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Décisions

CA Riom, ch. com., 30 juin 2010, n° 10/01458

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Preciturn Thiers (SAS)

Défendeur :

Selarl Bauland Gladel Martinez (ès qual.), Selarl Sudre (ès qual.), Petavy (ès qual.), CGEA Gestionnaire de l'AGS d’Orléans, Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France, Dapta Technologies (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bressoulaly

Conseillers :

M. Despierres, Mme Javion

Avoués :

Me Gutton-Perrin, Me Seigle, Me Mottet, Me Rahon

Avocats :

Me Seigle, Me Zaninetti, SCP François

T. com. Clermont-Ferrand, du 31 mai 2010

31 mai 2010

FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES

Par jugement en date du 12 novembre 2008, le tribunal de commerce de THIERS ouvrait une procédure de redressement judiciaire au profit de la SAS DAPTA TECHNOLOGIES et par jugement en date du 16 janvier 2009 était adopté le plan de cession de la société DAPTA TECHNOLOGIES au profit de la société PRECITURN THIERS et de Monsieur HIRSCH avec entrée en jouissance le 17 janvier 2009.

Cette société spécialisée dans le décolletage emploie environ 138 salariés.

Par jugement en date du 04 septembre 2009, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand prononçait l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS PRECITURN THIERS, la SELARL BAULAND, GLADEL & MARTINEZ étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et Maître PETAVY en qualité de mandataire judiciaire.

Le 21 avril 2010, la société PRECITURN THIERS présentait une requête tendant à obtenir une modification du plan de cession de la SAS DAPTA TECHNOLOGIES caractérisée par la levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble immobilier fixée à 10 ans.

Par jugement en date du 31 mai 2010, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand rejetait la requête.

Le 4 juin 2010, la SAS PRECITURN THIERS interjetait appel du jugement. Une déclaration d'appel rectificative était effectuée le 08 juin 2010. Elle fera l'objet d'une jonction avec la première procédure.

Autorisée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel de RIOM en date du 14 juin 2010, la SAS PRECITURN THIERS assignait à jour fixe à l'effet de voir :

- réformer le jugement entrepris

- dire que l'article L. 642-10 al.2 dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance du 18.12.2008 n'est pas applicable à la demande de la SAS PRECITURN THIERS

- juger que la demande de la SAS PRECITURN THIERS est fondée sur l'article L.642-6 du code de commerce

- juger que le plan de continuation présenté par la SAS PRECITURN THIERS justifie la demande de levée de la clause d'inaliénabilité.

- prononcer la modification du plan de cession de la société DAPTA TECHNOLOGIES et la levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble immobilier

- à titre subsidiaire,

- si la Cour devait estimer que la demande de la SAS PRECITURN THIERS est fondée sur l'article L. 642-10 du code de commerce dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance du 18.12.2008

- juger que le plan de continuation présenté par le SAS PRECITURN THIERS justifie la demande de levée de la clause d'inaliénabilité

- juger que la SAS PRECITURN THIERS justifie de garanties suffisantes quant au paiement du prix de cession dû à Maître SUDRE

- juger que le paiement des sommes dues à Maître SUDRE est conforme à l'article L. 622-8 du code de commerce et en conséquence que le paiement ne contrevient pas aux dispositions de l'article L.622-7 du code de commerce

- en conséquence,

- autoriser la SAS PRECITURN THIERS à aliéner l'ensemble immobilier.

La SAS PRECITURN THIERS faisant valoir que le plan de redressement par continuation qu'elle propose est fondé sur la cession au prix de 2.650.000 € de l'ensemble immobilier grevé d'une clause d'inaliénabilité pour une période de 10 ans, a déposé :

* le 21.04.2010 la requête rejetée par le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 31.05.2010, frappé d'appel, aux fins de modification du plan de cession de la société DAPTA TECHNOLOGIES à son bénéfice pour obtenir mainlevée de la clause d'inaliénabilité des immeubles

* le 10.05.2010 une requête auprès de Monsieur le juge commissaire de la procédure collective de la SAS PRECITURN THIERS pour être autorisée à céder le bien immobilier

* le 12.05.2010 le plan de continuation de la SAS PRECITURN THIERS, actuellement soumis à l'avis des créanciers de la société.

Elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article L.642-6 du code de commerce en demandant d'infirmer le jugement entrepris qui s'est prononcé sur le fondement de l'article L. 642-10 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance nº 2008-1345 du 18 décembre 2008 non applicable en l'espèce.

Elle déduit des dispositions de l'article L. 642-9 du code de commerce que l'indisponibilité des actifs que prévoit ce texte a pour objet de garantir le paiement du prix de cession au cédant. Elle souligne qu'en l'espèce la cession des actifs immobiliers sollicitée dont le prix n'a pas été payé n'est pas interdite dès lors que la certitude est donnée que le repreneur s'acquittera du prix correspondant, Maître SUDRE ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société DAPTA TECHNOLOGIES bénéficiant du privilège spécial du vendeur.

La SAS PRECITURN THIERS invoque l'existence d'éléments nouveaux depuis l'adoption du plan de cession qui justifient sa demande, à savoir :

* la rupture unilatérale du contrat d'affacturage par la société TBS FACTOR conclu le 5 février 2009 et dénoncé dès le lendemain de sa souscription, plaçant la SAS PRECITURN THIERS dans l'impossibilité de financer son besoin en fonds de roulement, de faire face à ses charges, notamment sociales, et de payer le prix de cession

* l'impossibilité de vendre les parcelles du fait du refus des organismes sociaux et fiscaux de lever les hypothèques grevant les parcelles non construites, destinées à être vendues pour 620.000 € conformément au plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 16 janvier 2009

* la déclaration de cessation des paiements ayant entraîné l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS PRECITURN THIERS.

Elle insiste sur l'importance de voir ordonner la mainlevée de la clause d'inaliénabilité des immeubles laquelle conditionne la présentation d'un plan de redressement par voie de continuation ayant pour finalité :

* la poursuite de l'activité de la SAS PRECITURN THIERS

* la sauvegarde des 138 emplois

* le remboursement de la totalité du passif de la SAS PRECITURN THIERS

Elle indique que le plan repose sur trois facteurs essentiels :

* les résultats bénéficiaires de la SAS PRECITURN THIERS liés à la diminution de ses charges d'exploitation d'une part et à l'augmentation de son chiffre d'affaires d'autre part

* la cession de l'actif immobilier grevé d'une clause d'inaliénabilité, qui fait l'objet d'un compromis passé avec la SCI SOGECA IMMOBILIER moyennant le prix d'acquisition de 2.650.000 € , la conclusion d'un bail commercial entre la SCI et la SAS PRECITURN THIERS, la participation aux frais de déménagement à hauteur de 150.000 € HT.

* le maintien de la ligne de financement DAILLY auprès de la banque DELUBAC.

La SAS PRECITURN THIERS invoque des perspectives commerciales encourageantes grâce à de nouveaux marchés à hauteur d'une prévision de chiffres d'affaires de l'ordre de 740.000 € et à d'autres marchés potentiels, avec la société BOSCH d'une part, et avec divers clients pour lesquels ont été réalisés des prototypes susceptibles de déboucher sur un volume de commandes de l'ordre de 1.000.000 €. Elle fait état d'un compte prévisionnel de résultat qui devrait être positif en 2010 pour un montant de l'ordre de 104.000 € , d'un prévisionnel de trésorerie également assaini avec le soutien de fournisseurs importants et l'aménagement de la ligne de trésorerie consentie par la banque DELUBAC, cette dernière s'engageant à ne pas mettre en place de fonds de garantie sur les créances futures en contrepartie d'un gage financier à hauteur de 600.000 € , constitué à partir des fonds provenant de la vente des immeubles.

Elle prévoit la mise en place d'un prêt de main d'oeuvre de 28 salariés dans le cadre d'un contrat que la société STT, exploitant les locaux vendus à la SCI SOGECA IMMOBILIER, s'est engagée à conclure par courrier du 4 mai 2010

Elle propose divers engagements énumérés dans ses conclusions, comprenant le versement du solde du prix de cession soit 703.000 € sur un compte séquestre ouvert auprès de la banque DELUBAC qui fonctionnerait sous la seule signature du commissaire à l'exécution du plan.

