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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 13 avril 2021, n° 19/21652

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gimar & Cie (SCA), Gimar Participation (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Texier, Mme Dubois-Stevant

Avocats :

Me Pachalis, Me Terryn, Me Winter, Me Valat

T. com. Paris, du 1 mars 2016, n° 201504…

1 mars 2016

FAITS ET PROCÉDURE :

La société en commandite par actions, E X B, qui a comme unique associé commandité, la société E I, et une quinzaine d'associés commanditaires, qui sont des investisseurs institutionnels, exerce une activité de conseil aux opérations d'acquisition ou de cession d'entreprises ou de branches d'entreprise et plus généralement une activité de conseil stratégique et financier dans les différents secteurs de l'économie.

Elle a embauché M. A, suivant contrat du 11 octobre 2011 à durée déterminée de 18 mois, en qualité de cadre supérieur moyennant une rémunération annuelle brute de 180.000 euros outre une rémunération variable de 15% sur les revenus facturés au cours de l'année ou facturables dans les 12 mois suivants et résultant pour la société des affaires auxquelles il aurait contribué.

Conformément à ce qui avait été envisagé dans son contrat de travail, M. A a été nommé en mars 2013, gérant de la société E X B, sa rémunération comprenant une part fixe, à savoir 19.456 euros HT par mois et un complément variable calculé sur l'ensemble des commissions hors taxes facturées dans l'exercice provenant des affaires, dont il aurait été à l'origine, comprenant notamment l'ensemble des commissions de succès relatives aux mandats dont il serait signataire, selon 3 tranches progressives.

Le contrat prévoyait également que, dans l'hypothèse où il serait mis fin aux fonctions de gérant à l'initiative de la société E I, pour quelque motif que ce soit ne correspondant pas à une faute lourde, M. A bénéficierait d'une durée de préavis d'un mois et conserverait le bénéfice de sa rémunération variable sur les commissions de succès qui seraient éventuellement facturées dans les 12 mois qui suivraient son départ, selon le barème prévu.

A la suite de deux exercices déficitaires en 2014 et 2015, M. D, président du collège de gérance de la société a démissionné et été remplacé par M. G, tandis que concomitamment étaient évoquées avec M. A les modalités de sa rémunération variable pour l'avenir.

Par courrier du 30 avril 2015, la société E I a fait savoir à M. A qu'elle envisageait de mettre fin à ses fonctions de gérant de la société E X B et l'a convoqué le 6 mai suivant pour que puisse se tenir une discussion contradictoire sur ce sujet, ce rendez-vous ayant été reporté au 20 mai 2015.

Le 21 mai 2015, la société E I a notifié à M. A qu'elle avait décidé de mettre fin aux fonctions qu'il occupait au sein de la société E X B Z

M. A a contesté les motifs et les conditions de sa révocation et a sollicité le paiement de sa rémunération variable.

Le 30 juin 2015, la société E X B a fait savoir à M. A qu'elle ne pouvait régler les deux factures d'un montant respectif de 119.625 euros et 27.000 euros qu'il lui avait adressées car il ne justifiait pas de son 'rôle moteur exclusif dans l'obtention d'un dossier justifiant une rémunération exceptionnelle qualifiée en l'espèce de rémunération variable' et qu'il lui appartenait de lui faire parvenir pour chacun des dossiers pour lesquels il prétendait à une rémunération variable une note détaillée de nature à justifier du bien-fondé de sa réclamation.

Elle lui a par ailleurs rappelé que sa révocation n'avait pas à être motivée et a contesté son caractère brutal et vexatoire.

C'est dans ce contexte que le14 août 2015, M. A a fait assigner les sociétés Gimar & Cie et E I devant le tribunal de commerce de Paris afin, d'une part, de les voir condamner au paiement des deux factures de 119.625 euros et 27.000 euros, au titre des exercices 2014 et 2015, à la communication des facturations de la société ainsi qu'au paiement des commissions facturées sur certains mandats dont il était signataire ou qui avaient été originés par ses soins, d'autre part de les voir condamner à des dommages intérêts pour révocation abusive.

