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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 14 janvier 1991, n° 1035/90

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque Populaire Toulouse Pyrénées (Sté)

Défendeur :

Lavergne (ès qual.), Rey (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jorda

Conseillers :

Mme Mettas, M. Milhet

Avoués :

SCP Nidecker-Prieu, SCP Sorel-Dessart

Avocats :

Me Decker, Me Dublanche

T. com. Toulouse, du 23 févr. 1990

23 février 1990

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 novembre 1990,

ATTENDU, quant aux faits qui sont à l’origine du litige, qu’il résulte des pièces produites et des débats, la Cour renvoyant aussi à cet égard, à la décision déférée, que, par jugement du 31 mars 1987, le Tribunal de Commerce de Toulouse ouvrit une procédure de redressement judiciaire concernant les sociétés ATCHOUM et UN DEUX TROIS ; que le 3 juillet 1987, le même Tribunal arrêta le plan de cession de ces sociétés « en faveur, dit le Tribunal, de la société PROGEST pour le prix de … 4013 856 F », avec l’engagement de caution de la société BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRENEES, ci-après dénommée la société B.P.T.P. ou la Banque ; que, selon ce jugement, l’obligation de la Banque, à concurrence de 750 000 F, garantissait le paiement du prix du fonds de commerce des deux sociétés qui était cédé ; que le jugement prévoyait aussi que l’administrateur passerait tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ; que, s’agissant de cette réalisation, en premier lieu, la société B.P.T.P. se porta, par acte sous seing privé du 1er octobre 1987, caution solidaire des obligations d’une Société NOUVELLE D’EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS ATCHOUM (Sté NEA) acquéreur des fonds de commerce des sociétés ATCHOUM et UN DEUX TROIS et à concurrence de 750 000 F ; que, par la suite, le 27 novembre 1987, par acte devant notaire, Me Jean Marcel LAVERGNE, agissant en sa qualité d’administrateur nommé dans la procédure collective précitée, vendit à la Sté NEA les fonds de commerce des Stés ATCHOUM et UN DEUX TROIS ; qu’à cet acte intervint la Sté B.P.T.P. qui déclara se porter caution du paiement du solde du prix de vente, soit 750 000 F qui devait faire l'objet de trois versements semestriels égaux de 250 000 F, le 1er, le 31 décembre 1987, le second, le 30 Juin 1988, le 3ème, le 31 décembre 1988, le vendeur ne pouvant accorder aucune prorogation de délai à l’acquéreur sans le consentement exprès et écrit de la Banque ; que celle-ci, alors que le représentant des créanciers avait, le 20 octobre 1988, présenté requête afin que soit prononcée la résolution du plan de cession, fut,  le 4 novembre 1988, mise en demeure de payer la somme de 750 000 F par Mes Jean-Marcel LAVERGNE, administrateur et Me REY Christian, représentant des créanciers, le cessionnaire ne s'étant pas acquitté de ce qu’il devait ; que, le 25 novembre 1988, le Tribunal de Commerce prononça la résolution du plan de cession des deux Sociétés ATCHOUM et UN DEUX TROIS et ouvrit à leur égard une nouvelle procédure de redressement judiciaire ; que la Sté BPTP paya alors que la Sté NEA faisait l'objet, le 6 décembre 1988, d'un jugement de redressement judiciaire puis, le 23 décembre 1988, d’un jugement de liquidation judiciaire, les Stés ATCHOUM et UN DEUX TROIS, étant le 20 janvier 1989, déclarées en état de liquidation judiciaire,