Par note en délibéré reçue au greffe le 29 juin 2010, la SAS PRECITURN THIERS a soumis à la Cour de nouvelles propositions concernant l'utilisation du solde du prix de cession de l'immeuble (fonds séquestrés et gage financier) et offert un contrôle renforcé de sa situation financière.

Par conclusions signifiées le 21.06.2010, La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE s'en est remise à droit sur l'appel formé par la SAS PRECITURN

THIERS en demandant de lui donner acte de ce qu'elle n'est pas opposée à la levée de la clause d'inaliénabilité immobilière demandée sous la double condition suspensive de l'homologation du plan de continuation présenté par la SAS PRECITURN THIERS et de la réalisation effective des conditions indiquées dans ledit plan de la cession immobilière avec règlement des créances privilégiées.

Par conclusions signifiées le 24.06.2010, Monsieur Gérard SUGIER, ès qualités de représentant des salariés de la SAS DAPTA TECHNOLOGIES, Madame Lydie Y..., ès qualités de représentante des salariés de la SAS PRECITURN THIERS, et Monsieur Dominique NIRON, ès qualités de représentant des salariés de la SAS PRECITURN THIERS, ont demandé de faire droit à l'appel interjeté par la SAS PRECITURN THIERS. Ils se sont associés à l'appel de cette société dans le souci de préserver les 140 emplois concernés, estimant que la vente sollicitée devait permettre la présentation d'un projet viable et validé par l'administrateur judiciaire de la SAS PRECITURN THIERS.

L'URSSAF du Puy-de-Dôme a, par conclusions signifiées le 24.06.2010, demandé de :

- constater que la SAS PRECITURN THIERS restait lui devoir au titre des cotisations courantes la somme de 156.462 € sauf à parfaire au vu du relevé des dettes au 21.06.2010

- lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la levée de la clause d'inaliénabilité

Suivant note en délibéré du 25.06.2010, l'URSSAF du Puy-De-Dôme a précisé que les virements annoncés par la SAS PRECITURN THIERS respectivement de 32.045 € et de 87.301 € lui étaient parvenus le vendredi 25 juin et dès lors que l'entreprise était à jour de ses cotisations courantes.

Une nouvelle note en délibéré, déposée par l'URSSAF du Puy-De-Dôme le 29 juin 2010, informe la Cour d'Appel de l'apurement de toutes les dettes de la SAS PRECITURN THIERS nées postérieurement au redressement judiciaire envers l'URSSAF, après virements bancaires d'une somme de 28.153 € le 25 juin 2010 en paiement de la formation professionnelle continue (année 2009) et d'une somme de 21.881 € le 28 juin 2010.

Par conclusions signifiées le 22.06.2010, la SELARL SUDRE, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS DAPTA TECHNOLOGIES, demande de lui donner acte, sous le bénéfice des explications développées dans ses conclusions, qu'il s'en rapporte à droit.

Il considère que le tribunal a, à bon escient, étudié la demande de la SAS PRECITURN THIERS au regard des dispositions des articles L.642-9 et L.642-10 du code de commerce. Il souligne cependant que la SAS DAPTA TECHNONOLGIES étant titulaire d'un privilège spécial, le paiement de sa créance ne constituerait pas un paiement préférentiel en cas de cession du bien sur lequel porte sa garantie.

Il fait observer que si la clause d'inaliénabilité est levée alors que le plan de redresssement par continuation n'est pas entériné, la SAS DAPTA TECHNOLOGIES perdra son rang.

Il relève en outre le risque de spoliation des créanciers de la société DAPTA TECHNOLOGIES, en insistant sur l'insuffisance de garantie de la part de l'actionnaire majoritaire qui prétend que la SAS PRECITURN THIERS peut se redresser mais n'apporte aucune contrepartie alors que dans le cadre de la procédure DAPTA TECHNOLOGIES le seul super privilège s'est élevé à 1.743.127,19 € et le privilège salarial à 728.212,11 € soit au total plus de 2.471.300 € .