Par jugement du 1er mars 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné solidairement la société E X B et la SAS Gimar Participation à payer à M. A l'intégralité du montant des factures, soit 119.625 euros, au titre de l'exercice 2014, et 27.000 euros, au titre de l'exercice 2015, majoré des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 juillet 2016, ordonné aux sociétés Gimar & Cie et E I de communiquer à M. A tous les 3 mois à partir du 21 mai 2015 jusqu'au 21 mai 2016, une copie du journal comptable des facturations de la société certifiée par le commissaire aux comptes de la société, sous astreinte de 2.000 euros par mois de retard à compter d'un mois suivant la fin de chaque trimestre, laissé au juge de l'exécution le soin de liquider l'éventuelle astreinte, condamné solidairement les sociétés Gimar & Cie et E I à verser à M. A la somme de 116.736 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive, ainsi que celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les sociétés Gimar & Cie et E

Participation aux dépens.

Sur appel des sociétés Gimar & Cie et E I, la cour d'appel a, par arrêt du 14 septembre 2017, confirmé le jugement entrepris concernant les condamnations à rémunération variable de 119.625 euros et 27.000 euros, y a ajouté une somme de 18.000 euros et a dit que ces sommes devaient être payées par la seule société E X B, a infirmé le jugement en ce qu'il avait retenu que la révocation de M. A était intervenue dans des circonstances brutales et vexatoires, mais retenu que cette révocation n'avait pas respecté le principe du contradictoire et, sur ce fondement, a condamné la société E I au paiement de 60.000 euros de dommages et intérêts au titre de la révocation abusive, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum les sociétés Gimar Participation et E& compagnie aux dépens.

Les sociétés Gimar & Cie et E I ont régularisé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt. M. A a formé un pourvoi incident.

Par arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement en ses dispositions ayant condamné la société E I à payer à M. A une indemnité au titre de sa révocation abusive et l'infirmant sur le montant des dommages intérêts, a condamné la société E I à payer à M. A la somme de 60.000 euros au titre de sa révocation abusive, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017 entre les parties par la cour d'appel de Paris, remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Les sociétés Gimar & Cie et E I ont saisi la cour de renvoi le 22 novembre 2019.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22/09/2020 les sociétés Gimar & Cie et E I demandent à la cour, réformant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er mars 2016, de mettre hors de cause la société E X B pour ce qui est des conséquences éventuelles de la révocation des fonctions de gérant de M. A, de dire que M. A a été régulièrement révoqué par la société E I de ses fonctions de gérant conformément aux dispositions de l'article L 226-2 alinéa 3 du code de commerce et de l'article 11-2 des statuts de la société E X B, ce faisant juger que la société E I n'a pas manqué à ses obligations de loyauté, la révocation étant intervenue dans le respect du principe du contradictoire, constater que l'arrêt du 14 septembre 2017 n'est pas remis en cause par l'arrêt de la Cour de cassation en ce qu'il a rejeté les prétentions de M. A relatives au caractère brutal et vexatoire de sa révocation, dire en conséquence M. A irrecevable dans sa demande tendant à voir reconnaître à sa révocation un caractère vexatoire, subsidiairement, dans le cas où il serait estimé que tel n'est pas le cas, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la révocation de M. A était intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, plus subsidiairement réduire à l'euro symbolique toute éventuelle condamnation au profit de M. A en conséquence de sa révocation, concernant le paiement d'une somme de 74.509,87 euros dire M. A irrecevable et subsidiairement mal fondé en cette demande à l'encontre de E X B, condamner M. A à restituer à la société E I la somme de 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la perception de cette somme, à payer à la société E I 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et ce 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 12/10/2020 M. A demande à la cour de le recevoir en ses conclusions d'intimé, le dire bien fondé, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société E I au titre de sa révocation vexatoire, à titre principal, infirmer partiellement le jugement et statuant à nouveau, condamner la société E I à lui verser la somme de 233.472 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire de sa révocation, subsidiairement, confirmer le jugement entrepris, condamner la société E I à lui verser la somme de 116.736 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire de sa révocation avec intérêts au taux légal et anatocisme, à compter du jugement, condamner solidairement la société E X B et la société E I à lui payer la somme complémentaire de 74.509,87 euros relative aux commissions facturées par les sociétés dans les douze mois suivant sa révocation relatives aux mandats Scor avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2019 date de la première mise en demeure, débouter la société E I de toutes ses demandes, condamner la société E I à lui verser 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, qui comprendront tous les frais d'huissier relatifs à l'exécution du jugement de première instance et à ceux qui seraient nécessaires pour l'exécution de l'arrêt à intervenir .

