Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 4 novembre 2021, n° 20-13.652

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

Me Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Spinosi

Bordeaux, du 9 décembre 2019

9 décembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 décembre 2019), le 30 septembre 2014, la société Groupe 333 a conclu une promesse synallagmatique de vente lui donnant le droit de faire l'acquisition d'un immeuble, sauf à faire usage de la faculté de se substituer toute personne physique ou morale de son choix. Le lendemain, la SAS Sky Invest, créée le 24 septembre précédent entre la société Groupe 333, désignée en qualité de présidente, et la société DNF développement, devenue Primmothèque (la société Primmothèque) en vue de réaliser cette acquisition, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Le 4 novembre 2014, un financement a été accordé à la société Sky Invest pour les besoins de cette opération par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine (le Crédit agricole).

2. Le 24 décembre 2014, la société Groupe 333 a fait connaître au Crédit agricole qu'elle n'entendait plus se substituer la société Sky Invest dans l'opération et que celle-ci renonçait au financement accordé. Ayant obtenu, le 30 décembre 2014, l'accord du Crédit agricole pour financer elle-même l'opération, la société Groupe 333 s'est portée acquéreur de l'immeuble.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La société Primmothèque et la société Sky Invest font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires contre la société Groupe 333 et son dirigeant, M. [F], alors :

« 1°/ que manque à son obligation de loyauté à l'égard de la société et de ses associés, le dirigeant d'une société ayant pour objet la réalisation d'opérations de marchand de bien et la promotion immobilière, qui décide de se livrer à l'acquisition à son profit dans son propre intérêt, d'un immeuble qui était destiné à être acquis par la société d'ores et déjà bénéficiaire d'un accord de financement de la banque, après avoir renoncé à cet accord et à la substitution prévue au profit de cette dernière dans le bénéfice du compromis de vente qu'il avait signé alors qu'elle était en formation ; qu'il en va ainsi quand bien même la décision de procéder à l'acquisition dans son seul intérêt aurait été motivée par une prétendue mésentente entre associés sur sa rémunération ; qu'en excluant la violation de l'obligation de loyauté par la société Groupe 333 après avoir constaté que cette société, dirigeant de la société Sky Invest avait repris à son compte l'opération d'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 5] qui devait être réalisée par les deux sociétés DNF et Groupe 333 par le biais de la société commune, Sky Invest constituée à cet effet pour la réalisation d'une opération de promotion immobilière, la cour d'appel a violé les articles L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce ;

2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la société Groupe 333 n'avait pas manqué à son obligation de loyauté en cachant à la société DNF développement associée, sa décision de renoncer à la substitution comme convenu de la société Sky Invest dans le bénéfice du compromis de vente et au financement accordé par la banque à cette dernière et sa décision de reprendre l'opération de promotion immobilière pour son propre compte, et en l'entretenant au contraire dans l'illusion de la poursuite de l'opération au profit de la société Sky Invest, la cour d'appel a encore violé les articles L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce ;

3°/ qu'il résulte de l'article 16 des statuts de la société Sky Invest que "lorsqu'une personne morale est nommée président, ses dirigeants sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient présidents en leur propre nom" ; qu'ainsi M. [F] dirigeant de la société Groupe 333 devait répondre à titre personnel, comme s'il était président en son propre nom de la société Sky Invest, des actes déloyaux accomplis par la société Groupe 333 au préjudice de cette dernière ; qu'en se fondant pour écarter la responsabilité personnelle de M. [F], sur la circonstance que c'est la société Groupe 333, en sa qualité de président de la SAS qui a renoncé à la substitution et non M. [F], celui-ci n'étant que la personne physique gérant de Groupe 333, président et que les sociétés Primmothèque et Sky Invest échouent à rapporter la preuve de ce que M. [F], personnellement et en dehors de son mandat de gérant de la société Groupe 333 aurait commis une faute à leur égard, la cour d'appel a violé les statuts de la société Sky Invest et les articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, ayant relevé que la société Groupe 333 n'avait pas eu besoin d'un stratagème pour procéder à l'acquisition de l'immeuble, dès lors qu'elle l'avait elle-même trouvé, qu'elle s'était vu consentir seule la promesse de vente, que cette promesse avait été consentie avant même l'immatriculation de la société Sky Invest, et que le financement pouvait être obtenu aussi bien par la société Sky Invest que par la société Groupe 333, l'arrêt retient que c'est en raison d'une mésentente entre les associés due à un désaccord sur les conditions de rémunération souhaitées par la société Groupe 333 que l'opération, telle qu'elle avait été envisagée par eux, n'a pas été menée à son terme.

6. En l'état de constatations et appréciations, dont il résulte que ce n'est pas à l'insu de son associée que la société Groupe 333 a réalisé l'opération litigieuse, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir qu'en renonçant à se substituer la société Sky Invest et en procédant à l'acquisition de l'immeuble pour son propre compte, la société Groupe 333 n'avait pas manqué à son devoir de loyauté envers la société Sky Invest, qu'elle présidait, et son coassocié.

7. En second lieu, aucune faute n'étant retenue contre la société Groupe 333 en tant que présidente de la société Sky Invest, le grief reprochant à la cour d'appel de ne pas avoir retenu la responsabilité personnelle de son dirigeant, M. [F], sur le fondement de l'article 16 des statuts de cette dernière, stipulant que "lorsqu'une personne morale est nommée président, ses dirigeants sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président en leur propre nom" est sans portée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Primmothèque et Sky Invest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Primmothèque et Sky Invest et les condamne à payer à la société Groupe 333 et à M. [F] la somme globale de 3 000 euros et à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.