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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 16 février 2023, n° 22/01242

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Garage ma Campagne (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

M. Desalbres, Mme Defoy

Avocats :

Me Mercier, Me Février

JEX Angoulême, du 28 févr. 2022, n ° 21/…

28 février 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

Par ordonnance du 18 février 2013, le juge d'instance d'Angoulême, désigné pour exercer les fonctions de juge de proximité, a enjoint à Mme [R] de payer à la SARL Garage Ma Campagne la somme de 2 290,59 euros en principal, représentant les frais de réparation d'un véhicule, outre les sommes de 4,36 euros au titre des frais accessoires et de 52,62 au titre des frais de requête.

L'ordonnance a été rendue exécutoire le 4 avril 2013 et a été signifiée à Mme [R] le 9 avril 2013.

Par acte d'huissier du 5 octobre 2021, la S.A.R.L. Garage Ma Campagne a fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes bancaires de Mme [R] ouverts auprès de la société Financière des paiements électroniques. Cette mesure d' exécution lui a été dénoncée le 7 octobre 2021.

Par acte d'huissier du 3 novembre 2021, Mme [R] a fait assigner la S.A.R.L. Garage Ma Campagne devant le juge de l' exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême afin de voir, à titre principal, déclarer nulle la saisie attribution, à titre subsidiaire voir fixer la créance à la somme de 1 249, 59 euros, et obtenir un délai de deux ans pour s'acquitter des sommes dues, par échéance de 50 euros mensuels outre des dommages intérêts.

Par jugement du 28 février 2022, le juge de l' exécution a :

- débouté Mme [Z] [R] de ses contestations de la saisie attribution signifiée le 5 octobre 2021 et de sa demande de dommages et intérêts,

- autorisé Mme [Z] [R] à se libérer de sa dette en 23 mensualités de cent cinquante euros, le 15 de chaque mois, à compter du 15 avril 2022 et une mensualité correspondant au solde de la créance,

- dit qu'en cas de défaut de paiement d`une seule mensualité à terme échu, l'ensemble de la dette sera exigible par anticipation,

- laissé les dépens à la charge de la partie qui les a engagés.

Le 11 mars 2022, Mme [R] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 20 septembre 2022 la présidente de cette chambre de la cour, a fixé l'affaire à bref délai à l'audience des plaidoiries au 5 janvier 2023.

Par décision du 5 avril 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire d'Angoulême a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme [R] pour la présente procédure.

Par ordonnance du 13 juillet 2022 le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimée du 1er juin 2022.

Par arrêt de déféré du 25 novembre 2022, la cour d'appel de Bordeaux a :

- infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 juillet 2022, et statuant à nouveau, a déclaré recevables les conclusions remises le 1er juin 2022 par la SARL Garage ma campagne, et dit que le sort de dépens de déféré suivra le sort des dépens au fond.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2022, Mme [R] demande à la cour, sur le fondement des articles L211-1, R123-1, L162-2, et L111-7 du code des procédures civiles d' exécution et de l'article 1343-5 du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

Accueillir les pièces qu'elle a communiquées en cause d'appel,

- déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles formées en cause d'appel par la société Garage Ma Campagne,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- l'a déboutée de ses contestations de la saisie attribution signifiée le 5 octobre 2021 et de sa demande de dommages et intérêts,

- l'a autorisée à se libérer de sa dette en 23 mensualités de cent cinquante euros, le 15 de chaque mois, à compter du 15 avril 2022 et une mensualité correspondant au solde de la créance,

- dit qu'en cas de défaut de paiement d'une seule mensualité à terme échu l'ensemble de la dette sera exigible par anticipation,

- laissé les dépens à la charge de la partie qui les a engagés,

En conséquence et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer nulle et de nul effet la saisie-attribution opérée entre les mains de la société Financière des paiements électroniques le 5 octobre 2021 et dénoncée le 7 octobre 2021,

A titre subsidiaire,

- fixer le montant de la créance due par Mme [R] à la somme de 1 249,59 euros correspondant au principal de la créance (2 290,59 euros) dont il convient de déduire les acomptes d'ores et déjà versés (1 041 euros),

- dire qu'elle pourra se libérer de sa dette en versant 23 mensualités de 50 euros, le solde restant dû devant être réglé lors de la 24eme mensualité,

- dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,

En tout état de cause,

- condamner la SARL Garage Ma Campagne à lui verser une somme s'élevant à 3 000 euros à titre de dommages et intérêts

- ordonner la compensation des sommes éventuellement dues par chacune des parties,

- dire et juger que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2022, la S.A.R.L. Garage Ma Campagne demande à la cour, sur le fondement des articles 32-1 et 906 du code de procédure civile, les dispositions des articles L162-2, R162-3 et L111-8 du code des procédures civiles d' exécution , de :

A titre principal,

- rejeter les pièces de Mme [R],

- débouter Mme [R] de sa demande de nullité de la saisie attribution du 5 octobre 2021 et par conséquent de sa demande de dommages et intérêts,

- et par conséquent, confirmer le jugement de première instance dans toutes ces dispositions,

A titre reconventionnel,

- condamner Mme [R] au paiement d'une somme d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- la sommer de communiquer la preuve du remboursement de la somme de 2 000 euros par son assurance au titre des réparations du véhicule,

En tout état de cause,

- condamner Mme [R] au paiement d'une somme d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 décembre 2022.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 5 janvier 2023 et mise en délibéré au 16 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des pièces communiquées par Mme [R]

La société Garage Ma Campagne maintient qu'en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions doivent être notifiées et les pièces communiquées simultanément, que Mme [R] n'a pas communiqué ses pièces lors de la signification de ses conclusions, que la communication des pièces s'impose en appel sans que l'on puisse exciper de leur communication en première instance, et que les pièces de l'appelante doivent être rejetées.

Mme [R] soutient cependant à juste titre qu'elle a communiqué ses pièces à la société Garage Ma Campagne le 31 mai 2022, et que celle-ci a eu tout le loisir d'en prendre connaissance et de pouvoir les discuter contradictoirement.

L'obligation de communiquer les pièces en même temps que les conclusions, prévue par l'article 906 du code de procédure civile, n'impose pas, en effet, d'écarter les pièces d'une des parties lorsque cette communication a eu lieu en temps utile, c'est à dire lorsque le destinataire de la communication a été en mesure de les examiner, de les discuter, et d'y répondre.

Tel est bien le cas en l'espèce puisque Mme [R] a communiqué ses pièces le 31 mai 2022 et que la clôture de la procédure n'est intervenue que le 22 décembre 2022, plus de 6 mois plus tard.

Les pièces communiquées par Mme [R], qui sont recevables, ne seront donc pas rejetées.

Sur la validité de la saisie attribution

Mme [R] fait valoir que la saisie est nulle et de nul-effet, en application des dispositions de l'article L162-2 du code des procédures civiles d' exécution , en raison de ce que la somme saisissable était de 177,06 € et non de 606,61 € et de ce que cette mesure d' exécution n'a pas laissé sur son compte bancaire une somme alimentaire correspondant au revenu de solidarité active (RSA).

La société Garage Ma Campagne maintient néanmoins exactement que si l'article L162-2 du code des procédures civiles d' exécution prévoit que le tiers saisi doit laisser à la disposition du débiteur une somme à caractère alimentaire , il n'en reste pas moins que lorsqu'il y eu deux saisies successives dans le même mois , le débiteur ne peut, conformément à l'article R162-3 du code des procédures civiles d' exécution , bénéficier d'une nouvelle mise à disposition du solde bancaire insaisissable. Elle ajoute à juste titre que les précisions apportées par la banque font ressortir qu'aucun nouveau montant insaisissable ne devait être retenu dans sa globalité .

L'article R162-3 du code des procédures civiles d' exécution prévoit en effet que le débiteur ne peut bénéficier d'une nouvelle mise à disposition , qu'en cas de nouvelle saisie intervenant à l'expiration d'un délai d'un mois après la saisie ayant donné lieu à la précédente mise à disposition.

Il en résulte que lorsqu' une deuxième saisie intervient dans le mois suivant une première saisie, le débiteur ne peut bénéficier, une seconde fois, du solde bancaire insaisissable et que la somme saisie à cette occasion peut porter sur le solde disponible sur le compte .

En l'espèce la déclaration de la société Financière des paiements électroniques, qui est le tiers saisi, fait ressortir que le total disponible sur le compte de Mme [R] était, lorsque la saisie est intervenue, de 783,67 € , que la somme insaisissable à retenir était de 177,06 €, et que le total saisissable était de 606,61 €.

Il résulte des dispositions de l'article R162-2 du code des procédures civiles d' exécution que c'est au tiers saisi, en l'espèce la banque dans laquelle Mme [R] a ouvert son compte, et non au créancier poursuivant, qui ne dispose pas du pouvoir de le faire, de déterminer le solde saisissable après avoir laissé à la disposition du débiteur la somme à caractère alimentaire prévue par la loi.

Les manquements invoqués par Mme [R], qui ne produit aucune pièce émanant de sa banque établissant l'erreur qu'elle invoque, et qui n'a pas appelé cette dernière dans la procédure pour contester le montant de la somme qu'elle a laissé à sa disposition, ne sont dès lors pas établis.

Elle sera déboutée de sa demande de nullité de la saisie attribution.

Sur le montant de la créance et le caractère excessif et inutile de la saisie attribution

Mme [R] maintient que l' exécution de la mesure a pu excéder ce qui était nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation, et que la saisie doit être déclarée nulle et de nul effet. Elle précise que la créance s'élevait en principal à 2 290,59 euros, alors que la société Garage Ma Campagne se prétend créancière de 4175,04 €, que l'huissier a facturé de multiples frais de requête sans que l'intimée vienne expliquer en quoi ils consistent , qu'un échéancier avait été mis en place pour un versement mensuel de 60 euros, puis de 20 euros entre juin 2013 et juin 2017, que malgré ses difficultés financières, elle a déjà versé la somme de 1 041 euros, que si la cour déclarait la saisie valable, elle devrait réduire à néant les sommes réclamées.

