Livv
Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 2 mars 1990, n° 89/21162

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Sodibijor (Sté), Gestion service Pierre Guerrault (SA), Pierre Guerrault Distribution (Sté), Montres de précision (SA), L'Anneau d'or (SARL), Cabhorjo (SARL)

Défendeur :

Pinon (ès qual.), Pellegrini (ès qual.), BRED, Codhor Europe Expansion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Montanier

Conseillers :

M. Serre, Mme Borra

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, SCP Bernabe Bernabe, Me Bolling, SCP Barrier Monin

Avocats :

Me Wittmer Roudier, Me Grenet, Me Delvoie, Me Vatier

T. com. Créteil, 2e ch., du 16 nov. 1989

16 novembre 1989

La Cour statue sur l'appel autorisé à jour fixe, interjeté par :

l) M. Pierre GUERRAULT agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé et dirigeant des sociétés SODIBIJOR – GESTION SERVICE, PIERRE GUERRAULT, SA - PIERRE GUERRAULT DISTRIBUTION - SA MONTRE DE PRECISION - SARL L'ANNEAU D'OR - SARL CABHORJO.

2) M. Benoit GUERRAULT agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé et dirigeant des sociétés SODIBIJOR - GESTION SERVICE/ PIERRE GUERRAULT, SA PIERRE GUERRAULT DISTRIBUTION, SA MONTRES DE PRECISION - SARL L'ANNEAU D'OR - SARL CABHORJO.

d'un jugement rendu le 16 novembre 1989 par le 2e chambre du Tribunal de Commerce de Créteil.

Faits et procédure

Par jugement du 2 février 1989, le Tribunal de Commerce de Créteil, sur déclaration de cessation de paiements ouvert une procédure du régime général de redressement judiciaire à l'égard de la SNC PIERRE GUERRAULT ET COMPAGNIE, M. PIERRE GUERRACLT M. Benoit GUERRAULT, SARL COMPTOIR D'ACHAT DE BIJOUTERIE HORLOGERIE JOAILLERIE CABHORJO, la société SARL SOCIETE GESTION SERVICES SGS, la SA PIERRE GUERRAULT, la SARL L’ANNEAU D'OR, la SARL PIERRE GERRAULT, la SARL Société PIERRE GUERRAULT DISTRIBUTION, LA SARL SODIBIJOR.

M. ANGIBAUT était désigné en qualité de juge commissaire et Mes PINON et PELLEGRINI respectivement en celles d’Administrateur et de représentent des créanciers.

Cette procédure a été étendue par la suite à société MONTRES DE PRECISION MP.

L'ensemble de ces sociétés avait une activité de distribution dans le domaine de l'horlogerie et de la bijouterie et a employé jusqu'à 340 salariés.

Par jugement du 4 avril 1989, le Tribunal Adoptant l'avis du Comité d'Entreprise et du Ministère Public, à arrêté le plan de cession "des sociétés du Groupe GUERRAULT" à la société CODHOR EUROPE EXPANSION comportant notamment le maintien de 293 emplois, la reprise des immobilisations corporelles et incorporelles pour 70 MF, la reprise des stocks pour 40 MF , prix révisable en hausse ou en baisse par rapport à la valeur arrêtée au 15 février 1989, l'autorisation de consentir au cessionnaire pour une durée de 3 mois un contrat de location-gérance.

Les appels de ce jugement formés par M. Pierre et Benoit GUERRAULT tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de dirigeants des sociétés cédées ont été déclarés irrecevables par arrêt de cette chambre de la Cour du 12 juillet 1989.

Le contrat de location-gérance a été prolongé pour une durée de 4 mois, par un jugement du 18 juillet 1989, précisant que la société CODHOR devrait fournir une caution bancaire de 40 MF pour garantir les stocks.

Se référant aux dispositions des articles 93 et 86 de la loi du 25 janvier 1985. Me PINON ès qualités, a saisi le tribunal pour voir statuer sur la ventilation du prix de cession (plusieurs des biens cédés étant affectés de gage) et sur le transfert de divers contrats.