ATTENDU que c'est dans ces circonstances de fait, qu’après une mise en demeure restée infructueuse la Sté BPTP, invoquant la résolution du plan de cession, assigna en restitution de la somme de 750 000 F précitée, Me Jean Marcel LAVERGNE ès qualités d’administrateur judiciaire et Me Christian REY ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l’exécution du plan, tous deux nommés dans la procédure de redressement judiciaire concernant la Sté ATCHOUM ; qu’à la suite de cette assignation et des conclusions en défense de Mes LAVERGNE et REY, le Tribunal de Commerce se prononça par le jugement attaqué, du 23 février 1990, qui débouta la Sté B.P.T.P. de son action et Mes LAVERGNE et REY de leur demande de dommages-intérêts, la même décision, assortie de l'exécution provisoire, condamnant la Banque aux dépens et au versement d’une indemnité en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à chacun de Mes LAVERGNE et REY ; que, pour ainsi statuer, les premiers juges ont, pour l'essentiel, estimé, sur l’action de la Banque, que la résolution du plan n’entrainait pas celle de la cession et la disparition de la cause de l’obligation de la caution, et, sur la demande des mandataires de justice, que ceux- ci ne justifiaient d’aucun préjudice,

ATTENDU que la Sté BPTP est appelante à titre principal de ce jugement,

ATTENDU que dans ses conclusions initiales, elle demande l'infirmation de la décision dont appel, et, plus précisément, la condamnation de Mes REY et LAVERGNE à lui restituer la somme de 750 000 F versée, avec les intérêts au taux légal, à lui payer une somme de 20 000 F à titre de dommages- intérêts, à supporter les dépens, à verser une indemnité en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'à cet effet elle prétend que la résolution du plan entrainerait nécessairement celle de la cession consentie en exécution de ce plan et la nullité, faute d’objet et de cause, de l’obligation de la caution,

ATTENDU que, par des conclusions du 3 décembre 1990, postérieures à l'ordonnance de clôture, la Sté B.P.T.P. demande la révocation de celle-ci, à titre principal, le bénéfice de ses précédentes conclusions, à titre subsidiaire, la limitation de son engagement à une somme de 250 000 F le 4 novembre 1988 ; qu’elle prétend à cet égard qu’elle serait en droit de répliquer aux conclusions de Mes LAVERGNE et REY qui auraient été déposées le jour de la clôture et que son obligation, alors que Me REY aurait consenti, sans son accord, une prorogation de délai au débiteur n’aurait pu, le 4 novembre 1988, que garantir le paiement de la somme due à la dernière échéance,

ATTENDU que Mes LAVERGNE et REY sont appelants à titre incident ; qu'ils demandent la confirmation du jugement soumis à la Cour, sur le rejet de l'action de la Banque, mais sa réformation pour le surplus, et la condamnation de celle-ci à leur payer une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ; qu’ils concluent aussi à la condamnation de la Sté B.P.T.P. aux entiers dépens et au versement d’une indemnité en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu’ils prétendent, d’une part, que la résolution du plan n’entrainerait pas de plein droit la résolution de la vente, conclue en exécution du jugement arrêtant le plan, mais distincte de cet acte juridictionnel, d’autre part, que la Banque, de par notamment les termes employés dans l’assignation initiale, aurait voulu leur nuire, leur causant ainsi un dommage,

ATTENDU, sur ce, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 783 et 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, que la demande de révocation de l’ordonnance de clôture est toujours recevable mais que les conclusions qui ont un autre objet et qui sont déposées après la clôture doivent, sauf si elles concernent une intervention volontaire ou les accessoires d’une créance, être déclarées d’office irrecevables, sauf cause grave survenue depuis l’ordonnance, et seule susceptible de motiver cette révocation ; qu’en l’espèce, et alors qu’il s’est écoulé 26 jours entre les conclusions de Mes LALVERGNE et REY et l’ordonnance de clôture, ce délai, qui était suffisant pour répondre à des conclusions qui reproduisent, à peu près, celles déposées en première instance, et qui n’avait pas, dès lors, pour respecter le principe de la contradiction, à être prolongé après la clôture, ne saurait constituer la cause grave prévue par l’article 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, de sorte que faute de révocation de la clôture, les conclusions du 3 décembre 1990 de la Sté B.P.T.P., en ce qu’elles sont tardives, seront, d’office, déclarées irrecevables ; qu’aussi bien aucune cause grave, au sens du texte précité ; ne se révèle en l’espèce,

