Cass. 3e civ., 20 juin 1979, n° 77-15.348
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cazals
Rapporteur :
M. Gardon
Avocat général :
M. Tunc
Avocat :
Me Boré
SUR LE PREMIER MOYEN :
ATTENDU, SELON L'ARRET ATTAQUE ( MONTPELLIER, 5 JUILLET 1977 ), QU'AU COURS DE LA CONSTRUCTION D'UN CENTRE COMMERCIAL EDIFIE POUR LE COMPTE DE CHAMPAGNAC, SUR DES AVANT-PROJETS DE LEGRAND, ARCHITECTE, PAR UN INGENIEUR-CONSEIL ET UN GROUPEMENT D'ENTREPRENEURS COMPOSE D'AUGLANS, COUSSIGNAC ET LA SOCIETE BIGEARD, DES DESORDRES SE MANIFESTERENT, ENTRAINANT L'ARRET DU CHANTIER; QU'APRES DEPOT DU RAPPORT DES TROIS EXPERTS Z..., LES PREMIERS JUGES ONT CONDAMNE LES ENTREPRENEURS IN SOLIDUM A REPARATION ENVERS LE MAITRE D'D..., REJETE LEUR RECOURS EN GARANTIE CONTRE L'ARCHITECTE, ACCUEILLI PARTIELLEMENT CELUI QU'ILS AVAIENT DIRIGE CONTRE L'INGENIEUR-CONSEIL; QUE LA COUR D'APPEL A CONFIRME EN SON PRINCIPE LE JUGEMENT, TOUT EN ECARTANT LA DEMANDE EN RECUSATION DE L'UN DES EXPERTS A... POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT ELLE; ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR REFUSE D'ECARTER DES DEBATS LE RAPPORT D'EXPERTISE JUDICIAIRE ET D'ORDONNER UNE NOUVELLE EXPERTISE, ALORS, SELON LE MOYEN, < QUE, D'UNE PART, AUX TERMES DE L'ARTICLE 234 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LA RECUSATION DU TECHNICIEN DOIT ETRE FAITE AVANT LE DEBUT DES OPERATIONS OU DES LA REVELATION DE LA CAUSE DE LA RECUSATION; QU'EN L'ESPECE, DANS LEURS CONCLUSIONS, LES ENTREPRENEURS ONT FAIT VALOIR QUE L'OPERATION COMMERCIALE INTERVENUE ENTRE LE MAITRE DE B... ET L'EXPERT Y... NE LEUR A ETE REVELEE QU'EN CAUSE D'APPEL ET A FAIT IMMEDIATEMENT L'OBJET D'UN ACTE DE RECUSATION; QU'EN SE BORNANT, DES LORS, A AFFIRMER QUE LA RECUSATION DEVAIT INTERVENIR, A PEINE D'IRRECEVABILITE, AU DEBUT DES OPERATIONS D'EXPERTISE, L'ARRET ATTAQUE AURAIT MECONNU LES DISPOSITIONS SUSVISEES; ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, CONSTITUERAIT UNE CAUSE DE RECUSATION LE FAIT, POUR L'EXPERT, D'ETRE DEVENU DEBITEUR DU DEMANDEUR PRINCIPAL, QU'IL RESSORT DE L'ARRET ATTAQUE QU'UNE TELLE DETTE A EXISTE MEME SI, PAR LA SUITE, ELLE A ETE ETEINTE DANS DES CONDITIONS D'AILLEURS QUI NE DEMONTRERAIENT PAS QUE L'EXPERT X... ETE TOTALEMENT LIBERE; D'OU IL SUIVRAIT QUE LEDIT ARRET SERAIT ENTACHE D'UN REFUS DE TIRER DE SES PROPRES CONSTATATIONS LES CONSEQUENCES QUI SE SERAIENT LEGALEMENT IMPOSEES >;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE L'ARRET ENONCE A JUSTE TITRE, QU'UNE DEMANDE EN RECUSATION D'EXPERT N'EST PAS CONCEVABLE APRES LE DEPOT DU RAPPORT D'EXPERTISE; ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE C'EST DANS L'EXERCICE DE SON POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIER L'OBJECTIVITE DU RAPPORT DE L'EXPERT E... LA COUR D'APPEL, QUI N'ETAIT PAS TENUE D'ORDONNER UNE NOUVELLE MESURE D'INSTRUCTION, A RELEVE QUE LES AGISSEMENTS IMPUTES A Y... NE PERMETTAIENT DE SUSPECTER NI LA BONNE FOI DE CET EXPERT, NI SON IMPARTIALITE; QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;
SUR LE SECOND MOYEN :
ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR RETENU LA RESPONSABILITE DES ENTREPRENEURS EN ECARTANT CELLE DE L'ARCHITECTE ET CELLE DU MAITRE DE B..., ALORS, SELON LE MOYEN, < QUE, D'UNE PART, L'ARRET CONSTATERAIT QUE L'OPERATION DE TERRASSEMENT PREALABLE AUX TRAVAUX DE CONSTRUCTION AVAIT ETE EFFECTUEE SOUS LA DIRECTION DE L'ARCHITECTE LEGRAND, QUI A, EN OUTRE, CONCU LES PLANS DES CONSTRUCTIONS ET MEME PARTICIPE AUX TRAVAUX DE CHANTIER; QUE, DES LORS, EN SE BORNANT A DECLARER, POUR ECARTER LA RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE, QUE LE MAITRE DE B... N'ETAIT PAS TENU DE S'ASSURER SON CONCOURS ET QU'IL AVAIT ETE DISPENSE DE TOUTE OBLIGATION PROFESSIONNELLE, LA COUR D'APPEL AURAIT STATUE PAR DES MOTIFS CONTRADICTOIRES ET INOPERANTS; ALORS QUE, D'AUTRE PART, LE SIMPLE VISA DU RAPPORT D'EXPERTISE NE SAURAIT, PAR LUI-MEME, SATISFAIRE A L'OBLIGATION QUI INCOMBE AUX JUGES DU FOND DE MOTIVER LEUR DECISION; QU'EN OUTRE, L'ARRET NE REPONDRAIT PAS AUX CONCLUSIONS DES ENTREPRENEURS FAISANT VALOIR, NOTAMMENT, QU'IL Y AVAIT EU NON PAS UN, MAIS DEUX GLISSEMENTS DE TERRAINS SUCCESSIFS IGNORES PAR LES EXPERTS; QUE CEUX-CI ONT ENVISAGE EXCLUSIVEMENT L'ETAT DU TERRAIN EN 1974, APRES S'ETRE REFUSES A PROCEDER AUX ETUDES GEOLOGIQUES QUI, SEULES, EUSSENT PERMIS DE CONNAITRE LES CAUSES DE L'ETAT ACTUEL DU TERRAIN; QUE CES CAUSES S'ETAIENT MANIFESTEES EN 1969, A LA SUITE DES TRAVAUX DE TERRASSEMENT AUXQUELS LES ENTREPRENEURS N'ONT POINT PARTICIPE; D'OU IL S'ENSUIVRAIT QUE L'ARRET ATTAQUE SERAIT ENTACHE D'UN DEFAUT DE MOTIFS ET ALORS QUE, DE TROISIEME PART, LE CHOIX DU TERRAIN, AINSI QUE LA CONCEPTION DES FONDATIONS, INCOMBERAIENT EXCLUSIVEMENT A L'ARCHITECTE ; QUE CELUI-CI NE SAURAIT ETRE EXONERE DE SA RESPONSABILITE AU PRETEXTE QUE LES ENTREPRENEURS N'AURAIENT PAS REQUIS LES EXPLICATIONS QU'IL DEVAIT LEUR FOURNIR OU ENCORE QUE L'INSTABILITE DU TERRAIN ETAIT CONNUE DANS LA REGION; QUE LA MOTIVATION DE L'ARRET ATTAQUE SERAIT DONC ENTACHEE D'UN CARACTERE CONTRADICTOIRE ET INOPERANT >;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR SOUVERAINEMENT RELEVE QUE LEGRAND AVAIT EU SEULEMENT A DRESSER L'AVANT-PROJET POUR LA DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE ET AVAIT ETE DISPENSE DES ETUDES DU SOL, DES PLANS D'ADAPTATION ET D'EXECUTION CONFIES A L'INGENIEUR BECIU, MAITRE D'C..., L'ARRET RETIENT QUE, D'UNE PART, L'ARCHITECTE NE S'EST RENDU QUE DEUX FOIS SUR LE CHANTIER SANS INTERVENIR DANS LA CONDUITE DES TRAVAUX ET A CORRECTEMENT ACCOMPLI LA MISSION LIMITEE DONT IL ETAIT CHARGE; QUE LA COUR D'APPEL CONSTATE, D'AUTRE PART, QUE LE SINISTRE A ETE PROVOQUE PAR LE DEUXIEME GLISSEMENT DE TERRAIN ET QU'IL EST DU AU FAIT QUE LES FONDATIONS ONT ETE EXECUTEES SANS QUE L'INGENIEUR-CONSEIL AIT PROCEDE A L'ETUDE DU SOL QUI LUI INCOMBAIT; QU'ELLE RETIENT, ENFIN, QUE LES ENTREPRENEURS, EN TANT QUE TECHNICIENS QUALIFIES, EXERCANT DEPUIS DE NOMBREUSES ANNEES DANS LA REGION, NE POUVAIENT IGNORER L'INSTABILITE DU SOL, QU'ILS AURAIENT DU SE RENDRE COMPTE DE L'ABSENCE DE PLANS D'ADAPTATION ET QU'ILS N'AVAIENT TENU AUCUN COMPTE DES RESERVES FAITES PAR L'INGENIEUR CIVIL; QUE DE CES SEULS MOTIFS, NON CONTRADICTOIRES, ET REPONDANT AUX CONCLUSIONS, LES JUGES D'APPEL ONT PU DEDUIRE LA FAUTE DES ENTREPRENEURS ET LEUR TOTALE RESPONSABILITE ENVERS LE MAITRE D'D..., TOUT EN ACCUEILLANT PARTIELLEMENT LEUR RECOURS EN GARANTIE CONTRE L'INGENIEUR-CONSEIL; QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 5 JUILLET 1977 PAR LA COUR D'APPEL DE MONTPELLIER.