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Décisions

CA Orléans, ch. com., 30 mars 2023, n° 19/02072

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Checy Caravanes (SARL), Trigano VDL (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Delons

Avocats :

Me Berger, Me Pinczon du Sel, Me Laval

T. com. Orléans, du 20 déc. 2018,

20 décembre 2018

Le 2 novembre 2016, M. [O] [W] a acquis auprès de la SARL Chécy Caravanes (ci-après société Chécy), au prix TTC de 33 000 euros dont a été déduite une somme de 10 800 euros pour la reprise d'un véhicule d'occasion Fendt, une caravane neuve Caravelair de type Sublim S 610.

La société Chécy avait elle-même fait l'acquisition de cette caravane le 21 octobre 2016 auprès de la société Trigano VDL (ci-après société Trigano), au prix de 26 376 euros.

Exposant avoir rapidement constaté certains désordres sur la caravane et les avoir signalés à sa venderesse par courriels, entre le 25 novembre 2016 et le 2 janvier 2017, puis par un courrier recommandé du 18 janvier 2017 ensuite duquel la société Chécy lui a indiqué solliciter les instructions de son fournisseur, M. [W] a fait procéder, par l'entremise de son assureur de protection juridique, à une expertise amiable de la caravane.

Le technicien a organisé une réunion contradictoire le 2 mai 2017, relevé une série de désordres et n'est pas parvenu à concilier les parties.

M. [W] a alors fait assigner la société Chécy devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 4 octobre 2017, aux fins d'entendre condamner sa venderesse à procéder au remplacement de la caravane litigieuse par une caravane neuve du même type, en sollicitant subsidiairement la résolution de la vente, et en toute hypothèse la réparation de son préjudice de jouissance évalué à 5 000 euros.

La société Chécy a appelé la société Trigano en garantie par acte du 8 février 2018 et, par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal a :

- débouté M. [O] [W] de ses demandes,

- rejeté la demande d'expertise [formulée à titre subsidiaire par la société Chécy],

30 mars 2023

 - ordonné le dépôt de la caravane par M. [O] [W], à ses frais, dans les locaux de [Localité 6] dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement,

- ordonné les réparations de la caravane par la société Trigano VDL suivant les conditions de la garantie contractuelle une fois celle-ci livrée dans leur usine,

- condamné M. [O] [W] à payer à la société Chécy Caravanes la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] [W] à payer à la société Trigano VDL une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Chécy Caravanes de toutes ses autres demandes,

- débouté la société Trigano VDL de toutes ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [O] [W] aux dépens, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 100,62 euros.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont d'abord relevé des contradictions entre les désordres constatés par l'expert amiable et ceux relevés un an plus tard par huissier de justice puis, s'estimant suffisamment informés, ont considéré qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire, que les désordres évoqués n'étaient pas suffisamment importants pour justifier un remplacement de la caravane ou la résolution de la vente et ont ordonné sa réparation dans le cadre de la garantie contractuelle de la société Trigano, en rappelant que cette dernière avait amiablement proposé de reprendre les désordres par un courriel du 22 juin 2017.

M. [O] [W] a relevé appel de cette décision par déclaration du 18 juin 2019 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.

Par arrêt rendu avant dire droit le 27 août 2020, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé du litige, cette cour a ordonné une expertise, et désigné pour y procéder M. [T] [P], lequel a remis son rapport le 17 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, M. [W] demande à la cour, au visa des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, de :

Recevant M. [O] [W] en son appel, et l'en déclarant bien fondé et constatant l'état d'inachèvement du rapport d'expertise de M. [P],

 - réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau en cause d'appel,

A titre principal,

 30 mars 2023

 - condamner la SARL Chécy Caravane à payer à M. [O] [W] une somme de 30 000 euros en réduction du prix de vente, A titre subsidiaire,

- condamner et au besoin ordonner à la SARL Chécy Caravane à procéder au remplacement du véhicule caravane Sublim 610, objet du contrat et du présent litige,

En tout état de cause,

- condamner la SARL Chécy Caravanes à payer à M. [O] [W] une somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- débouter la SARL Chécy Caravanes et la société Trigano VDL de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que toutes autres demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la SARL Chécy Caravanes à payer à M. [O] [W] la somme de 5 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Chécy Caravanes aux entiers dépens de première instance dont les frais d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl Berger Tardivon Girault Saint-Hilaire, aux offres et affirmations de droit.

M. [W] fait d'abord valoir que l'expert judiciaire désigné par la cour n'a pas rempli l'intégralité de la mission qui lui était confiée, en déposant son rapport en l'état, après annulation de la seconde réunion d'expertise, et ce alors même qu'il n'a pas décrit l'ensemble des désordres allégués ni les causes de ces derniers, et ne s'est pas non plus prononcé sur les éléments d'appréciation du préjudice.

En rappelant que les conclusions du technicien ne lient pas la cour, l'appelant ajoute que le rapport d'expertise permet en toute hypothèse de retenir la non-conformité de la caravane et de présumer que les défauts invoqués, qui sont apparus dans les 24 mois de la délivrance, existaient au moment de la vente, faute pour la venderesse de rapporter la preuve du contraire.

En affirmant qu'à raison de l'attitude des intimées, la cour ne pourra que constater qu'il est matériellement et pratiquement impossible de procéder au remplacement du bien, M. [W] sollicite une réduction du prix à hauteur de 30 000 euros.

Subsidiairement, l'appelant sollicite le remplacement de la caravane si les intimées justifient de la possibilité d'y procéder puis, en tout état de cause, la condamnation de la venderesse à lui régler à titre de dommages et intérêts la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'il estime subir.

 Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 janvier 2023, la SARL Chécy caravanes demande à la cour de 3:0 mars 2023

- débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce du 20 décembre 2018 en ce qu'il déboute M. [W] de ses demandes et le condamne à verser à la société Chécy Caravanes la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens,

Pour le surplus, et si par extraordinaire la cour confirme la prise en charge des réparations, ordonner à M. [W] de rapporter cette caravane directement dans les locaux de la société Trigano,

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour retient la responsabilité de la société Chécy caravanes, quelque soit le fondement retenu :

- condamner la société Trigano à garantir la société Chécy caravanes du paiement de toutes les sommes mises à sa charge au profit de M. [W], quelle qu'en soit la nature, en ce compris l'article 700 et les dépens,

- débouter la société Trigano de toutes ses demandes plus amples ou contraires, En tout état de cause :

- condamner M. [W] à verser à la société Chécy caravanes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise arrêtés à la somme de 3 578,67 euros.

La société Chécy commence par rappeler que M. [W] a réceptionné la caravane le 26 octobre 2016 sans formuler aucune réserve, fait valoir que ce n'est qu'à compter du 18 janvier 2017 que l'appelant s'est plaint de désordres non contradictoirement constatés, puis assure que ni les réclamations de l'acquéreur, ni l'expertise amiable, ni les constats d'huissier ne faisaient apparaître selon elle que la caravane litigieuse ne pouvait être destinée à l'usage habituellement attendu d'un tel bien.

En concédant que, comme l'avait retenu la cour pour ordonner une expertise à ses frais avancés, M. [W] pouvait se prévaloir de la présomption de non-conformité de l'article L. 217-7 du code de la consommation, la société Chécy souligne que l'expertise a permis de renverser cette présomption, en établissant que, pour l'essentiel, les désordres dont se plaint M. [W] sont liés à une mauvaise utilisation ou à un mauvais entretien de la caravane, et non à un défaut de conformité du bien, puis ajoute que les désordres qui n'ont été dénoncés qu'au jour de l'intervention de l'expert, plus de trois années après la livraison, ne bénéficient quant à eux d'aucune présomption et qu'il appartient en conséquence à M. [W] de démontrer que ces désordres constitueraient des vices cachés ou des défauts de conformité, ce que l'appelant échoue à établir.

La venderesse indique ensuite que M. [W] ne peut, de bonne foi, reprocher à l'expert de n'avoir pas rempli l'intégralité de sa mission alors que c'est lui-même qui, par l'intermédiaire de son conseil, a annulé la seconde réunion qu'avait programmée le technicien et en vue de laquelle elle-même avait accepté de régler une provision complémentaire.

La société Chécy ajoute que si la cour devait retenir que les deux désordres dont la réalité a été constatée par l'expert constituent des défauts de conformité, elle ne saurait pour autant faire droit aux prétentions disproportionnées de M. [W], alors que l'expert a estimé à 126 euros le coût de reprise de ces désordres et que la société Trigano a proposé prendre à sa charge la réparation de la poignée.

La venderesse indique pour finir que M. [W] ne peut soutenir ne pas utiliser la caravane litigieuse, alors que l'expertise démontre au contraire qu'il en fait un usage intensif, puis s'oppose à la demande indemnitaire de l'appelant en faisant valoir que ce dernier ne justifie d'aucun préjudice.

A titre infiniment subsidiaire, la société Chécy sollicite la garantie intégrale de son fournisseur, la société Trigano, en faisant valoir que si un défaut de conformité était retenu, il serait nécessairement imputable à ladite société, en tant qu'elle a construit la caravane litigieuse.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2023, la société Trigano VDL demande à la cour, au visa des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, de :

- la recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions, en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente et débouté M. [W] de sa demande indemnitaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- ordonné les réparations de la caravane par la société Trigano VDL suivant les conditions de la garantie contractuelle une fois celle-ci livrée dans leur usine,

- débouté la société Trigano VDL de toutes ses autres demandes, Et statuant de nouveau :

A titre principal :

- débouter M. [W] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- débouter la société Chécy caravanes de toutes ses demandes fins et conclusions formées à l'encontre de la société Trigano VDL,

- condamner M. [W] ou toute partie succombante à payer à la société Trigano VDL la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre infiniment subsidiaire :

- débouter la société Chécy caravanes de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Trigano VDL,

- donner acte à la société Trigano VDL qu'elle accepte de procéder aux réparations suivantes de la caravane conformément aux conclusions du rapport d'expertise judiciaire déposé le 17 mai 2022, dans les limites de la garantie contractuelle, une fois la caravane transportée dans les usines de Trigano VDL après avoir été déposée chez Chécy Caravanes aux frais de M. [W] :

- le chrome des poignées : vérification de la détérioration invoquée à réception de la caravane et intervention dans les limites de la garantie contractuelle,

30 mars 2023

 - la housse d'habillage d'assise de coussin d'angle : vérification du mauvais état invoqué à réception de la caravane et intervention dans les limites de la garantie contractuelle,

- condamner M. [W] ou toute partie succombante à payer à la société Trigano VDL la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Trigano fait d'abord valoir qu'un bien est conforme dès qu'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien similaire et présente les caractéristiques définies par les parties, ce dont elle déduit que les désordres invoqués par M. [W] ne constituent pas des défauts de conformité.

Elle indique ensuite qu'il résulte de l'expertise amiable qu'un certain nombre de désordres sont parfaitement visibles, mais ne peuvent provenir que d'un mauvais usage ou d'un mauvais entretien de la caravane, puisque M. [W] ne les avait pas signalés lors de la livraison. Elle ajoute que le procès-verbal de constat dressé le 12 juin 2018 par huissier de justice démontre le parfait état, tant extérieur qu'intérieur, de la caravane, à cette date.

En soulignant que M. [W] ne peut reprocher à l'expert d'avoir déposé un rapport incomplet comme n'évoquant pas la cuvette d'eau sur le toit, la formation de gouttes sous la climatisation ou la capacité insuffisante du chauffe-eau, alors qu'il a lui-même annulé la seconde réunion d'expertise, la société Trignao demande à la cour de rejeter l'intégralité des prétentions de l'appelant, en faisant valoir que l'expertise a permis d'établir que les désordres constatés sont dus à une utilisation intensive ou à une mauvaise utilisation de la caravane postérieurement à la vente, et que les deux menus désordres, dont l'expert évalue le coût de réparation à 344 euros, et qui ne font nullement obstacle à l'usage de la caravane, ne constituent assurément pas des défauts de conformité au sens de l'article L. 217-5 ancien du code de la consommation.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait le défaut de conformité avéré, la société Trigano rappelle que l'option offerte à l'acheteur par l'article L. 217-9 du code de la consommation ne lie pas le vendeur lorsque le coût de ce choix est manifestement disproportionné et demande en conséquence à la cour de rejeter la demande de réduction du prix de vente ou de remplacement de la caravane, et d'ordonner le cas échéant la réparation des deux seuls désordres, mineurs, qui peuvent lui être imputés (chrome des poignées et housse d'habillage d'assise de coussin d'angle).

La société Trigano s'oppose enfin à la demande indemnitaire de M. [W], en faisant valoir que ce dernier n'apporte la preuve d'aucun préjudice de jouissance, puisque l'expertise a au contraire démontré qu'il faisait un usage intensif de la caravane, et rappelle qu'alors même que, dès 2017, elle avait proposé d'effectuer les vérifications et réparations nécessaires en usine, et qu'elle a été condamnée par les premiers juges à effectuer ces réparations, M. [W] n'a jamais déposé sa caravane afin de lui permettre d'y procéder.

Sur ce dernier point, la société Trigano précise que l'imprécision du dispositif du jugement déféré rend son exécution impossible et demande en conséquence à la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait que des réparations relèvent de sa garantie contractuelle, de lui donner acte des réparations auxquelles elle accepte de procéder.

 30 mars 2023

 

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de ses reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2023, pour l'affaire être plaidée le 2 février suivant et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS :

Sur les demandes de M. [W] fondées sur la garantie légale de conformité du vendeur:

Les ventes conclues entre professionnels et consommateurs antérieurement au 1er janvier 2022 relèvent de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat dû par le vendeur au consommateur, qui a transposé la directive n° 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et a inséré au code de la consommation les articles L. 211-1 à L. 211-18 relatifs à la garantie légale de conformité, devenus les articles L. 217-1 à L. 217-16 du code de la consommation, dans leur version antérieure à celle issue de la transposition des directives UE 2019/770 et 771.

Deux systèmes de protection de l'acheteur cohabitent désormais : celui, dérivé du droit européen et intégré dans le code de la consommation, à l'usage des seules relations entre vendeurs professionnels et acheteurs-consommateurs, comme celles entre la société Chécy et M. [W], et celui du code civil applicable à tous les rapports contractuels (articles 1604 suivants et 1641 et suivants).

S'agissant du premier système, qui est celui dont se prévaut M. [W], l'article L. 217-4 du code de la consommation dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Comme il avait été rappelé par la cour dans l'arrêt du 27 août 2020, cette notion de conformité ne rejoint pas totalement celle entendue dans la délivrance conforme du code civil, laquelle se distingue elle-même du concept de vice caché. Le défaut de conformité évoqué à l'article L. 217-4 regroupe en réalité les notions traditionnelles de vice caché et de manquement à l'obligation de délivrance. La garantie légale de conformité, non seulement s'ajoute aux actions en responsabilité et à la garantie des vices cachés du code civil, mais repose sur une vision élargie de la conformité, imposant que la chose non seulement corresponde aux spécifications convenues (obligation de délivrance), mais aussi soit apte à l'usage auquel elle est normalement destinée (absence de vices cachés).

Dans cette conception unitaire, le bien vendu doit satisfaire à plusieurs conditions énoncées à l'article L. 217-5 du code de la consommation. Pour être conforme au contrat, il doit notamment, en application du paragraphe 1° de ce texte, être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.

Au cas particulier, six mois après la vente, lors des opérations d'expertise amiable du 2 mai 2017 à laquelle la société Trigano et la société Chécy, toutes deux convoquées, avaient demandé que leur absence soit excusée en expliquant qu'un retour de la caravane était prévu début juin en usine pour réparation, le technicien mandaté par la compagnie d'assurance de M. [W] avait constaté, de manière contradictoire puisque les intimées avaient été régulièrement conviées, un certain nombre de désordres.

Le 17 octobre 2017, soit environ cinq mois après ces opérations d'expertise privée, M. [W] avait chargé un huissier de justice de dresser le constat des « nouveaux désordres intervenus depuis les opérations d'expertise ». L'huissier avait alors constaté, extérieurement, que la partie supérieure du coffre avant de la caravane était cassée, qu'à l'intérieur du coffre, le vérin gauche était complètement descellé, qu'une pièce soudée avait été rapportée pour fixer la roue dite « jokey », que des câbles électriques sortaient de la partie basse de l'arrière de la caravane et que, la béquille enlevée, le bas de caisse de la caravane ne se trouvait qu'à 24 cm du sol. A l'intérieur de la caravane normalement reliée au réseau électrique, l'huissier avait par ailleurs constaté que certains interrupteurs ne fonctionnaient pas, que le réfrigérateur ne fonctionnait pas non plus, que la table escamotable ne tenait pas sur sa tige, qu'enfin la climatisation ne fonctionnait pas et que, selon les déclarations de M. et Mme [W], la climatisation était fuyarde.

Au regard de ces éléments, la cour avait retenu, non pas que la caravane présentait des défauts de conformité au sens de l'article L. 217-4, comme le fait désormais accroire M. [W], mais que cette caravane présentait une série de défauts qui permettaient d'envisager que le bien acquis neuf au prix de 33 000 euros ne présentait pas les qualités que son acquéreur pouvait légitimement en attendre.

 C'est la raison pour laquelle, après avoir rappelé que selon l'article L. 217-7 du code de la consommation, le3s0dméafrasu2t0s2d3 e conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien, sont présumés exister au moment de la vente, sauf preuve contraire, la cour avait retenu qu'il n'incombait pas à l'appelant de démontrer que les défauts litigieux n'étaient pas dus à un mauvaise usage du bien ou à des dégradations pouvant lui être imputées, mais à la société Chécy de renverser la présomption de l'article L. 217-7, qui est une présomption simple.

Après avoir relevé que les intimés établissaient que, contrairement aux affirmations de [W], la caravane avait été utilisée, et qu'un certain nombre de défauts constatés par l'expert amiable, notamment les bris, les fissures et les cassures, pouvaient provenir aussi bien d'un mauvais usage ou d'un mauvais entretien que d'un défaut de conception ou de fabrication, et qu'en toute hypothèse aucun élément du dossier ne permettait d'évaluer le coût de réparation des défauts litigieux ni la durée de leur réparation, déterminants dans l'appréciation des éventuels remèdes à apporter compte tenu des prévisions des articles L. 217-9 et L. 217-10 du code de la consommation, la cour avait considéré qu'il n'y avait pas d'alternative à l'organisation d'une expertise, aux frais avancés de la société Chécy, compte tenu de la présomption instaurée par l'article L. 217-7.

L'expert désigné a remis son rapport, « en l'état », le 17 mai 2022, expliquant que, par l'intermédiaire de son conseil, M. [W] lui avait demandé d'annuler la seconde réunion d'expertise dont il indiquait « ne pas comprendre l'utilité ».

Dans ces circonstances, alors que l'expert avait pris le soin d'adresser aux conseils de chacune des parties un courrier électronique avec demande d'accusé de réception qu'elles ont toutes réceptionné le 20 ou le 21 octobre 2021, par lequel il les informait

avoir compris qu'une deuxième réunion était inutile, qu'il envisageait en conséquence de déposer son rapport en l'état, mais qu'elles disposaient d'un délai de huit jours pour lui faire part d'un avis contraire, M. [W], qui ne s'est pas opposé à ce que le technicien dépose son rapport en l'état et renonce à organiser une nouvelle réunion d'expertise, ne peut pas, de bonne foi, reprocher à l'expert de ne pas avoir rempli entièrement sa mission, étant observé que l'expert aurait en toute hypothèse outrepassé sa mission s'il avait accepté, à l'occasion d'une nouvelle réunion d'expertise, d'examiner des désordres qui n'avaient pas été dénoncés par M. [W] dans les écritures et les pièces qu'il avait remises à la cour antérieurement à la désignation de l'expert.

Dans le rapport qu'il a déposé dans les circonstances qui viennent d'être décrites, l'expert a constaté la réalité de douze des treize désordres dénoncés par M. [W], mais a indiqué, pour dix de ces douze désordres, qu'ils étaient liés à une mauvaise utilisation de la caravane postérieurement à la vente.

Les photographies que l'expert a pris le soin d'annexer à son rapport démontrent, sans aucun doute possible, que pour l'essentiel, les désordres affectant la caravane proviennent d'un manque de soin et d'un usage, pas seulement intensif, mais non conforme à une utilisation normale d'un tel engin. Il ressort notamment de ces clichés photographiques et des explications recueillies par l'expert que M. [W] a marché sur le toit de la caravane, que le tiroir du meuble de la cuisine, bloqué par une fourchette, a été utilisé en force, que des coups ont été portés sur certains éléments d'équipement de la cuisine, dont certains ont été arrachés, et que M. [W] a procédé de manière grossière et particulièrement inappropriée à des aménagements et des modifications qui ont fragilisé, et même endommagé, la caravane.

Les deux seuls désordres qui ont été constatés par l'expert et qui ne sont pas imputables à un mauvais usage ou un mauvais entretien du bien concernent une détérioration anormale ou prématurée du chrome des poignées des meubles, et un affaissement du coussin de la banquette d'angle, lié à une faiblesse du garnissage.

Aucun de ces défauts, dont l'expert a estimé le coût de reprise à la somme totale TTC de 314 euros, ne rend la caravane litigieuse impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, au sens de l'article L. 217-5 précité.

M. [W] ne peut donc qu'être débouté de ses demandes, tant principale que subsidiaire, tendant à obtenir, sur le fondement de la garantie légale de conformité, une réduction de plus de 90 % du prix de la caravane, ou son remplacement.

Dès lors que M. [W] ne demande pas, fût-ce à titre subsidiaire, que la société Trigano soit condamnée à remédier à ces désordres en exécution de sa garantie contractuelle, mais demande au contraire l'infirmation des chefs du jugement déféré ayant condamné ladite société à procéder à certaines réparations dans le cadre de cette garantie, qui n'est produite aux débats par aucune des parties au demeurant, le jugement entrepris ne peut qu'être infirmé sur ces chefs.

S'il est exact que l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 du code de la consommation, relatives à la réparation ou au remplacement du bien non conforme, ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts à l'acheteur, encore faut-il, pour que la demande indemnitaire de M. [W] puisse prospérer, que ce dernier démontre la réalité du préjudice de jouissance dont il sollicite réparation.

M. [W] ne peut sérieusement soutenir que depuis plus de six ans, il serait privé d'une caravane qui correspondait pourtant à un projet de vie, alors que l'expertise a permis d'établir qu'il utilise et se déplace avec la caravane litigieuse, et qu'aucun des deux défauts, mineurs, qui puissent être imputés à la venderesse, ne prive l'appelant d'une jouissance normale de son bien.

 M. [W] sera donc débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

 30 mars 2023,

 M. [W], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, M. [W] sera condamné à régler à chacune des sociétés Checy et Trigano, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise seulement en ce qu'elle a ordonné le dépôt de la caravane par M. [W], à ses frais, dans les locaux de la société Chécy caracvanes, et les réparations de ladite caravane par la société Trigano suivant les conditions de sa garantie contractuelle,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :

CONSTATE que M. [O] [W] ne sollicite aucune réparation de la caravane litigieuse dans le cadre de la garantie contractuelle de la société Trigano VDL et dit n'y avoir lieu, en conséquence, de statuer sur la mise en œuvre de cette garantie,

CONFIRME la décision déférée pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [O] [W] à payer à la société Chécy caravanes la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 CONDAMNE M. [O] [W] à payer à la société Trigano VDL la somme de 1 500 euros en application des dispos3it0iomnasrsd2e023 l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [O] [W] formée sur le même fondement,

CONDAMNE M. [O] [W] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise taxés à 3 578,67 euros.