CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 19 avril 2018, n° 15/14129
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Château d'Alphéran (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsot
Conseillers :
Mme Cesaro-Pautrot, Mme Demarbaix
Vu le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 21 juillet 2015 ayant, notamment :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SCI Financière Montpeyroux,
- débouté M. Thibault de R. de sa demande de sursis à statuer,
- rejeté les moyens de M. Thibault de R. relatif à la nullité de l'assignation et le défaut de droit à agir,
- constaté que le contradictoire a été respecté,
- dit qu'il y a bien eu fautes de gestion assimilables à des erreurs et non à des malversations,
- dit que la condamnation prud'homale ne peut pas être supportée par M. Thibault de R. mais doit être prise en charge par la SARL Château d'Alpheran,
- fixé à la somme de 106.224,72 euros le montant du compte courant de M. Thibault de R.,
- condamné la SARL Château d'Alpheran à rembourser à M. Thibault de R. son compte courant, soit la somme de 106.224,72 euros,
- dit que la nature d'un préjudice qu'aurait subi la SARL Château d'Alphéran n'est pas démontrée et en conséquence débouté la SARL Château d'Alphéran de sa demande en dommages et intérêts,
- mis hors de cause Mme Dominique P. de B. et Mme Florence de R. et M. Louis de R. et rejeté toutes leurs demandes,
- débouté M. Thibault de R. de toutes ses autres demandes,
- condamné la SARL Château d'Alpheran à payer à M. Thibault de R. une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance, qui comprennent notamment le coût des frais de greffe liquidés à la somme de 210,60 euros,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Vu la déclaration du 30 juillet 2015, par laquelle la société Château d'Alphéran a relevé appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 février 2018, aux termes desquelles la société Château d'Alphéran et Me Vincent de C., intervenant volontaire, demandent à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel, et réformer le jugement entrepris,
A titre liminaire,
- dire n'y avoir lieu à surseoir à statuer, vu l'arrêt notamment du 3 janvier 2017 outre les textes applicables,
- dire que l'action n'est pas prescrite et débouter l'intimé de tous ses moyens de procédure dépourvus de fondement,
- dire et juger que M. Thibault de R. a commis pendant le temps de sa gérance, de façon récurrente, des fautes de gestion et des actes en violation des statuts et des dispositions légales et règlementaires, dont certaines sont à l'évidence graves ou lourdes,
- dire et juger qu'il s'agit systématiquement d'actes positifs relevant de manquements aux obligations de base d'un gérant de SARL incompatibles avec le fait que l'intimé en fasse son métier, fautes qui ne peuvent donc en aucun cas être qualifiées « d'erreurs ou d'omissions »,
- infirmer le jugement déféré à la Cour et dire et juger que le compte courant de M. Thibault de R. est fixé conformément au rapport d'expertise à 52.840 euros conformément au rapport d'expertise D. qui doit être retenu,
- dire et juger que cette somme doit être réduite et compensée avec les sommes ci-après omises ou non encore chiffrées par l'expert D. :
- au titre des loyers impayés (autorité de chose jugée de l'arrêt et exécution impossible) : 37.537 euros,
- le compte courant débiteur de la SCA pour 59.256,26 euros,
- facture de travaux pièce n°131/2 à la SCA de 45.448 euros,
- facture de travaux : 15.000 euros,
- contrat de mariage Morlot : 4.000 euros,
- contrat Vitello : 500 euros,
- contrat Licoulaud : 2.250 euros,
- contrat Vidal : 1.750 euros,
- contrat ABC non facturé chiffré 15.840 euros par l'expert qui a omis de la déduire mais révélé par le mail d'août 2011 à 50.000 euros,
- dommages-intérêts M. L. Prud'hommes : 71.080 euros,
- cotisations sociales pour 11.711, 81 euros,
- frais de représentation Conseil des Prud'hommes : 4.332 euros HT,
- frais de représentation Cabinet D. d'A. : 65.448,44 euros HT,
- liquidation d'astreinte juge de l'exécution 23 octobre 2014 : 7.500 euros,
- majoration préjudice moto à hauteur du crédit supporté : 7 418.88 euros,
- part des frais expertise Crest : 1.200 euros,
- constater que le compte courant de M. Thibault de R. est réduit à 0 et en conséquence, - condamner en outre M. Thibault de R. au paiement des sommes susvisées qui dépasseraient le montant de son compte courant et des sommes suivantes à titre de dommages intérêts à la SARL Château d'Alpheran :
- dommages-intérêts pour privation des matériels détournés et multiples problèmes carte grise moto rachat : 3.000 euros,
- dommages intérêts pour abus du compte courant : 20.000 euros,
- dommages intérêts pour préjudice commercial négatif causé par le redressement judiciaire et
la publicité des multiples procédures : 20.000 euros,
- préjudice moral : 10.000 euros,
- préjudice financier pour mobilisation de trésorerie aux dépens des investissements nécessaires de développement actuel et pour l'avenir dans un contexte concurrentiel important dans la zone : 10.436 euros,
- débouter M. Thibault de R. de l'ensemble de ses demandes incidentes ou reconventionnelles, notamment celles relatives à une majoration du crédit de son compte courant sur des éléments déjà soumis à expertise judiciaire et produits tardivement, dépourvus de justification,
