Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-16.978
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Piwnica et Molinié
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2012), que le 31 décembre 2001, les actionnaires de la société d'expertise comptable Fidegi ont cédé les actions représentant le capital de cette société à la société Fiduciaire d'Ile-de-France et de Champagne-Ardenne (la société Fifca), la cession étant assortie notamment d'une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans ; qu'estimant qu'une société dénommée Arantel consult (la société Arantel), créée le 4 juillet 2001 avec pour seuls associés deux enfants de l'ancien président du conseil d'administration de la société Fidegi, M. X..., et celui d'un ancien administrateur, Mme Y..., exerçait une activité d'expertise comptable au profit des anciens clients de la société Fidegi en violation des engagements pris, la société Fifca, venant aux droits de cette dernière, a obtenu la désignation d'un expert, puis assigné en dommages-intérêts les cédants ainsi que la société Arantel ;
Attendu que la société FIFCA reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de nullité de l'expertise alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour garantir le caractère contradictoire de la procédure, l'expert doit convoquer les parties à toutes les réunions d'expertise et leur présenter les pièces dont il entend faire état dans son rapport ; que les dérogations à cette règle dans le déroulement des opérations d'expertise doivent être strictement limitées à ce qui est évidemment nécessaire ; qu'en se bornant à affirmer que la visite de l'expert dans les locaux de la société Arantel et de M. X... effectuée hors la présence de la société FIFCA était justifiée par le secret professionnel attaché aux pièces qu'il entendait consulter, et que ce procédé avait été avalisé par le conseiller en charge du contrôle de expertises, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si à l'occasion de cette visite, l'expert n'avait pas mené des investigations non limitées aux activités d'expert judiciaire de M. X... seules couvertes par un éventuel secret professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 160 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que l'expert est tenu de soumettre aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il a procédé hors leur présence afin de leur permettre d'en débattre contradictoirement avant le dépôt du rapport ; qu'en se bornant à affirmer que ce procédé de consultation par l'expert hors la présence des parties de certaines pièces était justifié par la nécessité de respecter le secret professionnel et avait été préalablement avalisé par le conseiller en charge du contrôle des expertises, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si l'expert avait ensuite communiqué avant le dépôt du rapport à la société FIFCA tous les éléments recueillis hors sa présence pour lui permettre d'en prendre connaissance et d'en débattre contradictoirement en temps utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 160 du code de procédure civile ;
3°/ que l'expert doit annexer au rapport non seulement les dires des parties, mais aussi tous les documents permettant de vérifier la validité et le sérieux de son expertise ; qu'en affirmant que le défaut total d'annexes du rapport n'entraîne pas pour autant la nullité de celui-ci lorsque les parties ont été à même de formuler leurs observations sur les opérations d'expertise et que l'expert y a répondu dans son rapport, la cour d'appel a violé les articles 16 et 276 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que, quel que soit l'objet de la mission dont il est chargé par contrat, l'expert-comptable est tenu à un secret professionnel absolu à raison des faits qu'il n'a pu connaître qu'en raison de la profession qu'il exerce ; qu'ayant retenu que si l'expert, dans le cadre de sa mission, s'est rendu seul au cabinet de la société Arantel pour examiner certaines pièces, c'est en raison du secret professionnel attaché aux pièces de la comptabilité qu'il souhaitait consulter dans le cadre de son expertise, faisant ainsi ressortir que les investigations de l'expertise au cabinet de la société Arantel avaient été limitées aux activités d'expert judiciaire de M. X... seules couvertes par le secret professionnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que les parties ont été à même de formuler leurs observations sur les opérations d'expertise et que l'expert y a répondu dans son rapport ; qu'en l'état de ces constatations dont il résulte que l'expert a soumis aux parties les résultats des investigations auxquelles il avait procédé hors leur présence, de sorte qu'elles ont été à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que l'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile n'entraîne la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; que la société FIFCA n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que l'irrégularité qu'elle invoquait lui avait causé un grief, le moyen pris de cette irrégularité est inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.