CSA, 6 mai 2015, n° 2015-07
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
saisine par le groupe Métropole Télévision de l’Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par le groupe TF1 et TF1 Publicité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schrameck
Vu le code de commerce, notamment son article R. 463-9 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu la lettre du ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, en date du 27 octobre 2004, au conseil de la société TF1 et AB, relative à une concentration dans le secteur de l’audiovisuel ;
Vu l’avis n° 2009-12 du 28 septembre 2009 du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatif à la demande d’avis de l’Autorité de la concurrence portant sur l’acquisition des chaînes TMC et NT1 par le groupe TF1 ;
Vu la décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 de l’Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 de la société NT1 et Monte-Carlo Participations ;
Vu l’avis n° 2012-11 du 22 mai 2012 du Conseil supérieur de l’audiovisuel à l’Autorité de la concurrence sur la notification de l’acquisition des sociétés Direct 8, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermedia par les sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ;
Vu la décision n° 12-DCC-101 du 23 juillet 2012 de l’Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus ;
Vu le courrier du 8 janvier 2015 de l’Autorité de la concurrence invitant le Conseil supérieur de l’audiovisuel à formuler ses observations sur la saisine du groupe Métropole Télévision relative à des pratiques des sociétés TF1 Publicité, Groupe TF1 et TMC Régie ;
Vu les demandes d’informations du Conseil supérieur de l’audiovisuel au groupe TF1 et au groupe Métropole Télévision en date du 13 février 2015 ;
Vu la réponse du groupe Métropole Télévision en date du 10 mars 2015 ;
Vu les réponses du groupe TF1 en date du 5 mars 2015 et du 10 mars 2015 ;
Après en avoir délibéré, Émet l’avis suivant :
Le 8 avril 2014, la société Métropole Télévision a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe TF1 sur le marché de la publicité télévisuelle au regard des articles 102 du TFUE et L.420-2 du Code de commerce.
Le 8 janvier 2015, l’Autorité de la concurrence a communiqué la saisine au Conseil supérieur de l’audiovisuel, en application des dispositions de l’article R. 463-9 du code de commerce, et lui a demandé de transmettre ses observations.
Le groupe Métropole Télévision soutient que le groupe TF1 nuit au développement de la concurrence sur le marché de la publicité télévisuelle via des pratiques d’abus de position dominante.
D’une part, TF1 Publicité accorderait des remises fidélisantes aux annonceurs visant à restreindre leur possibilité de choix en ce qui concerne l’attribution de leur budget publicitaire télévisé et obtenir ainsi une part ce budget ayant, en principe, vocation à être investie sur les autres chaînes commerciales gratuites. De telles remises auraient ainsi un effet d’éviction vis-à- vis des chaînes concurrentes, dans la mesure où ces remises permettraient à la chaîne TF1 de bénéficier d’un surinvestissement des annonceurs au détriment de chaînes concurrentes dont la progression sur le marché publicitaire est entravée.
D’autre part, le groupe Métropole Télévision considère que la commercialisation par une régie publicitaire unique des espaces publicitaires des chaînes TF1, HD1 et Numéro 23 confère à TF1 un avantage concurrentiel unique entravant le développement des chaînes de la TNT gratuite concurrentes. Selon le groupe Métropole Télévision, la puissance des écrans de la chaîne TF1 permettrait au groupe TF1 de faire jouer un effet de levier afin de commercialiser plus facilement les espaces publicitaires des chaînes HD1 et de Numéro 23 au détriment de leurs concurrentes. Cette pratique aurait pour effet d’entraver le développement des autres chaînes de télévision gratuite.
Les observations du Conseil portent successivement sur les marchés concernés par la saisine, le pouvoir de marché du groupe TF1, et les pratiques qui lui sont reprochées par le groupe Métropole Télévision.
1. La définition des marchés pertinents
1.1 La publicité télévisuelle et la publicité sur internet
Les autorités de concurrence françaises et communautaires ont, à plusieurs reprises, distingué la publicité télévisuelle des espaces publicitaires offerts sur d’autres médias, bien que leurs frontières ne soient « pas totalement étanches ». Dans sa décision relative à l’acquisition des chaînes TMC et NT1, l’Autorité de la concurrence a notamment relevé que « la majorité des acteurs du marché estiment que les marchés de la publicité sur internet et à la télévision vont se rapprocher et devraient même un jour constituer un unique marché pertinent ».
Dans le cadre de la préparation du présent avis, le groupe TF1 a indiqué, dans sa réponse à la demande d’informations du Conseil sur l’évolution des marchés pertinents, que ces dernières années se caractérisent par une convergence croissante de la télévision et d’internet, de nature technique et commerciale. Selon le groupe, la plus grande fragmentation du marché de la télévision et le développement de l’équipement des Français en terminaux connectés à internet attesteraient d’un tel mouvement. Ces évolutions auraient plusieurs conséquences :
- Une fragilisation des acteurs de la publicité télévisuelle, et de TF1 en particulier ;
- Un développement exponentiel de l’investissement sur internet avec un transfert de de budget des annonceurs de la télévision vers internet ;
- Une interpénétration de plus en plus forte des deux marchés avec une présence des acteurs de la télévision sur internet et une entrée des acteurs de l’internet dans le secteur de la télévision ;
- Un développement des mesures hybrides d’audience associant la télévision et internet et une structuration des agences autour d’organisations et d’équipes « plurimédia ».
Le groupe TF1 conclut que si la télévision et internet présentent des différences qui peuvent les rendre imparfaitement substituables, il estime néanmoins que des produits ayant des caractéristiques différentes peuvent exercer une contrainte concurrentielle significative les uns sur les autres, au point de relever d’un même marché.
Les observations du Conseil portent successivement sur la convergence croissante de la télévision et d’internet et sur le degré de substituabilité entre les offres publicitaires télévisuelles et les offres de publicité sur internet. Dans le cadre du présent avis, elles ne portent pas sur la segmentation du marché de la publicité sur internet en plusieurs marchés distincts.
1.1.1 La convergence croissante de la télévision et d’Internet
Le groupe TF1 estime que la plus grande fragmentation de l’offre de chaînes de télévision attesterait de la convergence croissante de la publicité télévisuelle et de la publicité sur internet.
Depuis l’entrée en 2005 de nouvelles chaînes sur le marché, le secteur de la télévision gratuite se caractérise par une plus grande fragmentation des audiences, directement liée à la multiplication du nombre de chaînes gratuites actives sur le marché de la publicité (6 au début de l’année 2005 et 23 en 2014). Les causes de cette fragmentation sont ainsi propres au secteur de la télévision et n’apparaissent pas liées au développement des investissements publicitaires sur internet.
A cet égard, la croissance des usages d’internet ne s’est pas opérée au détriment de la consommation du média télévisuel. Ainsi, la durée d’écoute de la télévision a largement progressé ces dernières années même si une légère baisse a été enregistrée entre 2011 et 2014, pour atteindre 3 h 41 minutes par jour.
En outre, les usages de la télévision demeurent concentrés sur le visionnage de programmes linéaires sur le téléviseur. Les Français n’ont consommé que 7 minutes par jour de programmes télévisuels sur d’autres écrans (ordinateur, smartphone, tablette) ou en télévision de rattrapage quel que soit l’écran.
De la même manière, le Conseil constate qu’en dépit de la forte croissance des investissements publicitaires sur internet depuis 2005, la place de la télévision sur le marché global de la publicité n’a pas significativement évolué. En 2014, les recettes publicitaires télévisuelles ont représenté 31% des recettes publicitaires plurimédias, soit le même niveau de part de marché publicitaire qu’en 2005. Historiquement premier média choisi par les annonceurs, la presse a vu ses recettes publicitaires se réduire de 44% entre 2005 et 2014, et sa part dans le total des recettes publicitaires plurimédias reculer de 20 points pour atteindre 26% en 2014. Bien que les recettes publicitaires télévisuelles soient en diminution, la télévision s’impose donc désormais comme le premier média investi par les annonceurs. Dans le même temps, les recettes publicitaires d’internet se sont considérablement développées, atteignant 24% de parts de marché en 2014.
La diminution à plusieurs reprises de la valeur du marché publicitaire télévisuel depuis dix ans (soit –2,7% entre 2005 et 2014) ne signifie pas que le développement de la publicité sur internet en soit la cause exclusive. La contraction des dépenses publicitaires plurimédias et télévisuelles apparaît en revanche directement liée aux crises économiques intervenues en 2001 et à partir de 2008. Celles-ci ont également eu des effets sur le marché de la publicité sur internet. En effet, le segment des formats publicitaires hors référencement payant a connu une décroissance de 1% en 2013.
Le marché de la publicité sur internet a mieux résisté à la crise en raison de son caractère émergent et des innovations nombreuses qui le caractérisent. Le Conseil a observé, indépendamment de la crise des années 2008-2009, une modification des choix des annonceurs qui peuvent privilégier désormais des dispositifs publicitaires permettant une action plus rapide et mesurable de leurs performances commerciales.
Le Conseil constate que l’ensemble des éditeurs de chaînes de télévision gratuites et de nombreuses régies télévisuelles sont désormais actifs sur le marché de la publicité sur internet.
En effet, les éditeurs de chaînes de télévision gratuites vendent depuis plusieurs années des espaces publicitaires pour leurs services de télévision de rattrapage disponibles sur internet et les réseaux gérés des FAI. Les éditeurs proposent également aux téléspectateurs des offres de télévision participative, fondées sur des technologies apportant un enrichissement des contenus et une interaction entre le téléspectateur et le contenu qu’il regarde ou souhaite regarder et entre les téléspectateurs eux-mêmes autour de ce contenu. D’autres acteurs de la télévision, comme le groupe TF1, via sa plateforme Wat.TV, ont également une activité d’hébergement de vidéos, comparable à celles d’acteurs tels que Youtube ou Dailymotion.
Le développement des activités des éditeurs de chaînes sur internet permet aux régies publicitaires qui leur sont adossées de proposer depuis plusieurs années des offres de publicité sur internet, ainsi que des offres dites « cross-médias », proposant aux annonceurs des offres couplant les deux types de publicités. TF1 Publicité a par exemple adapté son organisation pour le développement de ces offres. M6 Publicité a lancé au début de l’année 2014 l’offre 6mix qui constitue une remise globale sur les investissements télévisuels (M6, W9 et 6ter) et digitaux (formats vidéo ou « display » sur les sites et applications en régie chez M6 Publicité Digital). M6 Publicité a également mis en place, avec Médiamétrie, une solution de mesure d’audience des campagnes publicitaires diffusées à la fois en télévision et sur les services de vidéo et de télévision de rattrapage disponibles sur les ordinateurs et les boîtiers des FAI. Cependant, si ces innovations illustrent un mouvement de convergence, la formation des prix des écrans publicitaires des chaînes de télévision demeure à l’heure actuelle fondée sur un système de mesure d’audience classique qui ne tient pas encore compte de l’audience des vidéos sur internet.
Le Conseil constate par ailleurs que les acteurs qui sont historiquement actifs sur le marché de la publicité sur internet, tels que Google et Youtube, ne sont pas aujourd’hui actifs dans l’édition de services de de télévision linéaire et sur le marché de la publicité télévisuelle. Si les plateformes de partage de vidéos sont accessibles de manière croissante sur les téléviseurs et proposent une part croissante de contenus professionnels et de type télévisuel, du point de vue des annonceurs, la publicité sur internet et la publicité télévisuelle présentent toujours des différences importantes, s’agissant des objectifs recherchés par les annonceurs, des caractéristiques techniques et des tarifs des produits publicitaires.
En conclusion, le Conseil constate que le développement des investissements publicitaires sur internet, le développement des activités des éditeurs de chaînes sur internet, ainsi que la stratégie des acteurs de l’internet pour diffuser leurs contenus sur internet reflètent un mouvement de convergence de la publicité sur internet et de la publicité télévisuelle. Ainsi que l’a rappelé l’Autorité de la concurrence dans son avis du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne, l’existence d’une certaine substituabilité entre types de publicité ne signifie toutefois pas que les produits publicitaires soient nécessairement aujourd’hui sur le même marché pertinent au sens du droit de la concurrence.
1.1.2 Le degré de substituabilité entre la publicité télévisuelle et la publicité sur Internet
L’Autorité « regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »1.
Du point de vue de la demande, l’existence d’une substituabilité partielle entre les différentes offres de publicité ne signifie pas que les produits appartiennent nécessairement au même marché pertinent. La publicité télévisuelle et la publicité sur internet demeurent selon le Conseil des modes de promotion avec des spécificités propres en termes de ciblage et de tarification, et avec des objectifs complémentaires pour les annonceurs et les agences média.
Ainsi que l’avait établi la Commission européenne en 2008 à l’occasion de l’acquisition de Double Click par Google : « la publicité en ligne est utilisée à des fins spécifiques. Par opposition à la publicité hors ligne, la publicité en ligne est considérée comme ayant le potentiel d’atteindre une audience plus ciblée avec plus d’efficacité. […] La publicité en ligne dispose d’un système de mesure d’audience unique qui permet à l’annonceur de connaître le nombre exact d’utilisateurs qui ont visualisé son annonce ou cliqué dessus et permet, en outre, un « reciblage » rapide de l’annonce. La mesure de l’efficacité des annonces en ligne peut dès lors aussi être plus précise par comparaison avec les systèmes traditionnels de mesure utilisés dans la publicité hors ligne ». En termes de tarification, elle avait en outre considéré que « le mécanisme de tarification spécifique appliqué à la publicité en ligne établit aussi une distinction entre les deux marchés : alors que les prix pour la publicité hors ligne sont généralement établis sur la base des « impressions » visualisées par un nombre possible de clients (et estimé sur la base de critères généraux), la publicité en ligne se paie sur la base du nombre d’internautes qui établissent effectivement un contact avec l’annonce. […] Aucun des médias hors ligne traditionnel ne permet un lien aussi précis entre l’audience d’une annonce et son prix ».
Le mouvement de convergence de la publicité télévisuelle et de la publicité sur internet observé par l’Autorité de la concurrence s’est poursuivi, mais illustre davantage la complémentarité croissante entre la publicité télévisée et la publicité sur internet plutôt que leur substituabilité. En pratique, deux niveaux de complémentarités peuvent être observés sur le marché. Le premier porte sur le soutien apporté par le référencement payant sur les moteurs de recherche, qui vient renforcer l’efficacité commerciale des campagnes télévisuelles. Le second repose sur le format vidéo qui permet une continuité de la diffusion des messages publicitaires dans l’univers digital. A cet égard, le Conseil relève l’intégration de plus en plus fréquente par les régies publicitaires de modules vidéos, notamment en télévision de rattrapage, au sein des leurs offres.
Pour autant, le niveau de développement de ces offres conjointes ne permet pas à l’heure actuelle selon le Conseil de considérer que ces deux formes de publicité devraient être réunies au sein d’un marché pertinent dit « groupé », au motif que la demande ou l’offre porterait conjointement sur les différents produits. En effet, ces derniers présentent toujours des différences significatives, d’un point de vue technique et tarifaire.
Ainsi, les conditions de concurrence sur le marché de la publicité télévisuelle et sur celui de la publicité sur internet présentent des différences marquées qui sont de nature à établir que les offres des régies ne portent pas de manière conjointe sur les deux catégories de publicité. Si les régies publicitaires des chaînes de télévision ont aujourd’hui une offre de publicité sur internet, les régies publicitaires internet actives principalement sur internet n’offrent pas de publicité télévisuelle.
Le secteur de la télévision gratuite se caractérise par l’existence de fortes barrières à l’entrée et un nombre limité d’acteurs alors que de très nombreuses entreprises d’édition et d’hébergement de contenus, audiovisuels ou non, offrent sur internet des espaces publicitaires.
En conclusion, le Conseil considère qu’il existe une convergence et une complémentarité croissante de la publicité sur internet et de la publicité télévisuelle mais qu’elles appartiennent toujours à des marchés pertinents distincts.
1.2 La segmentation des offres de publicité télévisuelle
Dans sa décision relative à l’acquisition de TMC et NT1, l’Autorité de la concurrence a envisagé plusieurs segmentations du marché de la publicité télévisuelle. Elle a considéré que les segmentations du marché selon le caractère payant ou gratuit de la chaîne, la cible, la partition de la journée, et la puissance des écrans n’étaient pas justifiées. Dans le cadre de la présente saisine, le Conseil considère que ces conclusions demeurent justifiées.
S’agissant de la segmentation selon la tranche horaire et la puissance des écrans, le Conseil estime que :
- les annonceurs et les agences média, lors de la définition d’un plan média, achètent des écrans publicitaires de puissance différente sur de nombreuses tranches horaires, ce qui correspond aux objectifs de couverture et de répétition d’un message publicitaire ;
- la puissance d’un écran, exprimée en Gross Rating Point (« GRP »), se définit au regard de nombreux paramètres, comme la cible, la tranche horaire et la période de l’année ;
- la puissance d’un écran n’est pas connue par l’annonceur au moment de la réservation de l’écran, mais postérieurement à la diffusion lors de la publication des audiences ;
- les chaînes qui disposent d’écrans puissants, comme TF1 et M6, commercialisent également des écrans peu puissants.