La société Garage Ma Campagne soutient cependant, à juste titre, que les démarches de recouvrement qu'elle a entreprises , dont elle rapporte la preuve, résultent de l'absence d' exécution de la décision de la part de Mme [R] , de sorte que les frais de l' exécution forcée, conformément à l'article L111-8 du code des procédures civiles d' exécution , doivent être laissés à la charge de l'intéressée.

Le décompte de sa créance produit en pièce 5 par la société Garage Ma Campagne fait en effet ressortir qu'il lui est dû la somme de 5217,98 € dont elle déduit le montant versé par Mme [R] qui s'élève, effectivement, à 1041 € ce qui représente un solde restant dû de 4176 ,98 €.

Il a donc bien été tenu compte des versements effectués.

Ce décompte mentionne en outre quel est le principal qui était dû, quels sont les frais exposés ainsi que le montant des intérêts.

Les sommes réclamées au titre du principal et des intérêts, à l'égard desquels aucune critique précise n'est formulée, doivent être retenues.

Il en va de même des frais et notamment des frais correspondant aux requêtes. Ces dernières qui sont régulièrement produites , ont eu pour objet d'obtenir des différentes autorités, organismes, ou juridiction les éléments nécessaires au recouvrement de la créance.

Même si Mme [R] a effectué des versements selon un échéancier, il n'en reste pas moins qu'une partie importante du principal de la créance reste encore dû, que les paiements effectués n'ont pas empêché les intérêts de courir, et qu'il ne peut être fait grief au créancier d'avoir pris des initiatives notamment en présentant certaines requêtes par l'intermédiaire de l'huissier mandaté à cet effet pour recouvrer la somme due.

Mme [R] ne peut enfin fonder sa demande en paiement de dommages intérêts, en reprochant à la société Garage Ma Campagne d'avoir laissé une somme disponible insuffisante sur son compte bancaire alors que, comme il l'a été retenu ci-dessus, le montant de cette dernière a été déterminée par la banque, ou était ouvert son compte, en application des dispositions applicables concernant le solde disponible alimentaire.

C'est donc à juste titre, et par de motifs qu'il convient d'adopter, que le premier juge a décidé qu'il n'y avait pas lieu de cantonner la saisie, et que celle-ci n'était pas abusive. Cette procédure d' exécution , qui est proportionnée au but recherché , d'obtenir le paiement de la somme due, sera donc validée.

Mme [R] sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ces points.

Sur les délais de paiement

Le jugement attaqué a autorisé Mme [R] à se libérer de sa dette en 23 mensualités de cent cinquante euros, le 15 de chaque mois, à compter du 15 avril 2022 et une mensualité correspondant au solde de la créance. Il a dit qu'en cas de défaut de paiement d`une seule mensualité à terme échu l'ensemble de la dette sera exigible par anticipation.

Mme [R] demande à pouvoir se libérer de sa dette qu'elle fixe à 1249,59 € en 23 mensualisés de 50 €, le solde devant être versé lors de la 24ème mensualité.

La société Garage Ma Campagne s'y oppose et demande la confirmation du jugement.

En raison de la situation financière de Mme [R], de ses charges et de ses revenus, mais aussi de l'ancienneté de la dette, qui ne s'élève pas à 1249,59 € mais à à 4176 ,98 €, ainsi qu'il vient de l'être précisé, il convient de la débouter de sa nouvelle demande de réaménagement du délai de paiement, et de confirmer le jugement entrepris sur ce point également.

Sur les autres demandes de la société Garage Ma Campagne

La demande de la société Garage Ma Campagne ayant pour objet de voir Mme [R] condamnée à communiquer la preuve du remboursement de la somme de 2 000 € par son assurance, au titre de la réparation du véhicule est irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel ainsi que le soutient à juste titre Mme [R].Elle excède en toute hypothèse les pouvoirs du juge de l' exécution qui ne peut statuer que sur les difficultés d' exécution des titres exécutoires.

Quoique mal fondé l'appel de Mme [R], qui ne constitue que le simple exercice d'une voie de recours prévue par la loi, sans qu'une faute dans l'exercice de ce dernier ne soit démontrée, ne revêt pas un caractère abusif. La société Garage Ma Campagne sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts et de sa demande de condamnation de Mme [R] au paiement d'une amende civile.

Il sera fait application au profit de la société Garage Ma Campagne des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Déboute la société Garage Ma Campagne de sa demande de rejet des pièces de Mme [R] ;

Déboute Mme [R] de sa demande de nullité de la saisie attribution du 5 octobre 2021 et de sa demande de dommages et intérêts.

Confirme le jugement de première instance dans toutes ses dispositions,

Condamne Mme [R] à payer à la société Garage Ma Campagne la somme de 1 300 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La déboute du surplus de ses demandes.

Déboute la société Garage Ma Campagne de sa demande en paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et de sa demande en paiement d'une amende civile.

Déclare irrecevable la demande de la société Garage Ma Campagne ayant pour objet de sommer Mme [R] de communiquer la preuve du remboursement de la somme de 2 000 € par son assurance au titre des réparations du véhicule.

Condamne Mme [R] aux dépens.