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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 14 juin 2021, n° 18/04281

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etanchéité Toit Terrasse (SARL)

Défendeur :

Axa France Iard, Sollice Biotech (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

T. com. Bergerac, du 15 juin 2018, n° 20…

15 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Sollice Biotech a entrepris la réhabilitation d'un bâtiment à usage de bureaux en qualité de maître d'ouvrage. Elle a confié ces travaux à la SAS V2I Conception en qualité de contractant général. La totalité des travaux a été sous-traitée à plusieurs entreprises, notamment la SARL Étanchéité Toit Terrasse (ETT). Des marchés ont été conclus entre ces deux sociétés le 30 avril 2014 pour le lot couverture, le 30 juillet 2014 pour le lot fermeture industrielle et le 5 août 2014 pour les lots bardage, serrurerie et escalier. Des avenants ont modifié les cinq marchés.

La réception des travaux réalisés par la société ETT est intervenue sans aucune réserve selon un procès-verbal définitif du 2 décembre 2014.

Par lettre recommandée du 12 décembre 2014, la société ETT a informé la société Sollice de ce que plusieurs factures d'un montant global de 82 540,81 euros hors taxes demeuraient impayées par la société V2I conception.

Par lettre recommandée du 19 décembre 2014, la société ETT a pris acte d'un règlement partiel de sa créance et a mis en demeure la société V2I Conception de lui régler la somme de 55 612 euros restante.

Une procédure contentieuse a été engagée par la société ETT devant le juge des référés du tribunal de commerce de Périgueux. Par ordonnance du 24 avril 2015, la société V2I Conception a été condamnée à lui verser la somme de 59 216,67 euros.

Par jugement du 23 juin 2015 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux, la société V2I a été placée sous sauvegarde judiciaire. La société ETT a déclaré sa créance de 54 993,35 euros entre les mains de la SCP P.-L., mandataire judiciaire.

Le 2 juin 2016, un plan de sauvegarde a été homologué, proposant aux créanciers soit un paiement à hauteur de 60% sur 9 mois, soit un paiement à hauteur de 100% sur 10 ans. La société ETT a refusé ces propositions.

Par lettre recommandée du 27 avril 2016, elle a mis en demeure le société Sollice de lui payer la somme de 54 993,35 euros en sa qualité de maître d'ouvrage. Par courrier du 10 juin 2016, la société Sollice a refusé tout paiement en indiquant qu'elle a réglé l'intégralité des factures relatives à ce chantier à la société V2I Conception.

Par acte du 30 août 2016, la société ETT a assigné la société Sollice devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins d'obtenir le recouvrement de sa créance et solliciter des dommages-intérêts.

Par jugement du 4 octobre 2016, le tribunal de Périgueux a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et a placé la société V2I Conception en liquidation judiciaire, la SCP P.-L. ' D.-B. étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par actes des 17 et 19 janvier 2017, la société Sollice a appelé en cause Me L., ès-qualités de liquidateur de la société V2I Conception et Axa France Iard, ès-qualités d'assureur responsabilité civile professionnelle, devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins d'obtenir le recouvrement de sa créance.

Par décision du 10 février 2017 les deux instances ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 15 juin 2018, le tribunal de commerce de Bergerac a :

- Dit et jugé que Sollice Biotech a engagé sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de la société ETT pour violation de l'article 14.1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

- Condamné la société Sollice Biotech à payer à la société ETT la somme principale de 41 245 euros à titre de dommages et intérêts sans intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 19/12/2014 ;

- Débouté la société ETT de sa demande portant sur la résistance abusive de la société Sollice Biotech ;

- Dit et jugé que la société Sollice Biotech sera subrogée dans les droits de la société ETT à hauteur de 42 425 euros pour le recouvrement de sa créance déclarée au passif de la SAS V2I Conception ;

- Dit et jugé que la société ETT a engagé sa responsabilité en négligeant de demander à la SAS V2I Conception de régulariser sa situation ;

- Dit et jugé que la société ETT supportera 25% des sommes qui lui sont dues ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- Dit et jugé que la SAS V2I Conception, en sa qualité de maître d'œuvre, a manqué à son devoir de conseil et a engagé sa responsabilité ;

- Déclaré la SAS V2I Conception responsable du préjudice subi par la société Sollice Biotech ;

- Mis hors de cause Axa France Iard, assureur de la SAS V2I Conception,

- Dit que chaque partie supportera ses frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Sollice Biotech aux entiers dépens d'instance, dépens taxés et liquidés pour les frais de Greffe à la somme de 66,70 euros.

