CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 3 février 2022, n° 21/02120
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
CPAM du Val-De-Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pruvost
Conseillers :
Mme Lefort, M. Trarieux
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant procès-verbal en date du 6 août 2020, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne (ci-après CPAM du Val de Marne) a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte de M. Bernard C., pour avoir paiement de la somme totale de 954,63 euros (frais inclus), et ce en vertu d'une contrainte du 11 mai 2017. La saisie a été dénoncée à M. C. par acte d'huissier du 13 août 2020.
Par acte d'huissier du 14 septembre 2020, M. Bernard C. a fait assigner la CPAM du Val de Marne devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'obtenir la nullité et la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 6 août 2020.
Le juge a soulevé d'office l'irrecevabilité de l'action sur le fondement des dispositions de l'article R.211-11 du code de procédures civiles d’exécution .
Par jugement en date du 15 décembre 2020, le juge de l’exécution a :
- déclaré irrecevable la contestation de M. C. contre la saisie-attribution du 6 août 2020,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. C. aux dépens.
Par déclaration du 29 janvier 2020, M. C. a fait appel de ce jugement.
Par conclusions du 8 avril 2021, il demande à la cour de :
- dire recevable et bien fondée sa contestation de la saisie attribution pratiquée le 6 août 2020,
- déclarer nulle et de nul effet la saisie-attribution signifiée le 6 août 2020,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution signifiée le 6 août 2020,
- condamner la CPAM du Val de Marne à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- condamner la CPAM du Val de Marne au paiement de la somme de 2.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions du 27 mai 2021, la CPAM du Val de Marne demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
- juger régulière et bien fondée la saisie-attribution signifiée le 6 août 2020,
En tout état de cause,
- valider la saisie-attribution signifiée le 6 août 2020 pour son entier montant,
- l'autoriser à poursuivre la procédure de recouvrement à l'encontre de M. C.,
- débouter M. C. de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. C. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par ordonnance du 27 mai 2021, la CPAM du Val de Marne a été déclarée irrecevable à conclure.
Par arrêt en date du 25 novembre 2021, la cour d'appel de Paris a rejeté la requête en déféré de la CPAM du Val de Marne contre l'ordonnance du 27 mai 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la contestation
Pour déclarer irrecevable la contestation de M. C., le juge de l’exécution a estimé que ce dernier ne rapportait pas la preuve que la contestation de la saisie-attribution par assignation du 14 septembre 2020 avait été dénoncée à l'huissier saisissant dans les délais prescrits par l'article R.211-11 du code de procédure civile d' exécution , M. C. n'ayant communiqué aucun élément justifiant de la date d'envoi de la lettre de dénonciation de la contestation.
A l'appui de son appel, M. C. fait valoir qu'en l'absence de dispositions imposant un mode de preuve spécifique, la preuve de l'expédition d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne résulte pas exclusivement de la production d'un récépissé délivré à l'expéditeur par les services postaux, et qu'il apportait la preuve que l'assignation avait été dénoncée par lettre recommandée, de sorte que le juge de l' exécution était en possession d'éléments suffisants pour pouvoir constater que les dispositions de l'article R.211-11 du code de procédure civile d' exécution avaient bien été respectées. Il ajoute justifier devant la cour de la date d'envoi de la lettre, au plus tard, dans la journée du 15 septembre 2020, soit le premier jour ouvrable suivant la délivrance de l'assignation.
Il résulte de l'article R.211-11 du code des procédures civiles d’exécution que les contestations relatives à la saisie-attribution sont, à peine d'irrecevabilité, dénoncées le jour même de l'assignation, ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
En l'espèce, M. C. produit la lettre recommandée de son huissier de justice, datée du 15 septembre 2020, dénonçant l'assignation devant le juge de l’exécution délivrée la veille à l'huissier instrumentaire. Il n'est pas contesté que le tampon de la Poste apposé sur le récépissé de dépôt de cette lettre recommandée est illisible.
En l'absence de disposition imposant un mode de preuve spécifique, la preuve de l'expédition d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne résulte pas exclusivement de la production d'un récépissé délivré à l'expéditeur par les services postaux.
A hauteur d'appel, M. C. produit d'autres pièces afin de tenter d'établir la date à laquelle la lettre a été déposée à la Poste, notamment la facture de l'huissier du 15 septembre 2020 et les démarches entreprises auprès des services postaux. Il résulte de l'historique de distribution de la lettre, obtenu auprès de la Poste, que celle-ci est entrée dans le réseau des plateformes industrielles du courrier (PIC) le 16 septembre 2020 à 01h55. C'est donc à juste titre que l'appelant soutient que la lettre a nécessairement été déposée dans la journée du mardi 15 septembre 2020, soit le premier jour ouvrable suivant la délivrance de l'assignation.