Le CGEA d'ORLEANS, intervenant en qualité de créancier et de contrôleur de la procédure collective de la société DAPTA TECHNOLOGIES, a demandé, par conclusions signifiées le 24.06.2010, de lui donner acte qu'il s'en rapporte à droit sous le bénéfice de ses écritures dont les conclusions sont les suivantes :

* à titre principal, il a indiqué qu'en sa qualité de contrôleur, il ne pouvait que demander la confirmation du jugement rendu en première instance par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand

* à titre subsidiaire toutefois, il a précisé que si la Cour devait infirmer le jugement entrepris compte tenu des enjeux sociaux, il y aurait lieu de subordonner la levée d'inaliéabilité à l'arrêté d'un plan de continuation.

Monsieur le Comptable du Service des Impôts des Entreprises de THIERS a fait signifier le 24.06.2010 des conclusions tendant aux fins suivantes :

- lui donner acte de ce qu'il ne s'oppose pas à la levée de la clause d'inaliénabilité ni à la modification du plan de cession de la société DAPTA TECHNOLOGIES au bénéfice de la société PRECITURN THIERS dans la mesure où l'apurement de sa créance sera prévu.

Il a indiqué que la créance du SIE de THIERS s'élevait au passif de la SAS PRECITURN THIERS à la somme de 102.614 € dont 101.384 € à titre hypothécaire et 1.230 € à titre privilégié, le tout ayant fait l'objet de déclarations de créances le 10.11.2009 puis le 08.04.2010 pour une demande d'admission définitive de la créance de 1.230 €.

Il a fait observer que le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand avait retenu à tort qu'il s'opposait à la levée de la clause d'inaliénabilité alors qu'il n'en était rien.

La société BAULAUD GLADEL MARTINEZ, ès qualités d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la SAS PRECITURN THIERS et Maître PETAVY, ès qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la SAS PRECITURN THIERS, ont demandé par conclusions en date du 24.06.2010 de :

- statuer ce que de droit sur l'appel formé par la SAS PRECITURN THIERS

- constater qu'ils entendent l'un et l'autre soutenir la requête de la SAS PRECITURN THIERS tendant à la levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble du tènement immobilier.

Ils ont précisé que cette cession s'inscrivait dans le projet de plan de continuation et ont souhaité que la levée de la clause d'inaliénabilité soit soumise à la condition suspensive d'adoption du plan de continuation de la SAS PRECITURN THIERS.

Suivant réquisitions en date du 22.06.2010, Madame l'Avocat Général s'en est rapportée à la sagesse de la Cour. Après avoir souligné les enjeux humains et industriels en cause, le potentiel de l'entreprise dotée d'une expérience ancienne, d'un savoir-faire reconnu et d'un équipement performant, elle a considéré que la vente des immeubles devait pouvoir en théorie permettre la continuation de l'entreprise et le maintien des emplois, tout en s'étonnant du fait qu'au rang des économies prévues ne figure pas une diminution du coût mensuel des prestations facturées par la holding Sales and Système à la SAS PRECITURN THIERS. Elle a conclu qu'il était cependant permis de nourrir de sérieuses inquiétudes pour l'avenir, faisant observer d'une part que l'entreprise ne dégageait aucun bénéfice et n'était pas même en mesure de faire face aux charges les plus exigibles telles que le versement de la part salariale des cotisations sociales pourtant précomptées sur les salaires, et d'autre part qu'aucune solution n'était envisagée pour remédier à l'insuffisance de fonds de roulement sauf à considérer que le solde du prix de vente soit utilisé à cette fin, ce qui ne paraît pas sa vocation initiale.

Le TRESOR PUBLIC, assigné à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.

MOTIFS ET DÉCISION

1- Historique

Attendu que la SAS PRECITURN THIERS fait partie d'un groupe composé de plusieurs sociétés ; qu'elle est dirigée par Monsieur BURTHEY, associé unique de la holding de tête dénommée PRECITURN SALES AND SYSTEM qui détient 80 % du capital social de la SAS PRECITURN THIERS, les 20 % restant étant détenus par Monsieur Didier HIRSCH ;

Qu'elle exploite une usine employant environ 140 personnes, à l'expérience et au savoir-faire reconnus, dotée d'un équipement moderne et performant, installée dans des locaux de 20.000 m² couverts sur un terrain de 15 ha à proximité de THIERS ; que son activité est essentiellement réalisée dans le secteur de l'automobile, pour environ 30 % du chiffre d'affaires à l'export, avec capacité de travailler en flux tendu ;

