CA Rouen, ch. de la proximite, 8 décembre 2011, n° 11/01807
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ship Services 24 (Sté)
Défendeur :
M. Bigot
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Planchon
Conseillers :
Mme Prudhomme, Mme Aublin-Michel
Avoués :
SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, SCP Duval Bart
Avocats :
Me Ollivier, Me Hubner
Monsieur Mario BIGOT, artisan batelier, exploite en nom propre une flotte d'unités fluviales dont un pousseur ' Atlantique', des barges 'Berlanga' et 'Darwin' et un dock flottant 'Dock Express'. À compter du 1er août 2009, ces unités fluviales ont été louées 'coque nue' à la société de droit luxembourgeois FLL et le dock flottant à la société SHIP SERVICES 24 ; à la suite de dommages sur les unités fluviales, la société SHIP SERVICES 24 a effectué des réparations sur ces bateaux et a édité les factures d'un montant de 125.382,38 € au nom de Monsieur BIGOT, assuré pour les corps des unités en cause. Monsieur BIGOT a refusé de payer ces factures.
Procédure :
En raison du défaut de règlement, la société SHIP SERVICES 24 a été autorisée, par ordonnance du 10 décembre 2010, à pratiquer une saisie conservatoire des comptes bancaires de Monsieur BIGOT par le président du tribunal de commerce de ROUEN pour avoir sûreté et conservation de sa créance évaluée provisoirement à la somme de 135.000 €, frais et intérêts compris.
Monsieur BIGOT, contestant le bien fondé des créances alléguées, a saisi le président du tribunal de commerce en rétractation de son ordonnance.
Par ordonnance contradictoire du 28 février 2011, le président du tribunal de commerce de ROUEN a :
• Donné acte à la société SHIP SERVICES 24 de ce qu'elle s'est désistée de sa demande de nullité de l'assignation,
• rétracté l'ordonnance du 10 décembre 2010,
• ordonné la mainlevée de toutes les saisies pratiquées par la société SHIP SERVICES 24 sur les comptes bancaires de Monsieur BIGOT, y compris les comptes joints détenus avec son épouse,
• rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur BIGOT,
• condamné la société SHIP SERVICES 24 à payer à Monsieur Mario BIGOT la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
• condamné la société SHIP SERVICES 24 aux entiers dépens de l'instance.
Le 1er avril 2011, la société SHIP SERVICES 24 SA a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Demandes et prétentions :
Dans ses conclusions du 27 juin 2011 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des faits de la cause, des moyens et des prétentions soulevés, cette société demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner Monsieur Mario BIGOT à lui payer la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
À l'appui de ses demandes, elle fait valoir qu'elle était fondée à facturer les prestations accomplies au seul propriétaire du bien qui était Monsieur Mario BIGOT ; d'ailleurs, les dommages à la réparation desquels elle a procédé, trouvaient leurs origines dans des événements antérieurs à la conclusion du contrat de location intervenu entre Monsieur BIGOT et la société FLL, de sorte que c'était bien à Monsieur BIGOT de prendre à sa charge le coût desdites réparations. Les réparations effectuées par elle trouvaient leur cause, non pas dans un prétendu incident survenu le 7 octobre 2009, mais exclusivement dans l'état déplorable des unités fluviales. Aux termes du contrat de location, la remise de ces unités dans un état irréprochable relevait de la seule responsabilité du bailleur, de sorte que c'est bien Monsieur Mario BIGOT qui doit prendre en charge le règlement des factures émises à la société SHIP SERVICES 24.
Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 20 octobre 1011 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens en réponse de l'intimé, Monsieur Mario BIGOT réclame la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation supplémentaire de la société SHIP SERVICES 24 à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
Il expose au soutien de ses demandes qu'il n'a jamais contracté avec la société SHIP SERVICES 24 pour la réparation des dommages subis par les unités fluviales 'Berlanga', 'Darwin' et 'Atlantique' et affirme qu'elles sont exploitées depuis le 1er août 2009, non plus par lui, mais par la société de droit luxembourgeois FLL et qui avait, au moment des faits, la garde, la direction et le contrôle exclusifs de ces bateaux. D'ailleurs, aucun bon de commande n'émanant de sa part n'a été produit par la société SHIP SERVICES 24. C'est pourquoi d'ailleurs elle n'a effectué aucune diligence dans l'instance au fond, nécessaire afin d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre de Monsieur BIGOT, par devant le tribunal de commerce de ROUEN puisque l'affaire a été radiée du rôle par jugement du 3 octobre 2011.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2011.
SUR CE,
Sur la production des pièces du 7 novembre 2011 :
Attendu que l'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2011 ; que le même jour, Monsieur BIGOT a versé aux débats deux nouvelles pièces portant les n° 32 et 33 du bordereau de communication de pièces de son avoué consistant en des contrats de location ; qu'il convient de constater que cette production est tardive et n'a pas permis à son adversaire d'en prendre connaissance et d'en donner son point de vue avant la clôture de cette procédure ; qu'il convient de faire application de l'article 783 du code de procédure civile et de déclarer irrecevable la production de ces deux pièces qui sont dès lors écartées des débats.
Sur la rétractation de l'ordonnance du 10 décembre 2010 :
Attendu que Monsieur Mario BIGOT, propriétaire d'unités fluviales, louait le 31 juillet 2009 plusieurs de ses bateaux à une société de droit Luxembourgeois, la société FLL ; que le contrat de location prévoyait que le bailleur s'engageait à livrer le bateau dans un état irréprochable avec des certificats communautaires permettant une navigation en parfaite condition et dans le respect des règles de l'art, tant au point de vue technique que de commodité ;
Attendu que le bailleur restait tenu d'assurer ces unités fluviales et que le loyer tenait compte de cette garantie réglée par le bailleur.
Attendu que le 7 octobre 2009, la société d'assurances ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY, assureur des bateaux Atlantique, Darwin et Berlanga procédait à une expertise technique de ces unités, après une déclaration de sinistre effectuée par l'assuré et l'expert évaluait le coût de remise en état de ces unités à la somme hors taxes de 37.375 € en ce qui concernait la barge Darwin, 28.287,50 € en ce qui concernait la barge Berlanga et 11.389,37 € pour le pousseur Atlantique, outre une somme de 2.625 € pour la mise sur dock flottant des deux barges, soit un total de 51.389,37 € ; qu'il n'est pas indiqué si ces travaux ont été accomplis par le bailleur ou réglés par l'assureur.
Attendu que le 6 novembre 2009, la société SHIP SERVICES 24 émettait à l'encontre de Monsieur Mario BIGOT trois factures d'un montant de 8.917 € pour des travaux effectués sur la barge Darwin, 4.800 € pour ceux effectués sur la barge Berlanga et 21.227,88 € sur le pousseur Atlantique ; que le 5 février 2010, la société SHIP SERVICES 24 éditait deux nouvelles factures à l'encontre du même Mario BIGOT concernant la barge Darwin pour 49.360 € et la barge Berlanga pour 41.057,50 € , soit un total de 125.362,38 € ; que Monsieur BIGOT ne s'exécutait pas.
Attendu que si des travaux étaient effectivement nécessaires sur ces unités fluviales tels que cela ressort du rapport d'expertise de l'assureur du bailleur, il n'apparaît pas que Monsieur BIGOT ait confié le soin de les exécuter à la société SHIP SERVICES 24 dont les liens avec la société FLL sont étroits ; que l'étendue des travaux accomplis et leur coût n'apparaît pas avoir été discuté avec le bailleur qui n'a pas donné son consentement aux dits travaux même s'il était contractuellement tenu de procurer des matériels en 'état irréprochable' ; qu'en conséquence, il n'apparaît pas qu'à ce stade de la procédure, la société SHIP SERVICES 24 justifie d'une créance fondée en son principe et qu'il convient de confirmer dès lors l'ordonnance rendue le 28 février 2011 par le président du tribunal de commerce de ROUEN en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance rendue sur requête par cette même juridiction en date du 10 décembre 2010.
Attendu qu'il y a lieu de débouter la société SHIP SERVICES 24 de l'ensemble de ses demandes et de lui laisser la charge des dépens d'appel.
Attendu qu'il n'apparaît cependant pas inéquitable de laisser à Monsieur Mario BIGOT la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Écarte des débats les pièces portant les n° 32 et 33 du bordereau de communication de pièces de l'avoué de Monsieur BIGOT,
Confirme l'ordonnance rendue le 28 février 2011 par le président du tribunal de commerce de ROUEN en toutes ses dispositions,
Déboute la société SHIP SERVICES 24 de l'ensemble de ses demandes,
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur Mario BIGOT.