SUR CE

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les sociétés Gimar & Cie et E I n'ont pas repris dans le dispositif de leurs conclusions qui saisissent la cour, leur demande tendant au rejet des débats des pièces 1 à 71. Il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer sur ce point.

- Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi

La cour doit fixer le périmètre de sa saisine dès lors que les sociétés Gimar & Cie et E I soutiennent que M. A est irrecevable devant la cour de renvoi à former des demandes indemnitaires fondées sur le caractère brutal et vexatoire de sa révocation et à solliciter leur condamnation au titre de sa rémunération variable, ces points ayant été définitivement jugés par la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

Selon l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Devant la Cour de cassation, les sociétés Gimar & Cie et E I ont développé deux moyens de cassation. Dans le premier, en quatre branches, elles ont critiqué l'arrêt confirmatif du jugement en ce qu'il a condamné la société E X B à payer à M. A la somme de 119.625 euros et celle de 27.000 euros au titre de la rémunération variable pour respectivement les exercices 2014 et 2015 et condamné la société E X B à payer à M. A la somme de 18.000 euros au titre de la rémunération variable pour la période postérieure à sa révocation, en soutenant, en substance, que les juges du fond avaient dénaturé les éléments de la cause et n'avaient pas appliqué le contrat qui faisait la loi des parties.

Leur second moyen, en trois branches, faisait grief à l'arrêt de condamner la société E I à payer à M. A la somme de 60 000 euros pour la révocation abusive de son mandat de gérant, alors que le principe de la contradiction implique seulement que le dirigeant soit informé dans un délai raisonnable de la révocation envisagée à son encontre pour lui permettre de préparer sa défense et de présenter ses observations devant l'organe compétent pour le révoquer et que 1) M. A avait le 30 avril 2015 été convoqué à un entretien le 6 mai 2015 reporté au 20 mai suivant, la convocation mentionnant que sa révocation était envisagée, 2) que le dirigeant avait disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense, 3) que la cour avait dénaturé les termes du courriel du 3 mai 2015 en considérant qu'il sous entendait que la révocation de M. A n'était pas à l'ordre du jour.

M. A a formé un pourvoi incident faisant grief à l'arrêt d'infirmer le jugement sur le montant des dommages intérêts alloués au titre de la révocation abusive et de condamner la société E I à payer une somme limitée à 60 000 euros à ce titre, son pourvoi soutenant par un moyen unique en deux branches que le caractère brutal et vexatoire d'une révocation constitue une faute ouvrant droit à réparation lorsqu'elle cause un préjudice au gérant qui en est la victime et qu'en estimant que la privation presque immédiate de l'accès de M. A à la ligne téléphonique, à la messagerie professionnelle et aux locaux était justifiée a posteriori par le fait qu'il ait transféré des fichiers de son poste informatique professionnel vers sa messagerie personnelle sans vérifier, comme elle était pourtant invitée à le faire, 1) si ces transferts ne correspondaient pas à des éléments personnels et à des éléments destinés à assurer sa défense dans le cadre du contentieux à venir, 2) si la ligne téléphonique de M. A était dépendante de sa messagerie mail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 1er février 2016,

Statuant sur ces pourvois, la Cour de cassation a:

- dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident qui n'étaient pas de nature à entrainer la cassation,

- dans le dispositif de la décision, rejeté le pourvoi incident et, sur le pourvoi principal pris en son second moyen et sa première branche, cassé et annulé l'arrêt 'mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ses dispositions ayant condamné la société E I à payer à M. A une indemnité au titre de sa révocation abusive et, l'infirmant sur le montant des dommages intérêts, condamne la société E I à payer à M. A la somme de 60.000 euros au titre de sa révocation abusive'.

Dès lors que l'arrêt d'appel du 14 septembre 2017 a statué par un seul chef de dispositif sur le caractère abusif de la révocation de M. E et que ce chef de dispositif a été cassé par l'arrêt du 23 octobre 2019, M. A est recevable à demander à la cour de renvoi de statuer à nouveau sur le caractére abusif de la révocation au regard des circonstances brutales et vexatoires et du caractère non contradictoire de la procédure de révocation qu'il allègue

S'agissant de la demande relative aux sommes dues au titre de sa rémunération variable, M. A soutient que la société E X B a émis d'autres factures sur Scor, sur lesquelles il a lui-même calculé sa rémunération dans une nouvelle facture, émise postérieurement à l'arrêt rendu par la Cour de cassation.

