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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 16 février 2023, n° 22/05299

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

CIC - Lyonnaise de Banque (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Michon

Avocats :

Me Ngafaounain, Me Dupuis, Me Rebotier

JEX Nanterre, du 12 juill. 2022

12 juillet 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

M. et Mme [T] ayant échoué à obtenir en référé une extension de la mission d'expertise ordonnée le 1er mars 2016 portant sur des biens acquis en l'état futur d'achèvement, notamment au contradictoire de la société Lyonnaise de banque qui demandait sa mise hors de cause, ils ont été condamnés à payer à cette dernière, chacun la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, par ordonnance de référé du 2 mai 2017 du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, qui a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt du 6 février 2018 de la cour d'appel de Chambéry.

La société Lyonnaise de banque poursuivant l' exécution de ces décisions, a fait pratiquer une première saisie-attribution sur les comptes bancaires détenus par Mme [T] à la Banque postale par acte dénoncé le 7 novembre 2018. La contestation élevée par Mme [T] devant le juge de l' exécution de Nanterre a été rejetée par jugement du 13 septembre 2019 qui a donné effet à la saisie pour 1448,70 € et condamné la débitrice au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 6 octobre 2020, la société Lyonnaise de banque a, sur le fondement de ces 3 décisions, fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. et Mme [T] pour paiement du solde de sa créance. Le 8 octobre 2020 M [T], en versant un acompte, a proposé de régler le solde de la dette à l'étude d'huissier instrumentaire, qui n'a donc pas dénoncé la saisie, et en a donné mainlevée le 17 décembre 2020.

Le juge de l' exécution de Nanterre saisi par assignation du 19 janvier 2021 en mainlevée et dédommagement pour saisie abusive, a, par jugement contradictoire du 12 juillet 2022 :

débouté M. et Mme [T] de l'ensemble de leurs demandes ;

dit que chaque partie assumera la charge de ses propres dépens ;

rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 10 août 2022, M. et Mme [T] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 9 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de :

infirmer le jugement [entrepris] en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau : 

prononcer la caducité des procédures de saisies attributions diligentées les 9 octobre 2020 et 20 octobre 2020 [sic] à la diligence de la société Lyonnaise de banque sur les comptes personnels de Mme [T], ainsi que sur les comptes personnels de M. [T], et enfin, sur le compte-joint de M. et Mme [T],

En conséquence :

en ordonner les mainlevées,

condamner la société Lyonnaise de banque à payer à Mme [T] la somme de 100 euros prélevée sur son compte au titre des frais bancaires,

condamner la société Lyonnaise de banque à restituer à M. [T] la somme de 300 euros trop versée, outre les intérêts au taux légal, à compter de leur versement,

condamner la société Lyonnaise de banque à payer à M. et Mme [T], une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

condamner la société Lyonnaise de banque aux entiers dépens ,

condamner la société Lyonnaise de banque à payer d'une part à Mme [T] et d'autre part à M. [T] la somme de 2000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [T] font valoir :

que lorsque l'un des comptes saisis est un compte joint, chacun des co-titulaires du compte doit recevoir la dénonciation de la procédure de saisie-attribution ; qu'en l'espèce aucune dénonciation n'est intervenue ; qu'en conséquence, il y a lieu de constater la caducité des procédures de saisie-attribution et d'en ordonner la mainlevée, conformément aux dispositions de l'article R.211-3 du code des procédures civiles d' exécution  ;

que la procédure de saisie-attribution était particulièrement abusive au regard du quantum des sommes restant dues ;

que Mme [T] a acquiescé à la première saisie-attribution pour un montant de 1448,70 euros le 18 octobre 2019, ce qui permettait de solder intégralement les sommes restant dues à la société la Lyonnaise de banque et qu'ainsi, Mme [T] ne restait devoir que la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mise à sa charge par le jugement du juge de l' exécution en date du 13 septembre 2019, sachant que Mme [T] a réglé 700 euros par chèque le 25 février 2020, ce qui ressort du décompte de l'huissier du 4 mars 2020 ; que dès lors, la nouvelle procédure de saisie-attribution diligentée le 6 octobre 2020 est abusive, en ce qu'il ne restait à verser que la somme de 100 euros outre que le procès-verbal de saisie-attribution est erroné en ce qu'il mentionne une somme restant due de 934,56 euros ;

que la saisie diligentée étant abusive, les époux [T] sont bien fondés à solliciter la condamnation de la société la Lyonnaise de banque à leur verser une somme à titre de dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d' exécution  ; que les époux [T] ont subi un préjudice résultant du blocage de leurs comptes durant plus de deux mois de manière injustifiée.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Lyonnaise de banque, intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu le 12 juillet 2022 en toute ses dispositions ;

débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes ;

condamner in solidum les époux [T] à payer à la société Lyonnaise de banque la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses demandes, la société Lyonnaise de banque fait valoir :

qu'elle justifie de l'existence d'un titre exécutoire fondant la saisie et de sa notification régulière ;

que M. et Mme [T] n'ont jamais versé intégralement les sommes restant dues ; qu'en l'espèce, seule une somme de 934,56 euros a été saisie sur le compte de Mme [T] et que la procédure de saisie-attribution a toujours pour effet de bloquer l'ensemble des comptes du débiteur saisi au sein du même établissement ; que dès lors, la procédure de saisie-attribution diligentée n'est pas abusive ;

