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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-7, 4 février 2022, n° 20/12231

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

DG Urbans (SARL), Doctegestio (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bel

Conseillers :

Mme Alberti, M. Cattin

Avocats :

Me Lopez, Me Martinez, Me Riquelme

Cons. prud’h. Marseille, du 5 nov. 2020,…

5 novembre 2020

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

La société DG Urbans, société exerçant son activité dans le secteur des résidences de tourisme et l'hôtellerie est une filiale de la société DG Hotels elle-même filiale de la société Doctegestio, nom commercial de la société Avec, société mère ayant pour objet la gestion d'actifs immobiliers, l'exploitation, la commercialisation et le développement d'établissements hôteliers, para-hôteliers et établissements de santé.

X… a été embauchée par l'association Agism au sein de l'hôtel Les Gens de Mer à Marseille à compter du 12 mars 2001. Dans le dernier état de la relation contractuelle elle occupait le poste de réceptionniste et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2 141,60 euros brut en contrepartie de 169 heures de travail mensuel.

A la suite de la liquidation judiciaire de l'Agism par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 mars 2016, le tribunal a ordonné le 30 juin 2016, au profit de la société Coffim (société de promotion immobilière) la cession de l'actif immobilier de l'hôtel Les Gens de la Mer, au profit de la société Doctegestio avec faculté de substitution la cession de différents hôtels de l'association, a ordonné la reprise par la société Doctegestion de102 salariés sur 103 de l'Agism, dont les 12 salariés exerçant au sein de l'hôtel les Gens de la Mer avec la continuation de leur contrat de travail sur un site proche de leur domicile, fixant l'entrée en jouissance au 1er juillet 2016, l'administrateur judiciaire désigné dans le cadre du plan de cession autorisant la continuation temporaire de l'occupation et de l'exploitation de l'hôtel situé à Marseille par la société Doctegestio jusqu'au 29 mars 2017.

La salariée était informée par la société DG Urbans de sa mise en dispense d'activité à compter du 29 mars 2017 et se voyait notifier le 15 décembre 2017 la fin de celle-ci et son nouveau lieu de travail au Lemon Hôtel, sis à Septemes Les Vallons, qu'elle refusait de rejoindre.

La société DG Urbans convoquait la salariée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 5 janvier 2018 puis lui notifiait par courrier du 19 janvier 2018 un licenciement pour faute grave.

Contestant ce licenciement, la salariée a saisi, le 20 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille à l'encontre des sociétés DG Urbans et Doctegestio.

Par jugement en date du 5 novembre 2020, le conseil statuant en formation de départage a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le 30 novembre 2020 la salariée a interjeté appel des chefs de jugement rejetant ses demandes.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2021 la salariée demande à la cour de:

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater que son employeur est la société Doctegestio,

- constater la nullité de la procédure de licenciement établie par la société DG Urbans,

En conséquence

- constater que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Doctegestio au paiement des sommes au titre de rappel de salaire et incidence congés payés, d'indemnité de préavis et incidence congés payés, d'indemnité de licenciement, d'un préjudice supplémentaire, d'une prime TVA 2016 et 2017 ,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière dans les conditions fixées par l'article 1342-3 du code de procédure civile

- ordonner à la société Doctegestio de rectifier l'ensemble des fiches de paye depuis le 1er juillet 2016 et des documents de fin de contrat, concernant l'identité de l'employeur et la date d'embauche, conformément à la décision à rendre, au besoin l'y contraindre sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 10 ème jour suivant la signification de la présente décision,

- condamner la société Doctegestio au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Doctegestio aux entiers dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.