Cette demande doit être déclarée recevable au visa combiné des articles 631 et 633 du code de procédure civile selon lesquels devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation et la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée, et de l'article 566 du même code qui dispose que sont recevables en appel les demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

- Sur la demande formée au titre de l'abus du droit de révocation

Aux termes de l'article L. 226-2 du code commerce, le gérant d'une société en commandite par actions est révocable dans les conditions prévues aux statuts.

En l'espèce, l'article 11-2 des statuts de la société E X B prévoit que ' les fonctions d'un gérant prennent fin à l'expiration de son mandat, par son décès, son incapacité, sa démission, sa révocation, ou l'impossibilité durable d'exercer ses fonctions.

Un gérant ne peut être révoqué que par décision unanime de tous les associés commandités.'

Il se déduit de ces stipulations que les statuts ne prévoient que cette seule exigence et que, notamment, la révocation du gérant pouvait intervenir à tout moment et qu'elle n'avait pas à être motivée

Il est constant que M. A, qui ne discute pas qu'il était révocable ad nutum, a été révoqué par décision de l'unique associé commandité, c'est à dire la société E J

Le 19 décembre 2014 le collège de gérance s'est réuni et son président, M. D, a relevé que les mauvais résultats devaient faire réfléchir la gérance, s'est interrogé sur le point de savoir à quel niveau la part variable de la rémunération du personnel devait être fixée et a soulevé la question du mode de rémunération de la gérance.

Par courrier recommandé du 30 avril 2015, la société E I, sous la signature du président du conseil de surveillance M. D, a fait savoir à M. A qu'elle envisageait de mettre fin à ses fonctions de gérant de la société E X B et l'a convoqué le 6 mai à 15h 30 pour que puisse se tenir une discussion contradictoire sur ce sujet.

Par mail en date du 5 mai 2015, M. D a confirmé à M. A que ce rendez-vous était, à sa demande, reporté au 20 mai 2015 à 15h30. L'entretien a bien eu lieu le 20 Mai 2015.

Par mail et par courrier recommandé en date du 21 mai 2015, la société E I a notifié à M. A qu'elle avait décidé de mettre fin aux fonctions de gérant qu'il occupait au sein de la société E X B, en précisant 'cette décision qui n'a pas à être motivée, est à effet immédiat. Elle fait en conséquence courir votre préavis contractuel de un mois que vous êtes dispensé d'effectuer (...) Je vous confirme ce que je vous ai verbalement indiqué lors de notre dernier entretien du 20 mai : il me faut constater en effet que vous êtes systématiquement impliqué, y compris tout récemment encore, dans des difficultés relationnelles opposant les personnes, incompatibles avec l'esprit d'équipe et la cohésion qui doivent animer une structure collégiale comme celle de E X B. L'entreprise ne peut pas consacrer un temps et une énergie aussi importante à gérer des conflits dans lesquels de fait votre nom est associé et qui ont eu pour effet de vous isoler en son sein. Il vous appartenait par ailleurs, en qualité de gérant, de générer un courant d'affaires significatif dans l'intérêt de l'entreprise et force est de constater que les mandats que vous avez pu initier et qui ont abouti depuis votre arrivée, il y a quelques années, sont très insuffisants au regard de ce que l'entreprise est en droit d'attendre d'un gérant, de son statut et de son niveau hiérarchique. Cette insuffisance de résultat est d'ailleurs pour une bonne part à l'origine des pertes constatées par l'entreprise en 2014".

M. A a contesté les motifs et les conditions de sa révocation par lettre recommandée du 21 juin 2015 et indiqué observer que les agissements dont il était victime faisaient suite à la nomination de M. G à la présidence du collège de gérance en janvier dernier et à la mise en cause par celui ci du calcul de sa rémunération variable due au titre de l'exercice 2014 et que sa convocation, le 30 avril, à un entretien contradictoire coïncidait curieusement avec la contestation du montant de sa rémunération, laquelle avait été suivie de plusieurs entretiens visant à faire pression pour (qu'il ) accepte des modifications dans le calcul de ( sa) rémunération prévue par (son) contrat de gérance' .