qu'en tout hypothèse il a été donné mainlevée de la saisie-attribution le 17 décembre 2020 et que la présente procédure est donc sans objet.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 décembre 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 18 janvier 2023 et le prononcé de l'arrêt au 16 février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Il importe tout d'abord de constater qu'il n'existe aucun acte de saisie des 9 octobre 2020 et 20 octobre 2020, dont M et Mme [T] demandent au dispositif de leurs conclusions, la mainlevée pour cause de caducité à défaut de dénonciation dans les 8 jours suivants. L'unique saisie susceptible d'être sanctionnée est celle du 6 octobre 2020, qui en effet n'a pas été dénoncée, M [T] ayant dès le surlendemain fait un paiement partiel entre les mains de l'huissier. Or, ce n'est pas la caducité de cette saisie attribution-là qui est demandée par M et Mme [T], et la demande de mainlevée formée devant le juge de l' exécution alors que l'huissier y avait déjà procédé plusieurs semaines auparavant était radicalement sans objet.

Tous les comptes immobilisés par l'effet normal de la saisie attribution ont été libérés et les sommes appréhendées par la banque tiers saisie recréditées sur les comptes des débiteurs de sorte qu'il n'y a pas lieu à restitution.

Seule la demande d'indemnisation du préjudice généré par l'acte d' exécution forcée est recevable, puisqu'à défaut de dénonciation de la saisie, la contestation n'est pas enfermée dans le délai d'un mois prescrit par l'article R211-11 du code des procédures civiles d' exécution , et une telle demande d'indemnisation serait fondée en cas d'abus de saisie, en application des articles L111-7, L111-8 et L121-2 du code des procédures civiles d' exécution .

M et Mme [T] soutiennent que la saisie du 7 novembre 2018 ayant été validée par le juge de l' exécution le 13 septembre 2019 dans la limite de 1448,70 € qui a été payée sur acquiescement de Mme [T] le 18 octobre 2019, l'ordonnance de référé du 2 mai 2017 et l'arrêt du 6 février 2018 doivent être considérés comme entièrement exécutés à cette date, de sorte que seul le jugement du 13 septembre 2019 restait à exécuter pour 800 € contre Mme [T], et qu'elle a versé à l'huissier une somme de 700 € dès le 25 février 2020 .

Mme [T] qui ne raisonne que sur le principal de chaque dette, oublie cependant de prendre en compte le cours de l'intérêt légal sur les sommes dues à compter de chaque décision de condamnation, ainsi que les frais d' exécution qui en application de l'article L111-8 précité, restent à la charge du débiteur sauf s'il est démontré qu'ils n'étaient pas nécessaires pour obtenir le paiement.

Or, le jugement du 13 septembre 2019 n'a statué que sur une mesure d' exécution du 7 novembre 2018 arrêtée à cette date.

La contestation de mesure ayant généré de nouveaux intérêts et de nouveaux frais, et le fruit de la mesure s'imputant en priorité sur les frais et les intérêts échus, il est parfaitement démontré par la succession des décomptes de l'huissier versés aux débats, que lors du déblocage de la somme de 1448,70 €, les deux premiers titres exécutoires, n'étaient pas complètement exécutés.

S'y est ajoutée, la condamnation de Mme [T] résultant du jugement du 13 septembre 2019, non pas seulement à la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme elle le soutient, mais aussi aux dépens. Le versement de 700 € par chèque du 25 février 2020, imputé sur les dépens et frais d' exécution et les intérêts échus depuis le jugement du juge de l' exécution n'a donc apuré que très partiellement la dette des débiteurs.

Il est donc faux pour les appelants d'affirmer qu'au 6 octobre 2020, la créance n'était plus que de 100 € ce qui aurait rendu la mesure de saisie attribution disproportionnée.

La saisie n'a donc pas été diligentée sans titre exécutoire et les versements des débiteurs étant toujours inférieurs aux montant réellement dus, en présence de débiteurs contestant point à point les nouveaux décomptes de l'huissier (cf pièce 7 de la banque), cette nouvelle saisie du 6 octobre 2020 n'était pas inutile pour obtenir le paiement du solde restant dû. Enfin, en déclarant à l'huissier saisissant le solde figurant sur chacun des comptes des débiteurs visés par les titres exécutoires, la banque tiers saisie n'a fait qu'exécuter son obligation, et n'a finalement bloqué que la somme de 934,56 €, montant des causes de la saisie, jusqu'à la mainlevée de la mesure par l'huissier, qui n'y a procédé le 17 décembre 2020, que parce que M [T] lui a versé directement une somme de 400 € en indiquant qu'il verserai le solde plus tard, ce qu'il n'a pas fait.

Il est démontré que la Lyonnaise de Banque a néanmoins accepté la mainlevée alors que les débiteurs restaient devoir 112,80 €.

Il n'existe donc aucun abus de saisie sanctionnable et la cour approuvant les motifs pertinents du premier juge, considère qu'il a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

M et Mme [T] supporteront les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la société Lyonnaise de banque la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [O] [X] [Z] épouse [T] et M. [B] [T] à payer à la SA Lyonnaise de banque la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [O] [X] [Z] épouse [T] et M. [B] [T] aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.