Attendu qu'environ huit mois après l'arrêté du plan de cession à son profit, la SAS PRECITURN THIERS a fait l'objet d'une ouverture de procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 04.09.2009 ; que dans son rapport destiné à l'audience du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 13.12.2009, la SELARL BAULAND, GLADEL & MARTINEZ, désignée en qualité d'administrateur judiciaire, indiquait que les difficultés de l'entreprise découlaient des conditions financières de la reprise, caractérisées par une offre d'acquisition en l'absence totale de fonds propres ; que le projet reposait sur :

* la mise en place d'un contrat d'affacturage visant à financer le poste clients

* et la vente de parcelles non construites pour un montant envisagé de 620.000 € après obtention de la mainlevée des hypothèques prises par les créanciers de la procédure de redressement judiciaire de la société DAPTA TECHNOLOGIES.

Qu'or aucune de ces conditions n'a été remplie ; que le contrat factor a été dénoncé le lendemain de sa mise en place, empêchant la mobilisation du compte-clients indispensable pour constituer la trésorerie de l'entreprise ; qu'ainsi, pour financer son cycle d'exploitation, la SAS PRECITURN THIERS a été contrainte, en dépit d'efforts consentis par certains clients, d'accumuler les retards de paiement des charges sociales et fiscales : méthode anormale de financement ; que cela a entraîné le refus des organismes sociaux et fiscaux de lever les hypothèques grevant les immeubles ;

Attendu que la SAS PRECITURN THIERS devait bénéficier en août 2009 d'une procédure de mandat ad hoc ayant permis l'intervention de la BANQUE DELUBAC qui acceptait la mise en place de concours à court terme ;

Attendu que le passif était estimé par le dirigeant lors de la déclaration de cessation des paiements à des montants de 1.538.128 € à titre échu et de 341.000 € à échoir ; que le passif déclaré entre les mains de Maître PETAVY, mandataire judiciaire, était en réalité de 4.331.664,67 € sauf à effectuer certains retraitements ; que dans ses dernières conclusions, la SAS PRECITURN THIERS fait état d'un passif échu de 2.337.227,17 € , d'un passif à échoir de 254.229,79 € et d'un passif provisionnel de 130.387 € , le montant minimum du passif à amortir ressortant à 2.535.948,62 € dans l'hypothèse où aucune contestation ne serait admise ;

2- Limites de la saisine de la cour d'appel

Attendu que dans ce contexte, la SAS PRECITURN THIERS conditionnait la présentation d'un plan de redressement par continuation à la levée de la clause d'inaliénabilité des immeubles et à l'obtention d'une autorisation de cession ;

Attendu qu'eu égard aux limites de sa saisine, il n'appartient pas à la Cour, appelée uniquement à se prononcer sur l'appel du jugement ayant rejeté la demande de levée de la clause d'inaliénabilité, de préjuger du sort réservé d'une part à la demande d'autorisation de cession des immeubles et d'autre part à la demande d'adoption du plan de redressement par continuation proposé par la SAS PRECITURN THIERS ;

Que toutefois, il est évident et d'ailleurs bien admis par toutes les parties constituées, y compris par la SAS PRECITURN THIERS, que la demande de levée de la clause d'inaliénabilité est indissociablement liée à l'adoption du plan de redressement, la modification du plan sollicitée, pour autant qu'elle soit accordée, devenant par essence caduque dans l'hypothèse où le plan de redressement par continuation ne serait pas adopté ; qu'il s'ensuit que, sans avoir à se prononcer sur la pertinence des propositions de plan de continuation présentées par la SAS PRECITURN THIERS, il importe pour la Cour de s'assurer de l'intérêt de la présente action, vidée de sens si les projets de la SAS PRECITURN THIERS ne devaient pas offrir des garanties sérieuses par rapport aux objectifs affichés ;

3- Sur le régime juridique applicable et la recevabilité de la demande

Attendu que selon les dispositions transitoires prévues par son article 173, l'ordonnance nº 2008-1345 du 18.12.2008 est entrée en vigueur le 15.02.2009 ; qu'elle n'est toutefois pas applicable aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur sauf certaines exceptions ne concernant pas le présent litige ;

que la procédure collective de la SAS DAPTA TECHNOLOGIES, dans le cadre de laquelle a été adopté le plan de cession au profit de la SAS PRECITURN THIERS comportant la clause d'inaliénabilité litigieuse, était en cours au 15 février 2009 ; que les dispositions de l'ordonnance du 18.12.2008 doivent être écartées, la procédure étant soumise au régime juridique antérieur à l'entrée en vigueur de ce texte ;

que la Cour ne suivra donc pas la qualification juridique retenue par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand sur la base des dispositions de l'article L. 642-10 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que le recours relève d'une demande de modification du plan de cession que le cessionnaire peut présenter en application de l'article L.642-6 du code de commerce ; qu'il est en effet admis en droit que la modification puisse avoir pour objet de faire lever une clause d'inaliénabilité assimilée à un moyen d'exécution du plan ;

Attendu que le tribunal a en revanche justement souligné l'importance des dispositions de l'article L. 642-9 du code de commerce, effectivement applicables ; qu'elles posent le principe selon lequel, tant que le prix de cession n'est pas intégralement payé, le cessionnaire ne peut, à l'exception des stocks, aliéner les biens corporels ou incorporels qu'il a acquis ; que toutefois l'aliénation totale ou partielle peut être autorisée par le tribunal, lequel doit 'tenir compte des garanties offertes par le cessionnaire' ; que la SAS PRECITURN THIERS entend voir limiter la portée de ses dispositions à la seule garantie de paiement du prix de cession ; que le tribunal, à juste titre, s'est référé au respect des objectifs ayant présidé à l'adoption de la clause d'inaliénabilité, insérée dans le plan de cession pour garantir certes le paiement du cédant, mais aussi éviter un dépeçage spéculatif des actifs au détriment de la pérennité de l'entreprise ;

Attendu que le tribunal a retenu un autre écueil juridique résultant de l'application de l'article L. 622-7 qui dispose que le jugement ouvrant la procédure collective emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement à ce jugement ; qu'il en a déduit que la vente ne pourrait permettre le règlement du plan de cession initial de la SA DAPTA TECHNOLOGIES sans contrevenir aux dispositions de ce texte ;

que la SAS PRECITURN THIERS rétorque que Maître SUDRE ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA DAPTA TECHNOLOGIES, bénéficiaire d'un privilège spécial, de même que les autres créanciers privilégiés seront payés prioritairement après les créanciers superprivilégiés en application des dispositions des articles L.622-8 et L.626-22 du code de commerce ; que cette analyse, fondée en droit, est suivie par les créanciers privilégiés intervenus dans la procédure ; que toutefois existe le risque signalé par le CGEA d'Orléans comme non exclu, d'une action visant à faire remonter la date de cessation des paiements de la SAS PRECITURN THIERS dont la réussite resterait probable aux dires de cet organisme ; qu'en pareil cas des sûretés et notamment celles détenues par le CRÉDIT AGRICOLE seraient fragilisées pour avoir été prises en période suspecte ;

Attendu qu'en définitive, la demande de mainlevée de la clause d'inaliénabilité des immeubles est recevable en droit, la faculté donnée à la juridiction du fond de l'accorder devant prendre en considération les garanties offertes ;

4- Sur le bien-fondé de la demande

Attendu qu'au vu de l'enjeu social et économique clairement exposé à l'audience et déjà mis en évidence dans le rapport établi en décembre 2009 par la SELARL BAULAND, GLADEL & MARTINEZ, la présentation rapide d'un plan de continuation est essentielle pour rassurer les principaux clients ; que depuis le début de l'année 2010, la SAS PRECITURN THIERS semble être parvenue à conserver les marchés, voire à développer des potentialités d'augmentation de chiffre d'affaires qui méritent l'attention soulignée tout spécialement par les représentants des salariés ;

Attendu que la SAS PRECITURN THIERS justifie d'un projet de rachat du site industriel reposant sur des engagements cohérents, avec mise en place d'un bail commercial, création d'un autre projet d'activité accompagné d'un accord de prêt de main d'oeuvre destiné à sauvegarder les emplois, et garantie par le CRÉDIT AGRICOLE (pièce nº 12) d'un accord ferme pour financer l'acquisition par la SCI SOGECA IMMOBILIER de la propriété de 'DAPTA' à hauteur de 2.650.000 € plus frais d'acquisition ;