Il ressort des pièces ci-dessus décrites, que M. A a été préalablement informé du projet de révocation envisagée à son encontre, qu'il a été convoqué à un entretien préalable et contradictoire, dont la date a été repoussée à sa demande, de sorte qu'il a bénéficié d'un délai de 3 semaines pour préparer sa défense, qu'il a été informé au cours de l'entretien des motifs fondant la décision de révocation, qui sont rappelés dans la lettre du 21 mai 2015 et dont la cour n'a pas à apprécier la valeur, et a été mis en mesure de présenter ses observations devant l'organe compétent pour décider de mettre fin à ses fonctions, avant que la décision ne soit prise.

Ainsi la révocation n'a pas été décidée brutalement sans respect du contradictoire et la société E I n'a pas manqué à l'obligation de loyauté dans l'exercice de son droit de révocation.

M. A soutient également que sa révocation est intervenue dans des conditions vexatoires en ce qu'il a été invité à quitter les locaux dans l'heure, en ce que la ligne de son téléphone portable a été coupée le jour même, tout comme son accès aux locaux et au parking et quasi immédiatement l'accès à sa boîte mail, l'empêchant d'annoncer son départ et aucun message d'erreur n'étant retourné à ses clients.

La société E I conteste tout comportement vexatoire, soutenant que M. A ayant été dispensé de préavis n'avait pas à conserver les moyens de communication mis à sa disposition par l'entreprise dont il n'avait plus l'usage et ce d'autant qu'à réception de la lettre du 30 avril 2015 l'informant de son éventuelle future convocation, il s'était empressé de transférer sur sa messagerie personnelle un ensemble de fichiers de l'entreprise.

La société Aamsert, prestataire informatique de la société E X C, qui a procédé à la sauvegarde du disque dur du poste informatique de M. A, atteste d'un transfert d'un ensemble de fichiers de ce poste informatique vers l'adresse mail 'ochazelas@....' le 21 mai 2015.

C'est dans ce contexte que la société a informé M. A le 26 mai, que s'il pouvait conserver l'usage du véhicule de la société durant son préavis, en revanche sa ligne de téléphone comme l'accès à son ancienne messagerie professionnelle avaient été suspendus pour éviter que le transfert des données, qui avait été constaté, ne prenne plus d'ampleur. Il était par ailleurs invité à prendre contact pour récupérer ses effets personnels et restituer le badge d'accès à l'entreprise.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la privation très rapide des moyens de communication qui avaient été mis à disposition par l'entreprise se justifiait dans le contexte qui vient d'être décrit, par la nécessité dans laquelle se trouvait la société de préserver ses données. La dispense de préavis ne constitue pas davantage une mesure vexatoire.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit la révocation de M. A abusive et a condamné solidairement les sociétés Gimar&Cie et E I à lui verser de ce chef 116.736 euros de dommages et intérêts.

- Sur la demande de paiement de la somme de 74.509,87euros

M. A sollicite la condamnation de la société E I à lui payer une somme complémentaire de 74.509,87 euros au titre des commissions facturées par les sociétés dans les douze mois suivant sa révocation, relatives aux mandats Scor, avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2019 date de la première mise en demeure.

Il expose être le signataire du mandat Scor ce que la Cour de cassation a , selon lui, définitivement jugé, et qu'il a découvert par la production du journal comptable dans le cadre d'une procédure engagée devant le juge de l'exécution, que la société E X B avait émis deux factures auprès de la Scor relativement à ce mandat, l'une le 9 juin 2015, d'un montant de 258.952,50 euros, l'autre en date du 14 avril 2016, d'un montant de 237.750euros et qu'il a attendu la décision de la Cour de cassation avant de facturer, le 26 décembre 2019, sa rémunération pour un montant égal à 15% des commissions.