Par déclaration du 20 juillet 2018, la société ETT a interjeté appel de cette décision à l'encontre de de certains chefs de la décision qu'elle a expressément énumérés.

Par déclaration du 24 septembre 2018, la société P.-L.-D.-B., liquidateur de la société V2I Conception, a interjeté appel de cette décision à l'encontre de certains chefs de la décision qu'elle a expressément énumérés.

Le 7 novembre 2018, la société Sollice a assigné sur appel provoqué Me L., ès-qualités de liquidateur de la société V2I Conception, et Axa France Iard, ès-qualités d'assureur responsabilité civile professionnelle.

Les deux instances ont été jointes le 6 juin 2019 sous le numéro RG 18/04281.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 22 avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Etanchéité Toit Terrasse demande à la cour de :

- Ordonner la jonction des instances enrôlée sous le numéro de rôle : 18/04281 et 18/05160.

- Confirmer partiellement le jugement entrepris.

- Dire et juger que la société SOLLICE BIOTECH a engagé sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de la société E.T.T. pour violation de l'article 14.1 de la loi du 31 décembre 1975.

- Infirmer partiellement le jugement entrepris.

- Dire et juger que la société E.T.T. n'a commis aucune faute pouvant limiter son droit à indemnisation.

- Condamner la société SOLLICE BIOTECH à payer à la société E.T.T. La somme principale de 54.993,35 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux factures impayées avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2014.

- La condamner à 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'à une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Dire et juger que la société SOLLICE BIOTECH sera subrogée dans les droits de la société E.T.T. pour le recouvrement de sa créance déclarée au passif de la société V2I CONCEPTION.

- Débouter la société SOLLICE BIOTECH et Maitre L. es qualité de mandataire liquidateur de la société V2I CONCEPTION de toutes demandes dirigées à l'encontre de la société E.T.T.

- Condamner la société SOLLICE BIOTECH aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La société ETT fait notamment valoir que le maître d'ouvrage a eu connaissance de sa présence sur le chantier en qualité de sous-traitant, alors qu'elle n'avait pas été agréée ; que cette tolérance fautive ouvre droit pour le sous-traitant à l'indemnisation de son préjudice résultant de l'impossibilité de se prévaloir des garanties légales de paiement ; que les conditions d'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Sollice Biotech sont réunies.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 30 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société P. ' L. ' D. ' B. demande à la cour de :

- Vu les articles 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975,

- Vu la jurisprudence applicable

- Vu les pièces versées au débat,

- Vu le jugement du Tribunal de Commerce de BERGERAC du 15.06.2018

- A TITRE PRINCIPAL

- Ordonner la jonction des procédures 18/04281 et 18/09021

- Réformer la décision rendue par le Tribunal de Commerce de BERGERAC le 15 juin 2018

- Statuant à nouveau :

- Dire et juger que la société V2I CONCEPTION n'assurait pas la mission de maîtrise d'œuvre

- Dire en conséquence qu'elle n'avait pas de devoir de conseil à l'égard de la société SOLLICE BIOTECH

- Dire et Juger que la société V2I CONCEPTION a fait agréer les sous-traitants dont la société ETT par le maître de l'ouvrage

- Dire et juger en conséquence que la société V2I CONCEPTION n'a commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité

- A TITRE SUBSIDIAIRE

- Dire et Juger que la société V2I CONCEPTION n'est pas responsable du préjudice de la société SOLLICE BIOTECH

- Dire et juger, en cas de responsabilité de la société V2I CONCEPTION au titre d'un manquement au devoir de conseil dans le cadre d'une mission de maîtrise d'œuvre, que la part de responsabilité de la société V2I CONCEPTION dans le préjudice invoqué par la société ETT ne saurait excéder 5%

- Dire et juger en cas de responsabilité de la société V2I CONCEPTION au titre d'un manquement au devoir de conseil dans le cadre d'une mission de maîtrise d'œuvre que la société AXA en sa qualité d'assureur lui doit sa garantie,

- Condamner en conséquence la société AXA à relever indemne la société V2I CONCEPTION de toute demande à ce titre,

- EN TOUT ETAT DE CAUSE

- Condamner les sociétés ETT et SOLLICE BIOTECH à verser à Maître L. es qualité de mandataire liquidateur, la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamner les sociétés ETT et SOLLICE BIOTECH aux entiers dépens

