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Décisions

CA Douai, ch. soc., 31 octobre 2014, n° 13/04633

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Veolia Eau (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

M. Verheyde, M. Raynaud

Cons. Prud’h. Lens, du 19 nov. 2013, n °…

19 novembre 2013

FAITS ET PROCÉDURE-EXPOSÉ DU LITIGE :

Jean Marc C. a été engagé par la Compagnie Générale des Eaux (CGE), avec effet au 17 janvier 1983, à temps plein et pour une durée indéterminée, en qualité d'agent temporaire au sein du service des abonnés des secteurs d'Arras et du Pays minier. Il est devenu par la suite assistant technique, chef de section technique, inspecteur de maîtrise puis, à compter du 9 novembre 2009, responsable d'exploitation (cadre autonome) de Véolia Eau qui était venue aux droits de la CGE.

Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait un poste de responsable projets au sein du service Eau et Travaux de l'agence Coeur d'Artois, qui appartenait à la région Flandres Artois Picardie de Véolia Eau, statut cadre, groupe 6, niveau 6-3.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 mai 2012, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable pour le 23 mai. Il lui a notifié le 18 juin, dans les formes légales, son licenciement immédiat pour faute grave.

Contestant cette sanction, M. C. a saisi le conseil de prud'hommes de Lens qui, par jugement du 19 novembre 2013, a :

- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Véolia Eau au paiement de :

* 120 000 € net de dommages et intérêts ;

* 11 841,99 € brut d'indemnité compensatrice de préavis, et 1184,20 € pour les congés ;

* 47 367,97 € net d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 1 500 € net en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a également

- ordonné à la société Véolia Eau de consigner les sommes ci-dessus, à l'exception de celle allouée au titre des frais irrépétibles, au Pôle de gestion des consignations de Lille ;

- débouté Jean-Marc C. du surplus de ses demandes ;

- débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 précité ;

- dit que les condamnations prononcées portaient intérêts au taux légal à compter du 1er août 2012, date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les sommes allouées au titre de salaire et accessoires de salaire, du jugement pour celles de nature indemnitaire ;

- ordonné le remboursement par la SCA Véolia Eau à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. C. du jour de son licenciement à celui du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage perçues ;

- condamné ladite société aux dépens.

Véolia Eau en a relevé appel par courrier électronique du 18 décembre 2013.

Soutenant que M. C. a commis une faute grave, elle conclut au mal fondé de ses prétentions et sollicite sa condamnation au paiement de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Le salarié conclut à la confirmation du jugement sur le principe, mais réclame 240 000 € net de charges et contributions au titre des dommages et intérêts, 13 002,99 € d'indemnité compensatrice de préavis, 1300,30 € au titre des congés correspondants et 52 011,96 € d'indemnité conventionnelle de licenciement. Il sollicite enfin 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En substance, il soulève l'irrégularité de la procédure de licenciement, conteste les fautes graves qui lui sont reprochées et soutient que la véritable cause de la rupture était de nature économique, car liée à un plan de restructuration dénommé Hellébore, ce que confirmerait le plan de suppression d'emplois annoncé par la direction en mars 2014.

Il est renvoyé, pour plus ample exposé des demandes et moyens, aux écritures déposées

- les 27 mars, 27 août, 29 août et 4 septembre 2014 par l'appelante

- les 23 juin et 8 juillet 2014 par l'intimé qui ont été reprises à l'audience et auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des demandes et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I- Sur les irrégularités de forme de la procédure de licenciement :

I-1 : M. C. soulève en premier lieu le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de convocation à l'entretien préalable, qui a été signé 'par ordre' du directeur des ressources humaines, M. S., ainsi que du signataire de la lettre de licenciement, à savoir Bruno G., directeur régional. Il expose que le représentant légal d'une société en commandite par action, forme juridique qui est celle de Véolia Eau, est son gérant, en l'espèce Maurice F., et que l'employeur ne justifie pas de l'existence d'une délégation dont aurait bénéficié MM S. ou G., le seul délégataire de l'essentiel des pouvoirs du chef d'entreprise en la matière étant M. H., directeur général. Il ajoute que M. G. n'a pas assisté à l'entretien préalable, où les seuls représentants de l'employeur étaient MM R., directeur de l'agence Coeur d'Artois, et S. ;

La société Véolia Eau fait valoir que son directeur des ressources humaines, qu'elle affirme être le signataire de la lettre de convocation est, en cette qualité, détenteur du pouvoir disciplinaire ; que le directeur régional qui a embauché M. C., était semblablement habilité à signer la lettre de licenciement de celui-ci qui n'appartient pas, contrairement à ce qu'il prétend, à la catégorie des cadres supérieurs pour lesquels le gérant s'était expressément réservé le pouvoir de licencier. Elle indique employer plus de 10 000 personnes.

Si la lettre de convocation à l'entretien préalable et celle de licenciement doivent, conformément aux articles L.1232-2 et L.1232-6 du code du travail, émaner de l'employeur, celui-ci peut déléguer à un de ses subordonnés le pouvoir de conduire la procédure et de notifier sa décision, cette délégation n'étant pas nécessairement écrite et pouvant être ratifiée. La ratification peut résulter du fait que la procédure ait été menée à son terme, ce qui est le cas en l'espèce, et du fait que l'employeur en soutient la validité dans ses conclusions devant la cour. Au surplus, le directeur général de la société avait délégué au directeur des ressources humaines (M. H.-L.) de celle-ci, le 31 août 2011, le pouvoir 'd'embaucher et licencier les personnels, cadres, y compris dirigeants' de plusieurs sociétés dont Véolia Eau, avec faculté de subdélégation, et M. H.-L. a, par note du 4 juin 2012, 'confirmé' à M. G. ' son autorisation pour notifier un licenciement pour faute grave à l'encontre' de M. C.

Aucune disposition n'impose enfin que celui qui notifie la décision de rupture ait assisté à l'entretien préalable. Le moyen ne peut donc être retenu.

II-2 : M. C. invoque certes les termes de la délégation de pouvoirs donnée par le gérant de la SCA Véolia Eau à son directeur général, aux termes de laquelle le premier déléguait au second 'le pouvoir d'embauche et de licenciement, sauf pour le domaine des cadres supérieurs où je souhaite conserver, en consultation avec vous et la direction des ressources humaines de Véolia Environnement, l'initiative d'embauche, de promotion, de sanction et de licenciement'. Il relève que l'accord interentreprises du 12 novembre 2008 ne définit pas la catégorie des cadres supérieurs à laquelle il estime appartenir du fait que son emploi fait partie du groupe 6. Il en conclut que sa lettre de licenciement ne pouvait être signée que du gérant de Véolia Eau, à la rigueur de son directeur général.

L'appelante soutient que seuls sont cadres supérieurs ceux relevant des catégories 8-1 à 8-3, qui sont au nombre de 23 (sur 133 cadres) dans son établissement Nord-Ouest.

L''accord interentreprises de l'UES Véolia eau-Générale des Eaux' du 12 novembre 2008 ne comporte effectivement aucune définition de la notion de cadre supérieur. Son article 3-4-4, selon lequel 'est positionné en catégorie cadres le salarié qui occupe un poste doté d'un réel niveau de responsabilité et d'autonomie' et énumère les critères permettant d'apprécier ce niveau, se borne à distinguer les cadres débutants et les cadres confirmés, ces derniers appartenant aux groupes 6-2 et plus. S'il ne fait aucun doute que M. C. était cadre confirmé, il n'est pas établi qu'il ait appartenu à la catégorie des cadres supérieurs telle que celle-ci est habituellement entendue : selon l'avenant du 9 novembre 2009, qui n'a pas été modifié sur ce point, il était cadre autonome (et bénéficiaire, à ce titre, d'une convention individuelle de forfait en jours) mais ne faisait pas partie du comité de direction de l'établissement Nord-Ouest, sa rémunération se situait à un niveau intermédiaire et son autonomie n'était pas des plus larges. Sa position est donc mal fondée.

II- Sur les irrégularités de fond invoquées :

II-1 : M. C. fait valoir que sa convocation à l'entretien préalable ne faisait nulle mention de l'article 2-4 de l'accord interentreprises précité qui instituait une garantie de fond au profit des salariés à l'encontre desquels une sanction disciplinaire était envisagée, à savoir l'avis d'un conseil de discipline. Il admet que, cet avis n'était pas obligatoire pour les salariés dont la position est supérieure à 6-1, ce qui était son cas, mais considère que cette disposition est discriminatoire et doit, par suite, être réputée non écrite ; qu'en tout état de cause, la convocation aurait dû mentionner cette faculté pour qu'il puisse apprécier s'il y avait lieu ou non d'en user.