- débouter M. Thibault de R. de toutes ses demandes de dommages-intérêts, rémunération ou perte de rémunération,
- condamner M. Thibault de R. à lui payer une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. Thibault de R. aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 2 février 2018, aux termes desquelles M. Thibault de R. demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
- l'infirmer sur les demandes suivantes,
- dire et juger que l'action principale engagée par la SARL Château d'Alphéran est prescrite,
- débouter la SARL Château d'Alphéran de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre reconventionnel, la condamner à lui verser les sommes suivantes :
- ordonner le remboursement des sommes suivantes à inscrire au crédit de son compte courant :
- apports par virement du 31 mars 2006 : 12 .000 euros,
- salaires réglés à M. L. entre 2006 et 2010 : 20.042 euros,
- règlement du 31 janvier 2015 à M. Louis de R. : 18.458,45 euros,
- 50 % du prix d'achat de la moto : 6.582,04 euros,
- 24.000 euros à titre d'indemnité au titre du temps passé et des investissements réalisés dans le cadre des travaux de transformation du grenier du deuxième étage du château en logement habitable,
- en réparation de la révocation abusive de ses fonctions de gérant :
- 40.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 56.400 euros en réparation de la perte de revenus,
- 50.000 euros en réparation de la perte de droits à la retraite et à la protection sociale, - 30.000 euros en réparation de l'abus de procédure,
- 8.690,93 euros au titre des frais d'expertise D. et 2.160 euros de frais pour la note Ranchon,
- 72.803 euros en remboursement des frais de procédure exposés devant le tribunal de commerce,
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'appelante au paiement des dépens, dont distraction ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu qu'il sera rappelé que la société civile agricole du Domaine d'Alphéran, créée en 1957, exploite un domaine agricole appartenant à la famille de R. ; qu'en 1992, M. Thibault de R. en a été nommé gérant ;
Que le 22 octobre 2004, a été créée la SARL Château d'Alphéran, ayant pour activité l'exploitation de chambres d'hôtes et toutes activités touchant à l'hôtellerie et à la restauration sous quelque forme que ce soit ; que cette société, au capital initial de 686.052 euros, a été constituée entre M. Thibault de R., détenteur de 47,89 % des parts, son père Louis de R., usufruitier, décédé le 13 juillet 2017, ses deux soeurs Mme Florence de R. et Mme Dominique P. de B., détenant pour chacune 13,67 % des parts, et la société Financière Montpeyroux (détenue à 99 % par M. Thibault de R.) avec 8,25 % des parts, faisant ainsi de M. Thibault de R., directement ou indirectement, l'actionnaire majoritaire ;
Que M. Thibault de R. a assuré la gérance de la SARL Château d'Alphéran, de sa création à l'assemblée générale du 20 juin 2011, au cours de laquelle il a été révoqué ;
Que par acte du 4 novembre 2011, M. Thibault de R. a fait assigner la SARL Château d'Alphéran devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir le paiement de son compte courant à hauteur de 106.501,20 euros ;
Que par ordonnance de référé du 20 février 2012, le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a désigné un expert en la personne de M. D., afin de procéder à l'audit des comptes de la SARL Château d'Alphéran pour les années 2009, 2010 et 2011, et déterminer le montant des comptes courants d'associés de M. Thibault de R. et de Mme Dominique P. de B. ;
Que le 9 juin 2013, l'expert a déposé son rapport, estimant le compte de M. Thibault de R. à 52.028,74 euros et celui de Mme Dominique P. de B. à 45.000 euros ;
Que par acte du 20 décembre 2013, considérant que M. Thibault de R. avait commis des fautes de gestion, la SARL Château d'Alphéran l'a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 235.191,58 euros et de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que par le jugement entrepris du 21 juillet 2015, le tribunal a rejeté les demandes de la SARL Château d'Alphéran et l'a condamnée, avec exécution provisoire, à rembourser à M. Thibault de R. son compte courant, soit la somme de 106.224,72 euros ;
Attendu que par jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 6 août 2015, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la SARL Château d'Alphéran ; que la société a fait l'objet d'un plan de continuation en cours d'exécution, ainsi qu'en atteste Me de C., commissaire à l'exécution du plan ;
Sur les demandes tendant à la condamnation de M. Thibaut de R. au titre de fautes de gestion
Sur la prescription
Attendu que M. Thibault de R. invoque la prescription de l'action de la société Château d'Alpheran ; qu'il fait valoir que la société a affirmé que 'les anomalies comptables et fautes de gestion ont été découvertes avec les plaintes de M. L. et de Mme L. relatées dans un mail du 26 juillet 2010' ;
Qu'il rappelle que le délai de prescription est de trois ans en vertu de l'article L 223-23 du code de commerce, et qu'en conséquence, l'action engagée le 20 décembre 2013 est prescrite ;