La société P. ' L. ' D. ' B. fait notamment valoir que le contrat contrat conclu entre la société Sollice Biotech et la société V2I Conception est un contrat d'entreprise générale et non un contrat de maîtrise d'œuvre et que la maîtrise d'œuvre a été confiée à la société Bourgeois-Vigier ; que la société V2I Conception n'était pas tenue à une assistance administrative ou juridique du maître d'ouvrage de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée pour manquement à un devoir de conseil ; que la société V2I Conception a respecté son obligation de faire agréer la société ETT par la société Sollice Biotech, puisque cette dernière a eu connaissance de l'intervention du sous-traitant dès la signature du marché et l'a accepté.

Subsidiairement, la société fait notamment valoir que le contrat d'assurance conclu avec la société Axa n'a pas uniquement vocation à garantir les dommages affectant l'ouvrage, puisqu'il comporte une clause prévoyant l'assurance de la société V2I Conception pour la maîtrise d'œuvre qu'elle pouvait être amenée à assurer ; que si la société V2I Conception est considérée comme maître d'œuvre elle est assurée pour ce type de mission ; qu'il est impossible de savoir si la version des clauses générales invoquée par la société Axa est la même que celle qui a été remise à la société V2I Conception, de sorte que les exclusions de garantie qu'elles contiennent ne lui sont pas opposables.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 19 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Sollice Biotech demande à la cour de :

- A TITRE PRINCIPAL,

- Recevoir la société SOLLICE BIOTECH en son appel incident.

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BERGERAC en ce qu'il a jugé que la société SOLLICE BIOTECH a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de la société ETT pour violation de l'article 14.1 de la loi du 31/12/1975, et en conséquence, l'a condamnée à payer à la société ETT, la somme principale de 41.245 € à titre de dommages-intérêts sans intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 19/12/2014.

- Statuant à nouveau,

- Juger que la société SOLLICE BIOTECH n'a pas engagé sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de la société ETT.

- En conséquence,

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société ETT formées à l'encontre de la société SOLLICE BIOTECH.

- Condamner la société ETT à verser à la société SOLLICE BIOTECH, une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

- A TITRE SUBSIDIAIRE,

- Si la Cour considérait que la société SOLLICE BIOTECH a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de la société ETT

- Confirmer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BERGERAC en date du 15/06/2018 en ce qu'il a :

- Jugé que la société ETT a engagé sa responsabilité en négligeant de demander à la SAS V2I CONCEPTION de régulariser sa situation ;

- Jugé que la société ETT supportera 25 % des sommes qui lui sont dues ;

- Jugé que la SAS V2I CONCEPTION en sa qualité de maître d'œuvre a manqué à son devoir de conseil et a engagé sa responsabilité ;

- Jugé que la SAS V2I CONCEPTION est responsable du préjudice subi par la société SOLLICE BIOTECH ;

- Jugé que chaque partie supportera ses frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouté la société ETT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la société SOLLICE BIOTECH.

- Infirmer partiellement le jugement du Tribunal de Commerce de BERGERAC du 15/06/2018 en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie AXA France IARD en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la SAS V2I CONCEPTION

- Statuant à nouveau,

- Juger que la compagnie AXA France IARD doit sa garantie à la SAS V2I CONCEPTION pour les manquements commis en sa qualité de maître d'œuvre de la société SOLLICE BIOTECH dans le cadre de son devoir de conseil.

- Condamner AXA France IARD en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la SAS V2I CONCEPTION à régler à la SAS SOLLICE BIOTECH, la somme de 41.245 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que tout autre somme à laquelle la société SOLLICE BIOTECH serait condamnée à verser au profit de la société ETT.

- EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- Fixer la créance de la SAS SOLLICE BIOTECH au passif de la liquidation de la SAS V2I CONCEPTION à la somme de 41.245 €, y ajouter toute autre somme à laquelle la société SOLLICE BIOTECH serait condamnée à verser à la société ETT.

- Condamner la compagnie AXA France IARD en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la SAS V2I CONCEPTION à régler à la SAS SOLLICE BIOTECH, la somme de 4.000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Débouter la compagnie AXA France IARD, la société ETT, et la SCP P.-L.-D.-B., liquidateur de la société V2I CONCEPTION de l'ensemble de leurs demandes.