S’agissant de la segmentation du marché selon le caractère gratuit ou payant de la chaîne, elle n’apparaît pas pertinente dans la mesure où l’objectif des demandeurs sur le marché est d’atteindre une cible de la même manière sur l’ensemble des chaînes. En outre, de nombreuses offres des régies couplent la commercialisation des espaces publicitaires de chaînes payantes et de chaînes gratuites. Le développement de ces offres répond aux stratégies des annonceurs dont les plans médias en télévision incorporent très souvent les deux catégories de chaînes.
De la même manière, le Conseil considère qu’il ne serait pas pertinent de segmenter le marché de la publicité selon la thématique de la chaîne (généraliste, documentaire, jeunesse, information…). Les plans médias des campagnes publicitaires sont construits sur une multitude d’écrans différents et ont notamment pour objectif d’atteindre des cibles de la population. A cet égard, une même cible peut être atteinte sur deux chaînes dont les lignes éditoriales présentent des différences importantes. Par exemple, si les enfants sont la cible principale d’une campagne publicitaire, celle-ci peut être atteinte sur une chaîne thématique comme Gulli et sur les programmes jeunesse d’une chaîne généraliste comme TF1. La cible peut également être atteinte, mais de manière moins efficace, sur des programmes qui ne sont pas spécifiquement consacrés à la jeunesse. La segmentation selon la cible est également selon le Conseil sans fondement économique. En effet, si un écran publicitaire est acheté par un annonceur pour une cible donnée, les tarifs des écrans ne varient pas selon la cible. En outre, un même écran publicitaire est susceptible d’atteindre plusieurs cibles simultanément.
En conclusion, le Conseil considère qu’il n’est pas justifié de segmenter le marché de la publicité télévisuelle en plusieurs marchés distincts. S’agissant de la dimension géographique du marché de la publicité télévisuelle, le Conseil considère que le marché de la publicité télévisuelle a une dimension nationale.
2. La position du groupe TF1 sur le marché de la publicité télévisuelle
2.1 Caractéristiques essentielles et évolutions du marché
2.1.1 La formation des relations contractuelles entre les différents acteurs de la chaîne de la valeur du marché publicitaire
(i) Les différents acteurs de la chaîne de valeur de la publicité télévisuelle
- Les annonceurs : l’annonceur est la personne physique ou morale au nom de laquelle la publicité est faite.
- Les agences conseils : les agences de conseil en communication ont un rôle complexe regroupant des fonctions multiples. On distingue toutefois deux grandes catégories d’expertises : la première porte sur l’élaboration des messages et des créations publicitaires, assurée par les agences publicitaires ; la seconde sur l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies médias, assurée par les agences médias (médiaplanning, achat d’espace publicitaires…). Pour ces dernières, la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 (dite « Loi Sapin ») impose l’obligation d’un contrat de mandat avec les annonceurs pour les activités d’intermédiaire en achat d’espace publicitaire.
- Les régies publicitaires : la régie a pour objet de commercialiser auprès des annonceurs et des agences l’espace publicitaire d’un ou plusieurs supports.
Le Code des usages de la publicité définit le régisseur de publicité comme étant « celui qui a traité pour la concession de l’exploitation de la publicité entière du support ou pour celle d’un de ses éléments »2.
La « loi Sapin » considère la régie comme un « vendeur d’espace » 3 et met à la charge des régies des obligations de transparence tarifaire par la communication, sur demande de l’annonceur de leurs tarifs et barèmes.
(ii) Les relations contractuelles entre les acteurs
La chaîne de valeur du marché publicitaire implique donc une organisation des relations contractuelles entre les divers acteurs, et ce, à tous les stades du processus de conception, de commercialisation et de diffusion des messages publicitaires.
- Les contrats Agence/Annonceur : l’article 18 de la « Loi Sapin » impose l’établissement d’un contrat écrit prévoyant :
- les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant les prestations qui seront effectuées dans le cadre du contrat de mandat et le montant de leurs rémunérations respectives ;
- les autres prestations rendues par l’intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération ;
- le cas échéant, la possibilité pour l’intermédiaire de conserver à son profit tout ou partie des avantages tarifaires consentis par le support.
- Les contrats de régie : le contrat de régie organise les relations, souvent exclusives, entre la régie, et le –ou les- support(s), afin d’exploiter l’espace publicitaire du dit support. Le contrat de régie a la nature d’un contrat de mandat, dans la mesure où la régie agit au nom et pour le compte du support. La rémunération de la régie est alors assurée par des commissions sur le prix de l’espace facturé à l’annonceur. Le support est alors tenu d’assurer à la régie la rémunération convenue déterminée en fonction du prix auquel l’espace publicitaire a été vendu aux annonceurs.
(iii) La chronologie des achats d’espaces publicitaires à la télévision
Les régies publicitaires, qui représentent l’offre d’espaces publicitaires, publient leurs conditions générales de vente (comprenant les tarifs bruts) au cours du mois d’octobre de l’année N-1.
Au cours de la même période, les annonceurs, représentant la demande d’espaces publicitaires, font part de leurs stratégies de communication en détaillant les budgets, les cibles recherchées, les supports souhaités et l’architecture globale du plan médias.
Sur la base des conditions générales de vente des éditeurs et des besoins des annonceurs, les agences initient les négociations avec les régies en vue de la conclusion de contrats cadres annuels entre la régie et les annonceurs. Ces contrats cadres définissent les objectifs de performance attendue par chaque annonceur concernant les GRP à atteindre, la position des spots au sein des écrans publicitaires (emplacements préférentiels), la répartition des écrans, l’indice de format, etc.
Ces contrats cadres sont ensuite amendés au cours de l’année N en fonction de l’ajustement des tarifs par les éditeurs et à mesure de la réalisation des campagnes de communication.
2.1.2 Evolution du marché publicitaire pluri médias
2.1.2.1 Contraction des dépenses des annonceurs
Depuis 2000, le marché publicitaire a été confronté à deux crises conjoncturelles : au début des années 2000 (bulle internet) puis à partir du second semestre 2008 (crise financière).
En 2014, 10,7 milliards d’euros ont été dépensés en publicité par les annonceurs sur les 6 grands médias, soit moins qu’en 2004. Hors inflation, le niveau de dépenses est le plus bas atteint depuis 15 ans.
A ces effets conjoncturels s’ajoute un mouvement structurel de diminution globale des dépenses de communication des annonceurs, amorcé au début des années 2000 et qui coïncide avec l’arrivée d’internet.
Par ailleurs, alors que l’élargissement de l’offre publicitaire (diversification des dispositifs de communication et intensification de la concurrence pour chaque média) tend à diminuer les prix, la demande des annonceurs s’oriente de plus en plus vers des dispositifs publicitaires aux retombées mesurables sur leur activité commerciale à court et moyen terme, provoquant un transfert d’investissements publicitaires vers internet, particulièrement adapté à cette problématique.
2.1.2.2 Évolution des investissements par média
Historiquement le premier média choisi par les annonceurs, les recettes publicitaires du secteur de la presse (magazines, presse quotidienne nationale et régionale…) se sont réduites de 44% entre 2005 et 2014. Leur part dans le total des recettes publicitaires plurimédias s’est portée à 26% en 2014, en recul de 18 points.
Dans le même temps, les recettes publicitaires sur internet se sont considérablement développées. Elles ont atteint 2,5 milliards d’euros en 2014, en hausse de 5% par rapport à 2013, atteignant une part de marché publicitaire nette de 24%.
En outre, le segment des espaces publicitaires classiques ("display", c’est-à-dire hors référencement payant) est marqué par une forte progression du format vidéo, qui a plus que doublé en deux ans, pour atteindre un montant de 224 millions d'euros en 2014. Ce dynamisme résulte du succès rencontré par les sites de partage de vidéo et la télévision de rattrapage.
Cette dernière constitue un relais de croissance pour les éditeurs de service de télévision. A l’heure actuelle, les recettes de la télévision de rattrapage demeurent toutefois insuffisantes pour compenser la baisse à laquelle le marché publicitaire télévisuel est confronté.
Le secteur de la télévision a également bénéficié de cette nouvelle répartition des investissements publicitaires. Malgré une baisse de ses recettes, le secteur de la télévision représente 31% des recettes publicitaires totales en 2014, et s’impose aujourd’hui comme le premier média investi par les annonceurs.
Les recettes publicitaires télévisuelles en Europe
Pour des raisons historiques, tenant notamment à l'interdiction de publicité télévisée pour certains secteurs (distribution jusqu'au 1er janvier 2007 en particulier) et aux limitations plus strictes de la diffusion sur les antennes (durées, interruptions), le marché publicitaire télévisuel français est moins développé que dans les autres pays. Sa taille est ainsi inférieure de plus d'un tiers à celle du marché publicitaire de la télévision au Royaume-Uni.
Rapportées à la population, les recettes publicitaires télévisuelles par habitant sont inférieures en France à celles de ses voisins européens, à l’exception de l’Espagne.
Enfin, si les recettes publicitaires télévisuelles se sont rapidement rétablies après la crise de 2009 en Grande-Bretagne et en Allemagne, les marchés italien et espagnol ont subi d'importantes baisses durant trois ans.
2.1.3 Evolution du marché publicitaire télévisuel
2.1.3.1 Evolution du périmètre du marché
Depuis près de 10 ans, le périmètre du marché publicitaire télévisuel a connu plusieurs évolutions importantes, notamment un ensemble de modifications réglementaires portant sur l'offre :
- Mars 2005 : introduction des nouvelles chaînes de la TNT (soit dix nouvelles chaînes actives sur le marché de la publicité) ;
- Janvier 2009 : augmentation de la durée de publicité autorisée sur les chaînes privées, de 6 à 9 minutes par heure en moyenne quotidienne pour ce qui concerne les chaînes hertziennes et de 9 à 12 minutes pour les chaînes diffusées sur le câble et le satellite ;
- Mars 2009 : suppression de la publicité sur France Télévisions entre 20 heures et 6 heures (l'entrée en vigueur de cette mesure a été anticipée par le groupe public, dès le mois janvier) et autorisation d'une seconde coupure publicitaire des œuvres audiovisuelles et cinématographiques diffusées sur les chaînes privées ;
- Juillet 2010 : pour les chaînes de la TNT lancées en 2005 augmentation de la durée autorisée de diffusion de publicité par heure en moyenne quotidienne de 9 à 12 minutes (ramenée à 9 minutes courant 2012) ;
- Décembre 2012 : introduction de six nouvelles chaînes gratuites sur la TNT (plafond de durée de publicité en moyenne horaire quotidienne de 9 minutes pour leurs sept premières années d'exercice).
L'ensemble des assouplissements réglementaires portant sur la durée de publicité ont contribué à augmenter significativement le volume offert sur le marché publicitaire télévisuel.
Le secteur audiovisuel a également été marqué par un mouvement de concentrations :
- Janvier 2010 : rachat des chaînes NT1 et TMC par le groupe TF1, assortie de la décision par l’autorité de la concurrence de séparer les régies TF1 et TMC Régie (jusqu’au 26 janvier 2015) ;
- Juillet 2012 : rachat des chaînes D8 et D17 par le groupe Canal Plus et intégration de ces chaînes au sein de la régie Canal Plus Régie.
S’agissant de la structure de la demande, si l'arrivée en télévision des annonceurs de la distribution en janvier 2007, des opérateurs de renseignements téléphoniques (novembre 2005) et de jeux en ligne (mai 2010)4 a constitué un soutien ponctuel de la dépense des annonceurs, ils n'ont pu compenser le mouvement de contraction d'ensemble de ces dépenses.
2.1.3.2 Évolution des recettes publicitaires
Les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des chaînes de télévision se sont portées à 3,2 milliards d’euros en 2014, ce qui correspond à une quasi-stabilité par rapport à 2013 (+0,1%), mettant un terme à deux années successives de baisse (-4,5% entre 2011 et 2012 puis - 3,5% entre 2012 et 2013).
Hors inflation, les recettes publicitaires nettes télévisuelles ont sensiblement diminué depuis 2007 pour atteindre en 2014 le niveau le plus bas depuis 15 ans.
2.1.3.3 Evolution de la structure de la demande en télévision : augmentation du nombre d'annonceurs, faible mouvement de déconcentration
En 2014, on a dénombré 2 541 annonceurs actifs en télévision, soit plus de 800 annonceurs supplémentaires qu'en 2005 (+49%).
83% des nouveaux annonceurs sont de « petits annonceurs » (soit 696 nouveaux annonceurs entre 2005 et 2014). Leur dépense moyenne annuelle est inférieure à 600millions d'euros brut en 2014 (contre une moyenne de 4,5 millions d'euros bruts pour l'ensemble des annonceurs en télévision).
Les investissements publicitaires en télévision sont en réalité concentrés sur un nombre restreint d'annonceurs : en 2014, 15% du total des dépenses publicitaires brutes en télévision a été réalisé par les 10 premiers annonceurs, et 25% par les 23 premiers annonceurs.
Le Conseil relève cependant une érosion de la concentration des investissements publicitaires des annonceurs ces dernières années :
- Le quart des dépenses publicitaires brutes totales était réalisé par les 15 premiers annonceurs en 2005, et par les 23 premiers annonceurs en 2014 ;
- La moitié des dépenses publicitaires brutes totales était réalisée par les 50 premiers annonceurs en 2005, et par les 82 premiers annonceurs en 2014 ;
- 80% des dépenses publicitaires brutes totales étaient réalisé par les 200 premiers annonceurs en 2005, et par les 291 premiers annonceurs en 2014.
Mécaniquement, les recettes publicitaires nettes rapportées au nombre d'annonceurs ont diminué sur la période, passant de 1,9 million d'euros en 2005 à 1,3 million d'euros en 2014, soit une baisse de 35%.
2.1.3.4 L'offre publicitaire en télévision : fragmentation de l'audience et redistribution des contacts
Depuis 10 ans, le paysage audiovisuel a été marqué par le phénomène de fragmentation des audiences lié au triplement du nombre de chaînes nationales : de 6 début 2005 à 23 chaînes actives sur le marché publicitaire en 2014.
On constate ainsi une diminution régulière des parts d'audience des chaînes hertziennes « historiques », jusqu'en 2013. Tandis que l'année 2014 se caractérise dans l'ensemble par un maintien des parts d'audience de ces chaînes.
Depuis leur lancement en 2005, les nouvelles chaînes de la TNT gratuite ont connu une forte croissance, atteignant 22% de part d'audience en 7 ans, pour ensuite se stabiliser entre 2011 et 2013 et diminuer d'un point en 2014.
Enfin, les six nouvelles chaînes HD de la TNT lancées en décembre 2012 suivent une croissance régulière (soit 3,8% de part d'audience pour l'année 2014), sur un rythme toutefois moindre que celui des chaînes TNT lancées en 2005.
Cette fragmentation des audiences ainsi que la suppression de la publicité sur France TV après 20 heures se sont traduites sur le marché publicitaire par un affaiblissement de la puissance moyenne des écrans publicitaires et par une importante redistribution des contacts.
Ainsi, chaque écran publicitaire touchait en moyenne, en 2007, 2,8% des téléspectateurs (cible ensemble 4+) contre 0,7% en 2014, soit une baisse de 75% du GRP6 moyen. Ce constat est identique sur la cible "Femme responsable des achats de moins de 50 ans", pour laquelle la couverture moyenne par écran publicitaire est passée de 3,1% en 2007 à 1,1% en 2013.
On assiste à une multiplication par 11 entre 2007 et 2014 du nombre d'écrans les moins "puissants", c’est-à-dire couvrant chacun une fraction des téléspectateurs inférieure à 1%.
A l'opposé, sur la même période, le nombre d'écrans les plus "puissants" s'est réduit plus que de moitié : -73% pour l'ensemble des écrans touchant chacun au moins 10% des téléspectateurs.
La contribution des différents écrans publicitaires à la puissance publicitaire totale se trouve donc fortement modifiée.
Sur la base de l'ensemble des téléspectateurs, en 2007, les écrans « peu puissants » (< 3 GRP par écran) comptaient pour 1/3 de la puissance totale délivrée, les écrans compris entre 3 et 8 GRP par écran pour 1/3, et les écrans « puissants » (> 8 GRP) pour 1/3.
En 2014, les écrans « peu puissants » représentaient 60% de la puissance totale délivrée, les écrans compris entre 3 et 8 GRP représentaient 30%, tandis que les écrans « puissants » ne représentaient plus que 10%.
Ce constat est identique s'agissant de la principale cible commerciale visée par les annonceurs (Femme responsable des achats de moins de 50 ans).
2.1.3.5 Principal constat : forte baisse de la valeur des espaces publicitaires en télévision
Sous l'effet d'une demande en contraction et d'une offre élargie et fragmentée soumise à une intensité concurrentielle croissante, la valeur des espaces publicitaires en télévision a fortement diminué ces dernières années.
Toutes chaînes confondues, la valeur moyenne nette du spot 30 secondes s'est ainsi réduite de 44% entre 2007 et 2014, passant de 1 254 euros à 706 euros.
Entre 2009 et 20147, la diminution de la valeur moyenne du spot 30 secondes se porte à -25% pour l'ensemble des chaînes de télévision, […] pour la chaîne TF1 et […] pour M6.
Les chaînes de la TNT lancées en 2005, malgré la progression mécanique de leurs audiences jusqu'en 2011 notamment liée à l'augmentation de leur initialisation auprès des foyers, ont également subi les effets de ces tensions entre l'offre et la demande sur le marché publicitaire télévisuel : après une croissance jusqu'en 2012, la valeur moyenne du spot 30 secondes a diminué, de manière limitée toutefois, de […]% en 20138.