Qu'il ajoute qu'aucun des faits n'a été dissimulé ; que l'expert judiciaire a déposé un rapport sur la base de pièces comptables qui étaient toutes à la disposition des associés, dont faisaient partie Mme Florence de R. et Mme Dominique P. de B. ;
Que la société Château d'Alphéran rétorque que Mme Florence de R. et Mme Dominique P. de B. n'ont pu commencer à prendre connaissance de la réalité de la gestion précédente et de l'accumulation des fautes commises par M. Thibault de R. qu'une fois qu'elles ont été nommées co-gérantes, c'est à dire à partir du procès-verbal d'assemblée générale du 8 avril 2011 et, surtout, de la révocation de juin 2011 ;
Qu'ainsi, à la date de l'acte introductif d'instance, soit le 20 décembre 2013, moins de trois ans s'étaient écoulés, de sorte que la prescription n'est pas acquise ;
Que la société Château d'Alphéran ajoute qu'en tout état de cause, le délai de prescription a été interrompu par l'assignation en référé délivrée le 4 novembre 2011 à l'initiative de M. Thibault de R. en paiement de son compte courant, et par les écritures déposées par la société le 6 février 2012 dans le cadre de ce référé ; que ce n'est qu'au vu du rapport d'expertise déposé le 9 juin 2013, que les co-gérantes ont disposé d'éléments comptables précis sur les fautes de gestion de M. Thibault de R. et partant, d'intenter une action à l'encontre de ce dernier ;
Attendu qu'en application de l'article L 223-23 du code de commerce, les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ;
Attendu que même s'il apparaît, à la lecture des correspondances produites aux débats, et notamment des courriers électroniques, que Mme Dominique de B. a commencé à s'impliquer dans le contrôle des opérations de gestion menées par M. Thibault de R. fin 2010, il n'en résulte pas pour autant qu'elle-même et a fortiori les autres associés pouvaient avoir connaissance de la plupart des irrégularités ultérieurement mises au jour par l'expert ;
Qu'à cet égard, les éléments du dossier ne permettent pas d'affirmer que Mme de B. aurait été informée que M. L. était employé sans être déclaré ; que lorsqu'elle-même a envisagé de l'avoir à notre service, pour les besoins de la réfection d'une partie privative du château, elle ne l'a envisagé que dans le cadre d'un contrat de travail que, par un courrier du 15 juin 2006, elle demandait à l'intéressé de lui retourner signer ;
Que même si, ultérieurement, Mme de B. fait allusion à des opérations non comptabilisées ni déclarées dans un document qu'elle a adressé à M. Thibault de R. par courrier électronique le 12 avril 2011 (Par exemple, on ne remet pas systématiquement en cause la pratique du black de façon occasionnelle mais à condition qu'il y ait une comptabilité de ces sommes et de leur utilisation, te permettant un complément de salaire légitime en toute transparence), aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'elle aurait eu connaissance, dès le mois de décembre 2010, de la réalité d'une situation par définition occulte et de son ampleur ;
Qu'enfin, l'argument suivant lequel la SARL Château d'Alphéran aurait reconnu, dans des conclusions sur incident du 10 juin 2014, avoir été informée des anomalies comptables et des fautes de gestion par les plaintes de M. L. et de sa compagne, Mme L., relatées dans un mail de M. Thibault de R. du 26 juillet 2010, est inopérant puisqu'à la date de ce courrier électronique, M. Thibault de R. gérait seul la SARL Château d'Alphéran, et rien ne permet de dire que ce courrier électronique aurait été communiqué à l'ensemble des associés ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que la révélation de l'ensemble des irrégularités de gestion invoquées ne résulte que du rapport d'expertise déposé le 9 juin 2013, et n'a pu en toute hypothèse intervenir avant la nomination de Mmes Dominique de B. et Florence de R. en qualité de cogérantes, d'où il suit que l'action n'était pas prescrite à la date de l'acte introductif d'instance, le 20 décembre 2013 ;
Sur les fautes de gestion
Attendu que la société Château d'Alphéran, appelante, fait grief au jugement d'avoir énuméré toute une série de fautes dont il a constaté la réalité mais auxquelles il a attribué une qualification dépourvue de tout fondement factuel ou juridique, alors même que l'expert judiciaire a rappelé dans son rapport les règles juridiques violées systématiquement chaque année par des moyens démontrant une volonté de dissimulation aux associés (espèces non déclarées, chèques en blanc de clients libellés au nom de tiers, non comptabilisation de multiples entrées en contradiction avec les montants actuels, mélange des comptes utilisés indifféremment etc.) ;
Qu'elle considère que la motivation selon laquelle les liens familiaux existant entre associés peuvent constituer des causes exonératoires ou limitatives de responsabilité est infondée car ni les textes ni la jurisprudence ne prévoient de dérogations ou d'immunité sur un tel fondement ;
Qu'elle estime également que le motif selon lequel la connaissance que pouvaient avoir certains associés des fautes commises, du seul fait de leur qualité d'associé, est exonératoire de responsabilité, est contraire aux règles de droit applicables ; qu'elle rappelle que, façon constante, la jurisprudence considère que le même le quitus donné au gérant par les associés ne fait pas obstacle à une action en responsabilité civile pour fautes commises dans sa gestion ;