M. C. apportant la preuve, devant la cour, que sa contestation de la saisie-attribution a bien été dénoncée à l'huissier instrumentaire dans les délais prescrits par l'article R.211-11 du code des procédures civiles d’exécution , il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation et de déclarer M. C. recevable en son action.
Sur la demande de mainlevée de la saisie
M. C. fait valoir que la créance objet de la saisie-attribution, n'est ni liquide, ni exigible, en raison d'un procès-verbal de conciliation du 13 juin 2019, signé par toutes les parties et fixant la créance à la somme de 1.061,54 euros dont 490,11 euros au titre des frais, étant observé que le décompte de la créance de la saisie-attribution ne contient que des frais pour un total de 954,63 euros.
Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution , tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières liées à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail.
Il ressort du procès-verbal de saisie-attribution que la saisie est pratiquée en vertu d'une contrainte du 11 mai 2017.
M. C. apporte la preuve que la CPAM du Val de Marne avait d'abord tenté de recouvrer sa créance résultant de cette contrainte par une saisie des rémunérations en 2019. Il produit le procès-verbal de conciliation en date du 13 juin 2019 aux termes duquel M. C. a reconnu devoir la somme de 1.061,54 euros (comprenant les frais pour 490,11 euros et tenant compte d'un acompte de 1.457,97 euros) et s'est engagé à se libérer de sa dette par versements mensuels de 100 euros.
Il produit en outre un décompte manuscrit de ses paiements par chèques (dix versements de 100 euros et un versement de 61,54 euros entre le 5 juillet 2019 et le 1er mai 2020). Ce document, émanant du débiteur, ne peut certes pas à lui seul établir les paiements. Toutefois, il résulte du décompte du procès-verbal de saisie-attribution que les versements effectués par le débiteur s'élèvent à la somme de 2.519,51 euros. Il est donc établi que M. C. a bien réglé la somme de 1.061,54 euros comme il s'y était engagé (1.457,97 + 1.061,54 = 2.519,51) dans le cadre de la procédure de saisie des rémunérations.
La saisie-attribution n'a donc été pratiquée que pour recouvrer des frais.
Il résulte certes du procès-verbal de conciliation que le montant des frais n'était plus que de 490,11 euros alors que la requête de la CPAM du Val de Marne afin de saisie des rémunérations faisait état de frais pour un montant de 1.049,87 euros.
Cependant, le procès-verbal de conciliation, qui n'est pas un jugement, ne tranche aucune contestation et n'a pas autorité de la chose jugée. La fixation de la créance qui y est opérée ne l'est que pour les besoins de la procédure de saisie des rémunérations. Il ne s'agit donc pas non plus d'une transaction. Dès lors, il ne peut être considéré que le créancier aurait renoncé à une partie de sa créance, s'agissant des frais.
Pour autant la CPAM du Val de Marne ne justifie pas, devant la cour, que les sommes recouvrées par la saisie-attribution seraient dues par M. C., étant précisé que les frais ne sont pas détaillés dans le décompte du procès-verbal de saisie-attribution qui mentionne seulement des frais de procédure d'un montant de 1.007,33 euros. Aucun élément ne permet à la cour de savoir à quoi correspond cette somme.
Ainsi, il n'est pas établi que les frais réclamés étaient nécessaires au sens de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ni même que le créancier les a exposés.
C'est dès lors à juste titre que M. C. sollicite la mainlevée de la saisie-attribution, qui n'est pas justifiée, étant précisé qu'il n'invoque aucun moyen susceptible d'entraîner l'annulation de sorte que sa demande de nullité de la saisie-attribution sera rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive
M. C. fonde sa demande sur les articles L.111-7 et L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution et soutient que la saisie est manifestement abusive dès lors que la créance principale est éteinte et que les frais avaient été fixés par le tribunal d'instance et ont été payés.
Il résulte de l'article L.111-7 du code des procédures civiles d’exécution que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l' exécution de sa créance, qui ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
L'article L.121-2 du même code dispose que le juge de l' exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
L'abus de saisie suppose une faute du créancier dans le recouvrement de sa créance. En l'espèce, cette faute n'est nullement démontrée.
Il convient donc de débouter M. C. de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, la CPAM du Val de Marne sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel,
En outre, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. C. et de condamner à ce titre la CPAM du Val de Marne à lui payer la somme de 2.400 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil,
Statuant à nouveau,
DECLARE M. Bernard C. recevable en son action en contestation de la saisie-attribution pratiquée le 6 août 2020 par la CPAM du Val de Marne,
REJETTE la demande tendant à l'annulation de la saisie-attribution,
ORDONNE la mainlevée de cette saisie-attribution,
DEBOUTE M. Bernard C. de sa demande de dommages-intérêts.
CONDAMNE la CPAM du Val de Marne à payer à M. Bernard C. la somme de 2.400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la CPAM du Val de Marne aux entiers dépens de première instance et d'appel.