CA Douai, 2e ch. sect. 1, 13 septembre 2018, n° 17/00803
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Temsys (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Vercruysse, Mme Aldigé
FAITS ET PROCEDURE
Par contrat en date du 03 décembre 2013, M. Gérard L. a loué auprès de la SA Temsys un véhicule Volvo V40 D3 R-DESI immatriculé DM-561-HR pour une durée de 36 mois. Après avoir vainement mis en demeure son locataire de régulariser ses impayés par lettre recommandée en date du 28 septembre 2015, la SA Temsys a indiqué prononcer la résiliation du contrat par lettre recommandée en date du 13 octobre 2015.
Par requête en date du 17 février 2015, la SA Temsys a demandé l'appréhension du véhicule sur injonction auprès du juge de l'exécution. Par ordonnance en date du 25 février 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a ordonné la remise dudit véhicule à la SA Temsys. Le 26 avril 2016, M. Gérard L. a formé opposition à l'ordonnance.
Par jugement en date du 03 mars 2016, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. Gérard L. et désigné en qualité de mandataire judiciaire Me Pascal R..
Par lettre recommandée en date du 02 mai 216, la SA Temsys a demandé la restitution du véhicule.
Le 14 juin 2016, la SA Temsys a saisi le juge-commissaire du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer d'une requête en revendication du droit de propriété du véhicule aux termes de laquelle elle lui demande d'ordonner l'acquisition de la clause résolutoire en date du 13 octobre 2015 et d'ordonner la restitution immédiate du véhicule.
Par requête en date du 05 juillet 2016, la SA Temsys a revendiqué la propriété du véhicule Volvo V40 immatriculé DM-561-HR. Par ordonnance en date du 13 octobre 2016, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a rejeté l'intégralité des demandes de la SA Temsys. La SA Temsys a fait opposition à ladite ordonnance.
Par jugement contradictoire en date du 23 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a confirmé l'ordonnance contestée, débouté en conséquence la SA Temsys de ses demandes, et laissé les dépens à la charge de la SA Temsys.
Par déclaration en date du 1er février 2017, la SA Temsys a interjeté appel de cette décision.
Par jugement en date du 21 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire, désigné Me R. en qualité de liquidateur judiciaire et désigné M. O. en qualité de juge-commissaire. L'instance interrompue a été reprise par l'intervention à la procédure du liquidateur judiciaire.
PRETENTIONS
Par dernières conclusions signifiées le 19 février 2018, la SA Temsys demande à la cour d'appel au visa des articles 1134 et suivants du code civil et 699 du code de procédure civile, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et en conséquence de :
'' constater l'intervention forcée de Me R. en qualité de liquidateur judiciaire de M. Gérard L.,
Statuant à nouveau,
'' débouter Me R. en qualité de liquidateur judiciaire de M. Gérard L. de l'ensemble de ses demandes,
'' enjoindre à M. Gérard L. et Me R., ès-qualités, de lui restituer le véhicule financé de marque Volvo de type V40 D3 R-DESI, immatriculé DM-561-HR,
'' juger que cette injonction de restituer le véhicule financé de marque Volvo de type V40 D3 R-DESI, immatriculé DM-561-HR, sera assortie d'une astreinte d'un montant de 50,00 euros par jour de retard, à défaut d'exécution dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
'' l'autoriser à faire procéder à l'appréhension du véhicule financé de marque Volvo de type V40 D3 R-DESI, immatriculé DM-561-HR, en tous lieux et entre toutes mains, par ministère de tel huissier territorialement compétent qu'il lui plaira,
'' condamner Me R., ès-qualités, aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de Me Amaury P., avocat au Barreau de Lille,
'' juger opposable à Me R., ès-qualités, l'arrêt à intervenir.
Par dernières conclusions signifiées le 23 mai 2018, Me Pascal R. en qualité de liquidateur judiciaire de M. Gérard L. demande à la cour d'appel au visa de l'article 700 du code de procédure civile de :
'' Juger la SA Temsys irrecevable en son appel comme tardif,
A titre subsidiaire ;
'' Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
'' Condamner la SA Temsys à lui payer la somme de 1800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
En application de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est exclusivement compétent pour statuer sur la recevabilité de l'appel et les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
En l'espèce, les intimés qui n'ont pas saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable comme tardif ne sont plus recevables à invoquer cette irrecevabilité devant la cour d'appel. Leur demande en ce sens sera rejetée comme étant irrecevable.