Il convient enfin de souligner la légère diminution de la valeur de l’espace publicitaire sur la chaîne Canal + : […]% entre 2009 et 20139. Si la chaîne a pu bénéficier d'un effet de report d'une partie des dépenses des annonceurs lors de la réforme de la publicité sur France Télévisions, elle a pu souffrir des contreperformances d’audience sur ses plages en clair en 2013.
Coûts moyens nets 30 secondes entre 2009 et 2014
Source : IREP, Kantar Média, opérateurs (publicité et parrainage) - dernières données disponibles
[…]
Autre indicateur de la tension sur les prix affectant le marché publicitaire, le taux de remise moyen sur les tarifs bruts accordé aux annonceurs est passé de 60% à 72% en 5 ans, toutes chaînes confondues10.
Les chaînes TF1 et M6 ont également consenti des hausses de remises commerciales ces trois dernières années pour atteindre chacune, en 2014[…].
Taux de remise moyens sur les tarifs publicitaires bruts entre 2009 et 2014
Source : IREP, Kantar Média, opérateurs (publicité et parrainage) - dernières données disponibles
[…]
2.2 Analyse concurrentielle
Dans sa décision relative à l’acquisition de TMC et NT1 de 2010, l’Autorité de la concurrence a considéré, d’une part, que le groupe TF1 occupait une position dominante sur le marché de la publicité télévisuelle préalablement à l’acquisition des chaînes TMC et NT1, et, d’autre part, que cette opération a renforcé la position dominante sur le marché de la publicité.
La Cour de Justice des communautés européennes définit la position dominante d’une entreprise comme « une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. Une telle position, à la différence d'une situation de monopole ou de quasi-monopole, n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence mais met la firme qui en bénéficie en mesure sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice 11».
La Communication de la Commission relative aux « Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE relatif aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes » précise que l’appréciation de la position dominante tiendra compte de la structure concurrentielle du marché, et notamment des facteurs suivants :
- La position sur le marché de l’entreprise dominante et de ses concurrents ;
- Les contraintes constituées par la menace crédible d’une expansion de concurrents ou l’entrée de concurrents potentiels ;
- Les contraintes résultant de la puissance de négociation des clients de l’entreprise (puissance d’achat compensatrice).
Les observations du Conseil concernant la situation concurrentielle du marché de la publicité télévisuelle ont pour objectif de fournir à l’Autorité de la concurrence des éléments d’appréciation qu’elle pourra être amenée à utiliser pour déterminer si le groupe TF1 dispose toujours d’une position dominante sur ce marché.
Ces observations portent sur les audiences, les parts de marché du groupe TF1 et de ses concurrents, ainsi que la puissance des écrans publicitaires.
2.2.1 Les audiences
Les quatre premiers groupes réalisent à eux seuls 80% des audiences en télévision. En 2014, le groupe France Télévisions a représenté la plus importante part d'audience (PdA), avec 5 antennes gratuites qui ont représenté un total de 28,8% de PdA ; devant le groupe TF1 (4 antennes gratuites et 28,7% de PdA) suivi par le groupe M6 (3 antennes gratuites et 13,4% de PdA) et le groupe Canal Plus12 (3 antennes gratuites et une payante, pour une PdA cumulée de 8%).
Sur la période 2007-2014, la part d'audience des chaînes publiques baisse sensiblement (-7,1 pts) et le groupe TF1 voit sa PdA diminuer de 2 points. A contrario, le groupe M6 gagne un point de PdA, et le groupe Canal Plus progresse de 4,7 points.
Sur une période plus courte (2012-2014), les parts d'audience des groupes TF1 et Canal Plus augmentent, respectivement de 0,3 et 0,8 point ; tandis que les groupes France Télévisions et M6 perdent respectivement 1,4 et 1 point.
S'agissant du groupe TF1, TF1 Publicité est la seule régie à commercialiser les espaces publicitaires d’une chaîne nationale gratuite qu’elle n’édite pas elle-même : Numéro 23. La part d'audience de cette dernière représente 0,5% en 2014 et 2,1% du total de la part d'audience réalisée par les chaînes gratuites commercialisées par TF1 Publicité, soit une part très marginale de son activité. Ainsi, le groupe TF1 dispose toujours d’une part d’audience globale importante (28,7% pour les chaînes gratuites en 2014), sensiblement supérieure à celle de ses concurrents privés, notamment le groupe M6 (13,4% en 2014). En sept ans l'écart entre les deux premiers groupes privés s'est toutefois réduit, passant de 18,3 points en 2007 à 15,3 points en 2014.
En outre, le maintien de la part d'audience de la chaîne TF1 depuis deux ans démontre la capacité de la première chaîne française à résister à la fragmentation de l'audience, dans un contexte de montée en charge des nouvelles chaînes HD diffusées sur la TNT.
Par comparaison, sa concurrente directe M6 a perdu 1,1 point de part d'audience entre 2007 et 2014.
2.2.2 Position des acteurs et du groupe TF1 sur le marché publicitaire télévisuel
L'ensemble des évolutions portant sur l'offre et la demande et présentées précédemment se sont traduites sur le marché publicitaire par une forte montée en puissance des nouvelles chaînes TNT privées, qui ont atteint 18% de part de marché publicitaire nette en 2013 (contre 3% en 2007). Dans le même temps, la part de marché publicitaire nette de TF1 s'est réduite de […] points et France Télévisions de […] points, tandis que M6 et Canal Plus ont chacune gagné […]. Enfin, l’ensemble formé par les chaînes thématiques payantes est en recul de […] points, de […]% en 2007 à […]% en 2013.
Evolution des parts de marché publicitaire nettes en télévision
Source : IREP, publications opérateurs, CSA - secret des affaires
[…]
L'examen des parts de marché publicitaire des principaux groupes de télévision appelle plusieurs observations :
En premier lieu, les quatre antennes gratuites du groupe TF1 concentrent, en 2014, 45,8% des recettes publicitaires télévisuelles, dont […]% pour la seule chaîne TF1. […].
En deuxième lieu, avec l’intégration des chaînes payantes du groupe, qui représentent une part de marché inférieure à […]%, la part de marché publicitaire télévisuelle totale des chaînes du groupe TF1 s'établit à 46,3% en 2014, en baisse de […] points par rapport à 2007 […].
En troisième lieu, les trois antennes gratuites du groupe M6 représentent 23,3% de part de marché publicitaire nette en 2014 […] soit une hausse de […] points par rapport à la part de marché de 2007 […]. Avec l’intégration des chaînes payantes du groupe, qui représentent une part de marché inférieure à […]%, la part de marché publicitaire télévisuelle totale des chaînes du groupe M6 s'établit à […]% en 2014, en hausse de […] points par rapport à 2007.
En quatrième lieu, si le groupe France Télévisions demeure en 2013 le troisième acteur au sein du marché publicitaire télévisuel, sa part de marché publicitaire nette a été divisée par […] entre 2007 et 2013, passant de […]% à […]%.
Enfin, avec quatre antennes gratuites13, le groupe Canal Plus atteint […]% de part de marché publicitaire nette en 2013 […], en progression régulière sur plusieurs années.
L'observation de l'évolution des parts de marché des quatre chaînes gratuites du groupe TF1 permet de dresser les constats suivants :
- D'une part, l'opération de rachat des chaînes TMC et NT1 a permis, en 2010, d'apporter un surcroît de part de marché publicitaire au groupe, venant compenser la baisse de la part de marché de la chaîne TF1 […] ;
- D'autre part, à partir de 2013, […] ont permis de compenser partiellement la baisse des recettes publicitaires […] aboutissant à une diminution limitée des quatre chaînes gratuites du groupe, soit […]% en 2014 contre […]% en 2013.
L'utilisation des données brutes fournies par la société Kantar Média permet de reconstituer les parts de marché publicitaire pour l'ensemble des groupes audiovisuels qui éditent des chaînes en France.
Sur cette base, pour l'année 2014, la part de marché publicitaire brute du groupe TF1 est de […]% en recul de près de […] par rapport à 2007. Ce dernier est suivi par le groupe M6, dont la part de marché brute a progressé de […] entre 2007 […] et 2014 […], réduisant quelque peu son écart avec la PDM du groupe TF1, de […] points en 2007 à […] points en 2014.
Le groupe Canal Plus voit sa PDM brute augmenter de […] points en 7 ans, atteignant […]% en 2014.
A contrario, France Télévisions a subi une forte baisse sur la période, de […]% en 2007 à […]% en 2014, principalement en raison de la suppression de la publicité sur les antennes du groupe après 20 heures en 2009.
Evolution des parts de marché publicitaires brutes consolidées par groupe de 2007 à 2014
Source : Kantar Média
[…]
S’agissant de l’examen des données des recettes publicitaires brutes des chaînes de télévision agrégées par régie publicitaire le Conseil formule les observations suivantes :
TF1 Publicité, première régie, concentre, en 2014, […]% de parts d’investissements publicitaires bruts en télévision, soit un recul de […] points par rapport à 2007 […]. En outre, l’ajout de la part de marché de la régie TMC […]% en 2014) conduirait à un total de […]% de part de marché publicitaire brute détenue en 2014 par l’ensemble, soit un niveau inférieur à 2007 […].
La deuxième régie, M6 Publicité, enregistre une légère croissance de sa part de marché publicitaire brute, de […]% en 2007 à […]% en 2014.
Canal + Régie représente, en 2014, la troisième régie, avec […]% de recettes publicitaires brutes, en forte hausse par rapport à 2007 […], soit une progression de […] points.
Enfin, France Télévisions Publicité, qui était le troisième acteur du marché en 2007 ([…]% de part de marché publicitaire brute) a subi une forte baisse ([…] points) pour atteindre une part de marché de […]% en 2014.
Parts de marché publicitaires brutes des régies en télévision de 2007 à 2014
Source : Kantar Média
[…]
2.2.3 De l'audience aux performances publicitaires
L’une des spécificités du marché publicitaire télévisuel réside dans la non-proportionnalité entre les parts de marché publicitaire et les parts d’audience.
Ainsi, en 2014, avec […]% de part de marché publicitaire nette, TF1 a dépassé sa part d’audience de […] points. De la même manière à un niveau moindre, la part de marché publicitaire de M6 […] a dépassé de […] points sa part d’audience.
Depuis le lancement des nouvelles chaînes de la TNT en 2005 on constate la persistance de ces écarts pour TF1, en baisse toutefois depuis 2011, et pour M6, qui atteint son plus haut niveau historique en 2014.
Ecarts entre la part de marché publicitaire et la part d’audience des chaînes TF1 et M6
Source : IREP, publications opérateurs et bilans CSA
[…]
Ces écarts caractérisent un effet de « prime aux leaders » : les écrans les plus puissants (c’est-à- dire ceux qui rassemblent de fortes audiences instantanées), qui restent très recherchés par les annonceurs pour certains types de campagnes14, sont concentrés sur les chaînes historiques privées gratuites TF1 et M6.
En effet, le phénomène de fragmentation des audiences lié à l’arrivée des chaînes de la TNT en 2005 puis en 2012, ainsi que la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20 heures qui a conduit à la perte sèche pour le marché publicitaire d’une part substantielle de l’offre de puissance en télévision, a créé un effet de rareté des écrans puissants.
Dans ce contexte, les chaînes historiques privées gratuites, et en premier lieu TF1, demeurent quasi-seules en mesure de commercialiser des écrans offrant une couverture instantanée élevée sur les cibles commerciales, notamment grâce aux fortes audiences obtenues sur leurs antennes en première partie de soirée. Dès lors, les deux chaînes disposent de la capacité de survaloriser cette partie de leur inventaire publicitaire auprès des annonceurs.
Cet effet de levier sur les audiences peut également s'apprécier au moyen du rapport part de marché / part d'audience, appelé "taux de transformation", qui mesure l'efficacité d'une chaîne dans l'exploitation commerciale de son audience.
Taux de transformation des chaînes privées de la TNT de 2008 à 2013
Source : IREP, opérateurs, Médiamétrie
[…]
En 2013, le taux de transformation le plus élevé est réalisé par la chaîne M6, avec un ratio de […], en augmentation par rapport aux deux années précédentes.
La chaine TF1 se situe également à des niveaux comparables : […] en 2013, en ligne avec la moyenne de la chaîne sur les cinq années précédentes. […].
Les taux de transformation des autres chaînes sont sensiblement inférieurs. On peut toutefois remarquer une forte différence, d'une part, entre les taux de transformation des chaînes W9 […] et TMC […] et, d'autre part, entre les taux de transformation des chaînes I-Télé […] et BFM TV […].
Dans le premier cas, W9 affiche une […] par rapport à TMC, alors que la part d'audience de cette dernière lui est supérieure (3,4% contre 2,9%). De plus, la part de ces deux chaînes dans la pression publicitaire délivrée sur le marché publicitaire est très proche […].
Cet écart entre les deux chaînes s'explique essentiellement par un effet de régie, c’est-à-dire, d'une part, la commercialisation d'une partie des espaces publicitaires de W9 de manière groupée avec d'autres espaces publicitaires au sein de la régie M6 publicité et, d'autre part, les débouchés commerciaux accrus pour une chaîne commercialisée par une régie publicitaire disposant d'une offre puissante sur le marché publicitaire (en terme de nombres d'annonceurs et de concentration des investissements de ces derniers notamment).
S'agissant de TMC, la séparation structurelle et commerciale de TF1 Publicité et TMC Régie ne permettait pas à la chaîne de bénéficier de ces avantages jusqu’ en janvier 2015.
L'écart entre I-Télé et BFM TV illustre également cet effet de régie : malgré une part d'audience de plus du double de celle d'I-Télé, le taux de transformation de BFM TV lui est inférieur de […]%.
Le Conseil souhaite apporter à l’Autorité de la concurrence plusieurs précisions concernant les éléments de marché à l’origine de cette absence de proportionnalité entre l’audience et les parts de marché publicitaire.
Ces observations portent sur :
- La fragmentation de l’offre d’écrans publicitaires ;
- L’impact de cette fragmentation sur le coût du spot 30 secondes.
2.2.3.1 L'évolution des positions de TF1 et M6 dans une offre d’écran profondément fragmentée
Préalablement à l'examen des développements présentés ci-après sur le volume et la puissance des écrans publicitaires, exprimée en "GRP", il convient de mentionner les profondes modifications de l'offre publicitaire en télévision gratuite entre 2007 et 2014, en particulier :
- la forte augmentation du nombre total d'écrans publicitaires (+ 271%) ;
- la très forte augmentation du nombre d'écrans publicitaires de faible puissance (notamment les écrans réalisant chacun moins de 1% d'audience) ;
- la diminution du nombre d'écrans dont la puissance est supérieure à 2 GRP, dans des proportions croissantes à mesure que le niveau de puissance des écrans augmente.
Variation du nombre d’écrans publicitaires selon leurs taux de couverture instantanée entre 2007 et 2014
Source : Médiamétrie - ensemble 4+ et FRDA-50
[…]
Sur la cible ensemble 4+, en considérant l'ensemble des écrans publicitaires, la part de la chaîne TF1 dans le total de la pression publicitaire délivrée a baissé entre 2007 et 2014 de […]% à […], tandis que celle de M6 a augmenté, de […]% à […]%.
Pour les écrans couvrant chacun au moins 3% des téléspectateurs, la part de la chaîne TF1 a […], et celle de M6 […].
Pour les écrans couvrant chacun au moins 8% des téléspectateurs, la part de la chaîne TF1 a […], et celle de M6 a […].
Répartition des GRP en 2007 et 2014 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
[…]
[…]
Sur la cible "Femme responsable des achats de moins de 50 ans", en considérant l'ensemble des écrans publicitaires, la part de la chaîne TF1 a […], tandis que celle de M6 […].
Pour les écrans couvrant chacun au moins 3% de la cible, la part de la chaîne TF1 a […] et celle de M6 a […].
Pour les écrans couvrant chacun au moins 8% des téléspectateurs, la part de la chaîne TF1 a […], et celle de M6 a […].
Répartition des GRP en 2007 et 2014 (cible FRDA-50)
Source : Médiamétrie
[…]
[…]
[…]
En 2014, les chaînes TF1 et M6 demeurent quasi-seules en mesure de commercialiser des écrans offrant une couverture instantanée élevée sur les cibles commerciales. Cette situation leur permet de survaloriser cette partie de leur inventaire publicitaire auprès des annonceurs.
Sur la principale cible commerciale en télévision (Femme responsable des achats de moins de 50 ans) on constate une […]. En effet, les écrans publicitaires de […] ont assuré, en 2014, […] de la puissance totale des écrans couvrant chacun plus de 3% de la cible, contre […] en 2007.
Parts de TF1, M6 et des autres chaînes gratuites par niveau de puissance des écrans publicitaires en 2007 (%)
Source : Médiamétrie - ensemble 4+ - traitement CSA
[…]
Parts de TF1, M6 et des autres chaînes gratuites par niveau de puissance des écrans publicitaires en 2014 (%)
Source : Médiamétrie - ensemble 4+ - traitement CSA
[…]
Focus sur TF1
Le Conseil constate, entre 2007 et 2014, […] du nombre de contacts publicitaires délivrés par la chaîne TF1 : […] sur la cible ensemble 4+, et […]% sur la cible Femme responsable des achats de moins de 50 ans.
L'essentiel de […] provient […] comme l'illustrent les graphiques ci-dessous.
En conséquence, la proportion moyenne de téléspectateurs touchés par écran sur la chaîne […] : de […]% en 2007 à […]% en 2014 (cible ensemble 4+). De même, s'agissant de la cible commerciale "Femme responsable des achats de moins de 50 ans", le GRP moyen par écran[…], de […]% en 2007 à […]% en 2014.
Nombre de GRP en 2007 et 2014 sur TF1 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
Nombre de GRP en 2007 et 2014 sur TF1 (cible FRDA-50)
Source : Médiamétrie
[…]
Le Conseil relève par ailleurs que, dans le contexte général de redistribution des contacts publicitaires vers les écrans les moins puissants, la part relative de TF1 dans la pression publicitaire des écrans les plus puissants […].
Part de TF1 par niveau de puissance des écrans en 2007 et 2013 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
En revanche, sur la cible commerciale "Femme responsable des achats de moins de 50 ans", la part de TF1 […].
Part de TF1 par niveau de puissance des écrans en 2007 et 201 (cible FRDA-50)
Source : Médiamétrie
Ainsi, le Conseil constate que TF1 […].
Par ailleurs, dans le contexte de raréfaction du nombre d’écrans « puissants » (>8 GRP) et du nombre d’écrans compris entre 5 et 8 GRP, […].
2.2.3.2 L’impact de cette fragmentation sur la valeur des espaces publicitaires
Le Conseil ne dispose pas des outils permettant l'analyse des coûts GRP, bruts ou nets. En revanche, l'examen des coûts bruts moyens permet de prendre la mesure des écarts de tarifs pratiqués entre les chaînes.
Le Conseil constate en premier lieu qu'en 2014 la valeur moyenne brute du spot 30 secondes sur TF1, toutes tranches horaires confondues, était de […] euros, soit […] de celle des chaînes M6 et Canal+ […].
La valeur moyenne du spot 30 secondes sur les chaînes de la TNT privée lancées en 2005 est […] à celle de TF1 : de […] euros pour l'offre W9/6Ter à […] euros pour NT1 en 2014.
Coûts moyens bruts du spot 30 secondes en 2014 (euros) Source : Kantar Media (hors parrainage, CINEP et Temporis) […]
Le Conseil constate également d'importantes disparités, pour chaque chaîne, dans la valeur des écrans publicitaires au cours de la journée. En 2014, si les tarifs des écrans de journée ("Day") sont inférieurs à la moyenne de […] pour TF1 et M6, les tarifs pratiqués en première partie de soirée, lorsque l'audience en télévision est la plus forte ("Peak"), lui sont […] supérieurs pour ces deux mêmes chaînes.
Coûts moyens bruts du spot 30 secondes par tranches horaires en 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage) - euros bruts
[…]
En outre, l'observation des tarifs publicitaires moyens le long d'une journée révèle un accroissement des écarts entre les deux premières chaînes et les chaînes TNT aux heures de forte audience où se concentrent les écrans puissants (en particulier entre 19h et 23h).
Ce phénomène s'observe également entre les chaînes TF1 et M6 : l'écart entre la première et la seconde s'accroît à mesure que l'audience en télévision augmente.
Coûts moyens bruts du spot 30 secondes par heure en 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Ainsi, les deux premières chaînes, et en premier lieu TF1, maximisent leurs tarifs publicitaires sur les tranches de forte audience, sur lesquelles elles disposent de la quasi-intégralité de l'inventaire des écrans publicitaires puissants.
En outre, l'examen de l'évolution de la valeur moyenne brute des spots 30 secondes entre 2007 et 2014 montre une diminution marquée pour TF1 […] et modérée pour M6 […], conduisant à la réduction de l'écart entre les deux chaînes de […] sur la période.
On observe ainsi une réduction régulière de l'écart entre les deux chaînes jusqu'en 2012 liée, d'une part, à la diminution du coût brut du spot 30 secondes de TF1 […] et, d'autre part, à l'augmentation du coût brut du spot 30 secondes de M6 ([…]).
Puis, de 2012 à 2014, le Conseil constate un nouvel accroissement de l'écart entre les deux chaînes, en raison d'une forte baisse du coût brut du spot 30 secondes de M6 ([…]) ; TF1 diminuant également mais dans de plus faibles proportions ([…]).
Evolution du coût moyen brut du spot 30 secondes de TF1 et M6 entre 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
S'agissant de la chaîne TF1, […]% de la valeur moyenne du spot 30 secondes entre 2007 et 2014 provient d'une diminution homogène sur l'ensemble des tranches horaires. […].
Evolution du coût moyen brut du spot 30 secondes de TF1 par heure entre 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Dans cet univers fragmenté, TF1 résiste mieux que son concurrent direct M6, notamment en raison du maintien de ses performances d'audience et d'un effet « prix » sur la partie la plus puissante de son offre publicitaire.
Evolution par heure de l'écart entre le coût moyen brut du spot 30 secondes de TF1 et M6, en 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
2.2.4 Conclusion sur l’analyse concurrentielle
Le groupe TF1 maintient en 2014 une part de marché supérieure à 45%. Cependant, l’analyse du Conseil le conduit à conclure que la nature du pouvoir de marché du groupe TF1 a évolué au cours des dernières années.
En effet, ce pouvoir de marché repose toujours sur les écrans publicitaires de la chaîne TF1, mais le poids de celle-ci sur le marché a diminué.
La part d’audience de la chaîne est ainsi passée de 30,7% en 2007 à 22,9 % en 2014. De même, la part de marché publicitaire nette de la chaîne TF1 a diminué sensiblement, passant de […]% à […]% sur la période. L’écart avec la part de marché publicitaire de la chaîne M6 […], de […] points en 2007 à […] points en 2014, mais demeure significatif.
Le Conseil constate également que la chaîne TF1 bénéficie toujours d’un effet de « prime au leader » caractérisé par un différentiel significatif entre sa part de marché publicitaire et sa part d’audience.
Ce phénomène repose notamment, dans un contexte général de diminution du nombre d’écrans puissants lié à la fragmentation des audiences et la suppression de la publicité sur France Télévisions en soirée, sur le renforcement relatif de la position de TF1 sur les écrans les plus puissants, lui permettant de bénéficier d'un « effet prix » sur cette partie de son offre. Dans une moindre mesure, la chaîne M6 renforce également sa position sur les écrans intermédiaires pour la cible « femme responsable des achats de – de 50 ans).
L’ « effet prix » lié à la raréfaction des écrans puissants se manifeste par le maintien d’un écart significatif entre les tranches horaires au profit de la première partie de soirée, s’agissant en particulier des chaînes TF1 et M6.
Sur cette tranche, cet « effet prix » se manifeste également par un écart important du prix de l’espace publicitaire entre les TF1 et M6, cet écart tendant toutefois à se réduire entre ces deux chaînes depuis 2007.
A l’échelle des groupes, la part de marché publicitaire totale de TF1 diminue de […] points entre 2007 […] et 2014 […]. L’écart avec la part de marché publicitaire totale du groupe M6 est également en baisse […], passant de […] points en 2007 à […] points en 2014.
Depuis 2010, le pouvoir de marché du groupe TF1 résulte également de la détention de plusieurs chaînes gratuites, quatre depuis 2012. En effet, le Conseil constate que l’acquisition de TMC et NT1, l’entrée sur le marché de HD1 ainsi que le ralentissement récent de la baisse de la part de marché publicitaire de TF1 ont permis au groupe de maintenir sa part de marché publicitaire à un niveau supérieur à 45%.
Dès lors, le pouvoir de marché du groupe TF1 résulte aujourd’hui de sa position toujours très forte sur les écrans puissants lui permettant de bénéficier d’un « effet prix » sur cette portion de l’offre publicitaire, et de la détention du plus grand nombre de chaînes gratuites parmi les groupes privés de télévision gratuite.
3. Les pratiques du groupe TF1
3.1 L’octroi de remises « fidélisantes » par TF1 Publicité
3.1.1 L’objet de la pratique
3.1.1.1 La caractérisation des remises dites « fidélisantes »
S’agissant de la qualification d’abusif de l’octroi de rabais par une entreprise en position dominante, Le Tribunal de Première Instance a rappelé récemment qu’il y a lieu de distinguer trois catégories de rabais15.
Premièrement, les systèmes de rabais quantitatifs liés exclusivement au volume des achats effectués auprès d’une entreprise en position dominante. Ces rabais sont généralement considérés ne pas avoir un effet d’éviction anticoncurrentiel16.
Deuxièmement, il existe des rabais dont l’octroi est lié à la condition que le client s’approvisionne pour la totalité ou une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante. Ce type de rabais est qualifié par la Commission de « rabais d’exclusivité ». Cette expression est également utilisée pour des rabais qui ne sont pas liés à une condition d’approvisionnement à 100 %, mais à la condition que le client s’approvisionne pour une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante (le seuil de déclenchement de la remise étant généralement exprimé en un pourcentage des besoins du client). Ces rabais sont considérés par la jurisprudence comme anticoncurrentiels car ils ne reposent pas – sauf circonstances exceptionnelles – sur une prestation économique justifiant cet avantage financier, mais tendent à enlever à l’acheteur la possibilité de choix de fournisseur et à barrer l’accès au marché aux autres producteurs17.
Troisièmement, il existe d’autres systèmes de rabais où l’octroi d’une incitation financière n’est pas directement lié à une condition d’un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès de l’entreprise en position dominante, mais où le mécanisme de l’octroi du rabais peut aussi revêtir un effet fidélisant. Cette catégorie de rabais inclut notamment des systèmes de rabais dépendant de la réalisation d’objectifs de ventes individuels qui ne constituent pas des rabais d’exclusivité, car ils ne comportent aucun engagement d’exclusivité ou de couverture d’une certaine quotité de leurs besoins auprès de l’entreprise en position dominante.
Dans cette troisième hypothèse, il y a lieu d’apprécier l’ensemble des circonstances, notamment les critères et les modalités de l’octroi du rabais, et d’examiner si ce rabais tend, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents ou à renforcer une position dominante par une concurrence faussée18.
En effet, les remises sont dites « fidélisantes » lorsqu’elles ont pour objectif d’inciter la clientèle à accroître le volume de ses achats auprès d’un seul fournisseur par l’intermédiaire d’une remise octroyée à l’acheteur dès lors que ses achats atteignent un seuil donné.
La remise peut alors être incrémentale (appliquée sur les unités vendues au-delà du seuil uniquement) ou rétroactives (s’appliquant également aux unités déjà achetées - c’est-à-dire au premier euro). En outre, le seuil de déclenchement de la remise peut être soit individualisé client par client ou bien être défini dans une grille standard, et soit être exprimé en pourcentage des besoins du client ou bien en terme absolu.
Dès lors, le Conseil souhaite apporter à l’Autorité des précisions sur les remises octroyées par TF1 Publicité et leurs modalités de calcul et d’attribution.
3.1.1.2 Les remises prévues dans les Conditions Générales de Vente de TF1 Publicité
Au sein de ses Conditions Commerciales 2015, TF1 Publicité présente la typologie des remises octroyées aux annonceurs.
Dans le cadre de sa réponse au questionnaire le groupe TF1 a indiqué que chaque année, les remises et majorations sont classées par ordre de priorité d’application depuis le tarif brut publié au tarif net payé par l’annonceur tel qu’illustré par « la cascade de chiffre d’affaires » ci- dessous :
Certaines de ces remises font en outre l’objet de développements particuliers dans Conditions Commerciales de TF1 Publicité :
(i) La remise dégressif volume
Tout annonceur investissant sur TF1 en espace classique, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année, au moins 100 000 € Brut Négocié, présent ou non l’année précédente, bénéficie d’un dégressif de volume calculé au 1er Euro, par tranche de Chiffre d’Affaires Brut Négocié, selon la famille d’annonceur19 et selon les barèmes suivants :
Selon les Conditions Commerciales de TF1 Publicité, cette remise « dégressif volume » est donc calculée en fonction de tranches correspondant à des volumes d’investissements de l’annonceur, le montant de la remise étant calculé au premier euro de la tranche correspondante et non pas du montant global investi par l’annonceur. Dès lors, ces remises ne pourraient être en principe qualifiées de « rétroactives » au sens de la pratique décisionnelle de la Commission Européenne et de l’Autorité de la concurrence.
Néanmoins, le Conseil souligne que les variations dans l’amplitude de ces tranches de chiffre d’affaires créent des effets de seuil de nature à produire des effets relativement proches de ceux qui seraient produits par des remises rétroactives classiques.
A titre d’exemple, le Conseil précise que, pour un engagement de 60 millions d’euros par un annonceur de la famille A sur la chaîne TF120 :
- Une remise « rétroactive » au sens de la pratique décisionnelle correspondrait à un montant de 7,2 Millions d’euros21 ;
- La remise calculée selon le barème des Conditions Commerciales de TF1 Publicité attendrait un montant de 6,3 Millions d’euros, ce qui correspondrait à une diminution de 1,5% du niveau de remise par rapport à une remise « rétroactive ».
Enfin, les Conditions Commerciales de TF1 Publicité précisent que ces remises « dégressives volume » bénéficient d’un système d’acompte. En effet, tout annonceur présent sur TF1, et qui était présent l’année précédente, bénéficie d’un acompte financier à valoir sur le « dégressif volume », déduit sur facture et appliqué sur le Chiffre d’Affaires Brut Négocié (au 1er euro, hors impact du non payé à échéance).
Pour déterminer le montant de cet acompte, TF1 Publicité appliquera au Chiffre d’Affaires Brut Négocié de l’année un taux d’acompte, déterminé sur la base de son Chiffre d’Affaires Brut Négocié annuel de l’année précédente.
Le différentiel entre l’acompte et la remise dégressive sera calculé et pris en compte lors de la dernière étape de la « cascade de chiffre d’affaires » telle que rappelée ci-dessus.
(ii) Remise de référence
Tout annonceur présent sur TF1 en 2015 bénéficie d’une remise de référence de 15 % restituée sur facture et appliquée sur le chiffre d’affaires brut négocié.
(iii) Prime de centralisation.
Tout annonceur bénéficie d’une prime de centralisation de 1,5% appliquée sur le Chiffre d’affaires brut négocié s’il confie la programmation et l’achat de ses campagnes à un mandataire qui, au cours de l’année :
- Centralise plusieurs mandats ;
ET
- Assure la totalité des missions suivantes :
- l’achat d’espace,
- la réservation d’espaces publicitaires, en spot à spot ou en MPI,
- la gestion, le suivi et la signature des ordres de publicité (y compris par EDI publicité),
- la gestion et le contrôle des factures émises au nom de l’annonceur,
- le contrôle du paiement à bonne date des dites factures, peu importe que le mandataire soit ou non en charge du règlement.
3.1.1.3 Les remises octroyées par TF1 Publicité dans le cadre des Conditions Particulières de Vente
Dans le cadre de leur réponse au questionnaire, le groupe TF1 a fourni au Conseil les Conditions Particulières de Vente des dix premiers annonceurs de la chaîne TF1.
Le Conseil relève qu’une […] proportion des remises accordées par TF1 Publicité aux annonceurs est déterminée dans le cadre de ces Conditions Particulières de Vente, négociées directement avec les annonceurs en fonction du montant d’investissement sur la chaîne TF1.
Le Conseil détaille ci-dessous les modalités d’octroi des remises telles que prévues par les Conditions Particulières de Vente de TF1 Publicité concernant trois des dix premiers annonceurs de la chaîne TF1.
[…]
Au regard de l’ensemble des éléments à sa disposition, le Conseil constate que ces remises présentent les caractéristiques suivantes :
- ces remises sont fortement individualisées, dans la mesure où leur montant varie selon les annonceurs et selon les modes d’achat, en fonction du montant investi sur la chaîne TF1 ;
- les modalités de détermination de ces remises ne sont pas transparentes et ne paraissent pas répondre à un modèle prédéfini qui serait applicable de manière uniforme à l’ensemble des annonceurs ;
- ces remises sont rétroactives, dans la mesure où elles s’appliquent sur la totalité du montant investi sur la chaîne TF1. Cependant, leur modalité d’octroi ne renvoie pas au schéma classique des remises rétroactives. En effet, l’attribution de la remise n’est pas conditionnée stricto sensu au dépassement d’un seuil d’investissement prédéfini. De la même manière, les taux ne sont pas préalablement définis de manière à s’appliquer de manière uniforme dès le seuil de déclanchement dépassé mais sont déterminés au cas par cas pour chaque annonceur ;
- ces remises représentent en moyenne entre […] du montant total de remises accordées à ces annonceurs.
Ainsi, les éléments à disposition du Conseil permettent d’indiquer que les différents systèmes de remises prévus par TF1 Publicité (dans le cadre des CGV ou dans le cadre des CPV) revêtent une importance capitale dans le processus commercial.
En effet, le Conseil constate, sur la base des éléments transmis par le groupe TF1, que le cumul des remises prévues dans les CGV et les CPV conduit à des taux de remise sur les tarifs bruts totaux compris entre […]% et […]%.
