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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 3, 19 juin 2018, n° 15/10861

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

DE L.-B.

Défendeur :

Syndicat CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - CGT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Daniel FONTANAUD

Conseillers :

Madame Isabelle VENDRYES, Madame Laurence SINQUIN

Bobigny, du 28 sept. 2011

28 septembre 2011

Monsieur Bertrand DE L.-B. a effectué des piges, consistant en la prise de photographies destinées à illustrer des parutions du journal 'Le Peuple', à compter du 1er octobre 1995, pour le compte de la Société Anonyme d'Edition, de Publication et Journaux Syndicaux (SAEPJS), aux droit de laquelle vient le Syndicat Confédération Générale du Travail (CGT) depuis le 11 décembre 2009. Le 16 juillet 2010, Monsieur Bertrand DE L.-B. a saisi le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY d'une demande tendant à faire reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre lui et la CGT, et à obtenir la résiliation judiciaire de ce contrat de travail, ainsi que le paiement d'indemnités de rupture de la relation de travail.

Par jugement du 28 septembre 2011, le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY, considérant que Monsieur DE L.-B. n'avait pas la qualité de salarié, s'est déclaré matériellement incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY.

Par arrêt du 27 février 2014, la cour d'appel de PARIS a confirmé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de BOBIGNY.

Par arrêt du 24 septembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 27 février 2014.

Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie par Monsieur DE L.-B. dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la présente affaire.

Par conclusions visées au greffe le 10 avril 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur DE L.-B. demande à la cour d'infirmer le jugement, de requalifier la relation entre les parties en contrat de travail, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamner le syndicat CGT au versement des sommes suivantes avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts :

:

- 3.566,94 € à titre d'indemnité de préavis

- 356,70 € à titre de congés payés y afférent

- 297,24 € à titre de 13ème mois

- 12.932,13 € à titre d'indemnité de licenciement

- 34.822,26 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement

- 176.680,57 € à titre de rappels de salaires pour la période de janvier 2010 à avril 2018

- 17.586,03 € à titre de congés payés y afférents

- 14.723,39 € à titre de 13ème mois y afférent

- 32.802,60 € à titre de rappel de salaires de juillet 2005 à décembre 2009 pour les publications et republications de photos non payées

- 3.085,36 € à titre de rappel de prime d'ancienneté entreprise y afférent

- 1.133,06 € à titre de prime d'ancienneté dans la profession y afférent

- 2.964,15 € à titre d'indemnité d'appareil photo

- 4.031,88 € à titre de congés payés y afférent

- 3.360,33 € au titre du 13ème mois

- 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du maintien dans un statut de précarité

- 33.274,15 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur DE L.-B. demande d'ordonner la remise des documents suivants : certificat de travail, attestation Assedic et solde de tout compte sous astreinte de 500 € par jour de retard, les bulletins de salaire rectifiés pour chaque mois de 2005 à 2010 et les bulletins de salaire pour la période de 2010 à 2018 .

A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation du syndicat CGT au versement des sommes suivantes avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts :

- 2.751,38 € à titre d'indemnité de préavis

- 275,14 € à titre de congés payés y afférents

- 229,28 € au titre du 13ème mois

- 9.975,28 € à titre d'indemnité de licenciement

- 26 453,21 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 136.821,86 € à titre de rappels de salaires pour la période de janvier 2010 à novembre 2018

- 13.741,63 € à titre de congés payés y afférents

- 11.529,45 € au titre du 13ème mois

- 14.658,85 € à titre de rappel de salaires de juillet 2005 à décembre 2009 pour les publications et

republications de photos non payées

- 1.965,61 € à titre de rappel de prime d'ancienneté entreprise y afférents

- 1.064, 19 € à titre de prime d'ancienneté dans la profession y afférents

- 2.964,15 € à titre d'indemnité d'appareil photo

- 2.180,67 € de congés payés y afférents

- 1.817,60 € au titre du 13ème mois

- 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du maintien dans un statut de précarité

- 33.274,15 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur DE L.-B. demande également d'ordonner la remise des documents suivants : certificat de travail, attestation Assedic et solde de tout compte sous astreinte de 500 € par jour de retard, les bulletins de salaire rectifiés pour chaque mois de 2005 à 2010 et les bulletins de salaire afférents pour la période de 2010 à 2018 .

