CA Versailles, 13e ch., 21 février 2013, n° 12/01606
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Basse (ès qual.), CIAC (SA), CIAC DES (Sté), CIAC Participations (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Besse
Conseillers :
Mme Beauvois, Mme Vaissette
Avocats :
Me Dumeau, Me Minault
Par jugements en date des 15 novembre, 6 et 13 décembre 2007, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé respectivement le redressement judiciaire de CIAC SA, CIAC DES et CIAC PARTICIPATIONS et a désigné Maître Carboni, en qualité d'administrateur judiciaire, et Maître Riffier, en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 7 février 2008, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la jonction des procédures et la confusion du patrimoine des sociétés composant le groupe CIAC.
Me Carboni a recherché un candidat pour la cession des actifs du Groupe.
M. X a présenté une offre concernant l'ensemble des actifs des sociétés du groupe Ciac pour le compte de la Société Nouvelle CIAC participations (SN Ciac) en cours de constitution.
Par jugement en date du 14 février 2008, le tribunal de commerce a ordonné la cession des actifs appartenant aux sociétés du groupe CIAC au profit de la société à responsabilité limitée, Société Nouvelle CIAC participations (SN Ciac) en cours de constitution pour un prix total de 516.002 euros. La somme de 250.000 € a été payée au jour de l'audience du 14 février 2012.
Le solde du prix n'a pas été payé dans les délais prévus par le jugement.
Par requête du 19 juin 2008, Me Carboni ès qualités a alors saisi le tribunal de commerce aux fins de résolution du plan.
Par requête du 20 juin 2008, la SN Ciac a demandé au tribunal d'accepter une modification du plan de cession et une prolongation du délai de paiement du solde du prix de cession jusqu'au 31 décembre 2008.
Par jugement rendu le 3 juillet 2008, le tribunal de commerce a rejeté la demande de diminution du prix de cession et de résolution du plan de cession et a accordé à la SN Ciac participations un délai allant jusqu'au 31 décembre 2008 pour payer le solde du prix de cession.
Par jugement du 4 septembre 2008, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Ciac et a désigné la Selarl C. Basse en qualité de mandataire liquidateur.
Le 30 octobre 2008, la SN Ciac a signé l'acte de cession d'entreprise précisant les modalités d'acquisition des actifs des sociétés du groupe Ciac.
Par nouveau jugement du 25 février 2009, le tribunal de commerce a prolongé de 6 mois à compter de sa date le délai de paiement du solde du prix de cession.
Par jugement du 15 octobre 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SN Ciac participations.
Par jugement du 12 novembre 2009 du tribunal de commerce de Paris, la liquidation judiciaire de la SN Ciac participations a été prononcée.
Me Basse ès qualités a mis en demeure M. X de payer le solde du prix de cession par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 janvier 2011 puis l'a assigné le 22 février 2011 aux mêmes fins.
Par jugement rendu le 7 février 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté M. X de sa demande d'irrecevabilité et de sa demande de résolution du plan de cession du groupe Ciac,
- condamné M. X à payer à Me Basse ès qualités la somme de 266.002 €,
- autorisé M. X à se libérer de sa dette en 23 versements mensuels égaux de 11.000 €, le solde étant réglé le 24ème mois, le premier versement devant intervenir à compter du 30 ème jour du mois suivant la signification du jugement, assorti les délais d'une clause de déchéance du terme à défaut de paiement d'une seule échéance à bonne date,
- dit que les sommes reportées porteront intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2011,
- assorti le jugement de l'exécution provisoire,
- condamné M. X aux dépens et à payer une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 13 avril 2012, M. X demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :
- déclarer irrecevable l'action de la Selarl C. BASSE, ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur du groupe Ciac,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution du plan de cession du groupe Ciac sans anéantissement des actes de cession,
- à titre infiniment subsidiaire, reporter le paiement du solde du prix de cession d'un montant de 266.002 euros, à l'issue d'un délai de 24 mois, conformément aux dispositions de l'article 1244-1 du code civil, et arrêter le cours de l'intérêt légal pendant le délai de grâce,
- condamner la Selarl C. Basse, ès qualité de liquidateur du groupe Ciac à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. X fait valoir en substance que :