ATTENDU que la Cour est saisie de l’action de la Sté B.P.T.P. contre, d’une part, l’administrateur judiciaire, d’autre part, le représentant des créanciers, également Commissaire à l’exécution du plan de cession, tous deux nommés dans la procédure de redressement judiciaire concernant d’ailleurs la seule Sté ATCHOUM ; que, par cette action, la Sté B.P.T.P. prétend à la nullité, faute d’objet ou de cause, caution après résolution prononcée du plan de cession de divers biens de la Sté précitée,

ATTENDU, en droit, que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ; qu’il est de principe aussi que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; qu’ainsi l’annulation ou la résolution du contrat principal entrainent, sauf quand subsistent entre les parties, malgré l’annulation ou la résolution, des obligations valables, la nullité ou la résolution, faute d’objet, de l’engagement de la caution qui n’a qu’un caractère accessoire ; que, de plus, la caution peut demander la nullité ou la résolution du contrat principal,

ATTENDU qu’en l’espèce, la Sté B.P.T.P, ne demande pas la nullité ou la résolution d’un tel contrat qui, en l’espèce, est l’acte de vente conclu le 27 novembre 1987 ; qu’en effet elle tient pour acquise la résolution de cette vente du fait de la résolution du plan de cession ; que ce qui est en question c’est de savoir si toute résolution d’un plan de cession entraine nécessairement celle de la ou des cessions qu’il avait prévues,

ATTENDU, sans doute, que toute résolution « remet les choses en même état que si l’obligation n’avait pas existé », comme le dit l’article 1183 du Code Civil ; que ce principe doit s’appliquer à toute résolution à la condition, toutefois qu’elle porte sur l’acte lui-même qui a créé l'obligation qui disparait, ou la convention cause de cet acte,

ATTENDU qu’à propos du plan de continuation ou de cession de l’entreprise l’article 66 de la loi du 25 janvier 1985 et l’article 88 du décret du 27 décembre 1985 distinguent on ne peut plus nettement le jugement arrêtant le plan et les « actes permettant la mise en oeuvre du plan » ; que cette distinction apparait aussi, à propos de la cession, dans l’article 87 de loi précitée qui dispose qu’ « en exécution du plan arrêté par le Tribunal, l’administrateur passe tous les actes nécessaires à la résolution de la cession » et que « dans l’attente de l’accomplissement de ces actes, l’administrateur, peut, sous sa responsabilité, confier au cessionnaire la gestion de l’entreprise cédée »,

ATTENDU que cette distinction repose sur l’idée qu’à la différence d’un jugement qui vaut vente, celui qui arrête le plan n’équivaut pas, par lui-même, à la cession qu’il approuve par avance mais qui sera nécessairement distincte de l’acte juridictionnel qui en pose le principe sans en fixer toutes les modalités qui seront l'oeuvre de la volonté des parties,

ATTENDU, en effet, qu'assez souvent la personne qui s’offre à acquérir l’entreprise n’est pas la même que celle qui deviendra, par l’acte de cession, l’acheteur véritable ; qu’il n’est pas rare qu’une personne apportant sa garantie à l’exécution du plan (art. 62 de la loi du 25 janvier 1985) soit amenée à réitérer son engagement, par exemple en se portant caution des obligations du cessionnaire, personne distincte de celui qui à l’origine avait offert de reprendre,

ATTENDU qu’en l’espèce c’est ce qui s’est passé ; que le jugement arrêtant le plan a retenu l’offre d’une Sté PROGEST qui devait créer une Sté dans laquelle elle aurait une participation et qui devait reprendre les activités des Stés ATCHOUM et UN DEUX TROIS, avec l’engagement de caution de la Sté B.P.T.P. ; que l'acte de vente, lui, a été conclu entre l’administrateur judiciaire Me LAVERGNE et la Sté NEA, distincte de la Sté PROGEST, la Banque se portant caution des obligations de la Sté NEA envers le vendeur,