Que, sur le fond, elle fait valoir que les fautes commises par M. Thibault de R. ne peuvent pas être qualifiées d'erreurs ou d'omissions ;
Qu'elle invoque ainsi des manquements aux dispositions légales qu'aucun des motifs retenus par le tribunal ne peut exonérer, tels que le refus de ne pas dresser le procès-verbal de l'assemblée générale que le gérant a convoquée, puis de signer ledit procès-verbal, de nier avoir été présent pour en contester la régularité, et de déposer plainte pour faux concernant ce procès-verbal ; qu'elle considère que le non-respect du vote majoritaire et de son caractère démocratique par assemblée générale en avril 2011 comme en juin lors de sa révocation, en ne se rendant pas à la réunion et en quittant les lieux brutalement sans assurer la transmission ni restituer le matériel de la société que le gérant s'est approprié est également contraire aux obligations légales qui incombent à tout gérant , et ne peut pas sérieusement être assimilé à une erreur ou une omission ;
Qu'elle relève à cet égard, que certaines des fautes commises par M. Thibault de R. sont également des violations des dispositions statutaires, comme son refus de respecter la co-gérance votée le 8 avril 2011 en continuant à diriger seul l'entreprise, par exemple en signant deux nouveaux contrats de travail à l'insu de ses co-gérants ;
Qu'elle invoque également des manquements fautifs aux obligations de gestion, y compris comptables, comme le fait de ne pas faire la distinction entre l'intérêt social et les intérêts personnels en se servant, de 2004 à 2011, de son compte personnel et du compte de la société ou d'une autre société n'ayant pas le même objet social, fût-elle familiale ou dans le même groupe, comme si les comptes de ces trois personnes physique et morales étaient tous les siens ;
Que de la même façon, l'achat d'une moto à titre prétendu de véhicule de fonction ne saurait être considéré comme un achat raisonnable, d'une part parce que la société est en difficulté financière et d'autre part car cet achat aurait dû être soumis à approbation préalable des associés ; qu'en effet, le prêt contracté pour financer ce véhicule a imposé le paiement par la société de 7.418,88 euros ; que, dès lors, le préjudice ne peut pas être limité à la valeur résiduelle et amortie du véhicule mais doit porter sur le montant du crédit, qui doit s'imputer en compensation des sommes dues au titre du compte courant ;
Qu'en ce qui concerne la situation de M. L., la SARL Château d'Alphéran considère que M. Thibault de R. a commis une faute lourde en l'ayant embauché sans contrat, ou sans le déclarer, si ce n'est à compter du 1er juin 2010 ; qu'il est établi que des salaires ont été enregistrés à partir du 1er avril 2007 jusqu'au 31 octobre 2007 ; que, de plus, M. L. n'a eu droit ni à un entretien préalable ni à une lettre de licenciement et n'a pas pu bénéficier des dispositions de l'article 1234-1 du code du travail ; que ces fautes ont généré un lourd préjudice pour la société puisqu'elle a été condamnée à payer à M. L. 70.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 1.080 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la société invoque d'autres fautes graves de gestion commises par M. Thibault de R., telles que le fait de ne pas avoir assuré et contrôlé l'homologation du chapiteau qu'il a acheté le 6 novembre 2008, d'avoir fait prendre en charge par la société des travaux pour le compte de la SCA, d'exercer une activité de chambres d'hôtes sans respecter la règlementation, d'avoir signé un bail de location à son profit, ou d'utiliser abusivement les apports en compte courant ;
Qu'elle reproche enfin à M. Thibault de R. de s'être octroyé une rémunération de son compte courant, sans soumettre cette question à un accord des associés ;
Que la société Château d'Alpheran demande, en conséquence, réparation des sommes suivantes :
- les sommes et biens détournés : 97.245,64 euros,
- la déduction du compte courant débiteur de la SCA : 59.256,26 euros,
- les dommages et intérêts versés à M. L. : 71.080 euros,
- la régularisation des arriérés des cotisations sociales : 11.711,81 euros,
- les frais et honoraires de représentation en justice devant toutes les juridictions devant lesquelles les fautes de gestion de M. Thibault de R. et ses actions judiciaires injustifiées ont contraint la société à se défendre :
- l'affaire L. devant le conseil des prud'hommes : 4.332 euros,
- pour le cabinet D.d'A. s'agissant des procédures civiles et commerciales contre M. Thibault de R. : 65.448,44 euros,
- la liquidation d'astreinte prononcée par le juge de l'exécution : 7.500 euros,
- les loyers impayés arrêtés par la cour de céans : 37.537 euros,
- les dommages et intérêts pour privation des matériels détournés : 3.000 euros,
- les dommages et intérêts pour abus du compte courant : 20.000 euros,
- les dommages et intérêts pour le préjudice moral : 10.000 euros,
- les dommages et intérêts pour le préjudice de trésorerie et financier : 10.436 euros,
- la majoration du préjudice concernant l'achat de la moto à hauteur du crédit : 7.418 euros,
- le contrat de mariage détourné apparu en appel Morlot : 4.000 euros,
- l'avance de la part de M. Thibault de R. sur le rapport convenu en médiation : 1.200 euros.
Qu'en réponse, M. Thibault de R. précise d'abord que la comptabilité de la société a été tenue depuis l'origine par M. M., expert-comptable, sans intervention de sa part, et souligne que cet expert-comptable a conservé la confiance des nouvelles gérantes ; que, par ailleurs, le compte bancaire de la SARL Château d'Alpheran a été ouvert auprès de la Société Générale en janvier 2005 et toutes les dépenses faites depuis 2003 pour les besoins de la société n'ont pas été réglées par ce compte ;
Que s'agissant des prétendus détournements, M. Thibault de R. explique qu'il ne s'agit que d'erreurs comptables et que le détournement n'est donc pas caractérisé ; qu'en ce qui concerne la création d'un compte courant non nominatif révélant soi-disant des dépenses n'entrant pas dans l'objet social de la société, il s'agit en réalité de factures concernant des fournisseurs habituels ;
Que concernant la rémunération du compte courant, M. Thibault de R. affirme qu'elle n'avait pas à être autorisée car les règles applicables aux conventions réglementées ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il rappelle que le taux applicable à un découvert en 2008 était de 3,99 %, de sorte que la rémunération assortissant son avance en compte courant n'a causé aucun préjudice à la société ;
Que s'agissant des prétendus détournements de biens achetés par la société, notamment la moto, l'intimé répond qu'elle a été financée par la reprise de son ancien véhicule pour un montant de 6.270,90 euros et par chèque de la société d'un montant de 6.893,17 euros, cette dernière somme ayant été débitée en 2009 de son compte courant ; que, dès lors, cette moto a été intégralement financée par ses soins, alors qu'elle a été utilisée pour moitié dans l'intérêt de la société ;
Que concernant les prétendus détournements de sommes payées par les clients, M. Thibault de R. affirme que la société ne peut se fonder sur le seul fait qu'il existe un écart entre le montant contractuellement arrêté et le montant perçu ; qu'en effet, certaines prestations ont été annulées, et d'autres ont donné lieu à des ristournes ou à des impayés ;
Qu'il considère par ailleurs que Mme Dominique P. de B. ne pouvait ignorer le travail de M. L. dans la mesure où elle souhaitait l'embaucher à titre personnel comme le prouve son courrier en date du 15 juin 2006, tout en rappelant qu'elle a reconnu elle-même une responsabilité collective dans la gestion des risques prud'homaux dans son courrier en date du 12 avril 2011 ;
Que, selon lui, l'appelante veut lui faire payer les conséquences d'une procédure prud'homale qu'elle a mal gérée ;
Qu'il précise qu'il a versé, sur des fonds personnels, des salaires à M. L., à hauteur de 20.042 euros, alors que la société était la seule bénéficiaire de ce travail ;
Qu'il souligne également que la prétendue faute concernant le chapiteau non assuré et homologué est une simple erreur de gestion qui n'a entraîné aucun préjudice ; qu'il n'existe aucune preuve de ce qu'il aurait refusé les visites de contrôle des moyens de secours, aucun préjudice n'ayant au demeurant été causé ;
Qu'il prétend, enfin, qu'il avait le droit de signer seul deux contrats de travail en date des 1ers et 3 juin 2011, en application de l'article L 223-18 du code de commerce ;
Attendu, en premier lieu, que s'il est incontestable que la gestion assurée par M. Thibault de R. s'est caractérisée par un certain empirisme, il convient de constater que toute une série de manquements à juste titre relevés par la société appelante n'ont pas occasionné, à son égard, un préjudice appelant réparation ; qu'il en est ainsi du non-respect de la réglementation en matière de sécurité, qui a, certes, exposé la clientèle à une situation dangereuse, mais qui n'a fort heureusement pas eu de conséquences sur les personnes concernées ni, indirectement, sur la société à l'encontre de laquelle, en particulier, aucun procès-verbal d'infraction n'a été dressé ; qu'il en est de même des manquements constatés dans la tenue et le suivi des décisions collectives ; qu'à cet égard, s'il est regrettable que M. Thibault de R. se soit abstenu de soumettre à une décision majoritaire du collège des gérants le recrutement de salariés postérieurement à l'assemblée générale du 8 avril 2011, laquelle avait expressément prévu une décision collégiale en cette matière, la société appelante n'allègue ni ne démontre que les recrutements effectués lui auraient, en définitive, porté préjudice ;
Que s'agissant, en deuxième lieu, du litige ayant opposé la société à M. L., il convient d'observer qu'une partie des sommes auxquelles la société a été condamnée constituent des éléments qui étaient dus à ce salarié et que la société aurait, en toute hypothèse, dû supporter ; que, pour le reste, M. Thibault de R. soutient, sans être contredit, qu'une possibilité d'accord transactionnel avait été envisagée, à laquelle les nouvelles gérantes n'ont pas donné suite, préférant poursuivre la procédure prud'homale jusqu'à son terme ; que la société appelante ne détaillant pas les chefs de condamnation par le conseil de prud'hommes uniquement imputables à la gestion de M. Thibault de R., se bornant à réclamer réparation du montant total, il s'ensuit que sa demande ne peut prospérer ;
Que s'agissant de la rémunération du compte courant d'associé de M. Thibault de R., pour laquelle la somme de 5.821 euros a été supportée par la SARL Château d'Alphéran c'est à juste titre que la société appelante fait valoir que la fixation de cette rémunération était soumise à la procédure des conventions réglementées dont il est constant qu'elle n'a pas été respectée ; que le simple fait que la rémunération ainsi perçue se soit trouvée dans les limites du taux de déductibilité admis par l'administration fiscale, c'est à dire le Taux moyen pratiqué pendant la période de référence, n'a pas pour effet de conférer à cette rémunération les caractéristiques d'une opération courante conclue à des conditions normales ;