Par conclusions déposées à l'audience les consorts GUERRAULT ont notamment demandé au Tribunal

- de constater "l'épuisement des effets des jugements des avril 1989 et 18 juillet 1989"

- d'ordonner le renvoi à une autre audience pour qu’il soit statué sur la continuation de la procédure de redressement judiciaire,

- de déclarer irrecevable et mal fondées les demandes formées par Me PINON,

- subsidiairement, de dire que leurs biens personnels évalués à 3,5 NF dans le rapport de Me PINON ne sont pas visés dans le jugement arrêtent le plan de cession et, en conséquence, ne doivent pas être cédés. Ils soutenaient également que la marque "PIERRE GUERRAULT" devait être évaluée à 15 MF.

Me PELLEGRINI, représentant des créanciers a demandé pour sa part l'interprétation du jugement sur le point suivant : "ce jugement (d'ouverture) doit-il être compris comme un jugement commun à toutes les sociétés du groupe ou doit-on considérer qu'il y a autant de passifs qu'il y a de personnes physiques ou morales ?".

Par le jugement attaqué, le tribunal :

- a constaté qu’il n'y a pas lieu à résolution du plan,

- a prolongé le contrat de location-gérance consentie à CODHOR avec effet rétroactif du 4 novembre 1989,

- a dit que le jugement d'ouverture doit être compris comme un juge ment commun à toutes les sociétés du Groupe GUERRAULT, avec un passif commun, et que les actifs vendus comprennent les biens personnels des personnes physiques associés de le SNC, faisant partie du Groupe GUERRAULT ainsi que la marque "PIERRE GUERRAULT ».

La décision déférée a ordonné en outre le transfert des baux et contrats de location et "accepté" les montants des quotes-parts proposées pour l'évaluation des actifs cédés.

L'ensemble de ces dispositions étaient assorties de l'exécution provisoire.

Préalablement à la présente instance Pierre et Benoit GUERRAULT, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de dirigeants des diverses sociétés du Groupe CODHOR ont sollicité la suspension de l'exécution provisoire de jugement dont ils avaient fait appel.

Par ordonnance du 5 décembre 1989 le délégataire du Premier Président, sans se prononce sur la recevabilité ou la régularité de l'appel, a suspendu l'exécution provisoire du jugement rendu le 16 novembre 1983 seulement en ce qu'il a dit que les actifs vendus comprennent les biens personnels des personnes physiques associés de la SNC PIERRE GUERRAULT.

Les appelants ont formé une nouvelle demande critiquant les conditions dans lesquelles ont été prises les dispositions concernant la location-gérance et, faisant état de ce qu'ils ont eu la preuve, après le prononcé de l'ordonnance ci-dessus mentionnée que deux pièces ne leur avaient pas été régulièrement communiquée ils sollicitaient l'application des dispositions de l'article 917 du

Par ordonnance du 29 décembre 1989 le délégataire du Premier Président a constaté :

1) d'une part, que le jugement du 16 novembre 1989 avait été exécuté dans les termes de la première ordonnance le deuxième référé étant dès lors sans objet,

2) d’autre part, que l'appel formé par MM. PIERRE et BENOIT GUERRAULT avait donné lieu à une fixation par priorité devant cette chambre de la Cour,

Pierre et Benoit GUERRAULT, appelants tant en leur nom personnel qu'en celui d'associés ou de dirigeants des sociétés en cause, prétendent que le jugement déféré est entaché d’irrégularités grossières en raison de la violation 

1) de plusieurs articles de la loi du 25 janvier 1985 et de son décret d'application.

2) de plusieurs articles du Nouveau Code de Procédure Civile et de la Convention Européenne des droits de l'Homme.

Ils demandent à la Cour de déclarer leur appel "nullité et réformation" du jugement déféré recevable et bien fondé et d'annuler en conséquence cette décision en toutes ses dispositions.

