Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 16 septembre 2021, n° 19-26.106

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Besson

Avocat général :

M. Grignon Dumoulin

Avocats :

SARL Cabinet Briard, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Foussard et Froger

Paris, du 4 nov. 2019

4 novembre 2019

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Engie énergie services (la société Engie) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Edom développement et la société Donau immobiliare.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2019), à la suite d'un incendie ayant endommagé certaines des installations de son site, dont elle avait confié la maintenance à la société Cofely, la société Amcor flexibles Packaging France (la société Amcor), assignée en paiement de factures par la société de maintenance, a réclamé reconventionnellement sa condamnation à l'indemniser des préjudices consécutifs à ce sinistre.

3. La société XL Insurance Company Ltd (l'assureur), assureur de dommages de la société Amcor, a, pour sa part, réclamé à la société Cofely, aux droits de laquelle vient la société Engie, le remboursement des indemnités versées à son assurée à la suite de ce sinistre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La société Engie fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise, de la déclarer en conséquence entièrement responsable du sinistre survenu à [Localité 1] le 30 mars 2010, de la condamner à verser à la société Amcor la somme de 597 970 euros et à l'assureur la somme de 995 404 euros, et d'ordonner la compensation aux conditions de l'article 1347 du code civil entre les sommes dues par la société Amcor à la société Engie et celles mises à la charge de cette dernière au profit de la société Amcor, alors :

« 2°/ que les décisions prises par le juge commis ou par le juge chargé du contrôle d'une mesure d'instruction n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande en nullité du rapport d'expertise formée par la société Engie Services en considérant que, par ordonnance du 30 avril 2014, devenue définitive en l'absence d'appel, le juge chargé du contrôle des expertises avait déclaré irrecevables les demandes formées par la société GDF Suez Energie Services, devenue Engie, en remplacement de l'expert et en réouverture de l'expertise ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'ordonnance du 30 avril 2014 n'avait pas autorité de la chose jugée au principal, ce qui autorisait la société Engie Services à solliciter la nullité du rapport d'expertise devant le juge du fond, la cour d'appel a violé l'article 171 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de l'objet précédemment jugé, pour la même cause et entre les mêmes parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise formée par la société Engie Services aux motifs que le juge chargé du contrôle des expertises avait, par ordonnance du 30 avril 2014 devenue définitive, déclaré irrecevables les demandes formées par la société GDF Suez Energie Services, devenue Engie, en remplacement de l'expert et en réouverture de l'expertise et que le premier président de la cour d'appel de Versailles avait, par ordonnance du 11 mars 2015, fixé les honoraires de l'expert en écartant les demandes tendant à diminuer ces honoraires en raison de la mauvaise qualité du rapport, du non-respect des délais impartis et d'un manque d'objectivité et d'impartialité ; qu'elle en a déduit qu'elle n'avait « pas à examiner cette demande en nullité du rapport d'expertise qui a été définitivement jugée » et a confirmé le jugement par substitution de motifs sur ce point ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ni l'ordonnance du 30 avril 2014 ni l'ordonnance du 11 mars 2015 n'avaient tranché la question de la nullité du rapport d'expertise, de sorte qu'elles étaient dépourvues d'autorité de la chose jugée sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile et l'article 1355 du code civil, anciennement l'article 1351 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil et l'article 171 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

6. Selon le second, les décisions prises par le juge de l'expertise commis ou par le juge chargé du contrôle n'ont pas au principal l'autorité de la chose jugée.

7. L'arrêt, pour rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise, relève que par ordonnance prononcée le 30 avril 2014 le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de commerce de Nanterre a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Engie en remplacement de l'expert et en réouverture de l'expertise et que cette ordonnance est définitive en l'absence d'appel.

8. Il relève encore que, de même, par ordonnance du 11 mars 2015, le premier président de la cour d'appel de Versailles a fixé la rémunération de l'expert en écartant les demandes de la société Engie tendant à diminuer le montant de ses honoraires en raison de la mauvaise qualité du rapport, du non-respect des délais impartis et d'un manque d'objectivité et d'impartialité, et que ces griefs exactement repris devant la cour ont ainsi été écartés par une décision ayant autorité de chose jugée.

9. Il en déduit que la cour d'appel n'a pas à examiner la demande de nullité du rapport d'expertise, qui a été définitivement rejetée.

10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que l'ordonnance du 30 avril 2014 du juge chargé du contrôle de l'expertise n'avait pas autorité de chose jugée, d'autre part, que l'ordonnance du 11 mars 2015 ne statuait pas sur une demande de nullité de l'expertise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause l'assureur et la société Amcor, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Engie énergie services à verser à la société XL Insurance Company Ltd la somme de 995 404 euros, l'arrêt rendu le 4 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société XL Insurance Company Ltd et la société Amcor flexibles Packaging France ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.