L'employeur conteste cette analyse et observe que M. C. n'a pas demandé la réunion du conseil de discipline alors qu'il connaissait cette possibilité. Elle ajoute que l'avis de cet organe ne le liait en rien, s'agissant d'une simple garantie de procédure.

La consultation d'un organisme chargé de donner son avis à l'employeur avant que celui-ci ne choisisse la sanction constitue une garantie de fond dont l'absence prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et non une simple obligation procédurale.

L'article 2-4 de l'accord précité énumère les sanctions susceptibles d'être prononcées et précise que celles autres que l'avertissement et la mise à pied sans solde pour une durée ne dépassant pas 3 jours 'ne peuvent être prononcées par la direction qu'après avis du conseil de discipline'. Il énonce toutefois que 'Les salariés dont le niveau de classification est supérieur à 6.1 ne sont pas soumis à la procédure du conseil de discipline, sauf à leur demande expresse'.

Cette disposition n'est pas discriminatoire au sens de l'article L.1132-1 du code du travail. Si un salarié occupant un emploi appartenant au minimum au groupe 6.1 peut solliciter que le conseil de discipline émette un avis sur la sanction envisagée à son encontre, l'accord précité ne prévoit nullement que cette faculté soit rappelée dans la lettre de convocation à l'entretien préalable dont il rappelle pourtant la teneur, qui n'est qu'un rappel des prescriptions légales. Le moyen sera donc rejeté.

II-2 : M. C. reproche encore à son ancien employeur de ne pas avoir rappelé, notamment dans la lettre de convocation, qu'il avait accès à son dossier. La société Véolia Eau voit dans cette allégation un travestissement de l'accord.

L'article 2-4 de ce dernier énonce sur ce point : 'Afin de pouvoir préparer cet entretien' (préalable à sanction), il est rappelé que le salarié a un droit d'accès à son dossier', sans faire obligation à l'employeur de rappeler cette garantie avant l'entretien préalable, singulièrement dans la lettre de convocation.

III- Sur le licenciement :

III-1 : Sur la réalité et la gravité des fautes reprochées :

* La lettre de licenciement justifie celui-ci dans les termes suivants :

' Le 22 mars 2012, nous avons été informés par le commissariat de police d'Auchel que deux salariés de l'entreprise, M. Jean-Claude L. et vous même étiez mis en cause dans le cadre d'une enquête relative à du travail dissimulé.

(...) Il ressort de l'enquête de police et des auditions de Monsieur L. et de vous-même que :

- monsieur L. a participé à l'entretien et à la réparation d'un de vos véhicules personnels, ce véhicule ayant été retrouvé au domicile de ce dernier

- monsieur L. a fait l'acquisition d'un moteur de véhicule Porsche Boxter 2,5 litres qu'il a montés sur l'un (des vôtres)

- Monsieur L. a participé à la rénovation d'une grange vous appartenant, notamment en y installant un escalier en colimaçon.

Il apparaît donc, et cela nous a été confirmé par vous-même et par M. L. lors des entretiens préalables, que vous avez employé ce dernier pour la réalisation de travaux pour votre compte personnel, à un moment où vous étiez en position de responsable hiérarchique.

De plus, ces différents travaux représentent un nombre conséquent d'heures de travail.

En effet, il vous appartient de vous assurer, en tant que supérieur hiérarchique, que vos collaborateurs ne contreviennent pas aux règles relatives aux durées maximales du travail et au repos quotidien et hebdomadaire en cumulant plusieurs emplois, notamment pour des raisons de sécurité.

Or, le fait que M. L. accomplisse des tâches représentant de nombreuses heures de travail à votre domicile est de nature à le mettre en situation de dépassement des durées maximales de travail et de non-respect des règles relatives aux prises de repos.

De même, en tant que membre de l'encadrement et manager d'une équipe depuis de nombreuses années, vous ne pouviez pas ignorer que la réalisation de ces travaux à votre domicile par l'un de vos collaborateurs était de nature à créer chez ce dernier la volonté d'obtenir une contrepartie (...)

Or, il est établi qu'en 2010, lors du départ de l'entreprise de M. Bernard M., vous êtes intervenu en faveur de la nomination de M. Jean-Claude L. pour lui succéder, en invoquant ses qualités professionnelles lui permettant selon vous d'obtenir cette promotion.