Sur la revendication du véhicule automobile
En l'espèce, après avoir vainement mis en demeure M. Gérard L. de régulariser ses impayés par lettre recommandée en date du 28 septembre 2015, la SA Temsys a prononcé la résiliation du contrat par lettre recommandée en date du 13 octobre 2015. Pour estimer que cette résiliation n'était pas valablement intervenue, le tribunal a considéré que la SA Temsys avait « implicitement renoncé au bénéfice de la résiliation unilatérale » au motif qu'elle avait « continué de percevoir les paiements du débiteur postérieurement à cette date, y compris après le jugement d'ouverture » et qu'elle « n'avait pas usé de la faculté ouverte au cocontractant de mettre en demeure le mandataire de se prononcer sur la poursuite du contrat en cours, conformément aux dispositions de l'article L 622-13 du code de commerce et a déclaré entre les mains du mandataire une créance à échoir d'un montant de 19 045 euros correspondant au motant des loyers après le jugement d'ouverture de la procédure collective ».
Ce faisant, le tribunal n'a pas tiré les conséquences juridiques de la clause contractuelle 14 des conditions générales du contrat de location du 3 décembre 2013 aux termes de laquelle il est expressément stipulé que la résiliation de plein droit du contrat est effective 8 jours après l'envoi par le loueur d'une mise en demeure infructueuse et que cette résiliation a pour effet de rendre immédiatement exigible la restitution du véhicule et que tout retard dans cette résiliation rend exigible une indemnité d'immobilisation égale au montant du loyer. Dès lors, le paiement par le locataire d'une somme égale au montant du loyer ne saurait être interprétée comme une renonciation non équivoque du loueur à se prévaloir de la résiliation de plein droit.
Il en résulte que le contrat a bien été résilié dès le 13 octobre 2015. Cette résiliation de plein droit étant intervenue avant l'ouverture d'une procédure collective du 3 mars 2016, le contrat de location n'était plus en cours au sens de l'article L 622-13 du code de commerce.
Par ailleurs, il importe de rappeler que l'action en revendication qui a été engagée avant l'ouverture de la procédure collective n'est pas soumise aux dispositions des articles L 624-9 et suivants du code de commerce, mais doit seulement être poursuivie contre le mandataire judiciaire sans que sa mise en cause soit enfermée dans le délai de trois mois. En l'espèce, non seulement la résolution de plein droit du contrat de location est intervenue avant l'ouverture de la procédure collective, mais le loueur avait également engagé une action en revendication avant l'ouverture de la procédure collective dans le cadre de laquelle il avait obtenu une ordonnance du juge de l'exécution en date du 25 février 2016 de remise du véhicule automobile. Dès lors, son action en revendication n'est pas soumise au délai de trois mois prévu par l'article L 624- 9 du code de commerce. Le liquidateur judiciaire étant en cause, l'action en revendication de l'appelant est recevable.
Conformément aux dispositions de l'article 6-2 des conditions générales du contrat de location, la société Temsys est restée propriétaire du véhicule automobile loué.
Au vu de ces éléments, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions et de faire droit à sa demande de restitution du véhicule automobile, sans qu'il soit nécessaire en revanche de l'assortir d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Eu égard à la procédure collective de M. Gérard L., il y a lieu de laisser aux parties la charge de leurs dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande des intimés tendant à voir déclarer l'appel irrecevable comme tardif ;
Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions et statuant à nouveau :
Enjoint à M. Gérard L. et Me Pascal R., en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Gérard L., de restituer à la société Temsys le véhicule Volvo V40 D3 R-DESI immatriculé DM-561-HR objet du contrat de location en date du 3 décembre 2013 dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;
A défaut de remise volontaitre dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, autorise la société Temsys à faire procéder à l'appréhension de ce véhicule par ministère d'huissier en tous lieux et aux jours et heures prévues par l'article L.141-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
Laisse aux parties la charge de leurs dépens.