- la demande de la Selarl C. Basse formée contre lui est irrecevable sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile pour défaut de qualité à agir du défendeur dès lors que les engagements pris l'ont été pour le compte d'une société en cours de constitution, que la SN Ciac a valablement repris en annexe 3 de ses statuts constitutifs les engagements pris par M. X au nom et pour le compte de la société alors en formation, qu'il n'est pas débiteur à titre personnel du prix de cession, que cela résulte à l'évidence des jugements rendus les 14 février 2008 et 3 juillet 2008 ;
- en vertu de l'article L. 642-11 du code de commerce, tout intéressé peut solliciter la résolution du plan de cession, que l'offre de reprise a été formulée sous la condition suspensive de l'exécution des contrats conclus avec le Koweït et l'Arabie Saoudite, que M. Anbar ancien dirigeant de la société Ciac participations s'est employé à faire en sorte que la nouvelle société ne puisse récupérer lesdits contrats qui ont été perdus, que le repreneur a été trompé en réalité sur l'état des actifs et précisément sur la réalité de ces contrats présentés par M. Burgarella et Mme Laclef au moment de l'établissement de l'offre de cession, que le repreneur de par ces réticences et ces dénigrements n'a jamais été mis en mesure de payer le prix de cession,
- il ne dispose pas d'un patrimoine mobilier et immobilier lui permettant de payer le prix en une seule fois.
Par dernières conclusions signifiées le 4 mai 2012, la Selarl C. Basse ès qualités demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner M. X à lui payer une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le liquidateur soutient que :
- l'offre de reprise a été présentée par M. X qui en est l'auteur et le jugement du 14 février 2008 le désigne comme tenu d'exécuter le plan, lui donne acte des engagements pris à cet effet, que la société n'était pas en cours de formation au moment de cette offre, que M. X auteur de l'offre reste responsable de ses obligations alors même qu'une personne morale l'aurait substitué conformément à l'article L. 642-9 du code de commerce, que les statuts constitutifs de la SN Ciac et son annexe 3 n'ont pas été notifiés à Me Carboni et Me Riffier,
- la demande de résolution du plan a été rejetée par jugement du 3 juillet 2008 qui est définitif, qu'en tout état de cause, le tribunal saisi par Me Basse d'une demande de paiement du solde du prix n'a pas qualité pour se prononcer sur une telle demande.
Le dossier a été communiqué au Ministère public qui n'a pas conclu.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION :
Sur la recevabilité de la demande à l'encontre de M. X
Il résulte des termes du jugement du 14 février 2008 que M. X a été l'auteur de l'unique offre reçue, qu'il a présenté cette offre de reprise au nom de la SN Ciac, Sarl en cours de constitution, que le tribunal a ordonné la cession des actifs des sociétés du groupe Ciac au profit de la SN Ciac en cours de constitution.
Il est établi également que M. X a déposé les statuts de la SN Ciac en date du 21 mars 2008 qui ont été enregistrés au registre du commerce et des sociétés le 11 avril 2008.
Il est en effet précisé en annexe 3 de ses statuts au titre des actes accomplis pour le compte de la société en formation que M. X a présenté une offre de reprise des actifs des sociétés du groupe Ciac le 21 janvier 2008, qu'il s'est engagé à faire reprendre ses engagements par la société dans l'acte constitutif de sorte qu'après notification de cet acte aux co-contractants par lettre recommandée, la société deviendra seule et rétroactivement contractante avec tous les droits et obligations qui en découlent, sans que l'associé signataire puisse être engagé à titre personnel, qu'un extrait des minutes du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 14 février 2008 homologuant la cession des actifs des sociétés du groupe Ciac au profit de M. X est annexé aux présentes, que M. X accepte la substitution.
Il résulte de l'article L. 642-9 3ème alinéa du code de commerce que même lorsque le tribunal autorise la substitution de cessionnaire dans le jugement arrêtant le plan de cession, l'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits.
En l'espèce, dans son jugement du 14 février 2008, le tribunal a certes autorisé la substitution de la SN Ciac à l'auteur de l'offre de reprise mais il a expressément désigné M. X comme tenu d'exécuter le plan et lui a donné acte de ses engagements pris à cet égard, prenant acte en particulier de l'engagement de M. X de ne confier à M. Burgarella ni fonction de direction de droit ou de fait, ni quelque forme d'intéressement aux résultats de la société.