Ils sollicitent que M. ANGEBAUD, juge commissaire, soit désigné comme "Amicus curiae",

- qu'injonction soit donnée à Me PINON de déposer son rapport d'enquête à la suite de I’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Créteil du 24 octobre 1988 lui donnant mission de faire le point sur les relations juridiques existant entre CODHOR EUROPE EXPANSION et les sociétés PIERRE GUERRAULT.

Ils prient encore la Cour par évocation, ou par renvoi devant le Tribunal de Commerce de Créteil,

- de statuer sur l'affectation juridique et comptable de la somme de 30 MF versée au "compte capital" des sociétés GUERRAULT en exécution du contrat du 12 avril 1989,

- d'ordonner la production de tous documents bancaires et comptables de la part des banques ayant financé "cet apport en société",

- de dire la société CODHOR tenue au passif des sociétés CABORJO et autres en raison de l'affectation de son apport au capital de ces sociétés - et, en tant que de besoin de renvoyer sur ce point à l'enquête de Me PINON.

Dans le dernier état de leurs écritures, les appelants précisent leurs prétentions.

Ils sollicitent qu'après annulation du jugement, la Cour, par évocation, dise que les biens personnels de Pierre et Benoit GUERRAULT n'ont pas été cédés et qu'ils ne sont pas tenus sur ces biens, au passif de I'ensemble du groupe,

- que le tribunal s'est prononcé irrégulièrement sur la prolongation de la location-gérance et sur les obligations du locataire gérant et qu’il ne pouvait sans violation de l'article 15 du N.C.P.C. entériner les prix des actifs des différentes sociétés, notamment de la marque PIERRE GUERRAULT sur la seule proposition de Ia société CODROR.

Pierre et Benoît GCERRAÜLT demandent encore "en conséquence de cette annulation" de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Commerce de Créteil pour que soit reprise la procédure au stade où elle se trouvait avant ledit jugement.

Me PINON et Me PELLEGRINI intimés en leurs qualités respectives d'administrateur - commissaire à l'exécution du plan et de représentant des créanciers du "groupe" "PIERRE GUERRAO demandent à le Cour de déclarer l'appel irrecevable, subsidiairement, de le dire mal fondé.

La société CODHOR intimé a conclu à l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement à son mal fondé.

Les créanciers gagistes au sens de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 et les cocontractants article 86 dont la liste suit ci-après ont été convoqués par application de l'article 160 modifié du décret du 27 décembre 1985.

Seule LA BRED créancière gagiste, a constitué avoué et s'en rapporte à justice sur la recevabilité et le bien-fondé de l'appel des consorts GUERRAULT tout en précisant "qu'elle a le plus grand intérêt à ce que le plan de cession aboutisse à des solutions normales et viables".

Les représentants des salariés ou des Comités d'entreprise des sociétés concernées convoqués par le Secrétariat Greffe de la Cour, dont la liste suit également ne sont pas présentés.

Ont été convoqués le 19 janvier 1990 :

Les représentants des salariés :

- SARL Sté gestion service SGS

- STE SA Pierre Guerrault

- STE d'achats des bijouteries horlogeries CABHORJO

- SARL Pierre Guerrault Distribution

- STE SODIBIJOR

- SARL L’Anneau d'or

- SNC Guerreult et Cie

- SA Montres de précision MP

Les bailleurs dont les noms suivent  :

- Carrefour SA, 5 avenue du long rayage BP 147 92006 EVRY CEDEX.