Qu'il convient toutefois d'observer que, dans son rapport, l'expert a proposé de ne pas maintenir le montant de ces sommes au crédit du compte courant, de sorte que M. Thibault de R. ne saurait être tenu deux fois au titre des même sommes ;
Qu'en ce qui concerne le fait que M. Thibault de R. ait été logé à titre gracieux dans un appartement situé dans les combles du château pendant toute la période de gérance, la société appelante, qui se borne à demander paiement des loyers dont elle prétend avoir été privée, n'allègue ni ne démontre que cette situation caractériserait une faute de gestion ; que l'expert lui-même a préféré ne pas s'attarder sur cette question (p. 20 du rapport), dont il note qu'elle a fait l'objet d'un contentieux porté devant le juge civil ; qu'en toute hypothèse, cette situation apparaît à la fois inséparable de la rémunération très modique qui était servie à M. Thibault de R., et conforme à l'intérêt social, puisque favorisant la présence permanente du gérant sur le site ; qu'elle ne révèle aucune faute de gestion ;
Qu'en ce qui concerne les recettes dont le montant ne se retrouve pas dans les comptes de la société, les explications fournies par M. Thibault de R., même si elles ont pu être confortées rétrospectivement par Mme de B. ainsi qu'il a été examiné précédemment, n'en constituent pas moins des anomalies de gestion ; qu'il sera toutefois observé que les sommes concernées ont été déduites du compte courant par l'expert, et que M. Thibault de R. ne saurait être tenu deux fois à ce titre ;
Qu'en ce qui concerne la moto de marque KTM, dont l'achat relevait d'une décision de gestion et n'avait pas à être soumis à l'accord des associés, il apparaît que cette moto, qui permettait à M. Thibault de R. de se déplacer commodément sur la totalité du domaine, pouvait se justifier en partie au regard des fonctions de gérant ; qu'il n'est pas contesté qu'elle a été acquise pour un usage mixte ; qu'elle a du reste été financée à concurrence de 6.893 euros par la reprise d'une précédente moto appartenant à M. Thibault de R., un prêt de 7.000 euros étant souscrit au nom de la société pour le solde du prix ; que s'il apparaît que l'usage fait par M. Thibault de R. de ce véhicule postérieurement à sa révocation a occasionné à la société, au nom de laquelle la moto avait été immatriculée, des frais (paiement d'amendes pour stationnement irrégulier...), ces faits s'étant produits postérieurement à la révocation de l'intéressé, ils ne peuvent, par définition lui être imputés au titre de fautes de gestion ;
Que s'agissant de autres dépenses supportées par la SARL Château d'Alphéran, celles-ci ont été déduites du compte courant par l'expert, et ne sauraient donner lieu à réparation ;
Qu'enfin, la SARL Château d'Alphéran n'apparaît pas fondée à réclamer réparation des honoraires et frais de justice liés aux différentes actions l'ayant opposée à M. Thibault de R., pour laquelle des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile apparaissent, au vu des documents communiqués, avoir été présentées dans la plupart des cas ; que la cour ne peut manquer de constater que la société appelante attribue le qualificatif de farfelu aux demandes de même nature que M. Thibault de R. présente symétriquement ;
Attendu, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, que la SARL Château d'Alphéran sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts ;
Sur le compte courant de M. Thibault de R.
Attendu que la société Château d'Alphéran fait valoir que le tribunal a modifié substantiellement les conclusions de l'expert judiciaire en majorant la somme arrêtée par ce dernier à 52.840 euros pour revenir à la somme initialement demandée de 106.224,72 euros par M. Thibault de R. ;
Que, selon elle, il convient de retenir le montant du compte courant de l'intimé tel qu'arrêté par l'expert judiciaire, mais aussi d'en déduire certaines sommes au titre des divers préjudices subis, dont les loyers impayés, le compte débiteur de la SCA, les dommages et intérêts versés à M. L. etc. ;
Que M. Thibault de R. sollicite en réponse la confirmation du jugement sur ce point ;
Attendu qu'au terme d'une analyse particulièrement fouillée des justificatifs qui lui ont été communiqués, et en motivant de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles il a, dans les cas litigieux, proposé de réintégrer ou d'exclure certaines dépenses, l'expert a proposé de fixer à 52.028,74 euros le montant du solde du compte courant à la date du dépôt du rapport ;
Que c'est toutefois à juste titre, et pour les motifs qu'ils retiennent, que les premiers juges ont réintégré au compte courant de M. Thibault de R. une somme totale de 57.196,72, dont celui-ci justifié après expertise, et qu'ils ont déduit la somme de 3.000 euros versée à la SCA Domaine d'Alphéran ;
Que les sommes réintégrées seront ainsi récapitulées :
- achats de fournitures et matériaux en 2003 : 16.032,66 euros
- règlement Carocim en 2004 : 7.085,49
- règlement Provence sanitaire en 2004 : 3.243,68 euros
- règlement Ogapur au moyen d'un prêt Sofinco en 2005 : 2.850 euros
- remboursement du contrat RM Sécurité en 2006 : 838,59 euros
- paiement d'une facture Durant (électricien) en 2006 : 2.750 euros
- virement de 12.000 euros du compte de M. Thibault de R. sur le compte de la SARL ne mars 2006
- factures Point P en 2007 : 1.363,93 euros
- dépenses inférieures à 500 euros non retenues par l'expert mais justifiées par les talons de chèques pour 3.362,27 euros et de 3.252,20 euros en 2007/2008
- règlement Provence Sanitaire en 2007 :2.107,90 euros
- paiement d'un acompte à la fonderie de Roquevaire en 2010 : 1.110 euros
- remboursement d'une somme de 1.200 euros à Mme L. ;
Que le jugement soit, en conséquence, confirmé en ce qu'il a fixé le solde créditeur du compte courant d'associé à la somme de 106.224,72 euros ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. Thibault de R.
