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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 9 décembre 2010, n° 10/02071

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Bruno Cambon (ès qual.)

Défendeur :

Lemée (ès qual.), Piollet (ès qual.), Avranches Espaces Verts (SARL), Vert et Bleu (SARL), Ax'up (SARL), Robert (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calle

Conseillers :

Mme Boissel Dombreval, Mme Vallansan

Avoués :

SCP Parrot Lechevallier Rousseau, SCP Grandsard Delcourt

Avocat :

Me Kragen

T. com. Coutances, du 15 juin 2010, n° 2…

15 juin 2010

Vu le jugement du tribunal de commerce de Coutances du 15 juin 2010 qui a :

- prononcé la résolution du plan de cession totale de l'entreprise unique constituée par le redressement judiciaire des sociétés Avranches Espaces Verts, Vert et Bleu et Ax'Up, arrêté par jugement du 8 septembre 2009 au profit de Monsieur Joël Kerbellec, agissant pour le compte de la SARL Blue Garden, ultérieurement constituée,

- dit que le prix payé par le cessionnaire et consigné par Maître Piollet ès qualités d'administrateur judiciaire resterait acquis à la procédure collective des trois sociétés à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis suite à l'inexécution du plan,

- ordonné le retour des éléments cédés dans le patrimoine unique des débiteurs,

- condamné la société Blue Garden à faire son affaire personnelle de tous les contrats et engagements souscrits par elle depuis son entrée en jouissance, ainsi que des dettes nées à l'occasion de la signature de ses engagements et des dettes nées des contrats repris depuis l'entrée en jouissance et de celles qui sont nées à l'occasion de l'exploitation du fonds,

- condamné la société Blue Garden à prendre en charge tous les contrats de travail;

Vu l'appel de la société Blue Garden, et les conclusions de la SELARL Bruno Cambon, ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société, déposées le 23 novembre 2010, par lesquelles elle demande à la Cour:

- d'annuler ou, à tout le moins, d'infirmer le jugement,

- vu l'effet dévolutif de l'appel et statuant à nouveau, de prononcer la résolution du plan en appliquant les principes généraux et effets de la résolution d'une vente en tenant compte des règles de droit d'ordre public s'imposant du fait de l'ouverture de la procédure collective du cessionnaire,

- en tout état de cause, de condamner Maître Lemée, ès qualités de liquidateur judiciaire des trois sociétés débitrices dont le plan avait été arrêté, de lui restituer, ès qualités, le produit qu'il a reçu de la vente des biens mobiliers et des meubles et véhicules,

- de condamner Maître Lemée, ès qualités, à assumer les conséquences de son statut d'employeur et notamment de régler les sommes encore dues aux salariés et de rembourser les avances qui leur ont déjà été faites par le CGEA,

- de débouter Maître Lemée, ès qualités, et Maître Piollet, ès qualités d'administrateur à la procédure commune aux sociétés Vert et Bleu, Avranches Espaces Verts et Ax'Up, de toutes leurs demandes,

- de dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective commune aux sociétés Vert et Bleu, Avranches Espaces Verts et Ax'Up à recouvrer en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

Vu les conclusions de Maître Lemèe, ès qualités, et de Maître Piollet, ès qualités, déposées le 23 novembre 2010, par lesquelles ils demandent à la Cour de confirmer le jugement et, y additant, de condamner la société Blue Garden et la SELARL Bruno Cambon, ès qualités, à leur payer, ès qualités, la somme de 2000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dire qu'ils seront pris en frais privilégiés de procédure collective;

Attendu que, par jugement du 22 juillet 2008, la société Avranches Espaces Verts a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, procédure étendue pour confusion des patrimoines par deux jugements du 28 juillet suivant à la société Vert et Bleu et à la société Ax'Up; que, par jugement du 8 septembre 2009, le tribunal de commerce de Coutances a arrêté le plan de cession totale de l'entreprise constituée par les trois sociétés au profit de Monsieur Joël Kerbellec, lequel s'est substitué la société Blue Garden; que l'entrée en jouissance étant autorisée à compter du 15 septembre 2009, un délai de deux mois a été accordé au cessionnaire pour signer les actes de cession; que le même jour le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire des trois sociétés, avec nomination de Maître Lemée en qualité de liquidateur; que, le 22 décembre 2009, ce dernier, après avoir constaté que la cession ne pouvait pas être régularisée, a déposé un rapport en résolution du plan; que le 1er juin 2010, la société Blue Garden, sur demande de son dirigeant, a fait l'objet d'un redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 13 juillet 2010;

Sur l'interruption d'instance et l'arrêt des poursuites:

Attendu que, selon l'article L. 622-21 du code de commerce auquel renvoie l'article L 631-14 du même code, l'ouverture d'une procédure judiciaire emporte arrêt des poursuites en résolution de contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, l'article L. 622-22 interrompant de plein droit les instances en cours y afférentes; que la SELARL Bruno Cambon soutient que l'instance en résolution du plan devait être interrompue jusqu'à la déclaration de sa créance en paiement du prix par Maître Lemée, ès qualités;

Attendu en premier lieu que, les débats étant déjà ouverts devant le tribunal lorsque la société Blue Garden a fait l'objet du redressement judiciaire, il n'y a lieu de déclarer caduc le jugement, l'interruption d'instance intervenant en cause d'appel;

Attendu ensuite que la demande en résolution du plan n'est pas justifiée par l'absence de paiement du prix, mais par l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée Maître Piollet de signer les actes de cession; que la SELARL Bruno Cambon ne peut soutenir que l'un des motifs de la résolution consiste en une absence de paiement puisque, dans le rapport de Maître Lemée, la seule référence à ce motif de résolution concerne le prix des stocks dont le paiement ne devait intervenir qu'après la signature des actes; que s'agissant d'une action autre que celles visées à l'article L. 622-21, l'article L.622-23 impose qu'elle soit poursuivie après mise en cause des organes de la procédure; qu'en l'espèce la SELARL Bruno Cambon intervenant à l'instance, la procédure a nécessairement été régularisée; qu'il n'y a donc lieu de constater l'interruption d'instance;