- SGCM, 1 rue Jean Mermoz BP 91006 EVRY CEDEX

 - DECOMI, 40 avenue de Flandres BP 59964 CEDEX

- LOCABAIL IMMOBILIER,  5 avenue KLEBER 75016 PARIS

- UCB PIERRE, 3 avenue Kléber PARIS

- UIS, 65 rue de Courcelles 75008 PARIS

- BAIL INVESTISSEMENT, 37 rue de Suresnes 75008 PARIS

- CODETEL, 19 rue de Cambacérès 75008 PARIS

- CODETOUR, 37 rue de Suresnes 75008 PARIS

- STE FRUCTICOMI,  115 rue de Montmartre 75002 Paris

- SEGECE, 37 rue de Perousse 75798 PARIS Cedex 16

- Mme Soubiran, 2 rue Georges Leygues 75016 PARIS

- CAZALIERES, 24 rue Royale 75008 PARIS

- BTP IMMOBILIER, 5 rue Frédéric Bastiat 75008 PARIS

-  Mr Jacques DARMON ETUDE DES VOSGES SA 5 rue du Pas de la Mule 75004 PARIS

- SAICCB, 20 avenue de GAULLE 78153 LE CHESNAY CEDEX

- LA COMPAGNIE FONCIERE, 29 rue des Pyramides 75001 PARIS

- STE FINANCIERE IMMOBANQUE, 47 rue de Monceau 75008 PARIS

- COMPAGNIE FONCIERE IMMOBILIERE pour le compte de la SCCM 21 rue de Suresnes 75008 PARIS

- STE DES Centres Commerciaux, 20 place Vendôme 75001 PARIS

- CARREFOUR FRANCE SNC ZAE Saint Guenault  BP 75 91001 PARIS

- CARREFOUR SARAN 2601 RN 20 SARAN 45409 FLEURY LES AUBRAIS CEDEX

- SCI NAKA CC LECLERC DAMMARIE Zone commerciale le plateau de bière 77190 DAMMARIE LES LYS

- CABINET GHCM Bureau de Tour 93110 ROSNY 2 rue Léon Blum 93110 ROSNY SOUS BOIS

Les créanciers bénéficiaires de nantissement sur fonds de commerce, dont les noms suivent :

- URSSAF, 3 rue Franklin 93518 MONTREUIL CEDEX

- CEPME, 14 rue du 4 septembre 75002 PARIS

- BRED, 18 QUAI DE LA RAPEE 75008 PARIS

- UBP 22 de place de la madeleine 75008 PARIS

- BICS 55 avenue Aristide Briand 92120 MONTROUGE

- CREDIT LYONNAIS 18 rue de la république 69000 LYON

- Banque NEUFLIZE SCHLUMBERGER MALLET 12 place de lka BOURSE 75002 PARIS

- SOCIETE GENERALE 7 place Edouard Val 75008 PARIS

- STE K ET CATELEIER KELLER UND CO GMBH 10 12 PHILIPFARUHEF ALLEES 6450 HANAU RFA.

Les créanciers bénéficiaires de nantissement sur fonds de commerce non radié dont les noms suivent :

 - UNION DES BANQUES PARIS SUS NOMMEE

- BRED 5 du château 94300 VINCENNES

- CAISSE INTERPROFESSIOXNELLE DE CREDIT pour l’équipement 128 rue de la boetie 75008 PARIS

- CREDIT LYONNAIS 2 rue saint aspais 77000 MELUN

- CAISSE CENTRALE DE CREDIT HOTELIER 78 rue Olivier de Serres 75015 PARIS

- BRED 33 rue Ambroise 77000 Melun

- CAISSE NATIONALE DES MARCHES 12 14 Rue de Gramont 75000 Paris

Le Ministère Public, à qui la procédure avait été communiquée a développé oralement des conclusions écrites préalablement notifiées eux parties dans lesquelles il soutient que l'appel des consorts GUERRAULT doit être déclaré recevable seulement en ce qu'ils critiquent l'interprétation du jugement du 2 février 1989 qui a pour conséquence selon les premiers juges, l'inclusion de leurs biens personnels dans le plan de cession arrêté par le jugement du 4 avril 1989.

Cela étant exposé, la Cour :

Considérant que quatre séries de dispositions figurent dans le dispositif du jugement attaqué,

- mention de l'inclusion des biens personnels de MM. Pierre et Benoit GUERRAULT, personnes physiques, associés de la SNC parmi ceux cédés à la société CODHOR,

- poursuite des contrats en cours dans les termes de l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985

- ventilation du prix dans les termes de l'article 93

- prorogation de la gérance libre.

