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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 2 février 2017, n° 15/04651

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cave des Vignerons de Rasteau (SCA), Ortas (Sté), Les Vignerons de Rasteau et Tain l’Hermitage (SARL)

Défendeur :

D2C Consultant (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Rochette, Mme Lefeuvre

Avocats :

Me Alle, Me Lavirotte, Me Di Marino, Me Pomies Richaud

T. com. Avignon, du 10 juill. 2015, n° 2…

10 juillet 2015

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Christine CODOL, Président de Chambre, publiquement, le 02 février 2017, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ Vu l'appel interjeté le 9 octobre 2015 par la sca "Cave des Vignerons de Rasteau", la Scica "Ortas" et la s. a.r. l "Les Vignerons de Rasteau et Tain l'Hermitage" à l'encontre du jugement prononcé le 10 juillet 2015 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° 15/4651

Vu les dernières conclusions déposées le 18 juillet 2016 par les appelantes et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 6 juin 2016 par M. D. et la s. a.r. l 'D2c Consultant', intimés et appelants incidents, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 24 novembre 2016 en date du 1er juillet 2016.

La SCA 'Cave des vignerons de Rasteau' regroupe 104 coopérateurs et 90 viticulteurs représentant plus de 700 ha de vignes et produisant plus de la moitié de l'appellation Rasteau Village.

Elle est la société mère du groupe Rasteau et possède des participations dans ses filiales à hauteur de :

'40 % des parts de la Scica Ortas qui commercialise les vins par correspondance, à l'export et dans le secteur traditionnel des cavistes et en caveau de dégustation,

'45 % des parts dans la Sarl Vignerons de Rasteau et Tain l'Hermitage (ci-après désigné Vrt) qui achète et vend du vin en gros et au détail en France comme à l'étranger,

' 47 % des parts de la Scea Domaine de Pisan laquelle détient 20 % des parts de la Scica Ortas et qui est une exploitation agricole.

Pendant 15 ans jusqu'en décembre 2007, M. D. a exercé les fonctions de directeur de la Sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' et de gérant non rémunéré des deux filiales, Ortas et Vrt.

Après son départ à la retraite, il a créé la s. a.r. l 'D2c Consultant', société ayant pour activité principale « le conseil en management, finance, contrôle de gestion, organisation, marketing, recrutement dans le secteur agricole ».

Suivant contrat non daté prenant effet au 1er janvier 2008, la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' et la s. a.r. l 'D2c Consultant' ont conclu un contrat de prestation de services d'une durée de quatre ans moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle de 21'500 euros et la mise à disposition de la prestataire d'un bureau avec tous les équipements nécessaires et un secrétariat, moyennant un loyer mensuel de 1500 euros HT par mois.

Le 9 août 2011, elles ont signé un avenant prorogeant le contrat de prestation de services pour une durée de deux années à compter du 1er janvier 2012.

Pendant la durée d'exécution de ce contrat et de sa reconduction, M. D. a exercé à titre personnel les fonctions de gérant bénévole de la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt.

Lors de sa réunion du 20 juin 2012, le conseil d'administration a élu un nouveau président en la personne de M. E. qui prenait ainsi la succession de M. P. qui n'avait pas souhaité renouveler son mandat.

Le même jour, M. E. résiliait avec effet immédiat, le contrat liant la Cave à la s. a.r. l 'D2c Consultant' et lors des assemblées générales des 05 juin 2012 et 26 juin 2012 M. D. était démis de ses fonctions de gérant bénévole des deux filiales.

Suite à cette résiliation anticipée du contrat de prestation de services, la s. a.r. l 'D2c Consultant' a assigné la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' devant le tribunal de Grande instance de Carpentras qui devait se dessaisir au profit du tribunal de commerce d'Avignon lui-même saisi par assignation délivrée par M. D. à l'encontre de la Scica Ortas et La s. a.r. l Vrt.

La jonction des deux procédures a été ordonnée par décision du 8 septembre 2014.

Par jugement prononcé le 10 juillet 2015, le tribunal de commerce d'Avignon a :

- Sur le litige opposant la sarl D2C consultant à la Cave des vignerons de Rasteau

- dit qu'à travers le lien contractuel établi la sarl 'D2C consultant' et la Cave des vignerons de Rasteau, M D. dirigeant de cette dernière, a exercé une activité positive et déterminante dans la direction et la gestion de la Cave des vignerons de Rasteau. De ce fait, Monsieur D. sera qualifié de dirigeant de fait,

- constaté que les résultats financiers de la Cave des vignerons de Rasteau, étaient préoccupants, que le contrat de prestation de services de la sarl D2C Consultant ne comporte pas d'obligation de résultat et qu'en conséquence la cave n'est pas en droit d'invoquer une inexécution contractuelle pour justifier la résiliation du contrat de celle-ci,

- dit que les mauvais résultats financiers de la Cave des vignerons de Rasteau, ne sont pas en soi un motif à résilier le contrat du gestionnaire de fait, la sarl 'D2C Consultant' sauf à démontrer une faute de gestion de sa part,

- constaté que la faute de gestion identifiée par le commissaire aux comptes comme étant à l'origine des difficultés financières de la Cave des vignerons de Rasteau ne relevait pas du périmètre d'autorité de la sarl 'D2C Consultant' et qu'elle ne peut être invoquée comme motif de résiliation du contrat de prestation de services,

- dit qu'à ces titres, la résiliation du contrat de prestation de services n'était pas justifiée,

- constaté que la Cave des vignerons de Rasteau a accepté en toute connaissance de cause que la location des bureaux et services ne soit pas payés et dit qu'à ce titre la résiliation du contrat de prestation de services n'était pas justifiée et qu'il ne sera pas fait droit au paiement de l'arriéré d'un montant de 39'468 euros qu'elle revendique,

- dit que la Cave des vignerons de Rasteau échoue à démontrer que le paiement à l'avance des services, les dépenses et les faits de harcèlements allégués justifiaient la résiliation du contrat de prestation de services de la sarl 'D2C Consultant',

- conclu que par une stricte application des termes du contrat et des règles de droit, la résiliation du contrat de prestation de services de la sarl 'D2C Consultant' n'était pas justifiée et que la Cave des vignerons de Rasteau se doit d'en compenser le préjudice

- dit que la sarl 'D2C Consultant' a perdu une chance de voir son contrat de prestations aller jusqu'à son terme et qu'elle se doit de payer ses obligations contractuelles en matière de location de bureaux,

- évalué le montant du préjudice sur ces bases et l'a fixé à la somme de 285'000 euros

- condamné la Cave des vignerons de Rasteau à payer à la sarl 'D2C Consultant' la somme de 285'000 euros titre du préjudice résultant de la résiliation du contrat de prestation de services qui les liait et dit que cette somme ne portera pas intérêt,

- dit la demande de dommages intérêts d'un montant de 100'000 euros formée par la sarl 'D2C Consultant' à l'encontre de la Cave des vignerons de Rasteau pour rupture contractuelle brutale non fondée et l'en a déboutée.

Sur le litige opposant Monsieur D. à la Scica Ortas et à la sarl Vrt

- dit que la révocation de Monsieur D. de ses fonctions de gérant de la SCICA n'est pas abusive

- dit que la situation financière de Scica Ortas et à la sarl Vrt était préoccupante et que la gestion de M. D. en était la cause,

- dit que la révocation de M. D. de ses fonctions de gérant des Scica Ortas et à la sarl Vrt est fondée sur un juste motif,

- dit au surplus que les dommages intérêts dus pour révocation s'évaluent sur le préjudice subi et qu'en l'espèce les fonctions n'étaient pas rétribuées et que M. D. ne démontre pas qu'il bénéficiait d'avantages autres que ceux strictement associés à la fonction ce qui le prive de toute possibilité de revendiquer des dommages et intérêts pour révocation injustifiée,

- débouté M. D. de sa demande en dommages intérêts d'un montant de 50'000 euros pour révocation abusive et injustifiée et de sa demande de dommages intérêts de 100'000 euros pour perte d'avantages en nature,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les dépens seront partagés à parts égales entre Cave des vignerons de Rasteau, la sarl 'D2C Consultant' et M. D..

La sca "Cave des Vignerons de Rasteau", la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt ont relevé appel de ce jugement pour voir :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 10 juillet 2015 en ce qu'il a dit qu'à travers le lien contractuel établi entre la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' et la sarl 'D2C Consultant’, M. D. dirigeant de cette dernière, a exécuté une activité positive et déterminante dans la direction de la gestion de la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau'. De ce fait M. D. sera qualifié de gérant de fait,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que les résultats financiers de la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau', étaient préoccupants, que le contrat de prestation de services de la sarl 'D2C Consultant' ne comporte pas d'obligation de résultats et qu'en conséquence la cave n'est pas en droit d'invoquer une inexécution contractuelle pour justifier la résiliation du contrat de celle-ci,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les mauvais résultats financiers de la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau', ne sont pas en soi un motif à résilier le contrat du gestionnaire de fait la sarl 'D2C Consultant' sauf à démontrer une faute de gestion de sa part,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' échoue à démontrer que le paiement à l'avance des services, les dépenses et les faits de harcèlements allégués justifiaient la résiliation du contrat de prestation de services de la sarl 'D2C Consultant',

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'à ce titre, la résiliation du contrat de prestation de services n'était pas justifiée,

- dire et juger que la résiliation du contrat de prestation de services passé avec la s. a.r. l 'D2c Consultant' est justifiée par les manquements contractuels de celle-ci,

- dire et juger que la sarl 'D2C Consultant' a commis des fautes de gestion

- dire et juger que le harcèlement moral commis par le dirigeant de la société la sarl 'D2C Consultant' sur le comptable de la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' rendait impossible la poursuite du contrat de prestation de services

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' a accepté en toute connaissance de cause que la location des bureaux et services ne soient pas payés et dit qu'à ce titre la résiliation du contrat de prestation de services n'était pas justifiée et qu'il ne sera pas fait droit au paiement de l'arriéré d'un montant de 39'468 euros qu'elle revendique,

- en conséquence condamner en toute hypothèse la sarl 'D2C Consultant' à payer à la Cave des vignerons de Rasteau la somme de 39'468 euros outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du

Code civil,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:

' conclu que par une stricte application des termes du contrat et des règles de droit, la résiliation du contrat de prestation de services de la sarl 'D2C Consultant' n'était pas justifiée et que la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' se doit d'en compenser le préjudice,

' la sarl 'D2C Consultant' a perdu une chance de voir son contrat de prestations aller jusqu'à son terme et qu'elle se doit de payer ses obligations contractuelles en matière de location de bureaux,

' évalué le préjudice sur ces bases et l'a fixé à la somme de 285'000 euros

' condamné la Cave des vignerons de Rasteau à payer à la sarl 'D2C Consultant' la somme de 285'000 euros au titre du préjudice résultant de la résiliation du contrat de prestation de services qui les liait et dit que cette somme ne portera pas intérêts

- en conséquence, débouter la sarl 'D2C Consultant' de sa demande en paiement d'une indemnité de dommages intérêts

- subsidiairement, dire que la sarl 'D2C Consultant' ne démontre pas de préjudice

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit la demande de dommages intérêts d'un montant de 100'000 euros formée par la sarl 'D2C Consultant' pour rupture contractuelle brutale non fondée et l'en a déboutée,

- confirmer le bien-fondé de la révocation de M. D. en qualité de gérant de Scica Ortas et à la sarl Vrt,

- condamner la sarl 'D2C Consultant' à payer à la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. D. à payer à la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau', la Scica Ortas et à la sarl Vrt la somme de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner in solidum la sarl 'D2C Consultant' et M. D. aux entiers dépens de l'instance.

La s. a.r. l "D2C Consultant" et M. D. forment appel incident pour voir :

- s'agissant de la sarl 'D2C Consultant'

- réformer le jugement déféré,

- dire et juger que la résiliation du contrat de prestation de services par la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' est injustifiée,

- dire et juger que ce contrat aurait dû se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2013,

- condamner la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' à lui payer la somme de 408'500 euros correspondant au manque à gagner subi du fait de la résiliation anticipée,

- condamner la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' à régler les intérêts de la somme due, mois par mois à compter de la date d'échéance jusqu'à parfait paiement, les intérêts étant capitalisés,

- condamner la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' à lui payer la somme de 100'000 euros à titre de dommages et intérêts du fait d'une rupture contractuelle brutale,

- condamner la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' à lui payer la somme de 10'000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance d'appel

- s'agissant de M. D.

- dire et juger que la révocation brutale des mandats de gestion de la Scica Ortas et de la sarl Vrt est abusive et injustifiée

- condamner en conséquence lesdites sociétés solidairement avec la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau' à lui payer la somme de 500'000 euros à titre de dommages intérêts

- condamner ces trois sociétés avec la même solidarité à lui régler la somme complémentaire de 100'000 euros à titre de dommages intérêts pour la perte des avantages en nature dont il disposait au titre de la gérance,

- condamner ces trois sociétés avec la même solidarité à lui payer la somme de 10'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec rejet de l'ensemble des demandes des sociétés la Sca 'Cave des vignerons de Rasteau', Scica Ortas et à la sarl Vrt .

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la résiliation du contrat de prestation de services conclu entre la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' et la s. a.r. l 'D2C Consultant'

La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' justifie cette résiliation par les manquements graves de sa partenaire dans l'exécution d'un contrat conclu dans 'un souci de rentabilité à court et moyen terme ' . Or le rapport d'audit en date du 17 juillet 2012 confié à un cabinet d'expert comptable mais également celui du commissaire aux comptes en date du 18 juin 2013 avaient mis en évidence la situation préoccupante du groupe (résultat déficitaire de 89 Keuros, trésorerie négative de 1758 Keuros, endettement important à long et moyen terme de 2755 Keuros au 31 décembre 2012, dégradation chaque année du résultat d'exploitation -796'741 euros en 2012).

La s. a.r. l 'D2c Consultant' conteste l'ensemble de ses griefs et maintient sa demande en paiement rappelant avoir été choisie en raison de ses compétences et reconduite dans sa mission quelque jours avant la résiliation.

Aux termes du contrat de 2007, la s. a.r. l 'D2C Consultant' s'est obligée à assurer « le management général, la politique de développement, la gestion des ressources humaines, le marketing commercial, la politique de communication et de relations publiques, le contrôle de gestion et la gestion financière de la cave » et à ce dernier titre à « assister la cave dans l'élaboration des plans de financement, des plans et du suivi de la trésorerie et dans les négociations avec les banques ».

Ce contrat a été conclu pour une durée déterminée de quatre ans à compter du 1er janvier 2008 avec faculté pour la cave de le dénoncer unilatéralement chaque année au 31 décembre moyennant un préavis de six mois notifié par lettre recommandée avec accusé de réception et versement d'une indemnité de résiliation 'calculée à hauteur de 75 % du montant total de la rémunération en cas de dénonciation au 31 décembre 2008, 50 % de cette rémunération en cas de dénonciation au 31 décembre 2009 et 25 % du montant total de la rémunération en cas de dénonciation au 31 décembre 2010".

L'avenant du 9 août 2011 a été conclu pour une durée de deux ans, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 « sans possibilité de dénonciation sans indemnité avant ce terme » et il stipulait que «M. D. au titre de la s. a.r. l 'D2C Consultant' aura aussi pour mission, en coordination avec le conseil d'administration de la coopérative, de préparer sa succession (choix et mise au courant d'un candidat au poste de directeur de la coopérative) ».

Les parties ont ainsi conclu un contrat durée déterminée de nature commerciale, les empêchant de mettre fin unilatéralement à la relation contractuelle avant son terme sous peine d'une indemnité. Mais il est constant en ce domaine que la gravité du comportement d'une partie peut justifier que l'autre y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.

Il convient donc d'examiner les griefs invoqués et apprécier le caractère de gravité invoqué.

1) La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' impute à sa cocontractante l'exercice d'une gestion de fait par l'intermédiaire de M. D. ayant entraîné une situation financière extrêmement préoccupante depuis 2006 où les disponibilités de la cave étaient passées de 1'335'660 euros à 62'256 euros alors que dans le même temps, l'endettement et des concours bancaires étaient passés de 2'302'259 euros à 4'596'783 euros. Et dans ce cadre, elle lui reproche l'absence de mise en œuvre de mesures d'urgence qui s'imposaient pour redresser la situation mais également une faute de gestion dépassant le cadre contractuel consistant à avoir surpayé les coopérateurs au mépris des règles de fonctionnement de la caisse de péréquation et à en masquer les conséquences alors que cette pratique avait été identifiée par le commissaire aux comptes comme étant à l'origine des difficultés financières de la cave.

La partie adverse répond que M. D. ne disposait d'aucune délégation de signature, qu'il n'apparaissait dans l'organigramme de l'entreprise « uniquement en pointillés, au titre du management général auprès du conseil d'administration et de son président » et qu'il se limitait à apposer le visa « vu » sur les bons à payer établis par les responsables des services concernés, rappelant pour le reste que les comptes de la société avaient fait l'objet d'une approbation unanime en assemblée générale et qu'ils avaient même été consolidés

La gestion de fait se définit comme l'exercice en toute indépendance d'une activité positive, de direction et de gestion d'une société, le dirigeant de fait se comportant, sans partage comme le maître de l'affaire. Il incombe aux appelantes de prouver qu'au-delà de la mission d'assistance convenue, la s. a.r. l 'D2C Consultant' avait, par l'intermédiaire de M. D., exercé un véritable pouvoir de direction en soumettant le conseil d'administration aux résultats de ses recherches et de ses avis, en le plaçant ainsi dans une situation de dépendance alors que ce dernier avait seul le pouvoir d'administration en vertu de l'article L.524-1 du code rural.

Pour cela, la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' invoque successivement la participation de M. D. aux réunions du conseil d'administration et le fait d'avoir signé différents documents tels les engagements du groupe sur la stratégie qualité , les demandes de prise en charge de formation des salariés, les organigrammes du groupe, les fiches d'évolution de mission et d'entretien individuel de la salariée devenue directrice financière du groupe, les honoraires facturés à la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' à titre d'approbation, la liste des postes téléphoniques après 2009 ou encore telle note de service, documents auxquels s'ajoutaient les différents mails adressés aux cadres des trois sociétés tout en soulignant que l'avenant avait été signé pour permettre le choix au poste de directeur de la cave qui devait le remplacer.

Mais ces exemples ne se rapportent qu'au fonctionnement administratif et interne de la société à l'exception éventuellement du document d'engagements du groupe sur la stratégie qualité mais à cet égard, il n'a été que cosigné par M. D..

Et le fait pour la s. a.r. l'D2C Consultant' d'avoir excédé la simple mission d'assistance qui lui était dévolue au profit de celle d'un directeur ne caractériserait pas à lui seul l'exercice d'une gestion de fait dans la mesure où la fonction de directeur se définit par l'arrêté du 25 mars 2009 portant homologation des statuts type des sociétés coopératives agricoles, comme l'exercice de fonctions sous la direction, le contrôle et la surveillance du conseil d'administration que le directeur représente vis-à- vis des tiers dans la limite des pouvoirs qui lui sont confiés par délibération du conseil d'administration.

Or la preuve n'est pas faite que la s. a.r. l'D2C Consultant' par l'intermédiaire de M. D. aurait exercé sa mission sans respecter ces limites et qu'elle ait exercé une activité au lieu et place des représentants légaux du groupe.

Il est certain que le nombre d'années travaillées au service du groupe a pu conférer à M. D. une connaissance de cet environnement, une autorité interne et une reconnaissance extérieure mais il n'est pas établi qu'il ait été investi d'une quelconque délégation de signature ou qu'il aurait eu la capacité pour signer des documents bancaires ou commerciaux voire des conventions engageant la cave.

La gestion de fait n'étant pas établie, la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' ne peut faire grief à M. D. via sa société de n'avoir pas pris les mesures d'urgence qui s'imposaient pour redresser la situation de celle-ci. La prestataire n'était soumise qu'à une obligation de moyens, et il n'est pas démontré qu'elle aurait commis une faute à cet égard, les pièces produites révélant que M. D. n'était pas resté inactif et qu'il s'apprêtait à proposer un axe de redressement lors de l'assemblée générale fixée au 25 avril 2012 au regard notamment du déficit dégagé par la filiale Vrt conséquence du résultat déficitaire du groupe.

Et si dans son rapport en date du 18 juin 2013, le commissaire aux comptes pointait le système comptable ayant permis de masquer à partir de 2008, les conséquences sur la caisse de péréquation d'une rémunération des récoltes aux adhérents à un prix qui n'était plus en adéquation avec celui du marché, la preuve n'est pas faite d'une démarche active, d'une influence et de pressions de la part de la s. a.r. l 'D2C Consultant' ou de M. D. sur le comptable pour la mise en place de cette pratique, étant relevé que dans l'audit du 30 juin 2012, il est indiqué que le prix de règlement définitif était bien décidé en conseil d'administration.

Il convient donc de rejeter le grief d'une faute dans le cadre d'une gestion de la part de la s. a.r. l'D2C Consultant'

2) La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' fait également grief à la s. a.r. l'D2C Consultant' de n'avoir pas réglé les frais contractuels de mise à disposition des locaux initialement fixés à 1500 euros hors taxes par mois soit 1794 euros TTC, depuis le mois de septembre 2010.

Les intimés répondent qu'il avait été décidé d'un commun accord de suspendre les règlements des frais de mise à disposition à la suite des remarques faites lors d'un contrôle fiscal sur la comptabilité de la Cave qui n'avait jamais mis en œuvre la clause résolutoire stipulée à l'article 5.

Il n'est pas discuté que l'avenant au contrat de prestation de services a été conclu aux mêmes conditions que celles convenues dans le contrat initial qui prévoyait la mise à disposition sur le site d'un bureau, avec tous les équipements de base nécessaires (téléphone, ordinateur avec accès Internet, tables chaises ainsi qu'un secrétariat etc...) moyennant un 'loyer' de 1500 euros par mois.

Ces frais de mise à disposition d'un bureau et du secrétariat n'ont plus été réglés à compter du mois de septembre 2010 sans que ce défaut de règlement ne donne lieu à aucune action contentieuse.

Mais la renonciation à un droit ne se présume pas et les intimées ne démontrent pas l'existence d'un accord pour mettre un terme à cette contrepartie. L'avenant au contrat de prestations de services ne mentionne nullement l'abandon de cette obligation de paiement.

Prétendre que cet accord faisait suite aux résultats d'un contrôle fiscal n'est pas démontré. La pièce n° 44 invoquée à cette fin consiste dans une synthèse effectuée par la collaboratrice de M. D. intitulée 'contrôle de comptabilité 2011" révélant seulement que ce contrôle avait donné lieu à rectification terminée et acceptée sur l'impôt des sociétés et la TVA et à contestation sur la double question de la taxe professionnelle 2008 et 2009 et la taxe foncière 2010 et 2011, suivie d'un abandon du redressement s'agissant de la première mais du maintien de la seconde car l'occupation par VRT de locaux de stockage et de logistique ne pouvait être considérée comme le prolongement normal de l'activité d'un agriculteur. Pour autant, le lien avec la situation et la stipulation contractuelle en cause n'est pas établi.

Par contre, il doit être constaté que cette inexécution n'a pas été un obstacle à la signature de l'avenant et elle ne peut en conséquence revêtir un caractère de gravité justifiant la résiliation de l'avenant quelques jours après son entrée en vigueur.

3) La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' fait grief à la s. a.r. l'D2C Consultant' d'avoir demandé par avance le paiement des prestations de services que cette dernière justifie par une pratique acceptée d'un commun accord en faisant sienne la motivation des premiers juges sur cette question.

Le contrat de prestation de services conclu en 2007 prévoyait que la rémunération mensuelle prévue au paragraphe 3.1 (rémunération forfaitaire mensuelle de 21'500 euros) serait payable dès réception par la cave des factures émises par le prestataire et en tout état de cause au plus tard le 10 du mois.

Il n'est pas contesté que la s. a.r. l'D2C Consultant' a obtenu un paiement anticipé le 25 puis le 20 de chaque mois des frais de prestations de services.

Mais la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' ne démontre pas le préjudice qui en serait résulté pour la société ou pour son groupe, ni au demeurant la manipulation de la comptabilité puisque le compte correspondant mentionnait au contraire la date de paiement exacte de la prestation correspondante, de sorte qu'elle avait pu en être avisée par son comptable bien avant la reconduction du contrat.

Ce grief sera écarté.

4) La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' reproche également à M. D. l'exposition de nombreux frais non justifiés, engagés au sein des différentes structures expliquant que des dépenses somptuaires avaient été faites au moyen des cartes de crédit appartenant aux deux filiales et qu'elles avaient participé à l'aggravation de la situation financière du groupe dans son ensemble, rappelant que les frais de déplacement s'élevaient à 83'919 euros en 2011, que

M. D. disposait d'un luxueux véhicule de fonction (BMW) loué par la sarl VRT, qu'il avait engagé de nombreux frais hôteliers et de restauration sans aucune justification, conclu des abonnements annuels au football club des Girondins pour un montant de 14'276,96 euros et effectué des achats en espèces (7516 euros pour la Scica Ortas) ainsi que l'achat de cadeaux (1105 euros) et de produits alimentaires (139 euros, 282 euros) à la période de Noël. Et en réponse à la motivation du tribunal de commerce, elle fait valoir que ces frais injustifiés effectués dans le cadre de la gérance de M. D. pouvaient constituer un motif de résiliation du contrat de prestation de services car ils avaient nécessairement eu un impact financier sur le groupe dans son ensemble.

Les intimés répondent que M. D. ne disposait d'aucune carte de crédit au nom de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' à qui ils font grief de se livrer à une confusion entre différentes sociétés alors que le contrat conclu avec la s. a.r. l'D2C Consultant' est indépendant des mandats de gérance confiés à M. D., rappelant pour le surplus que les frais réglés par les deux filiales avaient fait l'objet de vérifications par l'expert-comptable, les commissaires aux comptes, les services fiscaux et l'URSSAF et qu'ils avaient été engagés dans l'intérêt même de chaque structure.

Ainsi que retenu les premiers juges, les manquements susceptibles de justifier la rupture du contrat de prestation de services au titre de frais et dépenses injustifiés, ne pourraient porter que sur des frais et dépenses engagés par la s. a.r. l'D2C Consultant' représentée par son gérant et non sur les frais engagés par M. D. en sa qualité de gérant des structures Scica Ortas et sarl Vrt puisqu'il s'agit de deux structures juridiques indépendantes dotée chacune de leur propre autonomie.

Mais les appelantes soutiennent à juste titre que la gravité d'un comportement et non seulement l'inexécution d'une obligation contractuelle peut justifier la rupture d'un contrat.

Et invoquant des dépenses faites dans le cadre des gérances qui participeraient de ce comportement et qui auraient eu 'nécessairement eu un impact financier sur le groupe dans son ensemble', il convient d'examiner les pièces produites.

Dans son rapport d'audit du 30 juin 2012, le cabinet d'expertise comptable ECPRO a examiné les charges du groupe sur l'exercice 2011 en indiquant que « si l'évolution des charges n'est pas significative sur les deux derniers exercices, l'analyse des charges de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' et des autres sociétés du groupe met en évidence un ensemble de dépenses décidées par l'ancienne direction dont on ne sait pas si elles ont été engagées dans l'intérêt du groupe et si leur montant correspond à des prestations effectuées ou à des marchandises livrées ». Il a donné ensuite une liste de dépenses engagées par « l'ancienne direction » sur l'exercice écoulé portant sur un montant de 68.000 euros supportés par la Sarl Vrt, de 78 000 euros supportés par la société Ortas et de 225.000 euros par la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' le tout pour un total de 371'000 euros.

Mais les dépenses supportées par la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' ne peuvent être imputées à M. D., n'étant pas discuté qu'il ne détenait aucune carte bancaire établie au nom de celle ci.

Les autres pièces produites permettent de constater que les dépenses supportées par la société Ortas, non déficitaire, se rapportent à des frais d'hôtellerie, de restaurants, de dîners de chasse, de 'week ends truffe'... Celles supportées par la Vrt se rapportent pour l'essentiel à des frais de location de la voiture, un contrat de relations publiques et de publicité conclu avec le football club Girondins de Bordeaux et la rémunération d'un avocat.

Mais pour importantes soient elles en termes de pourcentage par rapport au déficit de trésorerie (environ 22 %), il n'est pas démontré que ces dépenses aient été dénuées de retombées positives sur le groupe en termes de marketing et de publicité ou encore qu'elles aient été engagées dans le seul intérêt personnel de leur gérant.

Les appelantes n'explicitent quel aurait été l'impact financier négatif de ces dépenses sur le groupe dans son ensemble alors que l'expert-comptable situe le résultat déficitaire du groupe ( 89 Keuros) dans le déficit dégagé par la filiale Vrt et que dans son attestation du 21 janvier 2015, le commissaire aux comptes situait la dégradation de trésorerie observée entre 2008 et 2013 « majoritairement de l'exploitation qui est généralement négative et notamment liée au mode de fonctionnement de la caisse de péréquation ».

Enfin à l'appui du grief tenant à l'achat de cadeaux et repas de Noël, il est produit un extrait de compte bancaire de décembre 2008 dont il n'est pas certain ni évident qu'il se rapporte à la société Vrt.

Force est de constater encore que le comportement aujourd'hui reproché à M. D. n'a pas été un obstacle à la signature de l'avenant en juin 2011 portant prolongation des missions de la s. a.r. l'D2C Consultant' pour une durée supplémentaire de deux ans et lui donnant une mission complémentaire de procéder à la recherche et la formation d'un directeur.

Ces frais et dépenses ne caractérisent donc pas le comportement grave justifiant la résiliation du contrat et la volonté de la nouvelle gouvernance d'infléchir les politiques internes et externes dans un souci d'économie imposé par la conjoncture ne l'autorisait pas à rompre le contrat de prestation de services mais seulement à donner de nouvelles orientations à son prestataire et à ses gérants.

Ce grief sera donc écarté.

5) La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' indique enfin que M. S. comptable de la société lui avait signalé avoir été victime de harcèlement moral de la part de M. D. en raison de son agressivité, de ses vexations et attaques publiques, de son manque d'humanité obligeant tout employeur à mettre un terme à de tels agissements.

Si l'attestation de l'intéressé et celles de quatre salariés du groupe (la cinquième est illisible) sont concordantes entre elles pour imputer à M. D. des comportements et des paroles excédant les limites de l'exercice managérial, ce dernier produit des attestations de salariés et de personnes extérieures vantant les premiers, ses qualités humaines et soulignant les seconds, la bonne entente qui semblait caractériser ses relations avec ses proches collaborateurs. Sans contester que les relations entre les deux protagonistes aient été mauvaises, deux attestations situent la problématique dans le propre comportement de M. S. décrit comme un salarié individualiste ayant montré à plusieurs reprises un manque de réactivité ou d'adaptation aux nouvelles consignes.

Ainsi les attestations des uns sont-elles contredites ou atténuées par les attestations des autres.

À ce constat s'ajoute le fait non contesté que M. S. occupait le poste de comptable dans la société depuis 20 ans et que M. D. a occupé le poste de directeur pendant 15 ans jusqu'en 2007 sans que la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' n'intervienne pour faire cesser un comportement qu'elle qualifie aujourd'hui de harcèlement moral.

Ce grief sera donc rejeté

* Il résulte de ce qui précède que la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' ne peut valablement imputer à M. D. une accumulation de manquements justifiant sa décision et la preuve n'est pas faite que le non-paiement des loyers aurait compromis l'équilibre contractuel de la convention de sorte que la Cave a engagé sa responsabilité en résiliant unilatéralement la convention.

Sur le préjudice

Au visa de l'article 1134 du Code civil et du contrat de prestation de services complété par l'avenant du 9 août 2011, la s. a.r. l'D2C Consultant' soutient son droit à être payée des sommes qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme soit 408'500 euros et à être indemnisée de la somme de 100'000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture brutale.

La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' soutient de son côté que la somme allouée par le premier juge est tout à fait excessive d'autant que les agissements de M. D. rendaient impossibles la poursuite du contrat qui n'avait aucune chance d'être mené à son terme. Subsidiairement, elle invoque le défaut de preuve d'un quelconque préjudice opposant l'absence de toutes pièces justificatives ou éléments comptables.

La contrepartie monétaire d'une prestation de services réside dans l'exécution effective des prestations convenues. Or la s. a.r. l'D2C Consultant' ne les a pas exécutées du fait de la rupture unilatérale notifiée le 20 juin 2012. Elle ne peut donc réclamer le montant d'une rémunération qu'elle aurait perçue dans l'hypothèse inverse.

Il convient d'ailleurs d'observer que dans le cadre de l'avenant conclu le 09 août 2011, les parties ont seulement prévu la prolongation du contrat de prestation de services jusqu'au 31 décembre 2013 « sans possibilité de dénonciation sans indemnité avant ce terme ».

Elles n'ont donc pas entendu sanctionner une éventuelle dénonciation par l'obligation pour l'auteur de la rupture d'exécuter son obligation et donc par l'obligation par la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau', de payer les sommes qu'elle aurait normalement dû acquitter.

La s. a.r. l'D2C Consultant' sera donc déboutée de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' à lui payer la somme de 408'500 euros représentative de cette rémunération.

Soutenant au visa exclusif de l'article 1134 du Code civil, un préjudice résultant de la rupture brutale de la relation contractuelle, il convient de constater que la s. a.r. l'D2C Consultant' affirme avoir subi un préjudice qui ne saurait être inférieur à 100'000 euros mais qu'elle n'apporte à l'appui de cette estimation aucun justificatif. Les pièces produites et notamment les articles de presse se rapportent davantage à l'impact de la brutalité de la décision sur M. D. qui a consacré une majeure partie de sa vie professionnelle dans cette société.

Il n'en demeure pas moins qu'un préjudice existe tenant notamment le fait que la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' était le seul client de la s. a.r. l 'D2C Consultant' et que la rupture du contrat l'a brutalement privée de toutes ressources et de la possibilité d'anticiper les aléas d'une telle situation. Mais il ne peut davantage être occulté que la relation contractuelle était à moyen terme amenée à s'interrompre définitivement puisque la prolongation du contrat n'était que de deux ans et avait pour but essentiel de rechercher et de former un nouveau directeur.

Ce préjudice sera en conséquence évalué à la somme de 60'000 euros et la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' condamnée à son paiement à titre indemnitaire avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Sur la demande en paiement de la somme de 39'468 euros au titre des frais de règlement de mise à disposition

Il n'est pas discuté que la contrepartie monétaire de la mise à disposition d'un bureau, de ses éléments d'équipement, et d'une secrétaire n'a plus été réglée depuis le mois de septembre 2010, la cour retenant que la preuve n'est pas apportée d'une renonciation expresse et non équivoque de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' à en réclamer le paiement.

Il sera fait droit à sa demande à ce titre de sorte que la s. a.r. l 'D2c Consultant' ne pourra qu'être condamnée au paiement de la somme de 39'468 euros et des intérêts au taux légal échus sur chaque échéance de loyer avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil dans son ancienne rédaction applicable à la cause.

Sur la révocation de M. D. en qualité de gérant de la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt

M. D. demande d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à l'ensemble de ses demandes rappelant qu'il s'était vu confier la gérance des deux sociétés filiales du groupe et que rien ne justifiait sa révocation puisque lors des assemblées générales de la Scica Ortas et de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' tenues le 5 juin et le 14 juin 2012, les comptes annuels avaient été arrêtés sans la moindre réserve, qu'un quitus entier lui avait été donné et voté à l'unanimité, rappelant que cette approbation unanime avait eu lieu en présence de l'expert-comptable et des commissaires aux comptes de sorte que cette révocation intervenue quelques jours plus tard le 26 juin 2012 et le 12 juillet 2012 au motif « d'une gestion entraînant une situation préoccupante pour l'avenir» était totalement infondée et dépourvue de justes motifs au visa de l'article L. 223-25 du code de commerce mais qu'elle visait en réalité à assurer la promotion de quelques personnes au sein du groupe. Il conclut à une faute dont il demande réparation sur le fondement de l'article 1134 du Code civil rappelant que la presse s'était fait l'écho de sa révocation peu flatteuse.

La sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' s'y oppose faisant valoir que la révocation du gérant des filiales avait été motivée en raison de sa gestion à l'origine d'une situation préoccupante pour l'avenir expliquant que les assemblées générales avaient approuvé les comptes à l'unanimité pour la seule raison que M. D., gérant de fait, s'appliquait toujours à convaincre le conseil d'administration et les coopérateurs de la nécessité d'approuver des comptes qui n'avaient jamais été déposés au greffe du tribunal de commerce, expliquant encore qu'il ne présentait que les bilans et comptes de résultat dans leur globalité, sans détail de sorte que les votants ignoraient à quoi correspondaient notamment les frais engagés. Elle conteste l'existence d'un préjudice, en rappelant que la gérance n'était pas rémunérée, que les avantages en nature ne servaient qu'à le dédommager des frais engagés et que les articles de presse parus à la suite de cette révocation ne donnaient qu'une image très partisane du contentieux de sorte que l'image de M. D. présenté comme une victime n'avait pas eu à en souffrir.

L'application des dispositions de l'article L. 223'25 du code de commerce à la Scica n'est pas discutée car elle est une société coopérative d'intérêt collectif ayant pris la forme commerciale d'une société à responsabilité limitée. Il prévoit que la révocation décidée sans juste motif peut donner lieu à dommages intérêts.

Les appelantes soutiennent l'existence d'un juste motif. Or la résolution soumise au vote des assemblées générales correspondantes a été votée dans les termes suivants :

- « après avoir entendu la demande du président de la cave des vignerons de Rasteau sur la révocation du gérant au motif de la résiliation du contrat de prestations liant M. D. à la société mère, sachant que le mandat social pour lequel aucune rémunération est prévue se situe dans la même logique de management que le contrat de prestation du gérant avec la société mère, qu'il en est le complément, que les relations entre le gérant et les sociétés du groupe sont devenues conflictuelles. Après avoir constaté que la gestion du gérant de la Scica Ortas/ Sarl Vrt entraîne une situation financière préoccupante pour l'avenir, décide la révocation du gérant M. Jean Jacques D. pour justes motifs à compter de ce jour »

Il est indiscutable que la décision de rompre unilatéralement le contrat de prestation de services à ses risques et périls rendait inéluctable la décision de procéder à la révocation de M. D. dans des fonctions de gérant qui n'étaient de surcroît pas rémunérées. Mais les premiers juges ont souligné de manière pertinente que 'la même logique de management' n'établissait pas juridiquement le prolongement du contrat de prestation de services et que les fonctions de gérant des deux filiales étaient à ce titre juridiquement indépendantes de celles de gérant de la s. a.r. l 'D2c Consultant'.

La rupture du contrat comme les révocations visaient toutes à mettre un terme au management et à la gestion de M. D. tant dans le cadre des fonctions de directeur qu'il s'était appropriées au sein de la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' dans les limites ci-dessus retenues que dans celui des deux gérances. Elles relevaient d'un choix de gouvernance qui ne saurait en soi priver M. D. de son droit à indemnisation.

De plus, si les documents produits (audit, synthèse financière, rapports du commissaire aux comptes) laissent conclure à une situation financière préoccupante s'agissant de la sarl Vrt, ils ne permettent pas de tirer la même conclusion s'agissant de la Scica Ortas. Et le commissaire aux comptes a situé l'origine essentielle des difficultés financières dans la politique de fixation des prix de règlement des récoltes dont il n'a pas été établi qu'elle soit le fait de M. D..

Enfin, le grief relatif à la prise en charge par les deux sociétés de dépenses personnelles à M. D. n'est pas au nombre des motifs présentés en assemblée générale étant rappelé que le rédacteur de l'audit n'a pas été en mesure de déterminer si elles avaient été engagées dans un intérêt personnel. Et les extraits de compte produits visant à démontrer l'utilisation d'une carte bancaire pour le paiement de frais de bouche, de cadeaux de Noël, datent d'une part de l'année 2008 et ne permettent pas de déterminer s'ils se rapportent à un compte détenu par la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' sur lequel M. D. ne détenait aucune carte ou un compte détenu par la sarl 'Les Vignerons de Rasteau et de Tain l'Hermitage'

Par ailleurs, prétendre que les relations entre le gérant et « les sociétés du groupe » prises ainsi dans leur globalité étaient devenues conflictuelles n'est pas exact, seules les relations entre le gérant et la nouvelle gouvernance étant susceptibles de l'être.

Enfin, il n'est pas démontré que M. D. ait été inactif pour faire face à la 'situation préoccupante' des filiales ni que les mesures destinées à être présentées en assemblée générale du 15 avril 2012 auraient été inefficientes.

Il convient donc de conclure à l'absence de justes motifs.

Pour autant, M. D. n'est pas fondé à réclamer la valeur monétaire des avantages en nature dont il disposait dans le cadre de ses fonctions non rémunérées ayant vocation à l'indemniser de frais que par définition il n'engagera plus.

Le préjudice moral indiscutable résultant de ces décisions survenues sans préavis, ni avertissement préalable sera fixé à somme globale de 20'000 euros au paiement de laquelle les seuls auteurs des révocations, la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt seront condamnées à proportion de 10 000 euros chacune.

Sur les frais de l'instance :

La sca "Cave des Vignerons de Rasteau", la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt qui succombent au principal, supporteront conjointement les dépens. Il paraît conforme à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés dans le cadre du litige opposant la sca "Cave des Vignerons de Rasteau" à la s. a.r. l "D2c Consultant". Par contre, la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt seront condamnées à payer à M. D. la somme de 1500 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la résiliation du contrat de prestations de service n'était pas justifiée.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la sca "Cave des Vignerons de Rasteau" à payer à la s. a.r. l "D2c Consultant" la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Condamne la s. a.r. l 'D2c Consultant' à payer à la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' la somme de 39.468 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance de loyers échus et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Condamne la Scica Ortas à payer à M. D. la somme de 10.000 euros de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Condamne la s. a.r. l Vrt à payer à M. D. la somme de 10.000 euros de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Dit n'y avoir à application de l'article 700 du code de procédure civile dans le litige opposant la sca 'Cave des Vignerons de Rasteau' à la s. a.r. l 'D2c Consultant'.

Condamne la Scica Ortas à payer à M. D. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la s. a.r. l Vrt à payer à M. D. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que la sca "Cave des Vignerons de Rasteau", la Scica Ortas et la s. a.r. l Vrt supporteront conjointement les dépens de première instance et d'appel.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame CODOL Présidente et par Madame Patricia SIOURILAS, greffière présente lors de son prononcé.