Investissements publicitaires bruts, nets et taux de remise des premiers annonceurs sur TF1 en 2014
Source : Kantar Media, groupe TF1 - Secret des affaires
[…]
Cependant, de tels systèmes sont une pratique courante du marché, des taux de remises moyens comparables étant pratiqués par les groupes audiovisuels concurrents. A ce titre, le Conseil souligne que le taux moyen de remise sur les tarifs bruts en télévision s’est élevé à 72% en 2014.
3.1.2 Les effets de la pratique
Dans ses « Orientations sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes », la Commission précise que l' « objectif des mesures d'application prises par la Commission à l'égard des pratiques d'éviction est de faire en sorte que les entreprises dominantes n'entravent pas le libre jeu de la concurrence en évinçant leurs concurrents par des pratiques anticoncurrentielles, en ayant de ce fait un effet défavorable sur le bien-être des consommateurs »22.
La Commission précise ensuite que le terme «éviction anticoncurrentielle» décrit une situation dans laquelle « un accès effectif des concurrents actuels ou potentiels aux sources d'approvisionnement ou aux marchés est entravé ou supprimé sous l'effet du comportement de l'entreprise dominante »23.
Cette caractérisation des effets anticoncurrentiels est désormais réalisée, par la Commission Européenne comme par l’Autorité de la concurrence, au travers d’une approche économique consistant à qualifier les éventuels abus de position dominante sur la base d’une démonstration au cas par cas de leurs effets anticoncurrentiels.
Les observations du Conseil s’inscrivent dans cette perspective et ont pour objectif de fournir à l’Autorité les éléments nécessaires à la caractérisation d’un éventuel effet d’éviction consécutif à l’octroi de remises par TF1 Publicité.
3.1.2.1 Les principes d’analyse des remises dites « fidélisantes »
Traditionnellement, les remises dites « rétroactives », sont présumées être anticoncurrentielles dès lors qu’elles sont mises en œuvre par une entreprise en position dominante sur le marché. A cet égard, la Cour de Justice a considéré en que « lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d’accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c’est-à-dire de remises liées à la condition que le client – quel que soit par ailleurs le montant, considérable ou minime, de ses achats – s’approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante ; qu’en effet, les engagements d’approvisionnement exclusif de cette nature, avec ou sans la contrepartie de rabais ou l’octroi de rabais de fidélité en vue d’inciter l’acheteur à s’approvisionner exclusivement auprès de l’entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu’ils ne reposent pas [...] sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché aux autres producteurs [...] »24.
Des solutions similaires ont été retenues par la Cour de Justice et le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes dans les arrêts « Michelin I » et Michelin II »25 ainsi que dans l’arrêt « British Airways »26.
Cependant, la jurisprudence de la Cour de Justice ainsi que la pratique décisionnelle de la Commission Européenne et de l’Autorité de la concurrence ont évolué vers une plus grande prise en compte des effets des pratiques en cause.
Dans ses « Orientations sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 CE » la Commission Européenne indique qu’elle « interviendra normalement en vertu de l'article 82 lorsque, sur la base de preuves solides et convaincantes, le comportement abusif présumé risque de produire une éviction anticoncurrentielle »27.
Ainsi, la Commission entend examiner si le système de rabais permet d'entraver l'expansion ou l'entrée même de concurrents aussi efficaces en renforçant la difficulté pour eux de couvrir une partie des besoins des différents clients. Pour ce faire, la Commission indique qu’elle estimera « le prix qu'un concurrent devrait offrir pour indemniser le client pour la perte du rabais conditionnel si ce dernier retirait à l'entreprise dominante une partie de sa demande (la «fraction pertinente») »28. La Commission a notamment fait une application de ce test dans le cadre de sa décision à l’encontre de la société Intel29 confirmée par le Tribunal30.
La Commission précise néanmoins dans ses Orientations sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 que « de manière générale, les rabais rétroactifs peuvent provoquer un verrouillage substantiel du marché, car il est moins intéressant pour les clients de changer de fournisseur pour de petits volumes s’ils perdent de ce fait les rabais rétroactifs »31.
Dans le cadre de sa pratique décisionnelle, l’Autorité de la concurrence a également considéré que c’est par un examen de l’ensemble des circonstances de fait, et notamment les critères et modalités d’octroi des rabais et l’éventuelle absence de contrepartie économiquement justifiée que l’Autorité apprécie le caractère abusif ou non du rabais32.
Enfin, s’agissant de pratiques tarifaires, la Cour de justice a indiqué que « lorsqu’une entreprise dominante met effectivement en œuvre une pratique tarifaire aboutissant à la compression des marges de ses concurrents au moins aussi efficaces, dont l’objet est d’évincer ceux-ci du marché concerné, la circonstance que le résultat escompté n’est pas, en définitive, atteint, ne saurait écarter la qualification d’abus au sens de l’article 102 TFUE. Toutefois, l’absence du moindre effet sur la situation concurrentielle des concurrents, une pratique tarifaire telle que celle en cause ne saurait être qualifiée de pratique d’éviction lorsque la pénétration de ces derniers sur le marché concerné n’est en rien rendue plus difficile par cette pratique »33.
Dans cette perspective, les observations du Conseil visent à apporter à l’Autorité des éléments sur :
- l’importance de l’effet fidélisant des remises octroyées par TF1 Publicité, c’est-à-dire leur capacité à réduire de manière substantielle la partie de la demande accessible aux concurrents aussi efficaces que l’entreprise en cause (partie disputable de la demande) ;
- l’éventuelle diminution de la capacité des concurrents, et notamment de la chaîne M6, à exercer une pression concurrentielle significative sur le Groupe TF1.
3.1.2.2 La caractérisation de l’effet fidélisant attaché aux remises octroyées par TF1 Publicité
(i) Détermination d’une partie « disputable » et d’une partie « non disputable » de la demande
Pour apprécier les risques d’éviction susceptibles d’être induits par un système de remises rétroactives, il est indispensable d’étudier la part de la demande restant accessible aux concurrents et visée par le système de remises.
Dans cette perspective, la partie « non disputable » de la demande représente le montant qui serait de toute façon investi par les acheteurs auprès de l’entreprise en position dominante, la partie « disputable » représentant le montant pour lequel les acheteurs sont prêts à trouver des substituts aux produits et services fournis par l’acteur en position dominante.
Le mécanisme de « fidélisation » au sens du droit de la concurrence repose sur l’existence d’une part « non disputable » du marché (qui échappe au jeu concurrentiel). C’est sur cette part de marché « non disputable » que l’entreprise qui en bénéficie peut exercer un effet de levier visant à conquérir, par une pratique anticoncurrentielle, une part de marché supplémentaire34 qui, en principe, pourrait faire l’objet du jeu concurrentiel.
La Commission Européenne a indiqué, dans le cadre de la mesure des effets d’éviction attachés aux rabais rétroactifs, qu’il est généralement nécessaire d’apprécier, pour le marché en cause, « la part de ses besoins qu'un client peut réellement transférer à un concurrent (la «part disputable» ou la «partie disputable»). S'il est probable que les consommateurs seront désireux et capables de transférer assez rapidement une grande partie de leur demande à un concurrent (potentiel) la fraction pertinente sera sans doute assez substantielle »35.
Ainsi, la part disputable ne peut être automatiquement déduite de la simple existence de la position dominante, mais doit être vérifiée et quantifiée au cas par cas dans la mesure où la taille de cette partie disputable peut varier d’un demandeur à l’autre.
La Commission a notamment, dans le cadre de sa pratique décisionnelle, examiné :
- le caractère incontournable de l’entreprise en position dominante ;
- la longévité et la force de sa marque ;
- la capacité de production des concurrents (l’entreprise en position dominante bénéficiant d’une part « non disputable » si les concurrents n’ont pas de capacité de production suffisante pour satisfaire la totalité des besoins du client).
Dans le cadre du présent avis, les observations du Conseil concernant la caractérisation d’une partie « disputable » et « non disputable » de la demande vont donc essentiellement porter sur ces différents critères.
- Le caractère incontournable de la chaîne TF1 sur les écrans « puissants »
S’agissant des activités audiovisuelles, les éditeurs de chaînes de télévisions commerciales gratuites génèrent des revenus en commercialisant leurs écrans publicitaires auprès d’annonceurs. Dès lors, sur le marché de la publicité télévisuelle, le produit offert par un éditeur aux annonceurs, correspond, selon les modalités de commercialisation de l’espace, à une probabilité d’audience (achat « spot à spot ») ou à une garantie d’audience (achat en GRP garanti).
Comme indiqué dans le cadre de la détermination des marchés pertinents et de l’examen de la position du groupe TF1, le « GRP » (Gross Rating Point) est l’indicateur de mesure de la pression publicitaire utilisé par les professionnels du secteur. Il correspond au nombre total de contacts sur une cible donnée rapporté à la population de la cible, exprimé en pourcentage de cette dernière. Le prix du spot publicitaire est déterminé par les régies en fonction, notamment, d’une extrapolation d’audience de l’écran considéré, i.e. une extrapolation des GRP atteints sur une cible. Cette extrapolation s’appuie en pratique sur les audiences passées de la chaîne, la nature des programmes diffusés avant ou après l’écran concerné ou encore la programmation des chaînes concurrentes.
Les différentes chaînes commerciales gratuites se concurrencent ainsi pour proposer des écrans publicitaires dont la valeur est proportionnelle à leur « puissance », c’est-à-dire leur capacité d’établir instantanément un nombre important de contacts d’une cible commerciale parmi les téléspectateurs.
S'agissant de la demande, malgré l'affaiblissement de la puissance moyenne des écrans publicitaires, les écrans les plus puissants restent très recherchés par les annonceurs dès lors que leur campagne publicitaire nécessite une rapidité de montée en couverture sur les cibles de communication36.
S'agissant de l'offre, le phénomène de fragmentation des audiences lié à l’arrivée des chaînes de la TNT en 2005 puis en 2012, ainsi que la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20 heures conduisant à la perte sèche pour le marché publicitaire d’une part substantielle de l’offre de puissance en télévision, ont créé un effet de rareté des écrans puissants.
Ces écrans sont concentrés sur les chaînes TF1 et M6 qui demeurent quasi-seules en mesure de commercialiser des écrans offrant une couverture instantanée élevée sur les cibles commerciales, notamment grâce aux fortes audiences obtenues sur leurs antennes en première partie de soirée.
Parts de TF1, M6 et des autres chaînes gratuites par niveau de puissance des écrans publicitaires en 2014 (%)
Source : Médiamétrie - ensemble 4+ - traitement CSA
[…]
- L’évaluation du caractère incontournable de la chaîne TF1 dans le cadre de la mise en place d’un plan média télévisuel
Ainsi, le Conseil relève que la chaîne TF1 apparaît comme incontournable dès lors qu’un annonceur intègre des écrans « puissants » dans sa campagne de communication, au regard des spécificités de celle-ci.
Le Conseil constate que le volume offert de ces écrans diminue fortement depuis 2007 : les écrans de plus de 6 GRP ne représentent plus que 21% du volume total de GRP délivrés sur la cible "ensemble 4 +" contre 41% en 2007. Ce constat est identique s'agissant de la principale cible commerciale visée par les annonceurs (Femme responsable des achats de moins de 50 ans), dans la mesure où le volume de ces écrans est passé de 46% en 2007 à 24 % en 2014.
Cependant, le phénomène de fragmentation des audiences et la nouvelle répartition dans l’offre de GRP qui en découle a parallèlement créé un effet de rareté des écrans puissants. En effet, TF1 et M6 disposent de la capacité de survaloriser cette partie de leur inventaire publicitaire auprès des annonceurs.
Par conséquent, une forte proportion des recettes publicitaires des deux chaînes37, se concentre sur les deux heures de première partie de soirée qui disposent des écrans les plus puissants.
Répartition des recettes publicitaires brutes de TF1 et M6 par tranche horaire en 2014 (%)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Répartition des recettes publicitaires brutes de TF1 et M6 par heure en 2014 (%)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
- L’évaluation de la capacité de production des concurrents de TF1
Si les chaînes TF1 et M6 demeurent les seules chaînes en mesure de commercialiser des écrans offrant une couverture instantanée élevée sur les cibles commerciales, TF1 reste la seule chaîne en mesure de commercialiser des écrans de plus de 10 GRP, et quasi seule en mesure de commercialiser des écrans de plus de 8 GRP.
Dès lors, le Conseil relève une réelle incapacité des concurrents de la chaîne TF1 à produire et à commercialiser auprès des annonceurs des écrans de plus 8 GRP.
Répartition des GRP en 2007 et 2014 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
Ainsi, la fraction de l’offre publicitaire sur laquelle TF1 demeure incontournable a largement diminué en volume entre 2007 et 2014, ne représentant plus que […]% du volume total de GRP. Cependant, cette partie de l’offre reste significative du point de vue de sa valeur, en raison de l’effet « rareté » des écrans puissants permettant ainsi leur survalorisation en terme de prix.
Par suite, le Conseil souligne que cette « part non disputable » du budget des annonceurs qui serait attribuée de manière automatique à la chaîne TF1 n’est pas homogène et dépend du type d’annonceur et du type de campagne publicitaire.
Ainsi, dans le cadre d’une campagne nécessitant une montée en couverture rapide sur les cibles commerciales, la chaîne TF1 bénéficiera d’une « part non disputable » relativement importante. En revanche, cette « part non disputable » sera sensiblement réduite dans l’hypothèse de campagnes nécessitant une exposition longue, sans montée en couverture rapide.
(ii) La réalisation du test du concurrent aussi efficace
- Le principe du test du concurrent aussi efficace
L’analyse dite du concurrent aussi efficace correspond à l’examen de la capacité des rabais et remises d’évincer un concurrent qui serait aussi efficace que l’acteur dominant38, sans pour autant occuper cette position dominante.
La Commission Européenne précise dans ses « Orientations » que cette analyse permet d’établir le prix auquel un concurrent devrait offrir pour indemniser le client de la perte du rabais conditionnel si ce dernier retirait à l’entreprise dominante une partie de la demande (« la fraction pertinente »).
Dans ce contexte, le prix effectif que le concurrent devra égaler n’est pas le prix moyen de l’entreprise dominante, mais le prix normal, déduction faite du rabais perdu à cause du changement de fournisseur, calculé sur la fraction pertinente des ventes et la période à prendre en considération39. La Commission précise à ce titre que la fraction pertinente sur laquelle il y a lieu de calculer le prix effectif dépend des circonstances de l’espèce et du type de rabais : il est nécessaire d’apprécier quelle est la part de la demande adressée à l’entreprise dominante qui peut, de façon réaliste, être réorientée vers les concurrents.
Le prix effectif obtenu est ensuite comparé au coût moyen évitable40. Si le coût effectif est inférieur au coût moyen évitable, l’effet d’éviction est retenu. Si le prix est compris entre le coût moyen évitable et le coût moyen incrémental long terme, il est alors nécessaire d’évaluer dans quelle mesure les concurrents peuvent faire face à la stratégie de l’entreprise dominante.
Le Conseil tient néanmoins à souligner que selon le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, le test du concurrent aussi efficace permet de vérifier l’hypothèse « d’un accès au marché rendu impossible et non d’écarter l’éventualité d’un accès rendu plus difficile audit marché. Certes, un résultat négatif implique qu’il est économiquement impossible pour un concurrent aussi efficace de s’assurer de la part de disputable de la demande d’un client »41. A ce titre, le Tribunal précise également qu’un « résultat positif signifie seulement qu’un concurrent aussi efficace est en mesure de couvrir ses coûts […]. Cette circonstance ne signifie cependant pas qu’il n’existe pas d’effet d’éviction »42.
En outre, dans le cadre de la décision Intel, la Commission européenne a précisé que pour être viable à long terme, une entreprise devait couvrir a minima l’ensemble de ses coûts de production. En présence de coûts fixes très élevés, cela implique que les prix, en moyenne, doivent être significativement au-dessus du coût marginal pour couvrir la totalité de ses coûts et ainsi rester viable économiquement43.
De la même manière, si la Commission retient dans le cadre de sa décision Intel l’application du coût évitable moyen, cette dernière précise néanmoins que d’autres coûts de référence qui prennent en compte les coûts fixes peuvent être plus appropriés44.
- Les critères de réalisation du test du concurrent aussi efficace appliqués au secteur audiovisuel
Dans le cadre de l’étude économique produite au soutien de sa saisine45, le groupe M6 procède au test du concurrent aussi efficace et à la comparaison avec le coût évitable moyen afin de caractériser l’effet anticoncurrentiel potentiel des pratiques de TF1 Publicité.
Ainsi, l’étude économique relève que […].
Le Conseil souhaite apporter un certain nombre de précisions sur ces éléments.
Dans un premier temps, il convient de rappeler que sur le marché de la publicité télévisuelle le produit offert par un éditeur aux annonceurs, correspond, selon les modalités de commercialisation de l’espace, à une probabilité d’audience (achat « spot à spot ») ou à une garantie d’audience (achat en GRP garanti).
A cette fin, sont mis en œuvre un ensemble de moyens de production (engendrant des coûts fixes et des coûts variables) afin de construire une grille de programmes susceptible de générer cette audience.