En vertu de l'article précité, comme l'a parfaitement relevé le tribunal, la substitution qui s'est opérée de la Sn Ciac à M. X n'a pas libéré ce dernier des obligations qui lui ont été imposées par le jugement du tribunal du 14 février 2008, la SN Ciac n'ayant pas le pouvoir de libérer M. X de l'obligation personnelle d'exécuter le plan, résultant du jugement.
La Selarl Basse est donc recevable à agir contre M. X pour obtenir l'exécution de cette obligation.
Sur la demande de résolution du plan de cession
M. X demande la résolution du plan de cession du groupe Ciac en raison des manquements fautifs et du comportement dolosif des anciens dirigeants du groupe.
Il résulte des motifs du jugement du 14 février 2008 que lors de l'audience, M. X modifiant son offre de reprise, a fait valoir que postérieurement au dépôt de l'offre, des difficultés imputables à M. Anbar et relatives à la reprise des contrats avec le Koweït et l'Arabie Saoudite étaient apparues, que M. Anbar était intervenu auprès de ces cocontractants pour tenter de décrédibiliser le repreneur, que ces difficultés étaient de nature à compromettre la pérennité de ces contrats dans la mesure où l'aléa pesant sur leur mise en oeuvre, s'il était connu du candidat repreneur au moment du dépôt de son offre initiale, et inhérente à ce type de contrat, s'est accru du fait des manoeuvres de M. Anbar, lesquelles ont amené les contractants à conditionner la mise en oeuvre des contrats à l'homologation de l'offre de cession du tribunal.
Dans le dispositif du jugement du 14 février 2008, il est dit « que la somme de 266.002 € devra être payée dès la confirmation de la mise en oeuvre des contrats conclus le 22 mars 2006 avec le Koweït et le 6 septembre 2006 avec le Royaume d'Arabie Saoudite, ce second versement devant intervenir en tout état de cause dans un délai maximal de trois mois après le jugement homologuant le plan de cession et que le paiement du solde n'est pas subordonné à la confirmation de la mise en oeuvre des contrats conclus avec le Koweït et le Royaume d'Arabie Saoudite.»
Il ressort sans ambiguïté de ce jugement, comme au demeurant des jugements suivants du tribunal de commerce qui ont prolongé le délai accordé à la SN Ciac pour s'acquitter du solde du prix de cession , que ce paiement était dû, nonobstant les difficultés éventuellement rencontrées dans la mise en oeuvre des deux contrats, et sans que l'exécution de ces contrats constitue une condition suspensive.
Par ailleurs, les agissements de dénigrement de M. Anbar dénoncés par M. X, comme l'aléa pesant sur la mise en oeuvre de ce type de contrat, étaient manifestement connus de l'intéressé avant le jugement et M. X n'en a pas moins maintenu son offre de reprise.
M. X n'apporte aucun élément sérieux venant établir qu'il aurait été trompé par M. Burgarella et Mme Laclef au moment de l'établissement de l'acte de cession sur la réalité des contrats de Koweït et de l'Arabie Saoudite.
Au moment de la cession, M. X était un expert reconnu dans la branche d'activité du groupe Ciac et avait les compétences pour apprécier les difficultés à laquelle le groupe était confronté. Il s'est fait assister par un cabinet d'avocats pour l'établissement de son offre qu'il a donc présentée en toute connaissance de cause.
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, il doit être débouté de sa demande de résolution du plan de cession.
Sur la demande en paiement du solde de prix de cession
M. X est tenu d'exécuter le plan de cession et garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits.
A ce titre, il est tenu du paiement du solde du prix de cession et des intérêts à compter de la mise en demeure, conformément aux dispositions prévues par le jugement qui ne sont pas critiquées.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de M. X.
L'équité commande de le condamner à payer à la Selarl C. Basse ès qualités une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 7 février 2012 en toutes ses dispositions.
Condamne M. X aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le condamne à payer à la Selarl C. Basse ès qualités une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le déboute de sa demande au même titre.