Cette prise de position de votre part est formellement attestée par plusieurs responsables de l’agence, à l'époque (...) qui ont également témoigné du fait qu'ils avaient été très surpris de votre position et qu'ils avaient constaté une proximité 'inhabituelle' entre vous-même et M. L..

Cela se traduisait notamment par de nombreuses heures passées avec M. L. dans votre bureau, portes fermées.

Lors de l'entretien préalable, vous avez affirmé, nettement et à plusieurs reprises, que M. L. ne disposait pas des compétences requises pour évoluer à un poste de responsabilité supérieure et qu'il n'était pas question de le promouvoir (...).

Un tel comportement de votre part remet gravement en cause votre autorité hiérarchique à l'égard de vos collaborateurs ainsi que la crédibilité de la ligne managerial. Cela constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles.

En outre, vous avez présenté des versions des faits contradictoires lors de votre audition au commissariat et lors de votre entretien préalable, ce qui est de nature à remettre en question votre crédibilité et constitue un manquement important à votre obligation de loyauté envers l'entreprise'.

L'employeur reconnaît qu'à l'issue de l'enquête, M. C. n'a pas, contrairement à M. L., été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Béthune mais considère que ses agissements sont gravement répréhensibles compte tenu de l'importance des travaux réalisés pour son compte, de la relation hiérarchique existant entre lui et M. L. et du fait que c'est lui qui a sollicité son subordonné, qui espérait naturellement tirer avantage de la situation, que ce soit pour lui-même ou pour son fils qui a pu effectivement obtenir chez Véolia Eau un contrat à durée déterminée et espérait y être embauché définitivement.

*Le salarié soutient qu'il partageait avec M. L., qu'il connaissait de longue date, la passion de l'automobile, qui explique qu'il ait fait appel à lui pour monter sur sa Porsche Boxter un moteur dont il avait fait l'acquisition sur un site internet généraliste ('le bon coin') et lui ait demandé de réparer la voiture Twingo de son épouse Il souligne qu'il n'a été entendu par les policiers, dans le cadre de l'enquête pour un trafic de pièces détachées dans lequel M. L. a été mis en cause, que comme simple témoin, et allègue que certaines des questions qui lui ont été posées auraient été suggérées par le responsable de l'agence Véola à laquelle il appartenait (monsieur R.) qui se serait tenu dans la pièce voisine. Il indique avoir vainement demandé à Véolia Eau communication des procès-verbaux d'audition de son représentant.

Contestant les faits qui lui sont reprochés, il se réserve le droit de porter plainte pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de son ex-employeur. Il minimise, par ailleurs, le nombre d'heures de travail de M. L., qu'il conteste avoir systématiquement favorisé.

Le procès-verbal d'audition de M.R. est versé aux débats, duquel aucune conclusion ne peut être tirée.

La matérialité des faits-dont les uns remontent à 2009-2010, les autres au début 2012- résulte des pièces produites, notamment des procès-verbaux d'audition de MM L. et C. et de Mme L., ainsi que des déclarations du premier lors de son entretien préalable du 18 mai 2012, de l'attestation du vendeur du moteur de Porsche et des pièces dont M. C. a remboursé le coût à son subordonné. Le temps consacré à ces prestations ponctuelles, pour lesquelles l'intimé a reconnu avoir fait appel à M. L. compte tenu de ses compétences en mécanique automobile, ne saurait être surestimé (Leur auteur parle de 'coups de main', et M. C. estime à une dizaine d'heures le temps consacré à l'installation du moteur de sa Porsche); M. L. a estimé à 20 minutes la durée de la sécurisation de l'escalier qui le trouvait dans la grange de son supérieur. Rien ne permet toutefois d'affirmer que ces travaux ont été exécutés pendant le temps de travail ni qu'ils aient eu pour effet un non-respect de la durée maximale de travail où des règles relatives au repos.

Il est certes manifeste que M et Mme L. espéraient que ceci favoriserait l'embauche de leur fils Christophe que Véolia Eau avait engagé le 1er décembre 2009 en qualité de 'chargé de clientèle terrain' pour une durée de six mois et dont le contrat avait été prorogé jusqu'au 30 novembre 2010, sans autre prorogation.

Même si certains cadres de l'entreprise ont pu être gênés par la proximité manifeste existant entre les deux hommes, et surpris de l'insistance de M. C. à recommander M. L., courant 2010, pour un poste pour lequel il n'était pas évident qu'il ait les compétences nécessaires, la conclusion du compte rendu de l'entretien professionnel conduit le 7 octobre 2010 est équilibrée: M. C. porte un regard positif sur la manière dont M. L. exerce les fonctions de responsable qu'il remplit pendant l'absence du titulaire du poste mais regrette son manque de diplomatie et un comportement parfois 'caractériel'.