ATTENDU qu’ainsi l’analyse du jugement du 9 Juillet 1987 et de la vente du 27 novembre 1987 fait apparaitre que plan et vente sont deux actes différents puisque le cessionnaire est dans le jugement la Sté PROGEST et dans l’acte de vente la Sté NEA ; qu’ainsi la résolution du plan ne saurait entrainer par elle-même la résolution de la vente,

ATTENDU que la Cour observe aussi, que si la Sté NEA a été appelée dans l’instance en résolution ainsi que les Stés cédantes en la personne de leurs gérants, Me LAVERGNE, en sa qualité d’administrateur, ayant conclu les actes de cession n’a pas été convoqué devant le Tribunal de Commerce,

ATTENDU que celui-ci sans user des pouvoirs qu’il tient de l'article 90 de la loi du 25 janvier 1985 n’a statué que sur la résolution du plan ; qu’il n’a rien dit d’une résolution éventuelle de la vente ; qu’ainsi, même si à la suite de la résolution du plan, la promesse de garantir de la Banque, et qui n’est pas produite à la Cour, disparait, l’engagement de caution résultant de la convention du 27 novembre 1987 subsiste puisqu’il est distinct de la promesse de garantie précitée,

ATTENDU que, plan et cession étant deux actes différents, les raisons qu’invoque la Sté B.P.T.P. dans ses conclusions principales et qu’elle avance, soit à partir des articles 80 et 95 de la loi du 25 janvier 1985, soit à partir des conséquences de la résolution du plan de cession, soit à partir du jugement du 25 novembre 1988, sont dénuées de pertinence ; qu’aussi bien l’article 80 de la loi précitée concerne le plan de continuation et l’article 95 la location gérance en cas de cession ; que, par ailleurs, et contrairement à ce qu’indique la Sté BP, décider que toute résolution du plan vaudra résolution des cessions qui en ont été la suite pourrait conduire à des conséquences absurdes, ne serait-ce qu’en liant nécessairement le sort d’un cessionnaire qui exécute ses obligations à celui d’un cessionnaire d’autres biens et de mauvaise foi ; qu’enfin l’ouverture d’une nouvelle procédure de redressement judiciaire ne signifie nullement que résolution du plan et résolution de la cession coïncident,

ATTENDU, dès lors, que par substitution de motifs, le jugement dont appel sera confirmé, tout au moins en ce qu’il a rejeté la demande de restitution en l’état de la Sté B.P.T.P.,

ATTENDU, sur l’action en dommages-intérêts de Me LAVERGNE et de Me REY, que si le droit d'agir en justice peut dégénérer en abus lorsqu’un plaideur, notamment, dans la conduite d’une procédure, commet une faute, encore faut-il qu’un dommage s’en soit suivi ; qu’à cet égard rien n’est établi par les demandeurs qui ne disent pas comment se manifeste « le discrédit » qu’on aurait jeté sur eux par l’assignation précitée ; qu’à bon droit la décision entreprise dont la Cour sur ce point s’approprie les motifs a rejeté l’action des mandataires de justice,

ATTENDU que la Sté B.P.T.P. succombe et sera condamnée aux entières dépens ; que des considérations évidentes d’équité entrainent en la cause l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et la condamnation de la Banque à verser une somme de 4 000 F à l’un et l’autre des deux mandataires de justice précités.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Déclare en la forme les appels réguliers et recevables,

Confirme le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de restitution en l’état de la Sté BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRENEES et en ce qu’il a débouté Me LAVERGNE et Me REY de leur action en dommages-intérêts,

Condamne la Sté BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRENEES aux entiers d’apens en accordant à la SCP SOREL-DESSART le droit de recouvrer directement à leur encontre ceux de ces dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, en application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

La condamne à verser à Me LAVERGNE et à Me REY une somme à chacun de 4 000 F (QUATRE MILLE FRANCS) en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.