Les coûts fixes sont, par principe, les coûts de production qui ne varient pas en fonction de la quantité des biens ou des services produits. Par extension, une entreprise dont la structure de coûts totaux est composée en grande partie par des coûts fixes sera en mesure de réaliser des économies d’échelles de grande ampleur, puisque ses coûts fixes se trouveront répartis sur une plus grande échelle de production et pèseront moins lourdement sur chaque unité produite.
A contrario, les coûts variables de l’entreprise varient en principe de manière proportionnelle en fonction des unités produites.
Néanmoins, il convient de préciser que tout coût fixe devient variable à long terme : lorsque les infrastructures ou les moyens de production du bien ou du service ont atteint leur limite de capacité, il devient nécessaire pour l’entreprise d’investir dans de nouvelles infrastructures ou de nouveaux moyens de productions. Le coût de ce nouvel investissement est donc bien lié, sur le long terme, aux quantités produites, sans pour autant perdre sa qualité de coût fixe. Dès lors, le caractère constant d’un coût fixe n’est valable que pour une période donnée, ce type de coût augmentant en réalité par paliers, tandis que les coûts variables augmentent en principe de manière proportionnelle.
Or, l’économie des chaînes de télévision se traduit, au stade de lancement comme au stade de son fonctionnement, par des coûts fixes très importants et un coût marginal faible. En effet, rapporté au téléspectateur supplémentaire, le coût marginal de production est presque nul, ce qui signifie que le coût moyen est d’autant plus faible que le marché est étendu, créant ainsi un phénomène d’économie d’échelle très important46.
En effet, « le coût de production d’un programme de télévision est indépendant du nombre de personnes qui le regarderont »47.
Dès lors, la capacité d’une chaîne à dégager une marge opérationnelle tiendra pour grande partie à l’efficacité de la transformation de ses coûts fixes en audience commercialisable.
L’ampleur des coûts fixes s’explique notamment par le caractère « périssable » des contenus diffusés qui perdent très rapidement de leur valeur. Ce phénomène est particulièrement important dans le cadre des programmes de flux, qui perdent toute leur valeur -ou presque- une fois diffusés. Le secteur audiovisuel repose ainsi, au même titre que la presse, sur une« économie de prototypes » dont la valeur réelle n’est connue qu’après la diffusion.
Dans cette perspective, le coût de production des programmes et, par conséquent, le coût de la grille d’une chaîne de télévision, doivent donc être considérés comme des coûts fixes et non comme des coûts variables.
Dans un deuxième temps, il convient de relever que dans sa communication sur les orientations retenues pour l’application de l’article 102 TFUE, la Commission fait référence au coût évitable moyen (« CEM ») qui doit être défini comme étant « la moyenne des coûts qui auraient pu être évités si l'entreprise n'avait pas produit une unité (supplémentaire), en l'occurrence celle qui aurait fait l'objet d'un comportement abusif »48.
Dans le cadre de l’activité audiovisuelle, il est particulièrement difficile d’identifier le coût marginal nécessaire à l’obtention d’une audience incrémentale, et, par suite, le coût qui aurait pu être évité si l’entreprise n’avait pas tenté d’obtenir une audience commercialisable supérieure.
En effet, l’augmentation des coûts de production d’un programme n’entraîne pas nécessairement une audience commercialisable supérieure pour ce programme, notamment au regard des différents facteurs intervenant dans le comportement des téléspectateurs et la formation de l’audience.
Le phénomène de spirale d’audience telle que définie par l’Autorité de la concurrence de la décision TMC-NT1 se caractérise en réalité par des effets de seuils, et non pas par une relation de proportionnalité directe entre le montant des investissements réalisés sur les marchés amonts et l’audience générée par ces mêmes programmes.
Néanmoins, cette notion de coût évitable moyen inclut, en sus des coûts variables, les coûts fixes de court terme, c’est-à-dire ceux supportés pendant la période concernée.
Dès lors, pour les simples besoins de la démonstration, le coût de grille d’une chaîne de télévision peut être pris en compte dans la détermination d’un coût évitable moyen, cet exercice restant purement théorique et ne rendant pas précisément compte de la réalité du modèle économique de l’audiovisuel.
Enfin, dans un dernier temps, le Conseil souhaite souligner que l’application du test du concurrent aussi efficace aux entreprises audiovisuelles suppose la détermination d’un « prix de vente brut » du produit, c’est-à-dire de l’audience ou de la probabilité d’audience. Un tel prix correspond en pratique au prix du GRP brut.
Cependant, il ne s’agit pas d’un produit unique : le prix du GRP n’est pas linéaire et varie fortement en fonction des chaînes de télévision et, au sein de ces chaînes, en fonction des tranches horaires et de la puissance des écrans.
Ainsi, à titre d’illustration, le Conseil relève que le prix moyen brut d’un GRP sur la cible ensemble 4+ est de […]€ sur la chaîne TF1, tandis qu’il s’élève à […]€ sur la chaîne M6.
En outre, le Conseil relève également d'importantes disparités, au sein de chaque chaîne, dans la valeur des écrans publicitaires au cours de la journée. En 2014, si les tarifs des écrans de journée ("Day") sont inférieurs à la moyenne de moitié environ pour TF1 et M6, les tarifs pratiqués en première partie de soirée, lorsque l'audience en télévision est la plus forte ("Peak") lui sont trois fois supérieurs pour ces deux mêmes chaînes.
Coûts moyens bruts du spot 30 secondes par tranches horaires en 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage) - euros bruts
[…]
Coûts moyens bruts du spot 30 secondes par heure en 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
La comparaison de ces coûts moyens bruts du spot 30 seconde par heure démontre cette forte variabilité du coût des GRP en fonction des écrans, notamment s’agissant des chaînes TF1 et M6.
Dès lors, la détermination d’un prix de vente unique d’un GRP sur la chaîne TF1 ou sur la chaîne M6 est un exercice purement hypothétique qui ne tient pas entièrement compte de la réalité du fonctionnement du marché publicitaire.
S’agissant du test proprement dit, il convient de déterminer le prix effectif que devrait proposer un concurrent aussi efficace que la chaîne TF1 pour indemniser l’annonceur de la perte du rabais conditionnel si cet annonceur déplaçait une partie de sa demande de l’entreprise dominante vers le concurrent.
Or, le GRP n’étant pas un produit unique, son prix unitaire brut sur l’entreprise en position dominante est sensiblement différent de celui sur une chaîne concurrente. Ce constat, appliqué au test du concurrent aussi efficace, signifie que le déplacement d’une part de budget de l’annonceur de la chaîne TF1 vers une chaîne concurrente ne se traduit pas par le déplacement d’un nombre fixe de GRP brut, pourtant considéré comme le produit vendu sur le marché publicitaire.
Une telle variabilité rend l’application du test du concurrent aussi efficace complexe et assez artificielle. Néanmoins, le Conseil, a pour les besoins de la démonstration, procédé à l’application de ce test sur les premiers annonceurs de la chaîne TF1.
- L’application du test aux pratiques de TF1 Publicité
La réalisation de ce test nécessite une approche individualisée par annonceur : en effet, la part de budget publicitaire allouée à la chaîne TF1 varie en fonction des annonceurs et de la nature de leur campagne.
Ce constat, appliqué au test du concurrent aussi efficace, signifie que « la fraction pertinente » sur laquelle il convient de calculer le prix effectif varie pour chaque annonceur.
En outre, par effet miroir, le montant des remises accordées par TF1 dans le cadre des Conditions Particulières de Vente varie également pour chaque annonceur et pour chaque mode d’achat.
Cette approche individualisée a par ailleurs été retenue par la Commission Européenne dans le cadre de l’examen des remises accordées par INTEL49.
Le Conseil souligne à ce stade une difficulté s’agissant de l’application de ce test aux remises prévues dans les Conditions Particulières de Vente de TF1 Publicité. En effet, ces remises ne sont pas libellées comme se déclenchant au-delà d’un certain seuil de montant d’investissement ou de part d’investissement, mais simplement comme s’appliquant sur un montant total investi par l’annonceur.
Un tel mécanisme, rapporté à l’application du test du concurrent aussi efficace, a pour conséquence immédiate de créer une incertitude quant à l’ampleur de la perte de remise consentie à l’annonceur.
En effet, la réorientation d’une partie de la demande de l’annonceur de la chaîne TF1 vers une chaîne concurrente, ne se traduira pas, de manière raisonnable, par la perte de l’intégralité de la remise prévue dans le cadre de Conditions Particulières de Vente.
Il convient donc d’évaluer, de manière purement théorique, la réduction probable du taux de remise consenti par TF1 Publicité dans le cadre de ses Conditions Particulières de Vente.
A cette fin, le Conseil a procédé à l’analyse des taux de remises en fonction des montants investis par les premiers annonceurs de la chaîne, […].
Taux de remise sur les tarifs bruts prévus dans les conditions particulières de vente des premiers annonceurs de la chaîne TF1
[…]
Pour les besoins de la démonstration, le Conseil considère que le concurrent qui va bénéficier d’une réorientation d’une partie de la demande est la chaîne M6. Elle sera ainsi, dans le cadre de l’exercice considérée comme le concurrent aussi efficace que TF1.
Le Conseil précise également que le test a été réalisé sur les premiers annonceurs de la chaîne TF1, et qu’il ne saurait être considéré comme une analyse exhaustive de l’ensemble des pratiques tarifaires de TF1 Publicité. Cependant, au regard des critères utilisés dans le cadre du test du concurrent aussi efficace, l’examen des conditions particulières de vente entre TF1 Publicité et ces « gros » annonceurs semble le plus à même de mettre en évidence des éventuels effets de seuil dus à la rétroactivité des remises et, dès lors, la possibilité –ou l’impossibilité- pour un concurrent d’indemniser l’annonceur de la perte de sa remise.
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […] :
- la détermination du Coût Evitable Moyen sur la chaîne TF1 :
Comme indiqué ci-dessus, le Conseil utilise aux fins de la démonstration le coût de grille (considéré comme un coût fixe de court terme) tout en soulignant le caractère hypothétique et approximatif de l’exercice.
En 2014, le coût de grille de la chaîne TF1 s’est élevé à […] millions d’euros. Au cours de cette même année, la chaîne TF1 a délivré approximativement un total de […].
Dès lors, le coût évitable moyen de la chaîne TF1 peut être évalué à […]€.
- la détermination du prix unitaire brut d’un GRP sur la chaîne TF1 :
Comme relevé précédemment, la détermination d’un prix unitaire brut pour un GRP sur la chaîne TF1 est un exercice artificiel dans la mesure où le prix d’un GRP n’est pas linéaire et subit de fortes variations en fonction des écrans. Néanmoins, aux fins de la démonstration, le Conseil estime que le prix d’un GRP sur la chaîne TF1 avoisine les […].
- la détermination du montant des remises conventionnelles :
Le taux des remises conventionnelles accordées au groupe […] se rapportant aux investissements sur la chaîne TF1 pour l’année 2014 est de l’ordre de […] s’agissant des achats en […], tandis que le montant brut investi par le groupe sur la chaîne s’élève en 2014 à […]€ (correspondant à […] GRP).
Dès lors, le montant global de cette remise accordée au groupe […] s’élève à […] millions d’euros.
- la détermination du prix effectif :
Le Conseil considère que la fraction du budget octroyé par le groupe […] à la chaîne TF1 et susceptible d’être réorientée vers un concurrent correspond au montant du « surinvestissement » sur cette chaîne.
En effet, la part de marché de la chaîne TF1 tous écrans, tous annonceurs et hors parrainage s’élève à 33%. Le groupe […] investit quant à lui […]% de son budget télévision sur la chaîne TF1.
Dès lors, le Conseil considère que la fraction pertinente à prendre en compte est de l’ordre de […]% du budget télévision du groupe […].
Dans le cadre de cette hypothèse, la fraction pertinente sur laquelle il convient de pratiquer le test représente un montant de […] euros correspondant à […] GRP. Cela signifie que le groupe […] va transférer l’achat de […] GRP de la chaîne TF1 vers la chaîne M6.
Or, comme le Conseil l’a indiqué, le GRP ne peut être considéré comme un produit unique à prix unique. Ainsi, l’achat de […] GRP sur la chaîne TF1 n’équivaut pas à l’achat de […] GRP sur la chaîne M6.
Cette absence d’unicité du GRP a pour conséquence d’engendrer […] pour le groupe […]. En effet, l’achat de […] GRP sur M6 équivaut à un investissement de […].
L’économie dégagée par […] du fait du transfert de […] GRP de la chaîne TF1 vers la chaîne M6 en raison de la dissymétrie de prix du GRP, s’élève donc à […] €.
S’agissant de la chaîne TF1, […] entraine […] du montant de l’investissement brut de […] qui s’élèverait désormais à […]. C’est sur cette base qu’il convient donc désormais d’appliquer les taux de remises consentis par TF1 publicité.
A ce stade du raisonnement, il convient donc de calculer le montant de remise perdu par […] du fait de cette réorientation d’une partie de son budget, qui se compose de deux éléments : […] de l’assiette de dépense publicitaire sur laquelle le taux de remise sur TF1 va s’appliquer, et […] du taux de remise que TF1 pourrait imposer (« sanction ») au groupe […] du fait du transfert des […] GRP.
Le Conseil relève à ce titre que le groupe […]. Dès lors, le Conseil retient, aux seules fins de la démonstration, une « sanction » de TF1 Publicité de l’ordre de […], n’octroyant au groupe McDonalds qu’une remise de […]% sur le montant investi.
Ainsi, le montant de remise -post transfert des […] GRP- dont va bénéficier le groupe […] correspond à […]. Par suite, le montant de remise perdu par le groupe […] correspond à la différence entre le montant de remise initialement octroyé ([…] euros) et le montant qui serait théoriquement octroyé en cas de déplacement des […] GRP ([…] euros), soit […].
Dès lors, pour déterminer le montant que M6 devrait indemniser, il convient de calculer la différence entre le gain réalisé par le groupe […] du fait de la dissymétrie de la valeur des GRP ([…]) et la perte de remise consentie par TF1 ([…]). Dans le cadre de l’hypothèse retenue par le Conseil, ce montant s’élève à […].
Ainsi dans le cadre de l’hypothèse retenue par le Conseil, la chaîne M6 doit, en théorie, indemniser […] à hauteur de […].
Enfin, pour calculer le prix effectif que M6 doit proposer au groupe […], il convient de déterminer d’une part le nouveau montant investi par […] sur la chaîne M6, puis de rapporter ce montant au nombre total de GRP « achetés » par le groupe […] sur la chaîne M6.
La chaîne M6 bénéficie d’un investissement initial de la part de […] de […] auxquels s’ajoutent les […] supplémentaires provenant de l’achat de […] GRP, pour un investissement total qui s’élève donc à […]. A ce montant, doivent être retranchés les […] correspondant au montant à indemniser par M6 et calculés ci- dessus.
Ainsi, l’investissement brut réalisé sur la chaîne M6 après pris en compte du montant à indemniser s’élève à […]. Le Conseil souligne que ce montant est inférieur aux recettes brutes initiales de la chaîne M6 s’agissant de cet annonceur, alors même qu’une partie supplémentaire du budget de ce dernier a été octroyé à la chaîne M6.
Dès lors, il convient de rapporter ce montant au nombre total de GRP achetés par le groupe […] une fois le transfert de […] effectué pour obtenir le montant effectif que doit proposer M6.
Dans le cadre de l’hypothèse retenue par le Conseil ce montant est de […].
La réalisation du test du concurrent aussi efficace impose ensuite une comparaison entre ce prix effectif obtenu et le coût moyen évitable. Comme indiqué précédemment, l’effet d’éviction est retenu si le prix effectif est situé en dessous du coût évitable moyen.
Dans l’hypothèse retenue par le Conseil, le prix effectif (c’est-à-dire une fois appliquées les remises dénoncées par le groupe M6) se situe au-dessus du coût évitable moyen.
Le Conseil précise également que ce montant correspond au montant maximum que M6 doit proposer à l’annonceur pour l’indemniser de la perte de remise.
Par suite, ce montant implique un taux de remise minimum sur les tarifs bruts de M6 de […].
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Concernant les remises conventionnelles dénoncées par le groupe M6 et accordées par TF1 Publicité au groupe […]
Ainsi, le Conseil constate que l’application du test « du concurrent aussi efficace » aux remises prévues dans le cadre des Conditions Particulières de Vente de TF1 Publicité, ne permet pas de mettre clairement en évidence un effet anticoncurrentiel dans la mesure où les prix effectifs obtenus à l’issue de ces simulations sont systématiquement supérieurs au coût évitable moyen. Cependant, le Conseil constate que l’indemnisation de la perte de remise subie par l’annonceur implique effectivement pour M6 un effort commercial supplémentaire.
En outre, le Conseil souhaite également apporter des éléments à l’Autorité concernant l’impact de ces remises sur la viabilité des concurrents. En effet, afin de qualifier un système de remise de pratique anticoncurrentielle, il convient d’appréhender les effets d’éviction susceptibles de réduire l’intensité de la concurrence sur le marché de la publicité télévisuelle.
(iii) Capacité de la chaîne M6 à exercer un contrepouvoir et à maintenir une pression concurrentielle.
Si, indépendamment de leur taille, les concurrents peuvent être tout aussi efficaces et tout aussi attrayants pour les acheteurs, il est alors peu probable que le système de remise puisse réduire la concurrence de manière sensible. Dans ce cas, une réduction éventuelle de la part de marché des concurrents ne réduit pas leur capacité à exercer une pression concurrentielle importante et la remise n’a donc pas d’effet anticoncurrentiel.