Attendu que pour leur part, la SELARL BAULAND, GLADEL & MARTINEZ, administrateur judiciaire, et Maître PETAVY, mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SAS PRECITURN THIERS, soutiennent la demande de levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble immobilier en indiquant que la cession projetée s'inscrit dans le projet de plan de continuation de la SAS PRECITURN THIERS mais en insistant pour que la levée sollicitée soit subordonnée à la condition suspensive d'adoption du plan de continuation de la SAS PRECITURN THIERS ;

Attendu qu'il est en effet indispensable de lier de manière indissociable la levée de la clause d'inaliénabilité à l'adoption effective du plan de redressement par continuation de même qu'à l'affectation précise du prix de cession afin de prévenir le risque d'utilisation du prix de cession à des fins étrangères à l'intérêt de l'entreprise ;

qu'en ne s'opposant pas à la demande, les créanciers de DAPTA TECHNOLOGIES, informés de l'évolution de l'entreprise depuis l'adoption du plan de cession de DAPTA TECHNOLOGIES, accordent crédit au projet, lequel sort également conforté par les résultats de la consultation des créanciers de la SAS PRECITURN THIERS sur la proposition de plan de redressement par continuation ;

Attendu cependant que la SELARL SUDRE relève, à juste raison, l'insuffisance de contrepartie de la part de l'associé majoritaire de la SAS PRECITURN THIERS ; que la libéralisation du capital social intervenue, pour l'essentiel de son montant, seulement en mars 2010, et la régularisation le lendemain de l'audience, soit le 25 juin 2010, des arriérés de cotisations sociales courantes, s'inscrivent dans le système mis en oeuvre par la SAS PRECITURN THIERS depuis le début d'exécution du plan de cession ; qu'elle n'a pas hésité à recourir à des méthodes anormales de financement, décrites dans le rapport de la SELARL BAULAND, GLADEL & MARTINEZ, alors que parallèlement elle payait les factures mensuelles de la holding ; que s'étant portée cessionnaire de 'DAPTA' en janvier 2009, la SAS PRECITURN THIERS , qui n'avait manifestement pas suffisamment finalisé son projet, était confrontée dès début février 2009 à la dénonciation du contrat de factor le lendemain même de sa souscription ; qu'en 8 mois d'activité, le résultat d'exploitation faisait apparaître une perte de 643.000 € ; que du 04.09.2009 au 28.02.2010, la SAS PRECITURN THIERS dégageait un résultat négatif de 375.000 € au vu du rapport du cabinet INELYS et de 425.244 € au vu du rapport de Monsieur AUBERT, expert-comptable missionné par le tribunal ;

Attendu qu'en raison de ces facteurs inquiétants pour l'avenir de l'entreprise, des doutes qu'inspirent les prévisions de retour à une situation saine annoncée par la SAS PRECITURN THIERS au vu des premiers résultats de l'année 2010, il importe que des gages supérieurs à ceux initialement proposés soient donnés,

Que la levée de la clause d'inaliénabilité doit être subordonnée à l'arrêté du plan de redressement par continuation ainsi qu'à la souscription par la SAS PRECITURN THIERS et son associé majoritaire des engagements proposés qui feront partie intégrante du plan et dont deux d'entre eux doivent être redéfinis pour assurer une meilleure garantie :

1- celui relatif au solde du prix de cession

2- ceux donnés par l'actionnaire majoritaire ;

Attendu que s'agissant du premier point, la SAS PRECITURN THIERS a reconsidéré ses propositions dans la note en délibéré du 29 juin 2010 sur des bases assurant de meilleures garanties qui seront retenues ;

Attendu que sur le second point, la Cour juge indispensable de subordonner la levée de la clause d'inaliénabilité aux engagements suivants de l'actionnaire majoritaire :

* ne pas prendre de dividendes jusqu'au complet paiement des sommes dues aux créanciers dans le cadre du plan de redressement de la SAS PRECITURN THIERS

* ne pas conclure de convention de trésorerie avec les autres sociétés du groupe PRECITURN

* ne pas augmenter le montant des 'managements fees' pendant une durée de trois ans et soumettre pendant la durée du plan toute révision de la nature et/ou du montant des prestations facturées par la holding au contrôle du commissaire à l'exécution du plan ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction de la procédure suivie sous le nº1001487 avec la procédure suivie sous le nº1001458.

