1.
36 Réponse du groupe TF1 au questionnaire du Conseil.
37 Son catalogue s’est constitué grâce à une politique d’achats de catalogue de différentes sociétés de production (Agat Films, Capac, Diaphana, Haut et Court, Océan Films, Paradis Films…).
38 CA Paris, 9 janvier 2001, SA d’études et d’entreprises électriques, BOCCRF 23 janvier, p. 37.
39 Tribunal de première Instance des Communautés Européennes, 26 octobre 2000, T-41/96.
40 Et développé dans l’étude thématique de l’Autorité de la concurrence « Objet, effet et intention anticoncurrentiels », Rapport Annuel pour l’année 2003.
41 Soit parce que le groupe ne considère plus le film comme assez attractif, soit parce qu’il ne correspond plus à la ligne éditoriale etc.
42 Lors des auditions menées par le Conseil un acteur du secteur a par ailleurs souligné la difficulté d’ordre comptable et financier que pouvait représenter ce mécanisme pour les diffuseurs. En effet, dans le cas des offres qui sont faites aux distributeurs par des chaînes tierces, les sommes peuvent être immobilisées pendant toute la durée de la négociation, y compris en cas de préemption in fine par le groupe cofinanceur.
43 Ces clauses sont également présentes dans les contrats de préachats d’œuvres audiovisuelles (clauses de premier et dernier refus).
44 Réponse de M6 au questionnaire du Conseil.
45 Réponse de TF1 au questionnaire du Conseil.
46 L’Autorité conservant la possibilité de proroger leur application.
47 Afin de mesurer cette « efficacité » film par film, il a été décidé, en première analyse, de comparer le coût d’acquisition des films avec les recettes publicitaires réalisées lors de leur diffusion.
48 Le Conseil est d’ailleurs favorable à une mutualisation par groupe des obligations de production d’œuvres cinématographiques, à l’instar de ce qui se pratique pour les investissements dans la production d’œuvres audiovisuelles.
49 TF1 a diffusé en 2014, 152 œuvres cinématographiques contre 189 en 2004 et M6 en a diffusé 132 contre 165 en 2004.
50 Décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), § 596.
51 CE, 30 décembre 2010, n°33 8197
52 Décision 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus
53 Décision n° 99-D-14 du 23 février 1999 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Télédiffusion de France (TDF). Cependant, dans ce cas de figure, le bénéficiaire de la clause n’avait pas à proposer des conditions au moins égales à celles de l’offre concurrente et pouvait offrir des conditions « nettement inférieures ».
54 Décision n° 95-D-39 du 30 mai 1995 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la location d'emplacements publicitaires destinés à l'affichage de grand format.
55 En droit français, la « clause anglaise » fait référence à la clause permettant à une partie d’un contrat de faire valoir auprès de l'autre partie les conditions plus avantageuses pratiquées par un tiers pour le même bien ou service que celui objet du contrat. La Commission Européenne considère quant à elle que la « clause anglaise » désigne la clause contractuelle, dans le cadre d’accords d’exclusivité, entre un fournisseur et son client, autorisant ce dernier à acheter un bien à d’autres fournisseurs à des conditions plus avantageuses, à moins que le fournisseur "exclusif" n’accepte de lui fournir ce bien aux mêmes conditions.
56 Commission Européenne, Communiqué de presse concernant les suites de l’enquête dans le secteur des gaz industriels, 7 juin 1989.
57 CJCE, 12 décembre 1967, Brasserie de Haecht c/ Cts Janssen, 23/67.
58 Voir notamment CJCE, 28 février 1991, Delimitis, C-234/89 ou CJCE, 27 avril 1994, Commune d’Almelo, C-393/92.
59 Autorité de la concurrence, Etude Thématique « La preuve des accords de volonté constitutifs d’ententes », 2006.
60 Voir notamment CJCE, 7 décembre 2000, Neste Markkinointi Oy et autre, C-214/99.
61 Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 24 novembre 2009, pourvoi n°08-16259.
62 L’existence de contrats similaires produisant un effet cumulatif participant par ailleurs à la difficulté d’entrée sur le marché
63 Arrêt de la Cour d’Appel de Paris (1er chambre, section H) en date du 7 mai 2002 relatif au recours formé par le ministre chargé de l’économie et la société Masterfoods contre la décision n000-D-82 du Conseil de la concurrence.
64 Ibid.
65 Communiqué Commission, n° IP/04/1314, 26 octobre 2004.
66 Empêchant les chaînes de s’insérer dans le faisceau de contrats et d’obtenir les droits de diffusion de films EOF.
67 Du temps où la chaîne NRJ 12 préachetait des fenêtres de diffusion en télévision gratuite.
68 L’intégralité des films préfinancés par W9 en 2012, 2013 et 2014 ont, dans leur contrat de préachat des clauses de priorité et de préemption, et cela même si ce préachat ne concerne que les deuxièmes et troisièmes fenêtres (cf réponse de M6 au questionnaire envoyé par le Conseil dans le cadre de la présence saisine).
69 Cf réponse au questionnaire.
70 S’agissant de France Télévisions, il s’agit d’une estimation CSA en l’absence de réponse précise au questionnaire.
71 Le Conseil ne détient pas cette information pour la chaîne NRJ 12.
72 Les films sortis en 2007, compte tenu de la chronologie des médias, n’ont pu être diffusé sur les chaînes en clair au plus tôt qu’en 2009. Les diffusions étudiées étant arrêtées au 31 décembre 2014, les tableaux ci-dessous analysent donc 5 années complètes de diffusion des films ayant réalisé plus de 500 000 entrées en salles.
73 Tous ces films ont été préfinancés par une chaîne en clair à l’exception de deux films sortis en 2007, Le prix à payer d’Alexandra Leclère (1,3 M d’entrées) et Caramel de Nadine Labaki (501 000 entrées).
74 Les films sortis en 2004 ayant réalisé plus d’un millions d’entrées et qui ont fait l’objet d’une circulation extra groupe, ont été pour deux d’entre eux préalablement diffusés un nombre élevé de fois sur des chaînes du groupe préfinanceur (5 diffusions pour 36 Quai des orfèvres d’Olivier Marchal produit par TF1 avant une diffusion en 2014 sur M6, soit 7 ans après la première diffusion sur TF1), 4 diffusions de Deux Frères de Jean-Jacques Annaud sur TF1 ou TMC avant une diffusion sur M6 en 2012) pour ensuite faire un « retour » dans le groupe TF1 (une multidiffusion en 2013 sur TMC et une multidiffusion en 2014 sur NT1).
75 Les films sortis en 2007, compte tenu de la chronologie des médias, n’ont pu être diffusé sur les chaînes en clair au plus tôt qu’en 2009. Les diffusions étudiées étant arrêtées au 31 décembre 2014, les tableaux ci-dessous analysent donc 5 années complètes de diffusion des films ayant réalisé plus de 500 000 entrées en salles.
76 Partie « 2.1.1.2 L’importance du cinéma dans la formation de l’audience des chaînes ».
77 Le Conseil ne dispose pas au moment de la rédaction de cet avis, la ventilation du CA publicitaire par groupe pour l’année 2014.
78 Le CA retenu dans ce tableau est le CA publicitaire net chaînes, obtenu à partir des comptes de résultat de chacune des chaînes.
79 A partir de 2013, le groupe M6 ne rend pas public le coût de grille de la seule chaîne W9, mais le coût de grille de l’ensemble W9-6Ter.
80 La moyenne sur trois ans (2012, 201 et 2014) des taux de couverture des devis des films préfinancés par les chaînes «historiques» en clair est de 17,3 % pour TF1, 13,1 % pour France 2, 14,4 % pour France 3 et 11,8 pour M6.
81 Les chaînes pourraient également pour atteindre le seuil de 20% de couverture des devis, orienter leurs investissements sur des films aux budgets moins élevés, ce qui est peu probable, compte tenu du moindre potentiel d’audience de ces films.
82 Il est en effet difficile pour un distributeur de pouvoir proposer une offre composée de plusieurs films à un diffuseur, sans prendre le risque que la composition de cette offre soit perturbée par la mise en œuvre d’une clause de préemption sur un ou plusieurs titres la composant.
83 Cf Partie 1. Définition des marchés pertinents et la possible distinction entre les chaînes hertziennes «historiques» et le marché des droits pour les chaînes de la TNT 2005 et 2012.
84 Représentant toutefois une part importante des films français diffusés.
85 Leur potentiel d’audience leur permettant d’être diffusé sur des chaînes qui doivent réunir un nombre élevé de téléspectateurs conservant ainsi une valeur financière très élevée.
86 Glossaire de la Commission des Communautés Européennes, « Clause anglaise ». Voir également les engagements pris à la suite de l'enquête menée par la Commission européenne dans le secteur des gaz industriels, Communiqué de presse de la Commission, 7 juin 1989.
87 En effet, les engagements tels qu’actuellement rédigés doivent prendre fin en juillet 2017. Cependant, l’Autorité de la concurrence conserve la possibilité de proroger leur application.
88 Ces engagements imposent aujourd’hui aux chaînes D8 et D17 de limiter les acquisitions de films français de catalogue auprès de Studio Canal à 36% du nombre total et 41% de la valeur totale des Films français de catalogue acquis annuellement par chacune des chaînes.