Attendu que M. Thibault de R. sollicite tout d'abord le remboursement des sommes suivantes ;
- apports par virement du 31 mars 2006 : 12.000 euros,
- salaires réglés à M. L. entre 2006 et 2010 : 20.042 euros,
- règlement du 31 janvier 2015 à M. Louis de R. : 18.458,45 euros,
- 50 % du prix d'achat de la moto : 6.582,04 euros ;
Qu'il demande également le règlement d'une indemnité au titre du temps passé et des investissements réalisés dans le cadre de travaux de transformation du grenier du deuxième étage du château en logement habitable à hauteur de 24.000 euros ;
Qu'il sollicite également la somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral qu'il déclare avoir subi du fait de sa révocation abusive ; que cette révocation a, en outre, entraîné une perte de revenus justifiant l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 56.400 euros ; qu'elle lui a fait perdre des trimestres de droit à la retraite et a entraîné son exclusion du régime général de la sécurité sociale, justifiant, selon lui, l'allocation d'une somme de 50.000 euros ;
Qu'enfin, M. Thibault de R. demande à la cour de lui accorder la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive, ainsi que les sommes de 8.690,93 euros en remboursement des frais de l'expertise D., 2.160 euros de frais pour la note Ranchon, et 72.803 euros en remboursement des frais de la procédure exposée devant le tribunal de commerce ;
Qu'en réponse, la société Château d'Alphéran rétorque que les demandes supplémentaires formulées par M. Thibault de R. sont toutes injustifiées ; que, selon elle, l'apport à créditer à son compte courant par virement du 31 mars 2006 de 12.000 euros aurait déjà été pris en compte par l'expert judiciaire ;
Que s'agissant des salaires réglés à M. L. entre 2006 et 2010 à hauteur de 20.042 euros, elle constate que les rares règlements opérés au profit de M. L. l'ont été avec des chèques sans indication du bénéficiaire, ou des espèces détournées du crédit de la SARL, et que le conseil des prud'hommes, par une décision ayant autorité de la chose jugée, n'a pas retenu les éléments ainsi avancés par M. Thibault de R. ;
Qu'en ce qui concerne le règlement du 31 janvier 2015 à Louis de R. pour un montant de 18.458,45 euros, la société considère qu'il lui est étranger car il s'agit de comptes personnels entre ce dernier et M. Thibault de R. ;
Qu'elle estime que la revendication de 50 % du prix d'achat de la moto à hauteur de 6.582,04 euros ne peut être accueillie, puisque cet achat ne correspond pas, selon elle, à l'intérêt social ;
Que s'agissant des indemnités pour le temps passé et l'investissement pour les travaux effectués à hauteur de 24.000 euros, elle fait valoir que M. Thibault de R. n'a jamais mis à l'ordre du jour des assemblées des associés une demande de rémunération, de sorte qu'une telle rémunération ne saurait être sollicitée ni obtenue a posteriori et sans l'accord des associés ;
Qu'elle conclut, enfin, au rejet des demandes liées à la révocation de M. Thibault de R., qu'elle estime pleinement justifiée, au regard des fautes inacceptables qu'il a commises ;
Attendu, en premier lieu, que la réintégration d'une somme de 12.000 euros a été retenue par les premiers juges et confirmée par le présent arrêt ; que M. Thibault de R. n'est pas fondé à solliciter le remboursement des sommes qu'il prétend avoir versées à M. L., à supposer qu'il en justifie, ces versements n'ayant pas été retenus par le jugement du conseil des prud'hommes ; que M. Thibault de R. ne justifie pas des raisons pour lesquelles les flux financiers intéressant les relations ayant existé entre lui et son père devraient être mis à la charge de la société ; Qu'en ce qui concerne la moto KTM, il n'est pas contesté que sa propriété a, en définitive, été transférée gracieusement à M. Thibaut de R., qui en avait conservé l'usage pendant plus d'un an, malgré sa révocation ; que l'expert, constatant que cette moto s'était dépréciée de 7.382 euros entre la date de son acquisition, le 8 juillet 2009, et le transfert de propriété, le 20 juin 2011, a proposé d'en réintégrer la moitié de la valeur nette comptable à cette date, soit 3.691/2 =1.845,50 euros, au débit de son compte courant, ce que le tribunal a entériné ; que M. Thibaut de R. n'est pas fondé à remettre en cause cette solution, qui lui était particulièrement favorable puisque prenant en compte la valeur comptable au jour du transfert de propriété et non au jour de la révocation ;
Attendu, en second lieu, que M. Thibault de R. n'est pas fondé à réclamer une rémunération au titre des améliorations qu'il a apportées à la partie du château qu'il occupait, faute d'avoir jamais présenté une telle demande à ses associés, étant rappelé qu'il ne versait, corrélativement, aucun loyer ;