Le Conseil souhaite donc apporter un certain nombre de précisions concernant :
- l’efficacité commerciale de la chaîne M6 ;
- l’évolution de la part de marché de la chaîne M6 ;
- la répartition des parts de marché par catégorie d’annonceurs pour les chaînes M6 et TF1 ;
- l’évolution de l’offre de GRP sur la chaîne M6 ;
- l’évolution du coût du spot 30 secondes sur la chaîne M6 et l’évolution de l’écart avec le coût 30 secondes de la chaîne TF1.
- S’agissant de l’efficacité commerciale de la chaîne M6
Comme le Conseil l’a indiqué dans le cadre de son analyse concurrentielle, le marché publicitaire télévisuel se caractérise par la non-proportionnalité entre les parts de marché publicitaire et les parts d’audience. Dès lors, il est nécessaire d’apprécier le rapport part de marché / part d'audience, appelé "taux de transformation", qui mesure l'efficacité d'une chaîne dans l'exploitation commerciale de son audience.
Taux de transformation des chaînes gratuites
Source : IREP, opérateurs, Médiamétrie
[…]
A ce titre, le Conseil relève que le taux de transformation de la chaîne M6 est supérieur à celui de TF1 et constitue le taux le plus élevé parmi toutes les chaînes gratuites. Ce constat s'est également vérifié en 2014.
- S’agissant de l’évolution de la part de marché de la chaîne M6
De manière générale, les parts de marché publicitaire brutes de TF1 et de M6 - dans une moindre mesure - sont en baisse, passant respectivement de […]% à […]% et de […]% à […]% entre 2007 et 2014.
Part de marché publicitaire brute de TF1 et M6 de 2005 à 2014
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
S’agissant plus spécifiquement de la chaîne M6, le Conseil relève que les trois antennes gratuites du groupe M6 représentent […]% de part de marché publicitaire nette en 2014 -dont […]% pour la chaîne M6- soit […] par rapport à la part de marché de 2007 ([…]%).
Evolution des parts de marché publicitaire nettes des principaux groupes de télévision
Source : IREP, publications opérateurs, CSA - secret des affaires - dernières données disponibles
[…]
Avec l’intégration des chaînes payantes du groupe, qui représentent une part de marché inférieure à […]%, la part de marché publicitaire télévisuelle totale des chaînes du groupe M6 s'établit à […]% en 2014, en […] par rapport à 2007.
- S’agissant de la répartition des parts de marché par catégories d’annonceurs
Le groupe M6, dans le cadre de sa saisine, considère que la chaîne M6 est sous-investie par les annonceurs depuis 2009 sur les principales cibles publicitaires, tandis que la chaîne TF1 bénéficie d’un surinvestissement sur ces mêmes cibles commerciales.
Le Conseil a donc procédé à l’examen de l’évolution de la part de marché par catégorie d’annonceurs sur les chaînes M6 et TF1.
Ecarts de part de marché publicitaire brute par rapport à la part de marché publicitaire brute moyenne tous annonceurs de M650
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
S’agissant de M6, la chaîne bénéficie d’un surinvestissement de la part des plus gros annonceurs : […].
En revanche, la chaîne M6 est sous-investie par les plus petits annonceurs, […].
Ecarts de part de marché publicitaire brute par rapport à la part de marché publicitaire brute moyenne tous annonceurs de TF1
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
S’agissant de la chaîne TF1, celle-ci bénéficie d’un surinvestissement substantiel de la part des plus gros annonceurs : […].
De la même manière que la chaîne M6, TF1 est sous-investie par les plus petits annonceurs, […].
En outre, le Conseil relève que les plus gros annonceurs, a priori plus dépendants de la puissance publicitaire offerte par TF1 en raison de leurs besoins de communication massifs, ont sensiblement allégé ces dernières années la part de leurs dépenses publicitaires télévisuelles sur TF1 :.
PDM brute de TF1 de 2005 à 2014 chez les 10, 50 et 100 premiers annonceurs
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
En comparaison, la baisse de M6 est bien plus réduite. La part de marché de la chaîne évolue comme suit :
[…].
PDM brute de M6 de 2005 à 2014 chez les 10, 50 et 100 premiers annonceurs
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Plus largement, on assiste à une diminution sensible de la concentration des dépenses publicitaires des annonceurs sur TF1, et une stabilité pour M6.
A titre d'illustration […].
Nombre d’annonceurs sur TF1 par niveau de concentration des investissements publicitaires bruts sur la chaîne Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
S’agissant de M6 […].
Nombre d’annonceurs sur M6 par niveau de concentration des investissements publicitaires bruts sur la chaîne Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Enfin, l’analyse de la différence entre les parts de marché publicitaire brutes de TF1 et M6 révèle, à l’échelle de tous les annonceurs, une baisse sensible de l’écart entre les deux chaînes, […].
Ce constat […] se vérifie également pour chaque tranche de 10% d’investissements publicitaires sur le marché, à l’exception du […].
Ecarts de part de marché publicitaire brute entre les chaînes TF1 et M6
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
- S’agissant de l’évolution de l’offre de GRP de la chaîne M6
Le Conseil constate, entre 2007 et 2014, une augmentation générale du nombre de contacts publicitaires délivrés par la chaîne M6 ([…]).
Il apparaît toutefois une diminution du nombre de GRP réalisés auprès de la cible commerciale "Femme responsable des achats de moins de 50 ans" ([…]).
Cette évolution négative est directement liée aux sous-performances d'audience de la chaîne sur cette cible en 2014 ([…]).
Nombre de GRP en 2007 et 2014 sur M6 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
Nombre de GRP en 2007 et 2014 sur M6 (cible FRDA-50)
Source : Médiamétrie
[…]
La part de la chaîne M6 dans le total des GRP offerts progresse légèrement entre 2007 et 2014, tant à l'échelle de l'ensemble des téléspectateurs ([…]) que sur la cible "Femme responsable des achats de moins de 50 ans" ([…]).
Part de M6 par niveau de puissance des écrans en 2007 et 2014 (cible ensemble 4+)
Source : Médiamétrie
[…]
Part de M6 par niveau de puissance des écrans en 2007 et 2014 (cible FRDA-50)
Source : Médiamétrie
[…]
Dès lors, le Conseil constate que si le volume de contacts publicitaires a globalement augmenté sur M6 entre 2007 et 2014, la chaîne a été confrontée à une baisse pour la première cible commerciale en télévision (Femme responsable des achats de moins de 50 ans).
En revanche, la chaîne a renforcé sa part relative sur les écrans présentant des niveaux de puissance compris entre 2 et 7 GRP, voire au-delà s'agissant de la cible commerciale "Femme responsable des achats de moins de 50 ans". En effet, […].
- S’agissant du coût du spot 30 secondes sur la chaîne M6 et de l’évolution de l’écart entre TF1 et M6
Le Conseil a examiné la répercussion de l’évolution de cette offre de GRP sur le coût 30 secondes sur la chaîne M6.
Evolution du coût moyen brut du spot 30 secondes de M6 par heure entre 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Le Conseil constate que la diminution globale de […]% de la valeur moyenne du spot 30 secondes provient […].
Ces diminutions ont été partiellement compensées : le Conseil note en effet […].
S’agissant de l’écart entre le coût 30 secondes sur les chaînes TF1 et M6, celui-ci se réduit entre 2007 et 2014 en […]51, en […] et en […].
Evolution par heure de l'écart entre le coût moyen brut du spot 30 secondes de TF1 et M6, en 2007 et 2014 (euros)
Source : Kantar Media (hors parrainage)
[…]
Coûts GRP net estimés entre 2007 et 2014 sur la cible "individus 25-49" (euros)
Source : groupes TF1 et M6 - secret des affaires
[…]
Coûts GRP net estimés entre 2007 et 2014 sur la cible "Femme responsable des achats de moins de 50 ans" (euros)
Source : groupes TF1 et M6 - secret des affaires
[…]
En conclusion, le Conseil constate que les éléments en sa possession ne permettent pas, tant par l’application du « test du concurrent aussi efficace » que par l’examen de la position de la chaîne M6 sur le marché publicitaire et de l’évolution de la pression concurrentielle, de conclure que les systèmes de remises prévus par TF1 Publicité puissent avoir un effet anticoncurrentiel réel ou potentiel.
Si les modalités d’application de certains types de remises peuvent présenter un caractère sensible d’un point de vue concurrentiel (forte individualisation des remises, taux très élevés, manque de transparence s’agissant des conditions d’octroi), le Conseil relève, d’une part, que ces caractéristiques sont largement répandues sur le marché de la publicité télévisuelle et, d’autre part, l’analyse de leurs effets ne permet pas au Conseil de conclure que les pratiques de TF1 se traduisent par une éviction anticoncurrentielle des concurrents.
3.2 La commercialisation des espaces publicitaires de HD1 et de Numéro 23 par TF1 Publicité
3.2.1 L’objet de la pratique
Le groupe M6 considère que la commercialisation par TF1 Publicité des espaces publicitaires des chaînes TF1, HD1 et Numéro 23, est constitutive d’un abus de position dominante de TF1, bien qu’il constate que les engagements de non couplage et de régie séparée par le groupe TF1 en 2010 ne concernent que TMC et NT1. Il s’agirait d’une pratique de vente liée prohibée, susceptible de favoriser les annonceurs acquérant des écrans sur HD1 en sus des écrans acquis sur TF1 par des avantages de natures diverses et des remises aux annonceurs.
Dans sa réponse aux demandes d’informations du Conseil, le groupe TF1 a déclaré ne pas pratiquer de vente liée dans la mesure où les écrans publicitaires des chaînes HD1 et Numéro 23, d’une part, et ceux de TF1, d’autre part, peuvent être achetés individuellement.
Il a également indiqué qu’il existe une seule offre destinée aux PME-PMI (Pack PME-PMI) qui associe la chaîne TF1, les chaînes HD1 et Numéro 23 et certaines chaînes thématiques. Cette offre s’adresse aux entreprises réalisant annuellement un chiffre d’affaires consolidé inférieur à 50 millions d’euros. Il s’agit d’une offre en programmation proposée à un tarif forfaitaire variant selon les périodes entre 220 000 euros et 280 000 euros. Les annonceurs bénéficieraient d’un abattement de 45 % sur le chiffre d’affaires brut facturé de la campagne.
Dans sa décision relative à l’acquisition de TMC et NT1, l’Autorité de la concurrence a conclu que « la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisuelle et en particulier sa très forte position sur le segment des écrans puissants, mettent le groupe en mesure de favoriser les ventes d’espaces sur TMC et NT1. Un tel soutien, s’ajoutant aux effets de l’opération sur l’audience de ces deux chaînes, serait de nature à affaiblir la position des concurrents, particulièrement des chaînes de la TNT ».
Afin de prévenir ces effets, le groupe TF1 s’est engagé à ne pratiquer aucune forme de couplage, de subordination, d’avantage ou de contrepartie entre les espaces publicitaires de la chaîne TF1 et les espaces publicitaires de TMC et NT1, ni même de promotions croisées sur la chaîne TF1 pour ces chaînes . Afin de garantir l’effectivité de cet engagement, le groupe s’était engagé à ce que la commercialisation des espaces publicitaires de TMC et NT1 soit assurée de façon autonome par une autre société que celle qui gère la régie publicitaire de la chaîne TF1.
Selon l’Autorité de la concurrence, le couplage correspond à la pratique consistant à lier la fourniture de deux produits distincts relevant de deux marchés. Elle distingue plusieurs types de ventes couplées selon la nature du lien existant entre les produits :
- les ventes groupées pures, c’est-à-dire les ventes liées du fait de l’imposition exclusivement commerciale d’une obligation d’acheter deux ou plusieurs produits ensemble ;
- les ventes groupées techniques, c’est-à-dire les ventes liées du fait de l’intégration technique des produits ;
- les ventes groupées mixtes, c’est-à-dire le fait de vendre plusieurs produits ensemble à de meilleures conditions que celles proposées si les produits sont achetés séparément (les deux produits pouvant toutefois être achetés séparément, contrairement aux ventes groupées pures).
Selon la Commission européenne, une vente est liée lorsque la vente d'un produit donné (le produit liant) est subordonnée à l'achat d'un autre produit (le produit lié) à l'entreprise dominante. Cette pratique peut avoir des raisons techniques ou résulter de dispositions contractuelles. La notion de vente groupée renvoie pour la Commission aux modalités selon lesquelles les produits sont proposés et leurs prix fixés par l'entreprise dominante. Dans le cas de la vente groupée pure, les produits ne sont vendus qu'ensemble, dans des proportions fixes. Dans le cas de la vente groupée mixte, les produits sont également disponibles séparément, mais la somme des prix de chacun des produits est supérieure au prix total résultant de la vente groupée.
Aux termes de la jurisprudence communautaire, l’existence d’une vente liée abusive suppose la réunion des circonstances suivantes :
- l’entreprise en cause détient une position dominante sur le marché du produit liant ;
- le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts ;
- les consommateurs n’ont pas le choix d’obtenir le produit liant sans le produit lié ;
- la pratique restreint la concurrence ;
- la pratique n’est pas objectivement justifiée.
Le Conseil relève que la pratique décisionnelle et la jurisprudence n’interdisent pas per se les ventes couplées par les entreprises en position dominante. Au vu des informations qui ont été communiquées par les groupes TF1 et Canal Plus, les conditions posées par la jurisprudence et la pratique décisionnelle ne sont pas réunies en l’espèce pour considérer que la pratique du groupe TF1 serait abusive.
D’une part, l’offre PME-PMI semble constituer une offre de couplage mixte qui laisse aux acheteurs le choix d’acquérir conjointement ou séparément des espaces publicitaires. Les conditions commerciales de TF1 Publicité stipulent, qu’un « annonceur vérifiant les conditions d’accès au pack PME-PMI a la possibilité d’acheter les éléments du pack séparément au tarif du pack individus 25-59 ans sur les chaînes thématiques et de la TNT ». Le groupe TF1 a également indiqué au Conseil que les annonceurs conservent la possibilité d’acheter des écrans publicitaires chaîne à chaîne et qu’aucun avantage tarifaire spécifique n’est prévu dans les Conditions Générales de Vente.
Dans le cadre de sa réponse au questionnaire, le groupe TF1 a indiqué […]
S’agissant de la commercialisation de Numéro 23 et HD1, ces chaînes sont comprises dans le mode d’achat « Fluo » qui correspond à de l’achat en GRP garanti. Le groupe TF1 a indiqué dans le cadre de ses réponses au questionnaire que […].
D’autre part, il semble difficile d’affirmer que la pratique ne semble pas « objectivement justifiée », dans la mesure où de nombreuses régies publicitaires proposent des offres publicitaires comprenant les écrans publicitaires de plusieurs chaînes.
Le groupe M6 propose des offres composées de chaînes payantes qu’il édite et a récemment lancé une offre composée des chaînes W9 et 6ter dénommée Puissance TNT qui permet la diffusion simultanée des mêmes écrans publicitaires sur les chaînes.
La société Canal Plus Publicité commercialise également des offres couplées d’écrans publicitaires de plusieurs chaînes qu’il édite (Pack Temporis). Le groupe France Télévisions commercialise également des offres couplées qui concernent les chaînes gratuites et les chaînes payantes dont il assure la régie publicitaire.
Les offres couplées peuvent présenter des avantages pour les annonceurs et les chaînes de télévision, tels que des économies sur les coûts de transaction. En outre, en raison de l’augmentation du nombre de chaînes gratuites, le développement de ces offres apparaît justifié. En l’espèce, d’après les informations dont dispose le Conseil, il n’est pas établi que la commercialisation par le groupe TF1 d’une offre couplant les écrans publicitaires de TF1 et HD1 s’inscrive dans le cadre d’une stratégie visant à évincer les concurrents du groupe TF1.
En conclusion, le Conseil considère que les informations dont il dispose ne lui permettent pas de conclure que les pratiques qui sont reprochées au groupe TF1 ont un objet anticoncurrentiel dans la mesure où elles ne semblent pas s’inscrire dans le cadre d’une stratégie anticoncurrentielle et qu’elles ne diffèrent pas des usages du marché.
3.2.2 Les effets de la pratique
Dans le cadre de l’instruction de la présente saisine, le Conseil a procédé à une analyse des effets des pratiques reprochées au groupe TF1 centrée sur les audiences et les revenus publicitaires.
La Commission européenne déclare que, dans le cadre de la répression des abus de position dominante, elle intervient normalement « lorsque, sur la base de preuves solides et convaincantes, le comportement abusif présumé risque de produire une éviction anticoncurrentielle ». Elle tient compte notamment de la « portée du comportement abusif présumé » et considère qu’un « effet d'éviction est d'autant plus probable que le pourcentage des ventes totales sur le marché en cause qui sont affectées par le comportement est élevé, que ce comportement est de longue durée et qu'il est appliqué avec régularité ».
La Commission européenne se fonde également sur « les preuves éventuelles d'une éviction réelle ».