Considérant que la première disposition concerne plus spécialement M. Pierre et Benoit GUERRAULT, personnes physiques placés en redressement judiciaire par le jugement ouvrant la procédure ; qu'en ce qui concerne les autres dispositions, il conviendra de déterminer si elles constituent de simples aménagements de le procédure de cession ou si elles modifient de manière substantielle le jugement arrêtant le plan ou se substituent à celui-ci qui aurait épuisé ses effets ;

Considérant qu'il y à lieu de rechercher si l'appel de Pierre et Benoit GUERRAULT agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentant légal des diverses sociétés du Groupe GUERRAULT est recevable en faisant une distinction selon les dispositions attaquées,

Sur les dispositions concernant les biens personnels de M. Pierre et Benoit GUERRAULT.

Considérant que le tribunal sur interpellation du représentant des créanciers a cru devoir "pour autant qu'une interprétation de ses jugements antérieurs soit nécessaire" dire que le jugement d'ouverture doit être considéré comme un jugement commun à toutes les personnes physiques et morales constituant les sociétés du groupe et qu'il n'existait qu'un seul passif comme un seul patrimoine ;

Qu'en conséquence, les associés de la SNC sont non seulement solidairement responsables des dettes de la dite SNC mais également de l'ensemble des dettes de toutes les sociétés du groupe, qu'ainsi les biens personnels de MM. Pierre et Benoit GUERRAULT sont compris dans la cession de la société CODHOR ayant offert d'acheter les actifs de toutes les personnes physiques ou morales ;

Considérant que dans la mesure où ces dispositions constitueraient une nécessaire interprétation du jugement d'ouverture les consorts GUERRAULT seraient recevables à en interjeter appel par application des dispositions de l'article 171 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais considérant que le jugement du 2 février 1989 non frappé d'appel, a ouvert une unique procédure de redressement judiciaire, du régime général à l'égard de MM. Pierre et Benoit GUERRAULT et l'ensemble des sociétés qu'ils dirigeaient désignant un seul administrateur et un seul liquidateur ;

Considérant, par application de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985, que le jugement qui ouvre le redressement de la personne morale produit effet à l'égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale indéfiniment et solidairement responsables du passif social ;

Considérant ainsi qu'en vertu de ces dispositions légales, les biens personnels de M. Pierre et Benoit GUERRAULT, placés en redressement judiciaire en leurs qualités d'associés de la SNC GUERRAULT, faisaient partie de I'actif du redressement judiciaire,

Qu'il s’ensuit, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter le dispositif de cette décision, que la société CODHOR qui s'était portée acheteur pour 40 MF de la "totalité des biens immobiliers et des éléments corporels et incorporels attachés eux fonds, en ce compris les marques, de toutes les personnes physiques ou morales visées par Ia procédure de redressement judiciaire" a acquis ainsi les biens personnels des consorts GUERRAULT ;

Considérant en réalité qu'en faisant appel des dispositions qualifiées à tort, d'interprétatives par le tribunal les consorts GUERRAULT tentent de remettre indirectement en question non le jugement du 2 février 1989 qui est définitif mais celui du 4 avril 1989 arrêtant le plan de cession à l'égard duquel ils ne disposent pas du droit d'appel ainsi que l'a décidé définitivement cette chambre de la Cour par arrêt du 12 juillet 1989 ; qu'il s'ensuit que leur appel des dispositions dites "interprétatives" est sans objet et doit être déclaré irrecevable ;

Considérant que Pierre et Benoit GUERRAULT font valoir que les autres dispositions du jugement doivent être annulées en raison de graves irrégularités qui les affectent ;

Considérant qu'il s'agit de mesures destinées à faciliter ou à préciser les modalités du plan de cession et assurer sa réalisation ;

Qu'en conséquence, l'appel des consorts GUERRAULT à leur égard n'est pas normalement recevable par application de l'article 174 (3e et 4e alinéas) ;

Que seule la démonstration que ces dispositions du jugement sont atteintes d'un vice particulièrement grave ou ont été rendues en méconnaissance fondamentale de la loi pourrait leur ouvrir la voie de l'appel nullité dans le mesure où ils auraient été partie en première instance et y auraient un intérêt légitime.

