CA Paris, 3e ch. B, 19 octobre 1990, n° 90/12561
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cathay Maillot (SARL)
Défendeur :
Les Arènes de Pergolèse (SARL), Chevrier (ès qual.), Le Taillanter (ès qual.), Paradis Elysées (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Montanier
Conseillers :
Mme Borra, M. Schumacher
Avoués :
Me Mira, SCP Varin Petit, Me Valdelièvre
Avocats :
Me Laskier, Me Oltramare, Me Varaut
La Cour statue d'une part, sur l'appel formé par le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris d'autre part, sur l'appel à jour fixe interjeté par la Société à responsabilité limitée CATHAY MAILLOT à l'encontre du jugement rendu le 11 juin 1990 par le Tribunal de Commerce de Paris (11e chambre).
Le tribunal qui s'était saisi d'office, a dit que la société CATHAY MAILLOT, cessionnaire d'un plan de cession concernant la société "LES ARENES DE PERGOLESE", n'avait pas respecté l’une des obligations de ce plan, à savoir le maintien des contrats de travail, a prononcé la résiliation du plan, déclaré en redressement judiciaire la société LES ARENES DE PERGOLESE nommé Me LE TAILLANTER en qualité d'administrateur judiciaire et maintenu Me CHEVRIER comme représentant des créanciers.
La société "PARADIS ELYSEES", qui avait proposé un plan de cession qui n'avait été retenu, est intervenue volontairement en cause d'appel.
Le Ministère Public, appelant, conclut à l’infirmation du jugement en soutenant que le tribunal ne pouvait, en l’espèce, se saisir d'office et en outre, qu'à défaut de sanction expresse de la loi, il ne pouvait prononcer la résolution du plan pour inexécution des "dispositions sociales" de celui-ci.
La société CATHAY MAILLOT, également appelante, conclut à l’irrecevabilité de l’intervention de la société PARADIS ELYSEES pour défaut de qualité.
Elle soutient, par ailleurs, que si le tribunal pouvait se saisir d'office il ne pouvait se fonder pour prononcer la résolution du plan sur les dispositions de l'article 95 de la loi du 25 janvier 1985 qui lie la résolution du plan de cession à la résiliation de la location gérance précédent la cession proprement dite. Elle ajoute que les licenciements du personnel ont été effectués pour des raisons de force majeure et qu'en tout état de cause, le non-respect des obligations du plan relatives au maintien des emplois, n’est pas sanctionné par la loi.
Elle demande donc à la Cour, infirmant la décision déférée, de dire n'y avoir lieu à résolution du plan et à désignation d'un administrateur ad hoc.
MM. X, Y et Z qui avaient été désignés comme tenus d’exécuter personnellement le plan en leur qualité d'associés de la société CATHAY MAILLOT alors en voie de formation, ont été intimés par le Ministère Public mais n'ont pas constitué avoué et n'ont pas été assignés.
Leur présence en la cause n'apparait cependant plus nécessaire puisque la société CATHAY MAILLOT, régulièrement constituée, depuis, admet implicitement par sa présence en première instance et en appel, avoir repris les engagements pris personnellement par ses associés.
Me LE TAILLANTER, intimé en sa qualité, critique le jugement déféré en ce que le tribunal s'est saisi d'office et a prononcé, à tort selon lui, la résolution du plan, mais déclare s'en rapporter à justice. II conclut, en outre, à l’irrecevabilité de l’intervention de la société Paradies Elysées.
Me CHEVRIER, également intimé en sa qualité, demande acte de ce qu'il s'en rapporte purement et simplement à justice.
La société à responsabilité limitée PARADIS ELYSEES, intervenante, soutient qu'elle a été évincée à la suite de la promesse frauduleuse de la société CATHAY MAILLOT de maintenir les emplois existants et qu'elle a donc bien intérêt et qualité pour être présente en la cause. Elle offre de payer comptant le prix du fonds de commerce de la société LES ARENES DE PERGOLESE tout en poursuivant les contrats de travail en cours. Elle prie donc la Cour de déclarer recevable son intervention, de confirmer la décision critiquée, de la déclarer bénéficiaire du plan de cession avec les engagements proposés et de désigner un expert en vue d'évaluer les travaux nécessaires exécutés par la société CATHAY MAILLOT afin de les rembourser à cette dernière.
Elle sollicite, enfin, une somme de 25.000 F en application de l'article 700 du N.C.P.C.
Par ordonnance de référé du 10 juillet 1990, le magistrat délégataire du Premier Président de cette Cour, saisi par la société CATHAY MAILLOT, a arrêté l’exécution provisoire du jugement déféré.
Cola étant exposé, la Cour,
Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des procédures n° RG 12561 et RG n° 12662 qui concernent l’appel du même jugement :
1°) Sur l’intervention volontaire de la société PARADIS ELYSEES :
Considérant que la société PARADIS ELYSEES intervient volontairement à l’instance pour présenter une offre de plan ;
Considérant que selon les termes de l'article 329 du N.C.P.C., l’intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et qu'elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention ;
Considérant que la société PARADIS ELYSEES, candidate à la reprise, si elle est concurrente de la société CATHAY MAILLOT, ne peut cependant faire valoir aucun droit et n'a donc pas de prétention à soutenir au sens des articles 4 et 31 du N.C.P.C.