Par conclusions visées au greffe le 10 avril 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la CGT demande à la Cour de se déclarer incompétente matériellement et de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré matériellement incompétent au profit du Tribunal de Grande instance de BOBIGNY.

A titre subsidiaire, la CGT demande de renvoyer les parties à conclure sur le fond devant la juridiction compétente et de rejeter la demande d'évocation de Monsieur DE L.-B..

A titre très subsidiaire, elle demande d'ordonner préalablement à l'évocation une mesure d'instruction contradictoire aux frais de Monsieur DE L.-B. pour déterminer pendant la période objet du litige quelles étaient les ressources exactes perçues par ce dernier au titre des piges occasionnelles, quel était le montant des droits d'auteurs exactement perçus par ce dernier, quelles étaient les conditions matérielles exactes de la collaboration de Monsieur DE L.-B. avec la publication 'Le Peuple'.

A titre infiniment subsidiaire, la CGT demandé de débouter Monsieur DE L.-B. de l'ensemble de ses demandes, et, en cas de condamnation, de ramener les demandes de Monsieur DE L.-B. à de plus justes proportions.

En tout état de cause, il est demandé de condamner Monsieur DE L.-B. à verser à la CGT la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

****

MOTIFS

Sur le contrat de travail

Sur la qualité de journaliste professionnel

Principe de droit applicable

L'article L.7111-3 du code du travail énonce qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Le pigiste peut revendiquer la qualité de journaliste professionnel. C'est à celui qui se prévaut de la qualité de journaliste de faire la preuve notamment qu'il tire de son activité au sens de l'article L.7111-3 le principal de ses ressources.

Si l'article L.711-3 du code du travail exige que l'intéressé tire le principal de ses ressources de l'activité visée, il ne comporte pas pour autant de condition relative à un montant minimum de ressources.

Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale.

Application du droit au cas d'espèce

Sur l'entreprise de presse

Il n'est pas contesté que la SAEPJS était une entreprise de presse, conformément à ses statuts versés aux débats par Monsieur DE L.-B.. Il n'est pas non plus contesté que la CGT a continué l'activité de la SAEPJS et fait application à ce titre de la convention collective des journalistes comme le démontrent les bulletins de salaire versés par l'intéressé.

Enfin, il ressort des éléments versés au débat que Monsieur DE L.-B. exerçait son activité auprès d'autres entreprises de presse telles que HACHETTE, NVO/CGT, Entreprises & Carrières, et Confrontations.

Partant, au vu des éléments versés au débat, la condition selon laquelle l'exercice de la profession doit être réalisé dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse est réunie.

Sur l'exercice régulier et rétribué à titre principal de la profession de journaliste

Il appartient à Monsieur DE L.-B. de démontrer qu'il a régulièrement réalisé des photographies moyennant rétribution pour le compte de la société SAEDJ, aux droits de laquelle vient la CGT.

En l'espèce, à l'examen des pièces versées, et en particulier des bulletins de paie de l'intéressé, cette preuve est rapportée : entre octobre 1996 et décembre 2009, Monsieur DE L.-B. a ainsi collaboré par la prise de photographies à la publication de la quasi totalité des éditions du journal 'Le Peuple', du numéro 1429 au numéro l693.

Contrairement à l'argumentation de la CGT, il ne saurait être exigé d'un reporter-photographe pigiste, dont l'activité consiste à réaliser des prises de vue à l'occasion d'événements déterminés, une collaboration intellectuelle permanente à la publication considérée pour bénéficier du statut de journaliste professionnel, condition supplémentaire qui priverait de tout effet l'assimilation du reporter-photographe au journaliste professionnel prévue par l'article L 7111-4.