- Condamner la compagnie AXA France IARD aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

La société Sollice Biotech fait notamment valoir que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée car la faute est imputable à la société V2I Conception, maître d'œuvre, qui n'a pas respecté son obligation générale de renseignements et de conseil envers elle, maître d'ouvrage ; qu'elle n'a commis aucune faute permettant d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société ETT.

Subsidiairement, elle fait notamment valoir que la société V2I Conception avait une mission de maître d'œuvre comportant une obligation générale de renseignement et de conseil et qu'elle engage sa responsabilité envers la société Sollice Biotech en cas de manquement ; que le préjudice qu'elle subit du fait d'un tel manquement est couvert par le contrat d'assurance souscrit par la société V2I Conception auprès la société Axa France.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 23 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Axa France Iard demande à la cour de :

- Vu l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

- Vu les articles 564, 699 et 700 du code de procédure civile ;

- Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BERGERAC en date du 15 juin 2018 ;

- A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BERGERAC en date du 15 juin 2018 en ce qu'il a :

- jugé que la SAS V2I CONCEPTION, en sa qualité de maitre d'œuvre, a manqué à son devoir de conseil et a engagé sa responsabilité ;

- déclaré la SAS V2I CONCEPTION responsable du préjudice subi par la société SOLLICE BIOTECH ;

- REJETER les demandes dirigées contre SA AXA FRANCE IARD

- CONDAMNER in solidum toutes parties succombantes à payer à la SA AXA France IARD une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP E.-B.-D.-C.-C. pour les frais de première instance.

- A TITRE SUBSIDIAIRE

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BERGERAC en date du 15 juin 2018 en ce qu'il a mis hors de cause AXA France IARD, assureur de la SAS V2I CONCEPTION

- REJETER les demandes dirigées contre SA AXA FRANCE IARD

- CONDAMNER in solidum toutes parties succombantes à payer à la SA AXA France IARD une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP LE B. & D'A.

- A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

- JUGER que la demande formée par la SCP P. L. D. B. en sa qualité de liquidateur de la société V2I CONCEPTION, contre AXA est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel ;

- En tout état de cause, la REJETER comme infondée ;

- JUGER que la condamnation d'AXA à garantir et relever indemne la Société SOLLICE BIOTECH ne saurait excéder 5% des condamnations prononcées contre cette dernière

- JUGER la SA AXA France IARD bien fondée à opposer à son assurée ainsi qu'aux tiers le montant de sa franchise contractuelle au titre de sa garantie responsabilité civile pour dommages causés aux tiers

- JUGER qu'AXA et la Société SOLLICE BIOTECH devront conserver à leur charge leurs frais et dépens.

La société Axa France Iard fait notamment valoir que la société V2I Conception n'a commis aucune faute permettant d'engager sa responsabilité en ce que les dispositions de l'article L.14-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'impose qu'une obligation à la charge du maître d'ouvrage ; que la société V2I Conception avait la qualité de maître d'œuvre, sans mission d'assistance et/ou de conseil juridique du maître d'ouvrage, elle n'était donc pas débitrice d'un devoir de conseil.

Subsidiairement, la société fait notamment valoir que le contrat d'assurance n'a pas vocation à être appliqué car le litige est relatif au paiement de travaux et non à des dommages causés à l'occasion de la réalisation des travaux.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 26 avril 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n'y a pas davantage lieu à statuer sur une jonction, comme le demande la société ETT, cette jonction ayant été ordonnée au cours de la mise en état.

La société ETT poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société Sollice avait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard pour violation de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.

Elle en poursuit l'infirmation pour contester avoir commis une faute qui limiterait son droit à indemnisation, et demande pour l'essentiel 54 993,35 euros de dommages-intérêts en principal correspondant aux factures impayées.

Elle fait valoir que la société Sollice a reconnu expressément avoir eu connaissance de sa présence sur le chantier, en tant que sous-traitante, dès l'origine du contrat. Elle ajoute que, par ailleurs, tous les éléments du dossier le démontrent.

La société Sollice oppose que sa responsabilité ne peut être engagée, et, formant appel incident, demande l'infirmation de la disposition jugeant qu'elle a engagé sa responsabilité, présentant toutefois des subsidiaires au cas où la cour confirmerait la décision de ce chef.

Aux termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 invoqué,

« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.

Les dispositions ci-dessus concernant le maître de l'ouvrage ne s'appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.

Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l'ouvrage connaît son existence, nonobstant l'absence du sous-traitant sur le chantier. Les dispositions du troisième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle. »

En l'espèce, la société Sollice fait valoir que, si le maître de l'ouvrage avait connaissance de l'intervention de la société ETT en tant que partenaire de la société V2I Conception, elle n'avait pas la compétence juridique pour vérifier les modalités de l'entreprise partenaire, ayant mis l'ensemble de son projet dans les mains de la société V2I pour une réalisation complète, et que ce sont les manquements de la société V2I à son obligation générale de renseignement et de conseil qui ont concouru à la production du dommage qui lui a été causé.

La société Sollice avait conclu avec la société V2I Conception un marché de contractant général, de sorte qu'elle avait un rôle de coordination et de gestion des sous-traitants. Il résulte de ce contrat que le contractant général s'engageait à prendre en charge et à piloter le projet dont les travaux étaient réalisés par des entreprises partenaires compétentes dans leur corps de métier, ce qui est la définition d'une entreprise sous-traitante.

Il en résulte que la société V2I Conception ne saurait utilement soutenir qu'elle n'aurait pas eu une mission de maîtrise d'œuvre au sens où il lui appartenait de veiller à la régularisation des sous-traitants, de les présenter, de les faire agréer, et de définir la modalité de règlement des situations.

Les demandes présentées par le liquidateur de la société V2I Conception, ainsi que par son assureur, tendant à écarter la responsabilité de la société V2I ne peuvent en conséquence prospérer. Il n'y a notamment pas lieu, comme le liquidateur le demande à titre subsidiaire, de limiter la part de responsabilité de cette société.

C'est à bon droit que le tribunal de commerce a pu relever que la connaissance qu'avait le maître de l'ouvrage de la présence de la société ETT comme sous-traitant, rendait fautif le fait de n'avoir pas mis en demeure la société V2I de s'acquitter de ses obligations découlant de l'article 14-1 ci-dessus.

Il en résulte que la société Sollice a bien engagé sa responsabilité envers la société ETT sur le fondement invoqué.

Il est par ailleurs établi que la société Sollice n'avait pas soldé le marché principal lorsqu'elle a eu connaissance de la présence de la société ETT, ce qui motive cette dernière entreprise à demander au maître de l'ouvrage l'indemnisation de ses impayés à hauteur de 59 993,35 euros en principal.

Toutefois, le tribunal de commerce a retenu que la société ETT avait engagé sa responsabilité en négligeant de demander à la société V2I de régulariser sa situation et en la condamnant à supporter 25% des sommes qui lui sont dues.

Pour autant, c'est à bon droit que la société ETT fait valoir que la loi du 31 décembre 1975 ne crée aucune obligation au sous-traitant dont la violation aurait constitué une faute, et ne lui impose aucune diligence particulière à l'égard de l'entrepreneur principal ou du maître d'ouvrage.

Il n'est donc pas établi de faute de la société ETT de nature à diminuer l'indemnisation de son préjudice, et le jugement sera réformé en ce sens.

La condamnation de la société Sollice à payer à la société ETT restera donc à 100 % de son préjudice, soit 54 993,34 euros.

La société Sollice sera subrogée dans les droits de la société ETT pour l'intégralité de cette somme pour le recouvrement de sa créance déclarée au passif de la société V2I.

Toutefois, la résistance invoquée par la société ETT n'est pas abusive, et le rejet de cette demande est bien fondé.

S'agissant de la société Axa France IARD, appelée en cause en qualité d'assureur de la société V2I Conception, c'est à bon droit que tribunal a pu constater que le contrat d'assurance en cause ne couvrait que les dommages affectant l'ouvrage, et qu'étaient notamment exclues les questions relatives au non-versement ou non-restitution de fonds.

Les demandes présentées ici à son encontre ne peuvent prospérer.

L'équité n'impose par de faire application de l'article 700 à hauteur d'appel.

Les dépens d'appel de la présente instance, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société V2I Conception.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bergerac le 15 juin 2018,

SAUF en ce qu'il a retenu une faute de la société Étanchéité Toit Terrasse de nature à laisser à sa charge 25 % des sommes qui lui sont dues, et en conséquence sur le quantum de son indemnisation,

Et, statuant à nouveau,

Dit que la société Étanchéité Toit Terrasse n'a pas commis de faute de nature à minorer son indemnisation,

Condamne en conséquence la société Sollice Biotech à payer à la société Étanchéité Toit Terrasse la somme de 54 993,35 euros,

Dit que la société Sollice Biotech sera subrogée pour ce montant dans sa créance fixée au passif de la société V2I Conception,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société V2I Conception.