Que son intervention tend en réalité à faire échec aux dispositions des articles 80 et 95 de la loi du 25 janvier 1985 qui ne lui reconnaissent pas qualité pour solliciter la résolution du plan ;
Qu'elle doit donc être déclarée irrecevable en son intervention, d'ailleurs formée hors du délai prévu par l’article 160 du décret du 27 décembre 1985 ;
Considérant par ailleurs, à supposer qu'elle ait qualité pour invoquer l’adage "fraus omnia corrumpit", que la société PARADIS ELYSEES ne démontre pas que la société CATHAY MAILLOT s'est soustraite par fraude à l’exécution des obligations sociales du plan de cession ; qu'il apparait, au contraire, que les licenciements critiqués ont été effectués, pour des raisons de nécessité, dans la stricte application de la législation du travail et que les droits des salariés n'ont pas été compromis ; que la demande de la société intervenante doit donc également être rejetée à cet égard ;
2°) Sur la saisine du tribunal :
Considérant que, par jugement du 3 août 1989, le tribunal de Commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société "Les Arènes de Pergolese" dont l'objet était l’exploitation d'un fonds de commerce de restaurant à Paris (16e) 141, avenue Malakoff ;
Que plusieurs propositions de cession totale de l'entreprise ont été formulées notamment par la société PARADIS ELYSEES et par la société CATHAY MAILLOT alors en voie de formation ;
Que par jugement du 9 novembre 1989, le Tribunal de Commerce de Paris a retenu l’offre de cette dernière société, qui consistait en la création d'un établissement de gastronomie asiatique a fixé la durée du plan à 48 mois à compter de la date de la cession, a désigné Me LE TAILLANTER en qualité de commissaire à l’exécution du plan mais l'a maintenu dans ses fonctions d'administrateur de même que Me CHEVRIER dans celles de représentant des créanciers ;
Que le plan comportait essentiellement l'obligation d'acquérir le fonds de commerce au prix de 3.500.000 F, celle d'accomplir des travaux importants et celle de maintenir les emplois existants ;
Qu'en outre, la cession devait précédée d'une période de location-gérance afin de permettre la poursuite immédiate de l’activité sous la responsabilité du cessionnaire pendant le temps nécessaire à la réalisation des actes de cession ;
Que le contrat de location-gérance a été conclu entre l'administrateur judiciaire et la société CATHAY MAILLOT le 10 novembre 1989 pour prendre fin le 31 décembre 1989 ;
Qu'à l’expiration de la durée de ce contrat est intervenue la cession de l’entreprise, le 4 janvier 1990 ;
Considérant qu'au cours de la période de location-gérance et dans des conditions approuvées par l’Inspection du Travail, la société cessionnaire a, par lettres du 25 novembre 1989, licencié pour raison économique les neuf salariés de l'entreprise cédée en invoquant l'exécution de longs travaux et un changement d'activité ; que toutefois, dès le 20 février 1990, la société CATHAY MAILLOT a indiqué à ces employés qu'ils bénéficiaient d’une priorité de réembauchage et que dès l’ouverture du restaurant, ils seraient réintégrés, mais que seulement deux d'entre eux ont accepté cette offre ;
Considérant que, se saisissant d'office sur le fondement de l'article 95 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal a estimé que l'entreprise cessionnaire n'avait pas exécuté les obligations de nature sociale incluses dans le plan de cession et en a prononcé la résolution ;
Mais considérant que le texte susvisé dispose que le tribunal peut se saisir d'office en vue d'ordonner "la résiliation du contrat de location-gérance et la résolution du plan" ; que la résolution du plan ne peut donc être prononcée indépendamment de la résiliation de la location-gérance ;
Qu'en l'espèce, la location-gérance avait pris fin au moment de la saisine du tribunal de sorte qu'elle ne pouvait plus être résiliée ;
Considérant dès lors, que seul pouvait recevoir application l’article 80 de la loi du 25 janvier 1985 qui est relatif à la résolution du plan en cas d'inexécution par le débiteur de ses engagements financiers mais qui ne prévoit pas la saisine d'office du tribunal ;
Considérant en définitive, que le tribunal s'est irrégulièrement saisi aux fins de résolution du plan de cession et que par suite, sa décision doit être annulée ;
Considérant qu'il est devenu sans intérêt d'examiner les autres moyens soulevés par les parties ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du N.C.P.C. ;
Considérant que la société PARADIS ELYSEES devra supporter les frais de son intervention ;
Et considérant que les dépens de première instance et d'appel seront prélevés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Les Arènes de Pergolèse ;
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des procédures n° RG 12 561 et RG n° 12662 ;
Annule le jugement déféré,
Rejette toutes autres demandes ;
Dit que la société PARADIS ELYSEES supportera les frais de son intervention ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront prélevés en frais privilégiés de redressement judiciaire de la société LES ARENES DE PERGOLESE ; admet les avoués de la cause au bénéfice de l’article 699 du N.C.P.C.