Ainsi, « si le comportement est suffisamment ancien, la performance sur le marché de l'entreprise dominante et de ses concurrents peut constituer une preuve directe d'une éviction anticoncurrentielle. Pour des raisons imputables au comportement prétendument abusif, la part de marché de l'entreprise dominante peut avoir augmenté ou son recul avoir été ralenti. Pour des raisons similaires, il se peut que les concurrents actuels aient été marginalisés ou aient quitté le marché, ou que des concurrents potentiels aient cherché à pénétrer sur le marché sans y parvenir ».
- S’agissant de l’importance de la commercialisation des offres « Fluo » dans le chiffre d’affaires publicitaire du groupe TF1
Dans le cadre de sa réponse au questionnaire du Conseil, le groupe TF1 a fourni des éléments concernant la commercialisation de ces offres et leur part dans la formation du chiffre d’affaires de TF1 Publicité
Nombre d’annonceurs souscrivant aux offres « Fluent » et « Fluo »
Sources : TF1 Publicité, Réponses au questionnaire-Secret des affaires
[…]
Poids des offres « Fluent » et « Fluo » dans les recettes publicitaires
Sources : TF1 Publicité, Réponses au questionnaire-Secret des affaires
[…]
Le Conseil constate ainsi que la commercialisation des offres « Fluent » et « Fluo » dans lesquelles sont commercialisées les chaînes HD1 et Numéro 23 intervient pour une partie très marginale du chiffre d’affaires de TF1 Publicité ainsi qu’à l’échelle de l’ensemble du marché publicitaire.
- S’agissant des audiences des chaînes de la TNT lancées en 2012
Le Conseil a également examiné les résultats d’audience des chaînes de la TNT lancées en 2012 afin d’appréhender les performances de ces chaînes et leur aptitude à exercer une pression concurrentielle efficace.
A ce titre, le Conseil relève que RMC Découverte enregistre la meilleure progression de l’année, toutes chaînes confondues (+0,5 pt) et se place en première position des six chaînes HD lancées en 2012, tout en dépassant iTélé et France Ô.
HD1 progresse de 0,3 point, 6Ter, Numéro 23 et L’Equipe 21 de 0,2 pt et Chérie 25 demeure en fin de tableau avec une hausse de 0,1 point, à 0,3%.
- S’agissant de la position de HD1 et Numéro 23 sur le marché publicitaire
Selon les informations dont dispose le Conseil, les recettes publicitaires nettes de la chaîne HD1 se sont portées à […] millions d’euros en 2013 et […] millions d’euros en 2014, soit […].
La chaîne Numéro 23 a quant à elle perçu […] millions d’euros de recettes publicitaires en 2013, soit une part de marché publicitaire nette de […]% (dernière année disponible).
Le rapport des parts de marché publicitaires avec la part d’audience de ces chaînes conduit à des taux de transformation de […] en 2013 et 2014 pour HD1 et […] en 2013 pour Numéro 23[…].
Taux de transformation des chaînes privées de la TNT de 2008 à 201352
Sources : IREP, opérateurs, Médiamétrie - Secret des affaires
[…]
L’analyse plus fine de la position des deux chaînes sur le marché publicitaire indique en premier lieu un nombre d’annonceurs parmi les plus faibles des chaînes gratuites privées s’agissant de HD1 ([…] annonceurs en 2014) et le plus faible s’agissant de Numéro 23 ([…] en 2014).
Nombre d’annonceurs sur les chaînes TNT privées en 2014
Source : Kantar Média
[…]
Le Conseil relève toutefois que la dépense publicitaire moyenne sur la chaîne HD1 est la plus élevée parmi les nouvelles chaînes TNT lancées en 2012 ([…]).
Ce niveau de dépense […] sur HD1 peut être lié à un « effet de régie ». A ce titre, le Conseil constate que […] % des annonceurs présents sur la chaîne sont également présents sur TF1.
Un tel « effet de régie » se vérifie toutefois également pour les autres groupes : […]% annonceurs présents sur l’agrégat « W9/6Ter Puissance TNT » sont également présents sur M6, […]% des annonceurs présents sur RMC Découverte sont également présents sur BFM TV, et […]% des annonceurs présents sur Chérie 25 sont également présents sur NRJ 12.
- S’agissant de l’évolution de la position des autres acteurs du marché publicitaire
Le Conseil estime en outre que plusieurs observations peuvent être faites sur les évolutions des parts de marché publicitaire en télévision depuis 2005 :
- Les nouvelles chaînes de la TNT enregistrent une hausse constante de leurs parts de marché publicitaires pour atteindre 18 % de part de marché publicitaire entre 2005 et 2013 ;
- La part de marché de […]% détenue par TF1 en 2005 a perdu environ […] pour atteindre […]% en 2013 tandis que celle de M6 a augmenté, passant de […]% en 2005 à […]% en 2013 ;
- La part de marché de la chaîne Canal Plus s’est renforcée, atteignant […]% en 2013 contre […]% en 2005.
Évolution des parts de marché publicitaire nettes en télévision (en %) Source : IREP, publications opérateurs et bilans CSA - Secret des affaires […]
Dès lors, l’analyse par le Conseil de l’évolution de la position des acteurs sur le marché de la publicité télévisuelle ne permet pas d’affirmer que la commercialisation par TF1 Publicité des espaces publicitaires des chaînes HD1 et Numéro 23 entraîne un effet d’éviction des chaînes concurrentes ou une baisse de la pression concurrentielle.
L’examen des données des recettes publicitaires brutes des chaînes de télévision agrégées par régie publicitaire effectué par le Conseil dans le cadre de l’analyse concurrentielle (partie 2.2.2) a permis de dresser les constats suivants.
Le Conseil relève que TF1 Publicité enregistre la plus forte baisse de parts de marché publicitaire ([…] points entre 2007 et 2014), devant France Télévision Publicité ([…] points) pourtant impactée par l’arrêt de la publicité après 20 heures sur les antennes du groupe.
Par voie de conséquence, si TF1 Publicité reste la première régie en termes de parts de marché, l’écart entre TF1 Publicité et M6 Publicité s’est considérablement réduit sur la période 2007- 2014. Toutefois, à partir de 2015, l’intégration de la part de marché publicitaire actuellement réalisée par TMC Régie permettra à TF1 Publicité de retrouver une part de marché proche de celle détenue en 2007, sans toutefois remettre en cause les constats préalablement établis par le Conseil.
Dès lors, le Conseil estime que les éléments portés à sa connaissance ne permettent pas de mettre en évidence un quelconque effet d’éviction réel ou potentiel lié à la commercialisation par TF1 Publicité des espaces publicitaires des chaînes HD1 et Numéro 23.
4. Conclusion
S’agissant des marchés pertinents, le Conseil considère d’une part qu’il existe une convergence croissante de la publicité sur internet et de la publicité télévisuelle mais qu’elles appartiennent toujours à des marchés pertinents distincts, et d’autre part, qu’il n’est pas justifié de segmenter le marché de la publicité télévisuelle en plusieurs marchés distincts.
S’agissant du pouvoir de marché du groupe TF1, le Conseil conclut qu’il a évolué ces dernières années. Il repose toujours sur la puissance des écrans publicitaires de la chaîne TF1, mais le poids de celle-ci sur le marché a diminué. Néanmoins, le Conseil constate que la chaîne TF1 bénéficie toujours d’un effet de « prime au leader » caractérisé par un différentiel significatif entre sa part de marché publicitaire et sa part d’audience. En outre, depuis 2010, le pouvoir de marché du groupe TF1 résulte également de la détention de plusieurs chaînes gratuites. L’intégration des revenus publicitaires de TMC et NT1 dans le périmètre du groupe, et le développement de HD1, qui est la première chaîne parmi celles qui sont entrées sur le marché en 2012, ont contribué à la résistance du groupe à la pression concurrentielle croissante dans le secteur de la télévision gratuite.
S’agissant des pratiques dénoncées et, en premier lieu, de l’octroi par TF1 Publicité de remises dites « fidélisantes », le Conseil estime qu’il n’est pas établi que les mécanismes de remises commerciales de TF1 Publicité puissent avoir un effet anticoncurrentiel réel ou potentiel.
Dans la lignée de l’analyse économique des comportements d’éviction désormais pratiquée par le Commission européenne et l’Autorité de la concurrence, le Conseil a, dans le cadre d’un exercice purement théorique, appliqué le « test du concurrent aussi efficace » aux pratiques tarifaires de TF1 Publicité. Le Conseil a ainsi constaté que l’application de ce test aux remises prévues dans le cadre des Conditions Particulières de Vente de TF1 Publicité, ne permet pas de mettre clairement en évidence un effet anticoncurrentiel. Toutefois, comme le Conseil l’a souligné, cette analyse ne saurait se substituer un examen exhaustif que l’Autorité de la concurrence pourrait être amenée à pratiquer.
En outre, le Conseil estime que les modalités d’application de certains types de remises peuvent présenter un caractère sensible d’un point de vue concurrentiel (forte individualisation des remises, taux très élevés, manque de transparence s’agissant des conditions d’octroi) et pourraient faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’Autorité. Cependant, le Conseil relève d’une part que ces caractéristiques sont largement répandues sur le marché de la publicité télévisuelle et, d’autre part, que l’analyse de leurs effets ne lui permet pas de conclure que les pratiques de TF1 se traduisent par une éviction anticoncurrentielle.
S’agissant en second lieu de la commercialisation des espaces publicitaires de Numéro 23 et HD1, le Conseil considère que les informations dont il dispose ne lui permettent pas de conclure que cette commercialisation aurait pour objet d’évincer les concurrents du marché, les modalités de commercialisation de ces chaînes ne différant pas des usages du marché.
Enfin, le Conseil relève que la commercialisation des espaces publicitaires de HD1 et Numéro 23 dans le cadre d’offres couplées intervient pour une part très marginale dans la formation du chiffre d’affaires de TF1 Publicité ainsi qu’à l’échelle de l’ensemble du marché publicitaire. L’analyse par le Conseil de l’évolution de la position des acteurs sur le marché de la publicité télévisuelle ne permet pas d’affirmer que la commercialisation par TF1 publicité des espaces publicitaires des chaînes HD1 et Numéro 23 entraîne un effet d’éviction réel ou potentiel des chaînes concurrentes ou une baisse de la pression concurrentielle.
Notes :
1 Voir notamment le rapport annuel de l’Autorité de la concurrence, 2010, « Pratique de l’Autorité de la concurrence ».
2 Code des usages de la publicité, article 40
3 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, article 26
4 Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence de ces deux secteurs.
5 2007 constitue la première année de mesure individuelle par Médiamétrie de l’audience des chaînes de la TNT lancées en 2005
6 La notion de GRP (Gross Rating Point) correspond au nombre de contacts sur une cible donnée rapporté à la population de la cible.
7 L'année de référence choisie est 2009 pour des raisons méthodologiques (intégration de la mesure de la durée du parrainage en 2009).
8 Dernière année disponible.
9 Ibid.
10 Cet indicateur résulte du ratio entre recette publicitaire nette et recette publicitaire brute, sans distinction des modalités commerciales (spot à spot, coût GRP net, espaces gracieux…).
11 CJCE, 13 février 1979, Hoffmann-Laroche/Commission.
12 Du point de vue du marché publicitaire, la chaine Canal Plus , en tant que chaîne historique et compte tenu de sa spécificité (plages en clair), est considérée comme une chaîne gratuite.
13 Du point de vue publicitaire la chaîne Canal Plus est communément considérée comme une chaîne gratuite.
14 Il s’agit des campagnes nécessitant une montée en couverture rapide : lancements de produits, opérations événementielles etc.
15 Arrêt du Tribunal, 12 juin 2014, T-286/09, Intel Corp. / Commission, §74 à 79.
16 Si l’augmentation de la quantité fournie se traduit par un coût inférieur pour le fournisseur, celui-ci est, en effet, en droit de faire bénéficier son client de cette réduction par le biais d’un tarif plus favorable. Les rabais de quantité sont donc censés refléter des gains d’efficience et des économies d’échelle réalisées par l’entreprise en position dominante (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203/01, Rec. p. II-4071, point 58).
17 Voir, en ce sens, arrêt Hoffmann-La Roche, point 71 supra, point 90, et arrêt du Tribunal Tomra, point 72 supra, point 209
18 Voir, en ce sens, arrêts Michelin I, point 74 supra, point 73 ; de la Cour British Airways, point 74 supra, points 65 et 67, et Tomra, point 73 supra, point 71
19 La Famille A comprend les secteurs suivants : Boissons (F 01), Alimentation (F 02), Entretien (F 09), Hygiène Beauté (F 10), Automobile Transport (F 11) hors Services et Centres auto (S 110102), Restauration (S 120107), GMS, Hard Discount (S 170103), Ets financiers-assurance (F 18), Services (F 20), Information Média (F 33), Services et offres du Téléphone (S 490101), Fournisseurs d’accès (V 49030101), Convergence (C 4904). La Famille B comprend les secteurs suivants : Habillement – Accessoires – Textiles (F 04), -Appareils Ménagers (F 07), Ameublement - Décoration (F 08), Services et Centres Auto (S 110102), Voyage-Tourisme (F 12) hors Restauration (S 120107), Energie (F 13), Enseignement – Formation (F 15), Edition (F 16), Distribution –VAD (F 17) hors GMS, Hard Discount (S 170103), Jardinage - Bricolage – Agriculture (F 19), Immobilier (F 21), Publicité Financière (F 22), Corporate (F 23), Pharmacie – Médecine (F 26), Audiovisuel – Photo - Cinéma (F 30), Culture et Loisirs (F 32), Télécommunication (F 49) hors Services et offres du Téléphone (S 490101), Fournisseurs d’accès (V 49030101), et Convergence (C 4904), Informatique (dont bureautique- imprimantes) (F 50), Bâtiment Travaux Publics (F 55), Industrie (F 70).
20 […]
21 60 000 000 x 12 % = 7 200 000.
22 Communication de la Commission Européenne – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, §19.
23 Ibid.
24 CJCE, C-85/76, Hoffmann-Laroche/Commission, 13 février 1979, §89
25 CJCE, 322/81, Michelin / Commission, 9 novembre 1983 (Michelin I) et TPICE, T-203/01, Michelin / Commission, 30 septembre 2003 (Michelin II).
26 CJCE, C-95/04, British Airways/Commission, 15 mars 2007.
27 Communication de la Commission Européenne – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, §20.
28 Ibid, §41.
29 Décision de la Commission Européenne, 13 mai 2009, COMP/C-3/37.990 – Intel.
30 Tribunal, 12 juin 2014, T-286/09, Intel Corp. / Commission.
31 Communication de la Commission Européenne – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, §40.
32 Autorité de la Concurrence, 18 décembre 2013, décision n° 13-D-21 relative à des pratiques mises œuvre sur le marché français de la buprénorphine haut dosage commercialisée en ville, § 404.
33 CJCE, C-280/08, Deutsche Telekom/Commission, 14 octobre 2010, §254.
34 Cette part de marché supplémentaire conquise par l’entreprise dominante vient diminuer la partie « disputable » de la demande (cf. infra « test du concurrent aussi efficace »).
35 Communication de la Commission Européenne – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes.
36 Lancements de produits, opérations événementielles etc.
37 […]
38 C’est-à-dire supportant les mêmes coûts.
39 Communication de la Commission Européenne – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes, §41.
40 Qui est défini comme la moyenne des coûts qui auraient pu être évités si l’entreprise n’avait pas produit une unité supplémentaire.
41 Arrêt du Tribunal, 12 juin 2014, T-286/09, Intel Corp. / Commission, §150.
42 Ibid
43 Commission decision of relating to a proceeding under Article 82 of the EC Treaty and Article 54 of the EEA Agreement, 13 May 2009, COMP/C-3 /37.990 – Intel, §1036.
44 “Other cost benchmarks which also take into account fixed costs elements may be more appropriate”, Commission decision of relating to a proceeding under Article 82 of the EC Treaty and Article 54 of the EEA Agreement, 13 May 2009, COMP/C-3 /37.990 – Intel, §1037.
45 Etude Altermind du 27 novembre 2014 concernant les effets anticoncurrentiels des remises de fidélité accordées par TF1, p.25.
46 Ces caractéristiques étant par ailleurs rappelées dans le rapport Lancelot de décembre 2005 concernant « les problèmes de concentration dans les médias » qui relevait que « Si l’élaboration du contenu faisant l’objet de la diffusion mobilise des sommes importantes, la satisfaction d’un consommateur supplémentaire génère, pour sa part, de très faibles coûts marginaux. C’est évidemment vrai pour la radio et la télévision – encore que les dépenses de marketing au sens large ne doivent pas être négligées – mais aussi pour la presse écrite ».
47 Bruce Owen & Steven Wildman, Video Economics, Harvard University Press, 1992.
48 Communication de la Commission – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes.
49 L’analyse a en effet été menée pour chaque équipementier informatique bénéficiant de remises accordées par INTEL dans la mesure où le montant des remises et la fraction pertinente différaient pour Dell, HP, NEC et Lenovo. Commission decision of relating to a proceeding under Article 82 of the EC Treaty and Article 54 of the EEA Agreement, 13 May 2009, COMP/C-3 /37.990 – Intel.
50 On entend par « décile » une portion équivalente à 10% d’investissements publicitaires bruts, les annonceurs étant classés par ordre décroissant sur la base de la totalité de leur dépense publicitaire en télévision.
52 Le taux de transformation de France Télévisions n’est pas précisé eu égard aux limitations s’appliquant à la diffusion de messages publicitaires.