Il n'est pas pertinent de comptabiliser les bulletins de paie émis chaque année, alors que d'une part, il n'est pas contesté que le journal ne paraissait pas durant une partie de l'été et que, d'autre part, certaines prestations effectuées sur plusieurs mois étaient parfois regroupées sur un seul bulletin de paie. C'est ainsi qu'en 2002 et en 2003, deux bulletins de paie seulement ont été édités, au 30 juin et au 31 décembre, récapitulant le travail réalisé au cours du semestre écoulé.

Au regard des bulletins de salaire, il est constant que ces travaux photographiques ont été rétribués.

Par conséquent, la condition selon laquelle le journaliste doit exercer son activité de manière principale, régulière et rétribuée est réunie.

Sur le caractère principal des ressources tirées de l'activité

A cet égard, il doit être tenu compte non seulement des rémunérations versées par la SAEPJS, mais également de celles acquittées par d'autres entreprises de presse.

En l'espèce, Monsieur DE L.-B. produit un tableau récapitulatif et comparatif de ses revenus nets imposables (revenus de presse et revenus hors presse) sur la période de 2003 à 2009, les bulletins de salaire afférents, les avis d'imposition afférents et les relevés de la CNAV.

De 2003 à 2009 Monsieur DE L.-B. a exercé sa profession au sein de plusieurs entreprises de presse : SAEPJS, HACHETTE, NVO/CGT, Entreprises & Carrières, Confrontations. Sur cette même période, l'ensemble de ses revenus de presse ont représenté 57.669,30 euros sur des revenus totaux (presse et hors presse) de 84.965,00 euros, soit 68% de ses ressources. (57.669,30/84.965,00).

Au cas par cas, l'étude du tableau révèle que chaque année, à l'exception de 2008, la part des revenus de presse était supérieure à la moitié des revenus totaux : (61% en 2003 100 % en 2004

75% en 2005 56% en 2006 55% en 2007 48% en 2008 76% en 2009).

Il résulte de l'étude de ce tableau comparatif que, de 2003 à 2009, Monsieur DE L.-B. a tiré le principal de ses ressources de ses activités de presse.

L'intéressé ne produit aucune pièce pour la période d'octobre 1995 à décembre 2002. Il suit de là qu'il n'est pas démontré que pour cette période, il a tiré l'essentiel de ses ressources de ses activités de presse.

Néanmoins, il ne ressort d'aucune disposition que le critère des ressources principales doit être apprécié au regard de la totalité de la période des relations contractuelles, soit depuis le 1er octobre 1995. En effet, cela exclurait toute possibilité pour un journaliste indépendant de voir sa collaboration avec une entreprise de presse évoluer vers un contrat de travail au cours des relations contractuelles.

Par conséquent, la condition selon laquelle le journaliste doit tirer de son activité l'essentiel de ses ressources est réunie.

En définitive, il y a lieu de considérer que pour la période de 2003 à 2009, Monsieur DE L.-B. avait bien la qualité de journaliste professionnel.

Sur la présomption de salariat

Principe de droit applicable

Aux termes de l'article L.7112-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.

Bien que le journaliste professionnel, remplissant les conditions énoncées à l'article L.7111-3 du code du travail, bénéficie de la présomption de salariat prévue par l'article L.7112-1, l'employeur peut renverser cette présomption en établissant que le salarié exerce son activité en toute indépendance et en toute liberté.

Application du droit au cas d'espèce

Il résulte des développements précédents et des bulletins de salaire, qu'entre 2003 et 2009, Monsieur DE L.-B. a, moyennant rémunération, collaboré avec la SAEPJS, aux droits de laquelle vient la CGT, par la prise de photographies pour la quasi totalité des éditions du journal 'Le Peuple', du numéro 1429 au numéro l693.

Il suit de là que Monsieur DE L.-B. peut prétendre à la présomption légale de salariat prévue à l'article L7112-6 du code du travail.

En l'espèce, la CGT ne verse aucun élément aux débats de nature à démontrer que l'intéressé exerçait en réalité son activité en toute indépendance et liberté.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que Monsieur DE L.-B. était salarié de la SAEPJS, aux droits de laquelle vient la CGT et que leur collaboration doit s'analyser en un contrat de travail à compter du mois de janvier 2003.

En outre, en application de l'article L1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour régler les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du même code entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.

Or en l'espèce, les parties étant liées par un contrat de travail depuis janvier 2003, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent et, statuant à nouveau, de rejeter l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la CGT.

Il convient d'évoquer le fond du litige, sans qu'il y ait lieu de répondre favorablement à la demande de mesure d'instruction formulée par la CGT pour déterminer les ressources perçues par Monsieur DE L.-B. au titre des piges, le montant des droits d'auteurs perçus, et les conditions matérielles de la collaboration de Monsieur DE L.-B. avec la publication 'Le Peuple', la Cour étant suffisamment informée au vu des écritures et des pièces produites par les parties sur le fond du litige et discutées contradictoirement.

Sur les rappels de salaire au titre des photos publiées en ligne

Aux termes de l'article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L.7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l'élaboration d'un titre de presse, et l'employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l'employeur des droits d'exploitation des 'uvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu'elles soient ou non publiées.

Les droits du journaliste professionnel sont donc en principe cédés à l'éditeur, et ce n'est que par exception que le journaliste pourra, par une stipulation conventionnelle ou contractuelle dérogatoire, prévoir au contrat la conservation de son droit patrimonial d'auteur.

Or en l'espèce, il n'existe aucune disposition conventionnelle ou contractuelle en ce sens. Partant, il y a lieu de faire application du principe selon lequel les droits attachés aux oeuvres de Monsieur DE L.-B. sont cédées à titre exclusif à la CGT.

Lorsque l'auteur d'une image fixe est un journaliste professionnel qui tire le principal de ses revenus de l'exploitation de telles 'uvres et qui collabore de manière occasionnelle à l'élaboration d'un titre de presse, la cession des droits d'exploitation telle que prévue à l'article L. 132-36 ne s'applique que si cette 'uvre a été commandée par l'entreprise de presse.

Or en l'espèce, il est admis de part et d'autre que Monsieur DE L.-B. réalisait ses piges sur commande de la CGT.

Monsieur DE L.-B. soutient que les photos commandées par la CGT et publiées dans les éditions imprimées du journal 'Le Peuple' ont été ensuite publiées en ligne dans la version internet du journal 'Le Peuple' sans donner lieu à rémunération. Monsieur DE L.-B. demande à ce titre un rappel de salaire.

Cependant, dans la mesure où les piges avaient été commandées par la CGT, les droits attachés aux photos de Monsieur DE L.-B. publiées dans la version impriméesdu 'Peuple' avaient été entièrement cédés à la CGT, de telle sorte qu'elle pouvait les publier à nouveau dans la version en ligne du journal sans verser à nouveau une rétribution à ce titre à l'intéressée.

Il y a donc lieu de débouter Monsieur DE L.-B. de sa demande de ce chef.

Sur les rappels de salaire au titre des photos publiées non payées

Monsieur DE L.-B. soutient que certaines de ses photos ont été publiées dans le journal 'Le Peuple' sans donner lieu à rémunération de la part de la CGT. Compte tenu de la prescription quinquennale, l'intéressé ne réclame un rappel de salaire à ce titre qu'à compter du 16 juillet 2005.

La CGT demeure silencieuse dans ses écritures et ne développe pas d'explications sur ce point.

Monsieur DE L.-B. verse à l'appui de sa demande un tableau reprenant les dates, les numéros du 'Peuple', les pages concernées, le nombre de photos lui appartenant publiées, la rémunération afférente ainsi que l'écart entre la rémunération afférente et la rémunération effectivement versée à l'intéressé. Ce tableau est corroboré par les copies des pages du 'Peuple' concernées ainsi que par ses bulletins de salaire.

Néanmoins, Monsieur DE L.-B. demande le paiement de la publication de certaines photos dont la paternité à l'égard de l'intéressé n'est pas établie. Pour ces photos, la cour ne pourra faire droit aux demandes de Monsieur DE L.-B..

En revanche, il est établi au regard des pièces versées au débat que les publications suivantes de photos appartenant à Monsieur DE L.-B. n'ont pas donné lieu à rémunération.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de Monsieur DE L.-B. à hauteur de 871,50 euros.

Sur la demande de résiliation judiciaire de la relation de travail

Principe de droit applicable

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Application du droit au cas d'espèce

Monsieur DE L.-B. soutient qu'à compter du 11 décembre 2009, date de la transmission universelle du patrimoine de la SAEPJS à la CGT, la CGT a considérablement diminué le nombre de piges commandée jusqu'à cessé de lui fournir un travail à compter du mois de juillet 2010.

La CGT ne verse aucun élément sur ce point.

En l'espèce, il ressort des tableaux de rémunération à la pige produits par Monsieur DE L.-B. pour les années 2003 à 2018 , ainsi que des bulletins de salaire pour les années 2003 à 2007 et des publications du 'Peuple' des numéros 1570 à 1701, que de 2003 à 2009, l'intéressé a participé en moyenne par an à 14 numéros du journal 'Le Peuple' pour une rémunération annuelle moyenne de 4.287,00 euros

Néanmoins, il ressort de l'ensemble de ces pièces que pour l'année 2010, Monsieur DE L.-B. a participé à la réalisation de deux numéros du journal 'Le Peuple' pour une rémunération annuelle de 385,00 euros, et que pour l'année 2011, il a participé à un unique numéro pour une rémunération annuelle de 261 euros.

Bien que l'employeur ait fourni du travail pour les années 2010 et 2011 en commandant à Monsieur DE L.-B. des piges pour trois numéros, l'importante diminution du travail fourni, passant d'en moyenne 14 numéros par an à seulement 1,5, engendrant une diminution significative de la rémunération annuelle, passant à 4.287,00 euros en moyenne à 323 euros en moyenne, s'analyse en un manquement fautif de l'employeur.

A ce titre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que des modalités de dédommagement ont été prévues pour pallier la baisse des commandes et de la rémunération de l'intéressé, telle qu'une rémunération minimale garantie ou d'autres modalités de dédommagement.

Par ailleurs, à compter du mois d'avril 2011, soit postérieurement à la saisine du Conseil de prud'hommes, la CGT a définitivement cessé de commander des piges, et par conséquent, de fournir un travail à Monsieur DE L.-B..

Il y a lieu de relever que le grief subsiste au jour où la cour statue.

Le grief, privant Monsieur DE L.-B. de l'essentiel de ses ressources, pendant près de 7 ans, a rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

Conjugués ensemble, la forte diminution du nombre de commandes de piges à compter du mois de décembre 2009, suivie de l'absence totale de fourniture de travail à compter du mois d'avril 2011 constituent un manquement de l'employeur d'une gravité justifiant la résiliation judiciaire.

Dans la mesure où la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Evaluation du montant des condamnations

Sur le salaire de référence

Aux termes de l'article R.1234-4 du code du travail, 'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement,

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période, n(est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'

Ainsi, à l'appui des bulletins de paie couvrant la période de janvier 2009 à décembre 2009, le salaire moyen mensuel brut de référence sera fixé à 1.783,47 euros.

