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Décisions

CA Chambéry, ch. com., 26 janvier 2010, n° 09/00837

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Confor'm Habitat (SAS)

Défendeur :

Saga France (SAS), Saga Isolation (SARL), Savoie Mont Blanc (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robert

Conseillers :

M. Busché, M. Morel

Avoués :

SCP Dormeval-Puig, SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon

Avocats :

Selarl Aklea, SCP Ballaloud-Aladel

TGI Annecy, du 13 mai 2008

13 mai 2008

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du 13/05/2008 le tribunal de grande instance d'ANNECY, statuant en matière commerciale, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire commune aux sociétés SAGA ISOLATION, SAGA FRANCE (holding) et SAVOIE MONT BLANC (propriétaire des murs), autorisé la poursuite de l'activité en vue d'une éventuelle cession, désigné Me X... en qualité d'administrateur et Me Y... en qualité de liquidateur.

Par jugement du 24/06/2008, le tribunal a arrêté au profit de la société CORALU le plan de cession des actifs des sociétés SAGA ISOLATION et SAVOIE MONT BLANC, aux conditions de l'offre reprises dans ses motifs et donc notamment celle aux termes de laquelle le repreneur s'engageait à ne pas revendre, sans autorisation, l'immeuble cédé pendant une durée de 5 ans.

Le 26/01/2009 la société CONFOR'M HABITAT, aux droits de la société CORALU, a déposé une requête aux termes de laquelle elle sollicitait la main levée de cette inaliénabilité.

A cet égard, elle faisait valoir que l'activité reprise était largement déficitaire et que la vente de ce bâtiment, devenu trop grand, lui permettrait d'assainir la situation.

Par jugement du 07/04/2009, le tribunal de commerce d'ANNECY, substitué par le tribunal de grande instance, a fait droit à cette demande mais à la condition que 40 % du prix de vente soit versé entre les mains du mandataire liquidateur Me Y....

Le tribunal a considéré qu'il était équitable que la plus-value procurée par la vente autorisée dans le cadre de la modification substantielle du plan précédemment arrêté, soit partagée entre les besoins de trésorerie du repreneur et les créanciers de la société cédée, et ce, au regard des objectifs que la loi fixe à la cession : maintien de l'activité et apurement du passif.

Par déclaration reçue au greffe le 21/04/2009, la société CONFOR'M HABITAT a relevé appel de cette décision.

La clôture de la mise en état a été fixée au 17/12/2009.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société CONFOR'M HABITAT demande à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il subordonne la main levée de la clause d'inaliénabilité au versement de 40 % du prix de vente à la procédure collective,

- d'ordonner la main levée de cette clause, sans autres conditions que celles présentées par CONFOR'M HABITAT,

- de condamner les sociétés SAGA ISOLATION, SAGA FRANCE, SCI SAVOIE MONT BLANC, Me X..., ès qualité d'administrateur judiciaire, et Me Y..., ès qualité de liquidateur, in solidum au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la vente de l'immeuble, devenu inadapté et trop coûteux, ne correspond à aucune volonté de profit de sa part, mais est nécessitée par le rétablissement de la situation financière de l'activité reprise, qui s'est dégradée à la suite de divers facteurs.

Elle fait valoir que le tribunal a dévoyé l'objectif légal de la clause d'inaliénabilité en l'utilisant comme un moyen d'obtenir une augmentation du prix de cession, prohibée par l'article L 642-6 du code de commerce.

Enfin, elle soutient que le conditionnement de la main levée de la clause d'inaliénabilité à une contrepartie pécuniaire est contraire aux dispositions de l'article 900-1 du code civil.

Me Y..., es qualité de liquidateur, et Me X..., ès qualité d'administrateur, demandent à la cour:

- de confirmer le jugement,

- de condamner la société CONFOR'M HABITAT à leur verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la condition posée par le tribunal ne constitue pas une augmentation du prix de cession.

Ils font valoir qu'au contraire, le prix de cession de 250.000 euros ayant été accepté en contrepartie de l'engagement de ne pas céder le bâtiment dans les 5 ans, la vente du bâtiment à peine un an après pour le prix de 1.600.000 euros, conduirait finalement à une modification à la baisse de l'offre acceptée par le tribunal ;

Ils rappellent qu'aucun texte n'interdit le conditionnement de la main levée d'une clause d'inaliénabilité à une contrepartie pécuniaire.

Le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il fait observer qu'aucun texte n'interdit au juge de poser la condition critiquée, laquelle ne constitue pas une augmentation du prix de cession mais tend simplement à rétablir l'équilibre entre le repreneur et les créanciers de la société cédée.

MOTIFS

Attendu que si l'article L 642-10 du code de commerce permet au tribunal, lorsqu'il arrête un plan de cession, de prévoir que tout ou partie des biens cédés ne pourront être aliénés sans son autorisation pour une durée qu'il fixe, en revanche, ce texte n'interdit pas à la juridiction, lorsqu'elle est saisie d'une demande de main levée de cette clause, de subordonner son autorisation à certaines conditions, étant précisé que les dispositions de l'article 900-1 du code civil sont inapplicables en la matière, puisqu'elles ne concernent que les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué;

Attendu qu'il résulte des motifs du jugement ayant arrêté le plan que l'engagement de ne pas céder sans autorisation le bâtiment pendant 5 ans constituait, avec le versement d'une pénalité pour licenciement économique, la contrepartie de la faiblesse du prix offert par le candidat repreneur, soit la somme globale de 290.000 euros, alors que la valeur vénale de l'immeuble avait été expertement chiffrée à la somme de 1.631.000 euros en cas de réalisation dans les 6 mois et à 815.500 euros en cas de vente aux enchères publiques;

Attendu que si le tribunal, dans le jugement dont appel, a pu estimer qu'il existait des circonstances économiques justifiant la main levée de cette inaliénabilité, moins d'un an après, en revanche, c'est à juste titre qu'il a retenu que la conséquente plus-value procurée par cette dernière, qui constituait une condition substantielle de l'offre négociée et homologuée par la juridiction, devait être partagée entre les besoins de trésorerie du repreneur et les créanciers de la société cédée, le but du plan de cession étant, aux termes de l'article L 642-1 du code de commerce, non seulement le maintien de l'activité et des emplois, mais encore l'apurement du passif;

Qu'à cet égard, le versement de 40 % de la somme provenant du prix de vente de l'immeuble concerné entre les mains du liquidateur judiciaire des sociétés débitrices constitue la simple contrepartie de la main levée sollicitée ;

Qu'en outre il s'agit, non d'une obligation mais d'une condition dont l'exécution est laissée à la libre initiative de la société CONFOR'M HABITAT, à qui il appartient de décider si elle entend, en la respectant ou en la refusant, procéder ou non à la vente dont s'agit, prohibée par le plan arrêté à sa demande en contrepartie de la faiblesse du prix qui lui était demandé ;

Qu'elle ne peut donc être assimilée à une modification du montant du prix de cession, interdite par l'alinéa 3 de l'article L 642-6 du code de commerce ;

Attendu, par conséquent, que le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions, qu'il sera alloué aux intimés une somme de 2.000 euros en dédommagement de leurs frais irrépétibles d'appel et que la demande formée à ce titre par l'appelante sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Condamne la société CONFOR'M HABITAT à payer indivisément à Me Y..., ès qualité et à Me X..., ès qualité, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette la demande formée de ce chef par la société CONFOR'M HABITAT,

Condamne la société CONFOR'M HABITAT aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués.