CA Bordeaux, ch. soc. A, 8 avril 2014, n° 13/04719
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Château de Ferrand (SCA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vignau
Conseillers :
Mme Grandemange, Mme Lauqué
Avocat :
Me Larrat
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La SCA du Château de Ferrand sise à Issigeac (24), exploite des biens agricoles, elle a été constituée le 18 décembre 1960 entre M. Raymond D., son épouse et leurs quatre enfants, Olivier D., Françoise D. épouse E., Sylvie D. épouse G. et M. Bruno D..
A ce jour elle associe les quatre enfants à parts égales, elle est gérée par M. Bruno D..
M. Olivier D. a été embauché par contrat de travail à temps partiel en date du 1er mars 1998 par la SCA du Château de Ferrand, représentée à cette occasion par M. Raymond D., en qualité de technicien pour une durée hebdomadaire de travail de 23 heures et un salaire fixe à 4.535 fr. À compter du 1er avril 2003 il a exercé son activité à temps plein.
M. Raymond D. est décédé le 14 juillet 2007.
Par délibération en date du 03 mai 2010 l'assemblée générale de la SCA du Château de Ferrand s'est prononcée en faveur de la cession des actifs immobiliers de la société avec désignation d'un expert en charge de la détermination de la valeur vénale des biens. Par jugement en date du 4 novembre 2011, frappé d'appel, le Tribunal de Grande Instance de Bergerac a rejeté la demande de M. Olivier D. en annulation de cette décision.
Au mois de mai 2010 Mme Martin D. épouse de Bruno D. a déposé plainte à l'encontre de son beau-frère Olivier D. pour vol de courrier ; M. Olivier D. a déposé plainte à l'encontre de son frère Bruno D. pour abus de biens sociaux.
Le 19 juillet 2010 la société notifiait à M. Duconseil Olivier un avertissement.
Les 18 février et 02 mai 2011 la SCA notifiait à M. Olivier D. deux avertissements pour non-transmission de ses rapports d'activité hebdomadaire.
Par lettre recommandée datée du 11 juillet 2011 la SCA du Château de Ferrand convoquait M. Olivier D. à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 25 juillet 2011.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juillet 2011 la SCA du Château de Ferrand notifiait à M. D. Olivier son licenciement pour faute.
Le 14 juin 2012, M. D. a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac pour se voir reconnaître la classification de directeur d'exploitation ou de régisseur depuis son embauche ou depuis le 06 avril 2001, en paiement de diverses créances salariales, en contestation de son licenciement et en paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif, pour harcèlement moral et d'un solde d'indemnités de rupture.
Par décision en date du 18 juillet 2013, le Conseil de Prud'hommes a dit que M. D. a exercé des fonctions de régisseur ou directeur d'exploitation à compter du 1er avril 2003 date du contrat de travail à temps plein et que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la SCA Château de Ferrand à lui payer aux sommes suivantes :
- 64.653,00 € bruts à titre de rappel de salaire sur la qualification,
- 6.465,00 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 9.017,85 € à titre de rappel sur prime d'ancienneté,
- 901,78 € au titre des congés payés afférents,
- 14.855,00 € bruts à titre de rappel sur prime d'encouragement,
- 1.485,50 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 6.080,59 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris,
- 14.938,00 € bruts au titre de rappel de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.493,80 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 34.120,24 € bruts au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a ordonné à M. D. de restituer à la SCA Château de Ferrand les clés d'un coffre-fort à l'agence crédit agricole de Charente Périgord d'Issigeac, un photocopieur Canon, un ordinateur iMac et une imprimante, le Conseil de Prud'hommes a débouté les parties pour le surplus.
Le 23 juillet 2013, la SCA Château de Ferrand a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 21 janvier 2014, développées oralement et auxquelles il est
Expressément fait référence, la SCA du Château de Ferrand conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a requalifié l'emploi de M. D. et lui a accordé des rappels de salaires afférents (préavis, prime d'encouragement, prime d'ancienneté, congés payés subséquents) lui a accordé une indemnité compensatrice au titre de congés payés non pris.
Elle sollicite sa confirmation en ce qu'il a dit que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté les demandes en paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif, pour harcèlement moral et en remboursement de frais professionnels. Elle demande que la condamnation à restitution soit confirmée, en la complétant par la restitution d'un appareil photo et de sa mémoire, et assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir. Enfin elle sollicite la condamnation de M. Olivier D. à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 24 janvier 2014 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. D. demande la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de la SCA du Château de Ferrand.
Il sollicite sa réformation pour le surplus demande à la cour de dire que son licenciement est abusif et qu'il a été victime de harcèlement moral. Il sollicite la condamnation de la SCA du Château de Ferrand à lui payer les sommes complémentaires suivantes :
- 6.746,52 € au titre des frais professionnels,
- 50.000,00 € de dommages intérêts en réparation de son préjudice matériel,
- 35.000,00 € de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral,
- 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande à la Cour de dire que le Conseil de Prud'hommes est incompétent pour statuer sur la demande de restitution d'objets mobiliers et subsidiairement de débouter la SCA du Château de Ferrand de cette demande.
MOTIVATION
* Sur la classification du poste de M. Olivier D. :
Liminairement il y a lieu de relever que l'authenticité matérielle du contrat de travail de M. D. n'est pas contestée, tout comme il n'est pas discuté de sa qualité de salarié pendant la période pour laquelle il sollicite des rappels de rémunération.
Le contrat de travail signé par M. Olivier D. précise qu'il est embauché en qualité de technicien.
Ses bulletins de salaire produits, datant des années 2007 à 2011, mentionnent comme emploi gestion ou gestionnaire coefficient 302 à compter du mois de juillet 2010, correspondant à l'ancien coefficient 160 précédemment visé.
Aux termes de l'article 30 de la convention collective applicable ce coefficient correspond à un emploi qualifié de niveau 3 échelon 2 défini comme un emploi comportant les mêmes connaissances que l'échelon 1 et ouvrant sur une autonomie plus large, une capacité à adapter
le mode d'exécution aux conditions rencontrées pour effectuer avec initiative et compétence tous les travaux de l'exploitation sous contrôle a posteriori de l'employeur. Il suppose des connaissances techniques BEPA acquises soit par la pratique soit par les diplômes obtenus par la formation initiale ou continue, tels que par exemple l'utilisation de logiciels courant pour le secrétariat et la comptabilité après un an d'expérience.
Il appartient M. Olivier D., qui se prévaut d'une classification conventionnelle de régisseur ou directeur d'exploitation, différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
L'article 72 de la convention collective définit l'emploi de régisseur ou directeur d'exploitation agricole comme un emploi de cadre groupe 1. Il précise que seuls peuvent prétendre à cette qualité les titulaires de diplômes délivrés par un établissement public ou privé ou les personnes justifiant avoir exercé effectivement la profession agricole pendant au moins six ans pour les cadres du groupe 1. Il précise que le régisseur ou le directeur d'exploitation est le cadre dont la fonction est d'administrer l'exploitation selon les directives générales préalablement établies laissant une large part d'initiative personnelle. Son rôle essentiel consiste à suppléer l'employeur pour l'ensemble des activités de l'exploitation ou dans les secteurs qui lui sont confiés.
Il résulte des pièces versées aux débats , notamment des auditions de Ms Olivier D. et Bruno D. par les services de la gendarmerie et des attestations de Mme G., expert-comptable, que depuis la fin des années 1990, c'est à dire depuis son embauche, M. Olivier D. établissait les bulletins de salaire, pour lui-même et l'autre salarié de la société, M. R., il transmettait en fin d'année grands livres, justificatifs comptables fiscaux et sociaux à l'expert-comptable aux fins, notamment, d'établissement du bilan et il effectuait les déclarations auprès de la MSA. Ainsi il apparaît que M. D. Olivier, ainsi qu'il l'a déclaré aux gendarmes le 08 octobre 2010, s'occupait de la comptabilité courante et effectuait des tâches administratives, suivi des contrats d'assurances, déclarations auprès de la MSA. Bruno D. a reconnu lors de son audition le 16 octobre 2010 que son frère Olivier s'occupait de la comptabilité. C'est en ce sens que doit être interprétée la lettre de réponse de M. Bruno D., en sa qualité de gérant de la SCA, à la MSA qui l'interrogeait sur la nature de la participation d'Olivier D. à l'exploitation (manuelle ou intellectuelle).
M. Olivier D. a disposé pendant une certaine période indéterminée d'une carte bleue rattachée au compte de la SCA le gérant lui en ayant demandé la restitution.
En revanche M. Olivier D. n'avait plus de procuration sur le compte de dépôt de la SCA auprès du Crédit Agricole depuis 1987. Ce point est confirmé par le procès-verbal du conseil d'administration de la société en date du 25 juin 2001, signé par M. Olivier D. en sa qualité d'associé, donnant pouvoir de faire fonctionner le compte bancaire de la société à Messieurs Raymond D. et Bruno D., signataire de ce procès-verbal en tant que gérant Il est corroboré par la proposition faite par Olivier D. à ses frères et soeur le 08 octobre 2007 afin qu'ils sollicitent tous auprès du crédit agricole une procuration sur ce compte.
L'endossement par M. Olivier D. de trois chèques émis par la société Moulin de la Salève, en paiement de récoltes de céréales les 31 mai 2009, 03 et 30 août 2010, est insuffisant pour établir que l'employeur avait donné pouvoir à M.
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Olivier D. de procéder aux opérations bancaires, alors même que deux de ces chèques ont été endossés par le salarié alors qu'il avait été surpris en train de soustraire, ou de tenter de soustraire, du courrier dans la boîte aux lettres du domicile de son frère, nouvelle adresse postale de la SCA, et que plainte a été déposée à son encontre pour soustraction frauduleuse de lettres destinées à la SCA. M. R. salarié de la SCA atteste avoir été témoin de ces agissements.
M. Olivier D. ne démontre pas davantage qu'il prenait des décisions quant aux investissements à engager pour le bon fonctionnement de l'exploitation. En effet la photocopie du devis en date du 27 mars 2008 relatif à la construction d'un bâtiment et qui lui est adressé correspond à l'original versé aux débats par la SCA, ce document étant adressé à l'attention de M. R.' et non à celle de M. Olivier D..
Par ailleurs, si M. Olivier D. produit des documents établissant qu'il a vendu pour le compte de la société des récoltes de céréales en 2008, 2009 et 2010 notamment auprès du Moulin de la Salève, le PDG de cette société atteste que les marchés d'achat des céréales blé, orge, colza et tournesol conclus avec la société du domaine de Ferrand ne l'était pas uniquement avec M. Olivier D. mais également avec d'autres personnes, ce qui est conforté par les pièces produites par la SCA divers marchés ayant été passés par M. Bruno D..
Enfin, il résulte des attestations produites que M. R., salarié agricole titulaire du brevet d'études professionnelles agricoles, était en charge de l'exploitation. Ce dernier a expliqué aux gendarmes qu'il travaillait pour la société depuis 33 ans, qu'il avait toujours travaillé sous les directives de M. Raymond D. et qu'après le décès de celui-ci, il arrivait qu'Olivier D. lui donne très ponctuellement quelques directives puisqu'il vivait dans le Château sur l'exploitation ; en revanche ces directives ne concernaient pas l'organisation, la réalisation et les choix techniques relatifs à l'exploitation. Il est très significatif que M. B., entrepreneur de moissonnage battage, en charge de tous les travaux de ce type sur la SCA Château de Ferrand depuis 1986 atteste n'avoir jamais reçu aucune directive liée à son activité de la part de M. Olivier D..
Il n'est pas davantage démontré, ni même prétendu, qu'Olivier D. ait recruté des saisonniers pour procéder aux travaux agricoles. Il ne dirigeait donc pas le personnel en charge de l'exploitation agricole. Il ne participait pas aux activités de culture de l'exploitation, depuis la préparation des sols, leur traitement phytosanitaire jusqu'aux moissons en passant par les semis etc... . M. D. Olivier ne produit aucune pièce de nature a démontré une telle participation ; ses tâches, en lien avec son diplôme d'études commerciales, étaient des tâches de secrétariat administratif et comptable.
Il ne rapporte pas la preuve qu'il suppléait son employeur dans le cadre de son pouvoir de direction de l'exploitation.
Enfin non titulaire du Brevet de technicien supérieur agricole M. Olivier D. ne justifie pas avoir exercé pendant six années un emploi agricole lui permettant d'acquérir les compétences techniques requises pour prétendre à la classification revendiquée. A cet égard il ne produit, aucune pièce antérieure au décès de son père de nature à démontrer qu'il avait d'autres tâches que celles relatives à la comptabilité et au suivi des contrats d'assurance.
C'est donc en parfaite connaissance de la réalité de son emploi qu'Olivier D. établissait ses propres bulletins de salaire en spécifiant qu'il occupait un emploi de gestion au coefficient susvisé.
En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la
demande de M. D. en reclassification de son emploi et a condamné la SCA du Château de Ferrand à lui payer, en conséquence, un rappel de salaires à hauteur de 64.653 € outre les congés payés afférents, un rappel de primes d'ancienneté à hauteur de 9.017,85 € et les congés payés afférents et une prime d'encouragement à hauteur de 14.855 € et les congés payés afférents, ainsi que des sommes complémentaires au titre des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis et de l'indemnité de licenciement.
* Sur la demande en remboursement de frais professionnels :
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés.
A de multiples reprises à compter de janvier 2010 M. Olivier D. a sollicité le remboursement de frais. M. Bruno D. en qualité de gérant lui a demandé systématiquement la production de justificatifs, en originaux notamment, a sollicité des explications sur certains achats et des plannings et rapports d'activité pour justifier du lien entre frais et travail.
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Conseil de Prud'hommes a rejeté cette demande formée par M. D..
* Sur l'indemnisation des congés payés non pris :
Les bulletins de paie établis par M. D. lui-même entre 2007 et le mois de mai 2010 ne comportent aucune mention relative aux congés payés qu'ils soient acquis ou pris.
A compter du mois de juin 2010, il sera déchargé de cette tâche et les congés payés acquis jusqu'à son licenciement et non pris lui seront payés à hauteur de 40 jours en septembre 2011.
Le silence des bulletins de salaire antérieurs au mois de juin 2010, certes établis par le salarié, laisse présumer que le salarié n'a pas pris de congés pendant cette période alors qu'il a acquis 17,5 jours entre juin et décembre 2007, 25 jours par an en 2008, 2009 et 12,5 jours entre janvier et mai 2010.
Cette présomption est simple et l'employeur peut rapporter la preuve, soit que le salarié a effectivement pris des congés, soit que la SCA du Château de Ferrand a accompli toutes diligences pour que M. D. prenne ses congés.
Sur ce dernier point elle n'apporte aucun élément. En revanche elle produit un courriel adressé par M. Olivier D. à Bruno D. le 04 janvier 2008 l'informant de son absence la semaine suivante. Il est donc établi que le salarié a pris cinq jours de congés en janvier 2008.
La SCA Château Ferrand produit également des tableaux qui corres pondraient à une liste de paiement par carte bancaire effectués par M. Olivier D. sur son compte personnel. Ces pièces qui ne comportent aucun numéro de compte, aucun nom, dont il n'est pas certain qu'il s'agisse de documents bancaires, n'ont aucune force probante.
En conséquence, il y a lieu de condamner la SCA Château Ferrand à payer à M. Olivier D. les sommes de 1.119,30 € bruts au titre des congés payés de juin à décembre 2007 (10 % de sommes perçues) de 1.650,33 € bruts au titre du solde de vingt jours de congés pendant l'année 2008, de 2.136 € bruts au titre de l'année 2009, de 890 € bruts entre janvier et mai 2010, soit la somme de 5.795,63 € bruts avec intérêts courant au taux légal à compter du
14 juin 2011 en application des dispositions de l'article 1153 du code civil.
* Sur le harcèlement moral :
Aux termes des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L.1154-1 du code du travail, il incombe à M. Olivier D. d'établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans un contexte d'une multiplication des procédures civiles et pénales qui l'opposent à ses frères et soeurs, essentiellement en leur qualité de co héritiers et de co associés quant au fonctionnement et au devenir de la SCA, M. Olivier D. invoque une série de faits qui pour la plupart sont étrangers au contrat de travail et dont certains ne sont nullement établis.
Il ne rapporte pas la preuve que son frère Bruno a installé des caméras de surveillance autour du Château, qu'il a empoissonné les chiens de sa compagne, qu'il a confié la comptabilité de la SCA à M. Régis B., ce dernier attestant du contraire même s'il indique avoir fait une proposition en ce sens. C'est également à tort qu'il reproche à Bruno D. en sa qualité de gérant de ne pas lui avoir remboursé de frais professionnels comme ci dessus indiqué ou lui impute une discrimination avec le seul autre salarié de la société, M. R., lequel, en charge des cultures s'occupe notamment des moissons et assume un emploi totalement dissemblable de celui occupé par M. D.. Il n'est pas davantage établi que M. Olivier D. a été privé de l'usage de véhicules nécessaires à l'exécution de son contrat de travail, en effet il détenait les clés de deux véhicules légers et il n'est nullement établi qu'il ne pouvait pas utiliser les tracteurs de l'exploitation étant observé que l'usage de tels engins ne relevait pas de ses fonctions.
Il n'établit pas davantage que son frère Bruno a usurpé la qualité de gérant, le procès-verbal du conseil d'administration de la SCA en date du 25 juin 2001 signé par M. Raymond D. et ses quatre enfants démontre qu'il s'est tenu sous la présidence de Bruno D. qui l'a signé en qualité de gérant au vu et au su de tous les associés.
Sont étrangères au contrat de travail les décisions de la SCA du Château de Ferrand de désigner un notaire ou des experts pour estimer les biens, envisager leur cession ou transférer le siège social de la SCA au domicile de son gérant. Il en va de même de la procédure initiée par la belle soeur du salarié ou encore de l'introduction d'autres procédures, civile pour lésion, pénale pour vol dont M. Olivier D. fait état et dont la réalité n'est au demeurant pas justifiée.
Par ailleurs, M. D. Olivier n'ayant pas de procuration depuis 1987 pour faire fonctionner le compte de la société il ne peut reprocher au gérant de lui avoir demandé de lui remettre la carte bleue qu'il détenait et qu'il ne pouvait utiliser.
Enfin, les demandes de l'employeur de remise des pièces comptables des années antérieures ou de plannings et de rapports d'activité ne sauraient caractériser un quelconque harcèlement moral ces demandes relevant du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur. Les avertissements délivrés à M. D. en raison de son refus d'adresser ces rapports sont justifiés.
Il faut observer, par ailleurs, que M. Olivier D. ne produit aucun certificat médical aucune pièce venant corroborer que son état de santé s'est dégradé dans ce contexte.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de M. Olivier D. au titre du harcèlement moral.
* Sur la rupture du contrat de travail :
Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est motivée par trois séries de griefs.
La première a trait aux agissements de M. Olivier D. en vue de priver l'entreprise de tous véhicules et d'en entraver le fonctionnement, de circuler sans assurance et de ne pas avoir restitué les clés des véhicules qu'il détenait.
Les pièces produites démontrent que M. Olivier D. détenait un jeu de clés de deux des véhicules légers de l'entreprise (une Renault Mégane et un 4X4 Toyota) et qu'il lui arrivait de poser une canne antivol sur le véhicule Renault Mégane. Il n'est nullement établi qu'il ait empêché M. R. d'utiliser son véhicule de fonction (une Renault Kangoo), ou les engins agricoles. Il est inexact de prétendre, comme le fait
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L’employeur, qu'Olivier D. a roulé avec des véhicules de l'entreprise non assurés. En revanche il est vrai qu'il n'a pas restitué l'intégralité des clés qu'il détenait comme le lui avait demandé le gérant de la société le 18 avril 2011 ; cependant M. Olivier D. ayant, jusque-là, toujours conservé un jeu de clés de ces véhicules sa faute ne revêt pas un degré de gravité suffisant pour justifier, à elle seule, un licenciement.
Les deux autres griefs ont trait à l'absence de fourniture d'un travail, avec refus de fournir la moindre explication au sujet des tâches exécutées, et à la remise en cause de l'autorité du gérant.
Il est indéniable qu'Olivier D. considérait son frère Bruno D. comme un simple gérant de fait, voire comme un usurpateur, ainsi qu'il le lui a écrit dès juin 2009, cette contestation du droit de son frère à représenter la SCA, c'est à dire son employeur, même si elle a eu des incidences sur l'exécution du contrat de travail trouve sa source dans un conflit entre associés.
Surtout, alors que les tâches confiées au salarié étaient des tâches comptables et administratives de secrétariat, supposant notamment un suivi des factures, que le lieu d'exercice du travail avait toujours été le Château de Ferrand, en décidant de faire expédier le courrier de la SCA du Château de Ferrand à une nouvelle adresse dès le mois de février 2010, puis officiellement au lieu du nouveau siège social à compter du mois de mai 2010, l'employeur ne mettait plus le salarié en mesure d'exécuter l'essentiel de ses tâches. C'est notamment dans ces conditions qu'à compter du mois de juin 2010 M. Olivier D. a cessé d'établir les bulletins de salaire.
L'employeur ne peut donc lui reprocher un défaut ou un manque de travail alors que celui-ci trouve, au moins partiellement, sa cause dans son propre comportement.
Dès lors, au vu de ce contexte, les manquements du salarié étant liés à ceux de l'employeur, leur gravité n'est pas suffisamment sérieuse pour légitimer le licenciement, réformant le jugement déféré il y a lieu de dire le licenciement de M. Olivier D. dépourvu de cause réelle et sérieuse.
* Sur l'indemnisation du préjudice né du licenciement abusif :
Aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.1235-5 du code du travail, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou celui employé par une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, peut prétendre en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
M. Olivier D. avait treize ans d'ancienneté au moment du licenciement, il percevait un salaire d'un montant 1.865,54 € bruts par mois, prime d'ancienneté inclue. Le contexte familial du litige lui donne un caractère particulièrement sensible et dommageable.
En conséquence, la SCA Château de Ferrand sera condamnée à payer à M. Olivier D. la somme de 24.000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l'article 1153 du code de procédure civile.
* Sur la demande reconventionnelle en restitution :
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a retenu sa compétence pour statuer sur cette demande.
M. Olivier D. prétend ne plus détenir la clé du coffre-fort de la SCA du Château de Ferrand ouvert auprès d'une agence du Crédit Agricole, l'ordinateur iMac et son imprimante et le photocopieur Canon en raison de leur obsolescence. Il ne fournit aucune explication sur l'appareil photo Nikon et sa mémoire ayant fait l'objet d'une facture adressée à la SCA du Château de Ferrand, à son attention personnelle, le 17 décembre 2001.
D'une part, il ne produit aucun justificatif relatif à une éventuelle perte ou à un éventuel vol de la clé et de l'appareil photo, d'autre part l'ordinateur, l'imprimante et le photocopieur étaient ses outils quotidiens de travail pour l'accomplissement de ses tâches administratives et de suivi de la comptabilité, or, il ne prétend ni ne justifie que ce matériel a été remplacé en raison de son obsolescence. Il s'en déduit nécessairement que ces outils de travail étaient toujours en sa possession au moment de la rupture du contrat de travail.
En conséquence, confirmant et complétant le jugement déféré il y a lieu de dire que M. Olivier D. devra restituer l'ordinateur iMac et son imprimante, le photocopieur Canon l'appareil photo Nikon Cool Pix et sa mémoire Compact flash de 32 Mo ainsi que la clé du coffre-fort de la SCA détenu dans l'agence du crédit agricole d'Issigeac, dans le délai de 15 jours suivant la notification de la présente décision, ce sous peine d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard.
* Sur les autres demandes :
L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. Olivier D. qui se verra allouer la somme de 1.000 € à ce titre.
La SCA du Château de Ferrand qui succombe partiellement conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu il a dit que M. D. a exercé les fonctions de régisseur ou directeur d'exploitation depuis le 1er avril 2003 et a condamné la SCA du Château de Ferrand à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire sur requalification au titre des congés payés afférents, au titre du rappel de prime d'ancienneté, et des congés payés afférents, au titre du rappel d'une prime d'encouragement et aux congés payé afférents, au titre d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'il a dit le licenciement de M. Olivier D. fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés non pris.
Et, statuant de nouveau :
Déboute M. Olivier D. de sa demande en reclassification et de ses demandes en paiement subséquentes.
Condamne la SCA du Château de Ferrand à payer à M. Olivier D. la somme de 5.795,63 € (cinq mille sept cent quatre-vingt-quinze euros et soixante-trois centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris avec intérêts courant au taux légal à compter du 14 juin 2011.
Dit que le licenciement de M. Olivier D. est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la SCA du Château de Ferrand à verser à M. Olivier D. la somme de 24.000 € (vingt-quatre mille euros) à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.
Confirme le jugement déféré pour le surplus.
Y ajoutant :
Condamne M. Olivier D. à restituer à la SCA du Château de Ferrand la clé du coffre-fort (compartiment numéro 49 coffre numéro 2) à l'agence d'Issigeac du crédit agricole de Charente Périgord, le photocopieur Canon, l'ordinateur iMac et l'imprimante Epson, l'appareil photo Nikon Coolpix et la mémoire 32 méga octets compact flash (facture numéro 11 436 du 17 décembre 2001 de la société MacWay), dans un délai de 15 jours suivant la notification de la présente décision ce sous peine d'une astreinte provisoire de 50 € (cinquante euros) par jour de retard.
Condamne la SCA du Château de Ferrand à verser à M. Olivier D. la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCA du Château de Ferrand aux dépens de la procédure.