Sur la résolution du plan:

Attendu qu'en page 10 de ses conclusions récapitulatives n°3, la SELARL Bruno Cambon ne conteste pas la résolution du plan; qu'il n'y a donc pas lieu à ce titre de vérifier qui en est à l'origine; que le jugement sera donc confirmé de ce chef;

Sur les conséquences de la résolution du plan:

Attendu que la résolution du plan doit avoir pour conséquence le retour de l'entreprise dans le patrimoine du débiteur dont la procédure collective a été ouverte, sous réserve de l'application éventuelle de dispositions contraires;

* Sur le sort des contrats et prêts compris dans le périmètre de la cession:

Attendu que le tribunal arrêtant le plan de cession a ordonné le transfert d'un certain nombre de contrats en cours, baux, crédit-baux et locations, ainsi que celui de plusieurs prêts, avec transfert des garanties réelles y afférentes ; que le troisième alinéa de l'article L.642-11 du code de commerce, interprété a contrario, autorise le tribunal à ne pas prononcer la résolution des actes passés en exécution du plan résolu; que ce texte est inapplicable en l'espèce, les actes nécessaires à la réalisation de la cession, seuls concernés, n'ayant pas été passés; que la résolution du plan de cession doit donc emporter retour dans le patrimoine de chacune des sociétés concernées de ces contrats et prêts, avec la garantie réelle de ces derniers, conservée sur les biens qui font retour aux cédants;

Attendu toutefois qu'en vertu de son pouvoir, la Cour écarte le caractère rétroactif de la résolution du plan; qu'en conséquence, les échéances des contrats et prêts pendant la période d'exploitation de l'entreprise par le cessionnaire, devront demeurer à la charge de celui-ci; qu'il en est de même des autres dettes nées à l'occasion de l'exploitation du fonds par le cessionnaire; que le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef;

* Sur le sort des sommes déjà versées:

Attendu que, selon l'article L. 642-11 du code de commerce, 'en cas de résolution du plan, le prix payé par le cessionnaire reste acquis'; que la SELARL soutient que la somme de 60.000 euros versés à titre de consignation n'est pas un paiement du prix, lequel n'est exigible qu'au jour de la passation des actes de cession; que le jugement arrêtant le plan indique que les sommes remises à Maître Piollet, ès qualités, le sont en garantie du prix de cession; que, cependant, le même jugement rend obligatoire ses dispositions et le paiement du prix; que le dépôt des sommes entre les mains de l'administrateur doit donc s'analyser en un acompte sur le prix et en emprunter la nature juridique; que dès lors, la conservation du prix par la liquidation judiciaire commune n'a pas à être décidée à titre de dommages et intérêts mais qu'elle est de plein droit; que, sous cette réserve, il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef;

* Sur la revendication des biens:

Attendu que la SELARL Bruno Cambon soutient que les biens, dont Maître Lemée réclame restitution en vertu de la résolution du plan, doivent faire l'objet d'une procédure de revendication, pour le moins de restitution;

Attendu que la procédure relative aux bien meubles mobiliers prévue aux articles L.624-9 et suivants du code de commerce ne s'applique pas lorsque la demande est engagée avant l'ouverture de la procédure collective du détenteur; qu'en l'espèce, le rapport de Maître Lemée par lequel ce dernier demande la résolution du plan et en conséquence de la restitution des biens cédés, établi le 22 décembre 2009, est intervenu avant l'ouverture de la procédure collective du repreneur; que la procédure instituée aux textes susvisés n'est donc pas applicable; qu'en conséquence, les biens non revendus doivent faire retour dans le patrimoine des cédants et le prix de vente des biens meubles par le commissaire priseur devait naturellement être remis au liquidateur commun des trois sociétés dont l'entreprise avait fait l'objet du plan; que le jugement qui a ordonné le retour des biens sera donc confirmé de ce chef;

* Sur la charge des conséquences financières des licenciements:

Attendu que la SELARL Bruno Cambon soutient que les contrats de travail doivent retourner dans le patrimoine des cédants; que cependant, il y a lieu, ainsi que l'a fait implicitement le jugement, d'écarter à ce titre le caractère rétroactif de la résolution du plan, étant observé que la liquidation judiciaire du cédant rend impossible le maintien des contrats de travail; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a laissé au repreneur la charge financière des licenciements;

Sur l'article 700 du code de procédure civile:

Attendu que, succombant en son appel, la SELARL Bruno Cambon, ès qualités, a contraint Maître Lemée et Maître Piollet, tous deux ès qualités dans la même procédure et donc unis d'intérêt, à exposer des frais irrépétibles qu'il est équitable de ne pas laisser à leur charge et qui seront fixés à la somme totale de 1500 euros; que la demande sur le même fondement exercée à l'encontre de la SARL Blue Garden, eu égard au dessaisissement de cette dernière, sera rejetée;

PAR CES MOTIFS :

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions;

- Déboute Maître Lemée et Maître Piollet, tous deux ès qualités, de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile exercée à l'encontre de la SARL Blue Garden;

- Condamne la SELARL Bruno Cambon ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Bleu Garden à payer à Maître Lemée ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés SARL Vert et Bleu, SARL Avranches Espaces Verts et SARL Ax'Up et Maître Piollet, ès qualités d'administrateur dans la même procédure collective, unis d'intérêt, la somme globale de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et de l'article L. 641-13 du code de commerce.