Cass. 1re civ., 6 juillet 2022, n° 21-12.545
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Mornet
Avocats :
SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2020), le 19 janvier 2010, M. et Mme [D] (les acquéreurs), assurés par la société Assurances du crédit mutuel IARD, ont acheté auprès de la société Privilège (le vendeur), assurée auprès de la société Axa France IARD, une table de cuisson fonctionnant au gaz et recouverte d'une plaque de décor en verre, produite par la société Electrolux Home Products France (le producteur).
2. Le 1er avril 2015, la plaque a explosé et leur fille mineure, [L] [D], a été brûlée par des morceaux de verre incandescents.
3. Après une expertise amiable de la plaque diligentée à la demande de leur assureur et une expertise médicale de l'enfant ordonnée en référé, les acquéreurs, agissant en leur nom personnel et qualité de représentants légaux de leur fille mineure, et leur assureur, ont assigné le vendeur, son assureur et le producteur en responsabilité et indemnisation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. La caisse primaire d'assurance maladie de Toulon a été mise en cause.
4. Le producteur a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. La société civile professionnelle [X] [P] [J], agissant en la personne de M. [J], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire, et la société V&V Associés, agissant en la personne de M. [S] [I], en qualité d'administrateur judiciaire, sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. Le producteur, le commissaire à l'exécution du plan et l'administrateur judiciaire font grief à l'arrêt de déclarer le producteur responsable du dommage du fait de la défectuosité de la table de cuisson et de le condamner à indemniser les acquéreurs et leur assureur, alors « que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties ; qu'en déduisant l'existence d'une « présomption grave » de défectuosité du produit acquis par les époux [D] des seules conclusions de l'expert amiable mandaté par l'assureur de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ce texte que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci.
7. Pour retenir la responsabilité du producteur du fait de la défectuosité de la table de cuisson et le condamner à payer différentes sommes à M. et Mme [D] et à leur assureur, l'arrêt se fonde sur le rapport d'expertise amiable après avoir relevé que le producteur a été convoqué aux réunions d'expertise, qu'il a participé à l'une d'elles, que bien qu'issue d'un processus amiable, cette expertise a été réalisée au contradictoire du producteur, qui a été à même d'y participer afin de défendre son point de vue sur le plan technique, qu'il ne saurait se retrancher derrière son absence à deux réunions pour soutenir qu'il n'aurait pas été en mesure de faire valoir ses observations techniques quant à l'existence du défaut allégué et qu'il importe peu qu'il n'ait pas signé le procès verbal de réunion d'expertise.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Demande de mise hors de cause
9. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le vendeur et son assureur, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Electrolux irrecevable en sa demande afin que les conclusions notifiées le 20 août 2020 par M. et Mme [D] et la société Assurances mutuelles du crédit mutuel IARD, soient déclarées irrecevables, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.