Sur les indemnités de rupture

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur DE L.-B., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 15.000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail

Il convient par ailleurs d'accorder à Monsieur DE L.-B. les sommes suivantes dont le montant est justifié au vu des pièces versées aux débats :

- 3.566, 94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L1234-1 du code du travail

- 356,69 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis

- 297,24 euros au titre du 13ème mois

- 7.708,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement sur la base d'une ancienneté de 15 ans, 5 mois et 19 jours et un salaire de référence de 1.783,47 euros

Sur le rappel de salaire au titre de l'absence de fourniture d'un travail

Monsieur DE L.-B. pouvant prétendre au statut de salarié depuis le mois de janvier 2003, l'employeur était tenu de lui fournir du travail.

Or il résulte des développements précédents qu'à compter de janvier 2010, la CGT a cessé de fournir un travail à Monsieur DE L.-B., alors même que l'intéressé démontre être resté de façon ineinterrompue à la disposition de la CGT par différents courriers aux termes desquels il demande à l'employeur de lui confier la réalisation de numéros du 'Peuple'.

Monsieur DE L.-B. est donc fondé, au vu des éléments versés au débat et explications fournies, à réclamer le paiement de son salaire pour la période de janvier 2010 à avril 2018 , soit 100 mois à hauteur de 176.680,57 euros, outre 17.587,71 euros de congés payés y afférents et 14.723,39 euros au titre du 13ème mois, ces sommes étant limitées par le montant des demandes formulées par l'intéressé.

Sur les dommages et intérêts au titre du maintien dans un statut précaire

Au vu des éléments du dossier, Monsieur DE L.-B. qui a été maintenu dans une situation de travailleur indépendant, alors qu'il pouvait prétendre au statut de salarié a été injustement privé des avantages liés au salariat, tel que notamment la constance d'une rémunération mensuelle, de telle sorte qu'il rapporte la preuve d'avoir été victime, dans le cadre de cette résiliation judiciaire, d'un statut précaire qui a entraîné un préjudice spécifique justifiant qu'il lui soit alloué, en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse précédemment allouée, des dommages et intérêts en réparation de son préjudice à hauteur de 2500,00 euros.

Sur les autres demandes

Monsieur DE L.-B. formule des demandes chiffrées au titre de ses congés payés, de la prime de 13ème mois, de la prime d'ancienneté et de la prime d'appareil-photo.

Néanmoins, s'agissant des demandes au titre de ses congés payés et de la prime de 13ème mois, il ne ressort de ses conclusions aucun élément justifiant des sommes demandées.

S'agissant, de la prime d'ancienneté, les calculs de Monsieur DE L.-B. pour justifier de sa demande sont obscures et ne permettent pas à la cour d'apprécier le bien fondé de la demande.

S'agissant de la prime d'appareil photo, l'intéressé n'indique pas le fondement d'une telle prime, ni ne détaille ses calculs de telle sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier le bien fondé de cette demande.

Partant, Monsieur DE L.-B. sera débouté de ces demandes.

Sur la demande de remise de documents

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif. Il n'y a pas lieu en l'état d'ordonner une astreinte.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

SE DECLARE matériellement compétente pour connaître de l'affaire

REJETTE la demande d'instruction formulée par la CGT, et EVOQUE le fond du litige,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

CONDAMNE la CGT à payer à Monsieur DE L.-B. les sommes de :

- 871,50 euros à titre de rappel de salaire pour photos publiées non payées

- 15.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.566,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 356,69 euros au titre des congés payés afférents

- 297,24 euros au titre du 13ème mois afférent

- 7.708,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 176.680,57 euros à titre de rappel de salaire sur la période de janvier 2010 à avril 2018

- 17.587,71 euros de congés payés y afférents

- 14.723,39 euros au titre du 13ème mois afférent à cette période

- 2500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le maintien de Monsieur DE L.-B.dans un statut précaire pendant plusieurs années

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE la remise par la CGT à Monsieur DE L.-B. de bulletins de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt,

DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la CGT à payer à Monsieur DE L.-B. en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la CGT.