La société E X B réplique que la facture du 30 juin 2014 d'un montant de 562.500 euros, qui était visée dans la facture émise par M. A, avec d'autres, au soutien de sa demande relative à sa rémunération variable d'un montant de 119.625euros au titre de l'exercice 2014, a, suite à une contestation de la société Scor, fait l'objet d'un avoir du même montant le 9 juin 2015, que le même jour, elle a émis une facture d'un montant de 258.952,50 euros, puis une autre, le 14 avril 2016, d'un montant de 237.780 euros et que ce total de 496.732 euros se substitue à celui initial de 562.500 euros. Elle relève que M. A n'a pas réclamé cette somme devant la cour d'appel alors qu'il a sollicité et obtenu le paiement d'une somme supplémentaire de 18.000 euros au titre d'un autre mandat.

Il est constant que M. A a émis une facture n°G2015 /07 relative à sa rémunération variable au titre de l'exercice 2014, laquelle intègre, au titre du 'mandat SCOR du 16 10/2013 et avenant du 20/12/2014", la facture GF 2014/14 du 30/06/2014 d'un montant de 562.500 euros et qu'il a définitivement été jugé qu'il avait droit au paiement de la somme de 119.625 euros, intégrant sa rémunération sur cette facture.

M. A, qui expose devant la cour de renvoi avoir découvert les deux nouvelles factures émises sur la société Scor à l'occasion de la transmission du journal comptable de la société le 19 septembre 2016, ne s'explique pas sur les raisons qui ont fait qu'il n'a pas demandé une rémunération complémentaire devant la première cour d'appel, alors qu'il l'a fait pour les facturations de la RATP, et pourquoi, il a attendu l'arrêt de la Cour de cassation, pour émettre une facture en décembre 2019, alors qu'il soutient que sa demande est distincte de ses prétentions originelles.

Quoiqu'il en soit, il résulte des pièces versées aux débats par la société E X B, en particulier de l'attestation de l'expert-comptable de la société E Y que cette facture n'a pas été payée par la société Scor, ayant donné lieu à un avoir du même montant avant établissement de nouvelles factures pour un montant inférieur. M. A ne justifie pas que les deux autres factures, qui elles, ont été acquittées par Scor, d'un montant total de 496.732,50 euros, sont relatives à d'autres prestations que celles initialement facturées.

Il s'ensuit que M. A, qui a été payé de ses commissions sur la base d'une facture qui a fait l'objet d'un avoir et qui ne justifie pas de son droit à rémunération supplémentaire au titre des nouvelles factures, doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 74.509,87 euros.

- Sur les demandes des sociétés demanderesses à la saisine

M. A ayant été débouté au fond de ses demandes indemnitaires fondées sur le caractère abusif de sa révocation, et de sa demande en paiement de la somme de 74.509,87 euros, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause, respectivement, la société E X B et la société E J

La restitution de la somme de 60.000 euros est une des conséquences du débouté de M. A de ses demandes indemnitaires fondée sur l'abus du droit de révocation. Les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la date du présent arrêt qui rend indue la perception de cette somme.

En faisant exécuter le jugement qui était assorti de l'exécution provisoire, M. A n'a commis aucune faute préjudiciable au détriment de la société E I, laquelle au surplus a saisi le juge de l'exécution pour préserver ses droits. La société E I sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. A, partie perdante, sera condamné aux dépens comprenant ceux de l'arrêt cassé, et ne peut prétendre à l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande au contraire de le condamner, comme elle seule le demande à verser la somme de 3000 euros à la société E J

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la cassation,

Déclare recevables les demandes formées par M. A tendant à la confirmation du jugement, en ce qu'il a condamné la société E I au titre de sa révocation vexatoire et à l'infirmation partielle du jugement et à la condamnation de la société E I à lui verser la somme de 233.472 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire de sa révocation, à la confirmation subsidiaire du jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société E I à lui verser la somme de 116.736 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts et anatocisme, en raison du caractère vexatoire de sa révocation,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la révocation de M. A était abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. A de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif, vexatoire et non contradictoire de sa révocation et sur le manquement allégué au devoir de loyauté,

Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 60.000 euros que M. A devra restituer à la société E I, courront à compter du présent arrêt,

Déclare recevable la demande en paiement de la somme de 74.509,87 euros formée par M. A,

Déboute M. A de sa demande relative au paiement de la somme de 74.509,87 euros, à titre de rémunération variable complémentaire,

Condamne M. A à verser à la société E I la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande des parties,

Condamne M. A aux dépens, comprenant ceux de l'arrêt cassé, et admet l'avocat concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.