Sur la location-gérance

Considérant que la possibilité de prévoir une période de location-gérance figure parmi les modalités que peuvent comporter les plans de cession selon les dispositions de l'article 61 de la loi du 25 janvier 1985 précitée, qu’il résulte de l'article 97 de la loi que la durée maxima de cette période est de deux années ;

Que le tribunal peut d'office ou à la demande du commissaire à l'exécution du plan ordonner la résiliation du contrat et la résolution du plan (article 95) ;

Que l'article 109 du décret du 22 décembre 1985 précise par ailleurs que le commissaire à l'exécution du plan signale dans un rapport le défaut d'exécution de ses obligations par le locataire-gérant et propose éventuellement les solutions qui seraient de nature à permettre l'exécution du plan.

Considérant qu’il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le débiteur ne figure pas parmi les personnes pouvant saisir le tribunal d'une demande de résiliation du contrat de location-gérance susceptible d’avoir pour conséquence la résolution du plan ;

Qu'il s'ensuit que les consorts GUERRAULT n'avaient pas qualité en première instance pour saisir le tribunal de difficultés concernant l'exécution du contrat de location-gérance ;

Que les premiers juges pouvaient uniquement statuer sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan qu'ils n'étaient pas tenus de communiquer aux débiteurs,

Considérant qu'en demandant Ia prorogation de la location-gérance pour une nouvelle période allant jusqu'au 15 janvier 1990 avec effet rétroactif du 4 novembre 1989, Me PINON a facilité la réalisation du plan les actes de cession ayant été effectivement signés le 18 décembre 1989 ;

Considérant que l'appel-nullité formé par les consorts GUERRAULT sur ce chef du jugement ne saurait prospérer, quelles que soient les critiques formulées par eux en ce qui concerne l'exécution et la prorogation de ce contrat puisqu'ils n'étaient pas partie nécessaire à son aménagement, lequel ne constituait pas une modification substantielle des moyens et objectifs du plan ainsi que le soutiennent à tort les appelants mais seulement la régularisation d'une situation qui ne leur faisait pas grief ; 

Sur les dispositions concernant l'application des articles 86 et 93 de la loi du 25 janvier 1985

Considérant que ces dispositions ne sont destinées qu'à assurer la mise en oeuvre du plan arrêté le 29 avril 1989, qu'elles sont soumises aux mêmes voies de recours, en ce qui concerne le débiteur que le jugement arrêtant le plan de cession,

Que les créanciers nantis et les co-contractants dont le contrat est nécessaire à l'exécution du plan qui sont particulièrement concernés par ces mesures n’ont marqué aucune opposition à celles-ci en première instance,

Que la BRED, créancier nanti s'est manifestée pour souligner qu'elle a le plus grand intérêt à voir le plan de cession aboutir "tous contestants étant déclarés irrecevables et mal fondés qu'acte lui sera donné de son intervention accessoire aux conclusions prises par Me PINON et Me PELLEGRINI ès qualités" ,

Considérant en définitive que la Cour ne peut prononcer l'annulation du jugement demandée par les appelants, ni celle sollicitée par eux par voie de conséquence du jugement du 4 avril 1989, qui conserve son plein effet aucune action en résolution du plan n’ayant été intentée, les mesures prises par la suite étant au contraires destinées à en permettre la mise en oeuvre,

Considérant qu'il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer pour les autres demandes des consorts GUERRAULT qui n'auraient dû être examinées qu'en cas de reprise des opérations de redressement judiciaire,

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les appels de Pierre et Benoit GUERRAULT tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'associés ou gérant des sociétés cédées à la société CODHOR EUROPE EXPANSION ;

Reçoit la BRED en son intervention accessoire ;

Condamne M. Pierre et Benoit GUERRAULT aux dépens de l'appel et admet la SCP BERNABE BERNABE et Me BOLLING au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.