La salariée soutient que la société Doctegestio pouvait transférer le contrat de travail à la société DG Urbans selon les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, mais à l'unique condition d'en avoir été autorisée par le tribunal en raison d'une modification substantielle du plan arrêté, en application de l'article L. 642-6 du code de commerce, à savoir la modification du cessionnaire. Elle ajoute qu'à défaut de cette autorisation, la société Doctegestio est restée son employeur conformément au jugement arrêtant le plan de cession, ce dont il se déduit que le licenciement effectué par la société DG Urbans est sans cause réelle et sérieuse, cette dernière n'ayant pas les pouvoirs de l'employeur.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2021 les sociétés DG Urbans et Doctegestio demandent la confirmation du jugement critiqué et le rejet de toutes les réclamations formées par l'appelante ainsi que sa condamnation aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles exposent que dès le 1er juillet 2016, suite à la cession des actifs de l'Agism et à la reprise de ceux-ci par la société Doctegestio, tous les salariés affectés sur le site de l'hôtel Les Gens de la Mer de Marseille, entité économique autonome, étaient transférés, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à sa filiale la société DG Urbans, pour une exploitation provisoire des lieux jusqu'au 29 mars 2017, les locaux devant ensuite être libérés puisque rachetés par la Coffim. Elles précisent que la salariée a travaillé pour le compte de la société DG Urbans du 1er juillet 2016 au 29 mars 2017, cette société étant devenue son employeur dans le cadre de cette exploitation provisoire. Elles soutiennent le comportement gravement fautif de la salariée qui ne s'est pas présentée sur son nouveau lieu de travail à Septeme-les-Vallons, et ajoutent que la société Doctegestio ne peut être condamnée pour une rupture d'un contrat de travail qu'elle n'a pas prononcé, toutes les demandes indemnitaires étant effectuées à l'encontre de la société Doctegestio.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties la cour renvoie à leurs écritures précitées.

Motifs

Le tribunal a ordonné la cession de l'actif immobilier de l'hôtel Les Gens de la Mer propriété de l'Agism en liquidation judiciaire à la société Coffim, société de promotion immobilière, et la reprise par la société Doctegestio, société de holding ainsi qu'il résulte de l'offre de reprise et de l'extrait Kbis produit, à la tête de sociétés opérationnelles dont la société Urbans est l'une des sociétés hôtelières, des salariés de l'Agism, et la continuation des contrats de travail sur un site proche de leur domicile.

Il est ainsi dans la nature de l'activité de la société Doctegestio de ne pas exploiter elle-même un fonds de commerce, situation clairement exprimée dans l'offre de reprise par voie de cession, et portée à la connaissance du comité d'entreprise, représenté à l'audience.

Ainsi le transfert des contrats de travail par la société Doctegestio à la société DG Urbans à compter de la date d'entrée en jouissance le 1er juillet 2016, est insusceptible de constituer une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan prévue par l'article L642-6 du code de commerce, ou une substitution de cessionnaire , une telle substitution énoncée à l'article L642-9 alinéa 3 et 4 du code de commerce, ne trouvant à s'appliquer qu'aux actifs de l'entreprise, ce que ne sont pas les salariés.

Le moyen de la méconnaissance du plan de cession et de dispositions d'ordre public est rejeté.

Conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Le transfert des contrats de travail à la société DG Urbans est intervenu à la date du 1er juillet 2016 par transfert d'une entité économique autonome exerçant un objectif propre, la société reprenant immédiatement l'exploitation de l'établissement hôtelier des Gens de mer, sis à Marseille, pour lequel avait été obtenue de l'administrateur l'autorisation d'exploiter à titre provisoire, conformément à l'offre de reprise, et au jugement de cession.

Les dispositions de l'article L. 1224-1, par leur caractère légal n'ont pas à être autorisées par une juridiction, de sorte que le moyen d'une méconnaissance du plan de cession de ce chef est également écarté.

Ainsi qu'exactement énoncé par le premier juge, l'exécution de sa prestation de travail par le salarié au profit exclusivement de la société DG Urbans exploitant l'activité hôtelière transférée , dans un lien de subordination avec cette société, moyennant rémunération, et ce dès le 1er juillet 2016, ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire, revêt les conditions d'un contrat de travail entre le salarié et la société DG Urbans de sorte que cette société est devenue immédiatement l'employeur de la salariée à date sus-mentionnée.

C'est dès lors à bon droit que la société DG Urbans a mis en oeuvre son pouvoir de sanction en procédant au licenciement prononcé.

Formées exclusivement à l'encontre de la société Doctegestio les demandes relatives au licenciement sont irrecevables.

En conséquence le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions critiquées avec substitution de motifs.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne X… à payer à la société DG Urbans la somme de 500 euros;

Rejette toute demande autre ou plus ample;

Condamne X… aux dépens d'appel.