Il n'apparaît pas que l'autorité de M. C. envers M. L. ait été affectée par les travaux effectués par le second au profit du premier.

* M. C. fait plaider que les faits qui lui sont reprochés relevaient de sa vie privée, et qu'ils n'ont causé aucun trouble caractérisé au sein de l'entreprise. L'employeur le conteste, qui voit dans le recours au travailleur clandestin qu'était à ses yeux M. L. un manquement de l'intimé à son obligation de loyauté.

S'il résulte de la combinaison des articles L. 8221-1 et L. 8224-1 du code du travail que le recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé est sanctionné pénalement, encore faut-il, pour qu'il soit fautif, qu'il y ait été recouru en connaissance de cause, ce qui n'est nullement établi en l'espèce. En recourant aux services d'un subordonné dont il connaissait les compétences, l'intimé a certes été indélicat mais n'a pas abusé de ses fonctions pas plus qu'il n'a manqué à son obligation de loyauté.

Un fait de la vie personnelle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que s'il a causé un trouble caractérisé dans l'entreprise, compte tenu notamment de la finalité de celle-ci et de la nature des fonctions de celui qui n’est l'auteur. Tel n'étant pas le cas en l'espèce, il y a lieu à confirmation du jugement qui a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

III-2 : Sur les conséquences :

* M. C. invoque une ancienneté de trente ans, le caractère fallacieux des motifs de son licenciement et le caractère infamant de celui-ci. Affirmant avoir subi une véritable torture morale, il en souligne les conséquences sur son état de santé ainsi que l'importance d'un préjudice financier qui découle notamment de la privation des multiples avantages dont il bénéficiait (voiture de fonction, tickets restaurant, exonération partielle des factures d'eau, primes d'intéressement et de participation). Il indique n'avoir pas retrouvé d'emploi et avoir dû vendre des terres qu'il tenait de ses parents pour faire face à la baisse conséquente de son niveau de vie.

La société Véolia Eau souligne que la somme de 240 000 € réclamée en cause d'appel (au lieu de 208 048 € en première instance) correspond à 61 mois de salaire, ce qu'elle estime excessif.

La situation actuelle de l'intimé est justifiée par les pièces produites.

En considération de l'âge (53 ans) et de l'ancienneté (29 ans et demi) du salarié à la date de son licenciement, du montant moyen de sa rémunération (4334,333€, avantages en nature et indemnité d'astreinte compris), il y a lieu à confirmation du jugement sur le montant des dommages et intérêts.

C'est également à juste titre que le conseil de prud'hommes a ordonné, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur des allocations de chômage qui avaient été versées à M. C. du jour du licenciement à celui du jugement, dans la limite de six mois.

*L'article 2-3-2 de l'accord interentreprises du 12 novembre 2008 fixe à 3 mois la durée du préavis des salariés appartenant aux groupes 4 à 8 ayant plus de deux ans d'ancienneté au sein de l'UES Véolia-Générale des eaux, sauf faute grave, faute lourde ou force majeure. En l'absence de l'une ou de l'autre, M C. est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de 13 002,99 € et 1300,30 € au titre des congés.

Sur les bases fixées par le même article, le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 52 011,96 €

IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’appelante, qui perd son procès, devra supporter les dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du même code.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des frais irrépétibles (honoraires d'avocat notamment) qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré sur l'absence de cause réelle et sérieuse, le remboursement des allocations de chômage et le montant des dommages et intérêts ;

L'INFIRME sur les indemnités de rupture et

Statuant à nouveau

Condamne la société Véolia Eau à payer à Jean Marc C. :

-13 002,99 € (treize mille deux euros quatre-vingt-dix-neuf centimes) d'indemnité compensatrice de préavis

- 1300,30 € (mille trois cents euros trente centimes) au titre des congés afférents ;

- 52 011,96 € (cinquante-deux mille onze euros quatre-vingt-seize euros) d'indemnité conventionnelle de licenciement les deux premières sommes portant intérêts au taux légal à dater du 1er août 2012, la troisième à dater du présent arrêt

Y ajoutant

Condamne la société Véolia Eau à payer à Jean Marc C. 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile

La condamne aux dépens d’appel ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires.