CA Agen, 1re ch., 5 avril 2023, n° 22/00159
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Euralis Coop (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauclair
Conseillers :
Mme Benon, M. Vidalie
Avocats :
Me Vimont, Me Carles, Me Vivier, Me Guilhot, Me Zanier, Me Delmouly
Faits et procédure
L'EARL [U] exerce une activité d'élevage de veaux.
5 avril 2023
La société coopérative agricole Euralis Coop (la SCA Euralis), venant aux droits de la société coopérative des éleveurs des Pyrénées Atlantiques (la CELPA), à laquelle l'EARL [U] avait adhéré, a fait engraisser par elle deux lots de 45 bovins livrés en juin puis septembre 2014, et, afin d'assurer leur alimentation, lui a livré un volume avoisinant 46 tonnes d'ensilage de maïs acquis par la CELPA auprès de la SARL [O].
La CELPA était assurée auprès de la compagnie Groupama d'Oc, organisme mutualiste d'assurance mutuelle agricole.
Lors d'un abattage de veaux, il est apparu que certains animaux étaient atteints de cistycercose.
L'EARL [U] a assigné la SCA Euralis afin de solliciter une expertise judiciaire qui a été diligentée par ordonnance de référé du 19 décembre 2017 désignant M. [H] pour y procéder.
Les opérations ont été étendues aux sociétés [O] et Groupama d'Oc suivant ordonnance du 18 septembre 2018.
Le rapport d'expertise a été déposé le 17 février 2019.
Par acte du 17 mai 2019, l'EARL [U] a assigné la SCA Euralis et la SARL [O] en responsabilité devant le tribunal judiciaire d'Agen, exposant que la contamination de son cheptel était imputable à l'ensilage utilisé pour son alimentation.
Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Agen a :
Déclaré recevable l'action en garantie des vices cachés formée à l'encontre de la société coopérative agricole Euralis Coop par l'EARL [U],
- déclaré irrecevable l'action de l'EARL [U] formée à l'encontre de la société coopérative agricole Euralis Coop fondée sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat,
- déclaré recevable l'action de l'EARL [U] à l'encontre de la SARL [O] car non prescrite,
- débouté l'EARL [U] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'EARL [U] à payer à :
- la société coopérative agricole Euralis Coop la somme de 1 500 euros,
- la SARL [O] la somme de 1 500 euros,
- la société Groupama d'Oc la somme de 1 500 euros,
- condamné l'EARL [U] aux dépens en ce compris les frais d'expertise et autres frais de procédure,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal a retenu que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux ne faisant pas obstacle à l'application de la garantie des vices cachés, l'action de l'EARL [U] était recevable.
Toutefois, l'EARL [U] n'invoquant pas de faute justifiant son action en responsabilité, fondée sur la violation de l'obligation de sécurité à raison d'un défaut du produit affectant la sécurité à laquelle on peut s'attendre, a été déclarée irrecevable.
Le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, retenant, en application de l'article 1245-16 du code civil, que si l'EARL [U] avait eu connaissance du dommage dès le mois de mars 2015, tel n'était pas le cas du défaut du produit allégué qu'elle avait connu par une note de synthèse datée du 14 décembre 2016, ni de l'identité du fournisseur dont sa connaissance n'était pas démontrée antérieurement aux opérations d'expertise.
Au fond, le tribunal a retenu, s'agissant de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux, que l'expert judiciaire n'avait mis en évidence aucune preuve directe de la contamination par l'ensilage de maïs, que l'EARL [U], qui supportait la charge de la preuve, ne produisait aucun élément démontrant qu'une contamination de son cheptel aurait pu intervenir durant le parcours complet de l'aliment, ou que d'autres cheptels auraient été contaminés, et que l'expert soulignait qu'aucune mise en évidence du parasite n'avait pu être effectuée.
L'action a été rejetée, en l'absence d'indices précis, graves et concordants permettant d'établir que l'ensilage de maïs était à l'origine de la contamination.
S'agissant de l'action en garantie des vices cachés, le tribunal a considéré qu'en l'absence d'élément permettant d’établir que l'ensilage était à l'origine de la contamination, les demandes de l'EARL [U] devaient être rejetées.
L'EARL [U] a formé appel le 24 février 2022, désignant en qualité d'intimés la SARL [O], la société coopérative agricole Euralis Coop, et la SA Groupama d'Oc, visant dans sa déclaration la totalité des dispositions du jugement, à l'exception de celles ayant déclaré son action recevable.
Prétentions
Par dernières conclusions du 20 octobre 2022, l'EARL [U] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable son action en garantie des vices cachés à l'encontre d'Euralis,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclare irrecevable son action fondée sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat,
- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à :
- la société coopérative agricole Euralis Coop la somme de 1 500 €,
- la SARL [O] la somme de 1 500 euros,
- la société Groupama d'Oc la somme de 1 500 euros,
- l'a condamnée aux dépens en ce compris les frais d'expertise et autres frais de procédure,
- statuant à nouveau,
- déclarer recevable son action en garantie des vices cachés formée à l'encontre d'Euralis,
- condamner solidairement les sociétés [O] et Euralis a lui payer la somme de 149 719,09 € en réparation du préjudice subi,
- à titre subsidiaire,
- condamner solidairement les sociétés [O] et Euralis à lui payer la somme de 62 682,37 €,
- en tout état de cause,
- débouter les sociétés Groupama, Euralis et [O] de leurs demandes formulées en appel à son encontre,
5 avril 2023
- condamner le succombant au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais incluant notamment les frais d'expertise et autres frais de procédure.
L'EARL [U] présente l'argumentation suivante :
- la responsabilité de la SARL [O] est engagée en qualité de fabricant, du fait de la défectuosité du produit qu'elle lui a vendu,
- l'expert n'a retenu pour cause possible de la contamination que l'ensilage de maïs fourni par la SARL [O], selon lui fortement probable, son raisonnement scientifique répond aux exigences de la jurisprudence relatives à l'existence de présomptions graves, précises et concordantes,
- il n'est pas justifié de se référer à l'absence de contamination d'autres élevages auxquels des produits distincts ont été livrés,
- la responsabilité de la coopérative Euralis est engagée pour vice caché affectant l'ensilage qu'elle a vendu,
- subsidiairement, la responsabilité de la société [O] et de la coopérative Euralis est engagée pour manquement à leur obligation de sécurité,
- cette action n'est pas irrecevable pour absence d'allégation d'une faute du responsable, puisqu'il est démontré qu'un ensilage contaminé a été vendu,
- le préjudice subi a été arrêté à 129 719,09 euros suivant une attestation établie par le Cerfrance, outre le trouble causé par les démarches à effectuer, les difficultés de trésorerie, représentant un préjudice complémentaire de 20 000 euros.
Par dernières conclusions du 19 octobre 2022, la SCA Euralis Coop demande à la Cour de :
- à titre principal,
- débouter l'EARL [U] de son appel principal et des demandes qu'elle forme dans ce cadre à son encontre,
- l'accueillir en revanche en son appel incident,
- réformer le jugement dont appel, en ce qu'il a déclaré recevable l'action en garantie des vices cachés formée à son par l'EARL [U],
- statuant de nouveau de ce chef, prononcer l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés formée à son encontre par l'EARL [U],
- confirmer pour le surplus la décision de première instance en l'ensemble de ses autres dispositions,
- y ajouter la condamnation de l'EARL [U] à lui payer une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi qu'aux entier dépens devant la cour,
- à titre subsidiaire,
- pour le cas où, par extraordinaire, la juridiction de céans devait réformer la décision de première instance et retenir sa responsabilité,
- débouter l'EARL [U] de sa demande de condamnation au-delà de la somme de 62 682,37 €,
- condamner, in solidum, la SARL [O] et Groupama d'Oc à la relever indemne de toutes condamnation qui pourraient être prononcé à son encontre, sous (MOT MANQUANT : déduction ') de la franchise de 7 500 € pour ce qui concerne groupama,
- condamner, in solidum, la SARL [O] et Groupama d'oc au paiement d'une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entier dépens.
La SCA Euralis présente l'argumentation suivante :
- l'expert a émis de nombreuses réserves desquelles résulte l'absence de démonstration du prétendu défaut du maïs,
- l'EARL [U] ayant invoqué les dispositions des articles 1245-1 du code civil, elle ne peut plus rechercher que le producteur, la société [O], car si la Cour de cassation admet qu'indépendamment de la responsabilité des produits défectueux, le revendeur intermédiaire puisse être recherché au titre de la garantie des vices cachés, encore faut-il que la demande ne se confonde pas avec la défectuosité du produit dommageable, ce qui est le cas en l'espèce,
- l'action n'est, au demeurant, pas justifiée, compte tenu des conclusions de l'expert, l'obligation de sécurité de l'article 1231-1 du code civil ne peut être invoquée, la jurisprudence retenant qu’en cas d'action fondée sur la responsabilité des produits défectueux, aucun autre fondement que la garantie des vices cachés ne peut être invoqué, et en l'espèce, aucune faute distincte n'est invoquée,
- le montant du préjudice qui est invoqué n'est pas justifié, l'attestation du centre de gestion Cerfrance étant insuffisante,
- n'étant que revendeur, elle doit, en cas de condamnation, être garantie par le producteur de l'ensilage à l'origine du dommage, son action ayant été engagée dans le délai d'un an suivant sa citation en justice, et étant bien fondée,
- la CELPA, aux droits de laquelle elle vient, était assurée auprès de la SA Groupama d'Oc ; une réclamation d'un tiers, l'EARL [U], étant intervenue le 28 août 2015 au cours d'une réunion à laquelle la SCA Euralis a participé, et qui a eu lieu pendant la période de couverture, la garantie souscrite au titre de la responsabilité civile doit être mise en oeuvre.
Par dernières conclusions du 19 août 2022, la SARL [O] demande à la Cour de :
- débouter l'EARL [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la SCA Euralis de sa demande en garantie,
- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal judiciaire d'Agen en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- condamner L'EARL [U] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation déjà prononcée à ce titre en première instance,
- condamner l'EARL [U] aux entiers frais et dépens d'expertise, de première instance et d'appel.
La SARL [O] présente l'argumentation suivante :
- l'EARL [U] est dans l'incapacité de rapporter la preuve que la contamination de son élevage provient d'un aliment défectueux livré par elle, laquelle lui incombe en vertu de l'article 1245-8 du code civil,
- le rapport d'expertise n'envisage que des hypothèses et ne conclut pas à la responsabilité de l'ensilage,
- l'EARL [U] se prévaut de rapports d'analyse établis par le laboratoire LPL portant sur des prélèvements réalisés dans des conditions indéterminées, aucune analyse du personnel n'a été réalisée, alors que la contamination est d'origine humaine, et le cheptel était également alimenté par des compléments azotés, du foin, de la paille,
- la contamination a pu survenir en septembre ou octobre 2014, période à laquelle l'EARL [U] utilisait son propre ensilage,
- la récolte de son maïs a été réalisée à 40 cm du sol ce qui exclut le risque de contamination par foie fécale, et l'ensilage a été livré 10 mois après sa confection, au-delà de la durée de vie des œufs de ténia,
- l'EARL [U] n'est pas recevable à invoquer un manquement à l'obligation de sécurité, dès lorsqu'elle ne justifie pas d'une faute distincte du défaut du produit, et qu'elle a agi sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux,
- les chiffrages de son préjudice sont inopposables pour ne pas être contradictoires,
- la demande de garantie de la SCA Euralis ne peut être accueillie en l'absence de démonstration de l'imputabilité de la contamination à l'ensilage fourni par la SARL [O], et de justification du préjudice.
Par dernières conclusions du 25 juillet 2022, la compagnie Groupama d'Oc demande à la Cour de :
- confirmer le jugement dont appel et, y ajoutant, condamner l'appelante au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel,
- en toute hypothèse, la mettre hors de cause, sa garantie étant expirée au moment du sinistre,
- plus subsidiairement, débouter l'EARL [U] de ses demandes contre Euralis,
- subsidiairement, accueillir l'action récursoire d'Euralis contre la SARL [O],
- condamner tout succombant aux dépens, ainsi qu'au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie Groupama d'Oc expose l'argumentation suivante :
- la police d'assurance étant souscrite en base déclaration, par application de l'article L.124-5 du code des assurances, son assurée Euralis indiquant dans ses écritures que la police avait été en vigueur du 5 septembre 2009 au 3 janvier 2016 et ne prétendant ni qu'elle n'aurait pas été suivie d'une autre, ni que la nouvelle aurait été souscrite en base fait dommageable, la garantie ne pouvait être acquise qu'en cas de réclamation antérieure au 3 janvier 2016, or seule sa mise en cause par assignation en référé du 4 octobre 2017 valant réclamation, à la différence des réunions antérieures,
- elle fait sienne l'argumentation d'Euralis relative à sa mise hors de cause, subsidiairement à la garantie de la SARL [O], ajoutant que l'éventuelle prescription de l'action de la demanderesse n'emporte pas celle de l'action récursoire, puisque l'article 1245-6 du code civil énonce que le recours du fournisseur contre le producteur doit être exercé dans l'année suivant la date de sa citation en justice.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 6 février 2023.
Motifs :
Sur la recevabilité :
Si l'article 1245-17 du code civil énonce que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, la Cour de cassation, à la suite de la condamnation par la Cour de justice des communautés européennes de cette faculté d'option, a affirmé que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés.
Le tribunal a donc admis à juste titre que l'EARL [U] était fondée à se prévaloir de la responsabilité du fait des produits défectueux et de la garantie des vices cachés.
S'agissant de la responsabilité pour manquement à l'obligation de sécurité, l'EARL [U] fait valoir qu'Euralis lui a vendu du maïs d'ensilage contaminé qui a lui-même contaminé son troupeau, et manqué aux devoirs qui lui incombaient en vertu du Règlement CE n° 178-2002 du 28 janvier 2002 définissant ses obligations en termes de sécurité.
Or, est exclue l'action en responsabilité pour faute contre le vendeur du produit, lorsque la victime n'établit pas une faute distincte du défaut du produit.
Tel est le cas en l'espèce puisque c'est la vente d'un produit contaminé qui fonde la faute invoquée.
Le tribunal a donc, à juste titre, déclaré irrecevable l'action fondée sur un manquement d'Euralis à son obligation de sécurité.
Sur le fond :
Selon l'article 1245-8 du code civil, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Au cas présent, l'EARL [U] qui supporte la charge de la preuve, produit des rapports d'analyses de produits (luzerne, foin, paille, mélange d'eau et d'herbe, eau, maïs, granulé), émanant du Laboratoire des Pyrénées et des Landes daté du 30 mars 2015, suite à des prélèvements réalisés le 26 mars 2015, concluant à une absence d'oeufs de Taenia. Les conditions de réalisation des prélèvements sont inconnues, les analyses non contradictoires.
L'expert [H], commis par le juge des référés, après avoir réuni les parties, et réalisé une visite contradictoire des lieux, retient, au terme de son rapport :
- page 6, qu'une recherche de traçabilité des aliments a été initiée mais que personne n'en a retrouvé, au jour de l'expertise, la provenance précise, et qu'il n'est même pas certain qu'il ait été vendu par la société Margaron à l'EARL [U] via Euralis,
Page 8, qu'une seconde réunion au cours de laquelle la SARL [O], identifiée comme vendeur, ne s'est pas présentée.
Bien qu'appelée à la procédure, a permis d'observer que les éleveurs n'avaient pas fait l'objet de prélèvements coproscopiques, ayant été incités dès les premières saisies à se vermifuger, que début juin 2014, la SARL a livré 31 tonnes, puis 14 tonnes d'ensilage, puis qu'en octobre, 58 tonnes ont été livrées par la société Margaron, second vendeur, aliment qui a été détruit et perdu par la suite ; qu'aucun document sur la traçabilité n'a été produit,
- page 12, que les sources de contamination sont l'humain qui s'infeste en s'alimentant de viande bovine contaminée par une larve de ténia, et contamine ensuite le bovin qui avale un œuf de ténia excrété par l'humain, la contamination pouvant être directe, par exemple lors du déclenchement du réflexe de succion d'un veau nouveau-né par introduction d'un doigt dans sa bouche, mais qu'elle est le plus souvent indirecte, liée à la consommation d'un aliment souillé,
- page 14, que les abattages ont débuté le 23 mars 2015, avec un taux de contamination de 55 % pour le premier lot et de 27 % pour le second, soit un taux moyen de 40 %,
- page 14, que parmi les sources possibles de contamination une contamination :
- dans les élevages naisseurs a été exclue,
- dans les locaux de la CELPA jugée peu probable,
- dans l'élevage de l'EARL [U] :
- les bovins ont été fortement contaminés, mais les analyses des aliments restants n'ont pas permis de mettre en évidence de contamination,
- les bovins élevés en parallèle suivant le mode traditionnel "veau sous la mère", n'ont pas été contaminés, ce qui implique une très faible probabilité de contamination par le personnel,
- s'agissant de l'aliment, il s'agit d'ensilage de maïs et de complément azoté, lequel subit lors de sa fabrication une élévation de température ne permettant pas aux œufs de ténia de résister ; or s'agissant de l'ensilage aucune analyse n'a été possible car il ne restait pas d'aliment,
- diverses sources de contamination "peuvent être envisageables", l'épandage d'eau usée sur la céréale, un lieu de défécation sauvage dans un coin du champ, contamination de quelques balles sur le lieu de stockage, mais l'expert souligne que "n'ayant aucune donnée sur les conditions de stockage de l'aliment, depuis sa récolte à la livraison, il est difficile de discuter là-dessus. Certaines balles peuvent avoir été endommagées par abrasion, par des rongeurs, manipulations, et permettre une contamination à partir d'une source", dont aucune cependant n'a été mise en évidence dans l'élevage,
- une contamination volontaire aurait entraîné un taux de contamination plus élevé.
L'expert retient, en conclusion, qu'aucune preuve de contamination d'un aliment n'a pu être rapportée par quelque partie que ce soit, qu'il "semble logique" de penser que ces animaux se sont contaminés sur le lieu d'engraissement, que les analyses réalisées en 2015 n'ont pas mis en évidence de ténia à cette époque mais que cela ne présage pas d'une contamination antérieure, que seuls les veaux en engraissement alimentés avec l'ensilage litigieux ont été impactés, qu'une contamination par les habitants de l'EARL, par un fourrage sont peu probables, ce qui converge vers une forte probabilité que la contamination soit associée à l'aliment de type ensilage de maïs livré par la société [O], bien qu’aucun preuve directe n'ait pu être mise en évidence par l'expert.
Ainsi, il ressort de ces analyses et de l'expertise que l'existence d'un défaut de sécurité de l'ensilage n'est pas prouvée.
Si la jurisprudence admet que le demandeur pallie l'absence d'une telle preuve, par la démonstration de l'existence de présomptions graves, précises, et concordantes, en l'occurrence, il doit être relevé :
- qu'aucun constat matériel et aucune analyse ne permet d'établir une présomption grave et précise tendant à la mise en cause de l'ensilage vendu par la SARL [O],
- que des analyses et constats auraient pu être réalisés sur des aliments, mais que ceux-ci n'ont pas été conservés par l'EARL [U] qui les détenait, ou sur les personnes travaillant sur l'exploitation, mais qu'elles ont bénéficié d'un traitement vermifuge qui n'a pas été précédé d'analyses,
- que la mise en cause de l'ensilage repose, ainsi, sur l'élimination des autres causes possibles et identifiées, jugées d'une faible probabilité, lesquelles ne sont toutefois pas exclues, et ne constituent pas une présomption grave et précise,
- que l'ensilage a été acquis, au cours de la période d'alimentation du bétail contaminé, auprès de deux entreprises différentes, dont l'une n'a pas été appelée à la procédure, et qu'aucun élément ne permet de déterminer celle qui aurait fourni l'aliment suspecté.
Il en résulte que l'EARL [U] n'est pas fondée à agir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
En matière de garantie des vices cachés, il ressort des articles 9 du code de procédure civile, selon lequel, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, et 1641 du code civil, que l'acheteur qui s'en prévaut, doit prouver l'existence d'un défaut caché de la chose vendue qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage, qu’il ne l’aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il l'avait connu.
Il ressort de ce qui précède que l'EARL [U] ne démontre pas l'existence d'un vice caché de l'ensilage utilisé pour l'alimentation de son cheptel.
Elle n'est donc pas davantage fondée à invoquer la garantie des vices cachés.
Le jugement sera par conséquence confirmé sur le fond.
Sur les autres demandes :
Les dépens de première instance ont été à juste titre mis à la charge de l'EARL [U], partie perdante.
Elle sera tenue de supporter les dépens d'appel, son recours étant rejeté.
L'EARL [U] sera condamnée à verser, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 1 500 euros à Euralis, à la SARL [O], et à la Compagnie Grourpama d'Oc.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne l'EARL [U] aux dépens d'appel,
Condamne l'EARL [U] à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 1 500 euros à la Société Coopérative Agricole Euralis Coop,
Condamne l'EARL [U] à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 1 500 euros à la SARL [O],
Condamne l'EARL [U] à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 1 500 euros à la Compagnie Groupama d'Oc.