Attendu, en dernier lieu, qu'il sera rappelé que la révocation de M. Thibault de R. le 20 juin 2011 est intervenue 2 mois après une assemblée générale extraordinaire, convoquée par M. Thibault de R. en sa qualité de gérant de la société, aux fins de voir désigner un ou plusieurs co-gérants ; que la nomination des deux cogérantes a été votée à l'unanimité ; que le procès-verbal de cette assemblée mentionne que les associés dénoncent les dysfonctionnements dans la gestion de la société par M. Thibault de R., notamment en ce qui concerne les problèmes liés aux litiges prud'homaux et le manque de transparence sur l'origine de son compte courant ; que le procès-verbal mentionne également que les associés exigent, afin de préserver la pérennité de la société, la mise en place de différentes mesures, parmi lesquelles, outre la mise en place d'un collège de gérants, la suspension des investissements, la mise en place d'une assistance administrative confiée notamment à M. Gaétan P. de B., la réalisation d'un audit de comptes, et l'étude d'une restructuration visant à dissocier l'immobilier de l'exploitation, qui serait transmise à une structure indépendante ; qu'à ce titre, la cinquième résolution, également adoptée à l'unanimité, mentionne que les gérants ne pourront, engager de nouveaux investissements et effectuer toute embauche ou promesse d'embauche sans l'accord de la majorité des gérants ;
Qu'il sera rappelé, à cet égard, que la plainte avec constitution de partie civile que M. Thibault de R. avait déposée au titre de faux en écriture concernant la tenue de cette assemblée générale, ont donné lieu à une décision de non-lieu, confirmée par arrêt de la chambre d'instruction de la cour en date du 3 janvier 2017 ;
Que l'assemblée générale ordinaire du 20 juin 2011, convoquée extraordinairement par les co-gérantes, avait pour ordre du jour la présentation du rapport établi par celles-ci, la révocation de M. Thibault de R. de ses fonctions de gérant ; que le rapport établi en vue de l'assemblée générale et joint aux convocations mentionne qu'à la suite de l'assemblée générale du 8 avril 2011, compte tenu des dysfonctionnements constatés dans la gestion de la société, notamment en ce qui concerne les litiges prud'homaux, il a été exigé la mise en place des mesures précitées ; que le rapport mentionne que du fait des difficultés rencontrées dans les relations avec M. Thibault de R. depuis cette assemblée générale, compte tenu notamment de sa correspondance du 19 mai 2011 adressée à l'ensemble des associés aux termes desquelles il menace de ne pas assurer la saison 2011 et de s'opposer à la poursuite du projet de la société Château d'Alphéran, il leur apparaît nécessaire, afin de préserver la pérennité de la société, de mettre fin aux fonctions de gérant de M. Thibault de R. ; qu'il sera précisé que la lettre adressée le 19 mai 2011 par M. Thibault de R. à ses co-gérantes leur signifiait qu'il n'assurerait pas la saison 2011 si M. Gaétan de B., qui l'aurait agressé verbalement, était encore présent dans les lieux, et remettait en question le projet de réorganisation du Château d'Alphéran, tel qu'envisagé par l'assemblée générale du 8 avril 2011 ;
Attendu qu'il résulte des éléments qui précèdent que M. Thibault de R. a eu connaissance des motifs de la révocation envisagée et qu'il a été mis en situation de présenter ses observations avant qu'il soit procédé au vote ; que les motifs énoncés, qui mettaient en évidence le refus de M. Thibault de R. d'appliquer les résolutions adoptées à l'unanimité quelques semaines auparavant en réponse aux carences constatées dans sa gestion, constituent un juste motif de révocation ;
Que, par suite, M. Thibault de R. n'est fondé à demander réparation, ni au titre de la procédure ayant conduit à sa révocation, ni au titre des motifs de cette révocation, et ne saurait davantage demander réparation de la perte de revenu, de la perte de droits à la retraite et à la protection sociale et du préjudice moral qu'il prétend avoir subis ;
Attendu qu'il sera, enfin, débouté, des demandes formées au titre des frais de procédure ; qu'il apparaît, au vu des pièces produites, que celles des procédures qu'il a engagées pour lesquelles il n'a pas été condamné, ont donné lieu de sa part à des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que la charge de l'expertise judiciaire sera examinée ci-après au titre des dépens ; qu'enfin, M. Thibault de R., qui a eu tout loisir de formuler des dires dans le cadre de l'expertise judiciaire, n'est pas fondé à demander que soit mis à la charge de la société le coût de l'expertise amiable à laquelle il a cru devoir procéder postérieurement ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. Thibault de R., lesquelles seront rejetées pour le surplus ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la SARL Château d'Alphéran, qui succombe principalement dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Qu'il convient toutefois de dire que les frais de l'expertise judiciaire confiée à M. D. seront supportés par moitié par les parties, l'expertise ayant été rendue nécessaire par la gestion opaque de M. Thibault de R. et ayant mis en lumière les irrégularités précédemment examinées ;
Attendu que l'équité justifie d'allouer en cause d'appel à M. Thibault de R. une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT
- CONDAMNE la SARL Château d'Alphéran à payer à M. Thibault de R. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE la SARL Château d'Alphéran aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT que les frais de l'expertise judiciaire confiée à M. D. seront supportés par moitié par les parties.