Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-14.798
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2011), que, le 3 juillet 2006, la société Unika Computer a été mise en redressement judiciaire ; que, le 20 octobre 2006, le tribunal a arrêté le plan de cession des actifs de cette dernière en faveur de M. X..., avec faculté de substitution au profit de la société Unika multimédia en cours de constitution moyennent le prix forfaitaire de 100 000 euros, dont 40 000 euros pour le stock ; que ce plan prévoyait la poursuite du contrat de crédit-bail immobilier, conclu entre les sociétés Unika Computer et Picardie bail, par le cessionnaire ; que, le 29 janvier 2007, la société Unika Computer a été mise en liquidation judiciaire, la société Y... (le liquidateur) étant désignée liquidateur ; que, courant 2007, le liquidateur a mis en demeure la société Unika multimédia de lui régler la somme de 76 040, 28 euros au titre d'arriérés de loyers de crédit-bail et de taxe foncière pour novembre et décembre 2006, tandis que la société Unika multimédia lui a opposé une compensation liée à ce que la société Unika Computer aurait indûment vendu des pièces du stock compris dans le périmètre des actifs cédés ; que, le 7 juin 2007, le liquidateur a assigné la société Unika multimédia en paiement de la somme de 76 040, 28 euros ;
Attendu que, la société Unika multimédia fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes et de sa condamnation à payer au liquidateur la somme de 76 040, 28 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2007, lesdits intérêts devant être capitalisés à compter du 18 mars 2011, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait que le prix payé dans le cadre d'un plan de cession soit forfaitaire, intangible, et inférieur à la valeur des actifs acquis n'interdit pas au cessionnaire d'agir en responsabilité contre le cédant pour manquement à son obligation de délivrance ; qu'en l'espèce, pour écarter la créance invoquée par le cessionnaire à l'encontre du liquidateur de la société cédante, en raison de la délivrance de stocks ne correspondant pas à ceux indiqués dans l'acte de cession, la cour d'appel s'est contentée de constater que la cessionnaire avait offert, pour ces stocks, un prix très inférieur à celui de la créance invoquée, que ce prix de cession avait été entériné par le tribunal statuant sur le plan de cession et par les actes de cession postérieurs, et que ce prix était intangible et non susceptible de réfaction, même au cas où certains éléments d'actifs devant être cédés ne l'auraient pas été ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la cédante n'avait pas effectivement méconnu le contrat en s'abstenant de délivrer l'intégralité des stocks visés à l'acte de cession, ce qui aurait constitué une faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité peu important que le prix de cession soit forfaitaire, intangible et inférieur à la créance revendiquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 641-9 du code de commerce ;
2°/ qu'en cas de manquement à son obligation de délivrance, le vendeur doit payer à son acheteur une indemnité équivalente à la valeur actuelle de la chose vendue, peu important le prix d'acquisition de cette chose ; qu'en écartant l'existence d'un préjudice dès lors qu'elle ne voyait pas ce que les éléments vendus pouvaient représenter dans le prix de 40 000 euros offert et payé par la cessionnaire pour la reprise du stock, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le manquement de la cédante à son obligation de délivrance ne s'était pas traduit par le fait que le cessionnaire ait été privé de la somme de 153 027, 33 euros, correspondant à la valeur actuelle des stocks qui auraient dû être délivrés, ce qui constituait un préjudice indemnisable peu important le prix de cession du stock, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1149 du code civil et L. 641-9 du code de commerce ;
3°/ que l'autorité de la chose jugée suppose une identité de parties et d'objet ; qu'en l'espèce, le jugement du 20 octobre 2006, auquel ni la société Unika multimédia ni la société Y... n'étaient parties, avait seulement ordonné la cession d'une partie des actifs de la société Unika Computer ; qu'en jugeant que ce jugement était revêtu de l'autorité de la chose jugée dans la présente procédure, opposant la société Unika multimédia et la société Y... à propos de la responsabilité de la dernière au titre d'un manquement à son obligation de délivrance des stocks cédés, c'est-à-dire dans une instance opposant des parties différentes et ayant un objet différent, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
4°/ que le juge doit respecter le contrat conclu par les parties ; qu'en l'espèce, l'acte de cession du 3 août 2007 prévoyant une vente des stocks tels que décrits par l'inventaire du 27 juillet 2006, il interdisait au cédant de disposer d'une partie des stocks décrits dans cet inventaire avant la cession ; qu'en jugeant pourtant que la signature de cet acte par la société cessionnaire permettait d'exclure l'existence de la créance invoquée par cette société en raison du défaut de délivrance d'une partie des stocks cédés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la société Unika multimédia, qui ne conteste pas sa dette à l'égard de la société Unika Computer à concurrence de 76 040, 28 euros, prétend être créancière de celle-ci à concurrence de 153 027, 33 euros, correspondant au prix de revient de la partie du stock de pièces détachées, compris dans le périmètre de la cession, indûment vendue avant la prise d'effet de celle-ci, le 2 novembre 2006 ; qu'ayant relevé que l'inventaire du 27 juillet 2006 a estimé la valeur d'exploitation du stock de la société Unika Computer à 1 286 239 euros, tandis que la société Unika multimédia n'a offert, pour la reprise de ce stock, qu'un prix de 40 000 euros, dans le cadre d'une cession des actifs de la société débitrice pour un prix forfaitaire total de 100 000 euros, l'arrêt en déduit que la cessionnaire, en invoquant sa créance liée à la vente indue d'une partie du stock avant la date d'effet de la cession, souhaite obtenir le paiement d'une somme près de trois fois supérieure à ce prix et une fois et demi plus élevée que le prix de cession total ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui en a déduit que la demande de la société Unika multimédia tendait à contourner l'interdiction de modifier le prix de cession qu'elle savait intangible et non susceptible de réfaction, peu important que certains des éléments d'actifs n'aient pas été cédés, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société Unika multimédia ne conteste ni le principe ni le montant de sa dette de 76 040, 28 euros envers la société Unika Computer ; qu'il retient qu'il ne trouve pas, dans le dossier, les éléments lui permettant de déterminer le préjudice pouvant avoir été subi par la société Unika multimédia, les pièces qu'elle produit n'étant pas de nature à établir ce que les éléments vendus peuvent représenter dans le prix de 40 000 euros qu'elle a offert et payé pour la reprise du stock dans le cadre de la cession des actifs de la société Unika Computer pour un prix forfaitaire total de 100 000 euros ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel, écartant ainsi dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation l'existence du préjudice allégué par la société Unika multimédia, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.