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la modification du plan de cession de la société DAPTA TECHNOLOGIES et ordonne en conséquence la levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble immobilier acquis par la SAS PRECITURN THIERS dans le cadre du plan arrêté par jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 16 janvier 2009, sous la double condition suspensive de l'homologation du plan de redressement par voie de continuation présenté par la SAS PRECITURN THIERS et de la souscription par la SAS PRECITURN THIERS et son associé majoritaire des engagements suivants qui feront partie intégrante du plan de continuation de la SAS PRECITURN THIERS :

' engagement de vendre l'ensemble immobilier, propriété de la SAS PRECITURN THIERS, au prix de 2.650.000 € net vendeur engagement de la SAS PRECITURN THIERS d'affecter le prix de cession aux paiements immédiats, soit dans les deux mois de l'adoption du plan et suite à la cession des immeubles, à hauteur de la somme totale de 1.587.240,39 €, des créanciers superprivilégiés (AGS) et de tous les créanciers bénéficiant d'une sûreté grevant le bien immobilier :·

*Me SUDRE ès-qualités de liquidateur judiciaire de la procédure collective de la société DAPTA TECHONOLOGIES

*le CREDIT AGRICOLE

* l'URSSAF

*la société CM CIC

*le SIE

engagement de garantir le paiement de l'impôt sur les sociétés suite à la cession de l'immeuble pour un montant de 580.000 € payable au cours de l'exercice 2011¨

mise en place du gage financier de 600.000 € au profit de la banque DELUBAC en contrepartie duquel la banque s'engage à ne plus retenir de garantie sur les créances mobilisées·

mise sous séquestre du solde du prix de cession de l'immeuble (2.650.000 € - 1.587.240,39 € ), sur un compte ouvert auprès de la banque DELUBAC, fonctionnant sous la seule signature du commissaire à l'exécution du plan afin de garantir la parfaite exécution du plan de continuation pendant toute sa durée, avec faculté d'un déblocage de fonds chaque année par le commissaire à l'exécution du plan sur le solde du prix de cession de l'immeuble (correspondant aux fonds séquestrés outre le montant du gage financier si ce dernier était levé), sous les réserves suivantes :·

*la SAS PRECITURN THIERS ne pourra solliciter du commissaire à l'exécution du plan le déblocage des fonds à hauteur maximum de 100.000 € qu'après parfait paiement des créanciers et uniquement pour réaliser des investissements

*la somme libérée sera limitée au montant du passif amorti par la SAS PRECITURN THIERS pour l'année écoulée

*chaque opération donnera lieu à communication au commissaire à l'exécution du plan des justificatifs des investissements effectués et de l'utilisation des fonds

' engagements de l'actionnaire majoritaire de la SAS PRECITURN THIERS de :

*ne pas prendre de dividendes jusqu'au complet paiement des sommes dues aux créanciers dans le cadre du plan de redressement de la SAS PRECITURN THIERS

*ne pas conclure de convention de trésorerie avec les autres sociétés du groupe PRECITURN pendant la durée du plan

*ne pas augmenter le montant des 'managements fees' pendant une durée de trois ans et soumettre toute révision de la nature et/ou du montant des prestations facturées par la holding au contrôle du commissaire à l'exécution du plan ;

Dit que l'autorisation de levée de la clause d'inaliénabilité de l'ensemble immobilier de la SAS PRECITURN THIERS sera immédiatement caduque, sans formalité, en cas de non-réalisation de l'une quelconque des conditions suspensives.

Dit qu'une expédition de l'arrêt sera transmise dans les 8 jours du prononcé au greffier du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand pour l'accomplissement des mesures de publicité légale, conformément à l'article R 661-7 du Code de Commerce.

Met les dépens en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire de la SAS PRECITURN THIERS et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.