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Décisions

Cass. 2e civ., 15 avril 2021, n° 20-11.077

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Kermina

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Papeete, du 21 nov. 2019

21 novembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 21 novembre 2019), deux porteurs de parts de la société civile agricole de Hamuta (la société), Mme [R] [W] et M. [X] [Y], ont assigné devant le tribunal civil de première instance la société, ainsi que sa gérante, Mme [O] [F], en vue de voir prononcer sa révocation, voir désigner un administrateur ad hoc pour la gestion courante de la société et pour convoquer une assemblée générale, et voir confier à cet administrateur une mission d'expertise.

2. Mme [W] et M. [Y] ont interjeté appel du jugement ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [Q] [F], co-gérant, les ayant déboutés de leurs demandes et les ayant condamnés au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [W] et M. [Y] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande nouvelle en cause d'appel, relative à l'incompatibilité de la qualité de fonctionnaire de Mme [F] et de M. [F] avec l'activité de gestion de la société civile agricole, de les débouter de leurs demandes, et de faire droit à la demande reconventionnelle de la SCA, de Mme [F] et de M. [F] du chef d'abus de droit d'ester en justice, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en l'espèce, le fait d'invoquer l'incompatibilité entre la qualité de fonctionnaire de Mme [O] [F] avec son activité de gestion de la société civile agricole de Hamuta ne constituait pas une prétention nouvelle, mais constituait un moyen nouveau à l'appui de la demande initiale de révocation de la gérante pour cause légitime ; qu'en qualifiant de demande nouvelle cette argumentation, pour la juger irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 346-2 du code de procédure civile de Polynésie française, ensemble l'article 349 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 346-2 et 349 du code de procédure civile de la Polynésie française :

4. Aux termes du premier de ces textes, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. Selon le second, les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme [W] et de M. [Y], relative à l'incompatibilité de la qualité de fonctionnaire de Mme [F] et de M. [F] avec l'activité de gestion de la société civile agricole, l'arrêt retient que la demande est nouvelle en cause d'appel et comme telle irrecevable.

6. En statuant ainsi, alors qu'en sollicitant de la cour d'appel qu'il soit dit et jugé que l'activité de gestion de la société était incompatible avec la qualité de fonctionnaires de Mme [F] et de M. [F], les appelants formulaient, à l'appui de leur demande tendant, comme en première instance, à la révocation pour cause légitime des fonctions des gérants, un moyen nouveau présenté pour justifier en appel les prétentions soumises au premier juge, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mme [W] et M. [Y] font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de faire droit à la demande reconventionnelle de la SCA, de Mme [F] et de M. [F] du chef d'abus de droit d'ester en justice, alors « que la cour d'appel ne peut confirmer la décision des premiers juges par voie d'adoption de motifs sans avoir préalablement examiné tous les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle par l'appelant au soutien de ses prétentions, dont les premiers juges n'ont pu par hypothèse connaître ; qu'en conséquence, en se bornant à affirmer qu'il résultait « des pièces versées aux débats, décrites et analysées avec précision dans le jugement querellé, que le premier juge a parfaitement motivé sa décision, par des motifs pertinents, complets et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte », sans examiner aucun des dix nouveaux éléments de preuve produits à hauteur d'appel par les appelants, notamment le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire en date du 17 décembre 2015 et le courrier du 6 juin 2013 adressé à M. [Z], notaire, dont ils s'étaient expressément prévalus dans leur requête d'appel, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 268 et 346-2 du code de procédure civile de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 268 du code procédure civile de la Polynésie française :

8. Il résulte de ce texte que les jugements doivent être motivés.

9. Pour débouter Mme [W] et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et faire droit à la demande reconventionnelle de la société, de Mme [F] et de M. [F] du chef d'abus de droit d'ester en justice, l'arrêt retient que, s'agissant des demandes relatives à la révocation des fonctions de gérant de Mme [O] [F] sur le fondement d'une cause légitime, ou sur le fondement de l'atteinte à l'intérêt social, il résulte des pièces versées aux débats, décrites et analysées avec précision dans le jugement querellé, que le premier juge a parfaitement motivé sa décision, par des motifs pertinents, complets et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte.

10. En statuant ainsi, par des motifs dont il ne résulte pas que la cour d'appel a examiné les nouvelles pièces produites à titre probatoire par les appelants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée.