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Décisions

CAA Paris, 4e ch., 23 mai 2001, n° 989A0023

PARIS

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Alfonsi

Commissaire du gouvernement :

M. Haim

CAA Paris n° 989A0023

22 mai 2001

VU I ) la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 janvier 1998 sous le n 98PA00230 présentée pour la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, dont le siège est zone industrielle du Bois Pataud, ..., par Me Y..., avocat ; la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES demande à la cour :

1 ) d'annuler le jugement du 23 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 1997 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a mise en demeure, d'une part,

de procéder sur le site de l'ancienne usine de la société Traub Sonim à Moret-sur-Loing, à l'évacuation d'urgence, dans le délai d'un mois, des produits et matériaux toxiques entreposés et, d'autre part, de lui notifier l'arrêt définitif de l'exploitation et d'effectuer une étude hydrogéologique du site dans un délai de six mois ;

2 ) d'annuler ledit arrêté ;

3 ) de lui accorder une somme de 30.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

VU II ) la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 janvier 1998 sous le n 00PA02540, présentée pour Me X... agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES par Me Y..., Me X... demande à la cour :

1 ) d'annuler le jugement du 27 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 1998 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé l'émission d'un titre de perception à l'encontre de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES en vue de la consignation entre les mains du trésorier-payeur général d'une somme de 100.000 F pour la remise en état d'un ancien site industriel à Moret-sur-Loing ;

2 ) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;

3 ) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-et-Marne du 22 mai 1998 ;

4 ) de lui allouer une somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code de l'environnement ;

VU la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 ;

VU la loi n 85-98 du 25 janvier 1985 ;

VU la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 ;

VU la loi n 95-101 du 2 février 1995 ;

VU le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

VU le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2001 :

- le rapport de M. ALFONSI, premier conseiller,

- les observations de Me Y..., avocat, pour la société PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES et Me X...,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'environnement : "Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement ..." ; qu'aux termes de l'article L.512-3 du même code : "Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L.511-1, les moyens d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation" ; que, suivant le premier alinéa de l'article L.514-1 de ce code : "I. -Indépendament des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé ..." ; qu'aux termes de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 modifié pris pour l'application de ces dispositions : "I. -Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article 18 ci-dessus. II. - L'exploitant qui met à l'arrêt définitif son installation notifie au prefet la date de cet arrêt au moins un mois avant celle-ci. ( ...) III. - Dans le cas des installations soumises à autorisation, il est joint à la notification un dossier comprenant le plan à jour des terrains d'emprise de l'installation, ainsi qu'un mémoire sur l'état du site. Le mémoire précise les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts visés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée, et pouvant comporter notamment : 1 ) L'évacuation ou l'élimination des produits dangereux ainsi que les déchets présents sur le site ; 2 ) La dépollution des sols et des eaux souterraines éventuellement polluées ; 3 ) L'insertion du site de l'installation dans son environnement ; 4 ) En cas de besoin, la surveillance à exercer de l'impact de l'installation sur son environnement. Le préfet consulte le maire de la commune concernée. En l'absence d'observations dans un délai d'un mois, son avis est réputé favorable. Lorsque les travaux prévus pour la cessation d'activité par l'arrêté d'autorisation ou par un arrêté complémentaire sont réalisés, l'exploitant en informe le préfet. L'inspecteur des installations classées constate la conformité des travaux par un procès-verbal de récolement qu'il transmet au préfet ..." ;

Considérant que la société Traub Sonim a régulièrement exercé une activité de fabrication de machines-outils pour laquelle lui a été délivrée une autorisation d'exploiter une unité de production située ... à Moret-sur-Loing et figurant au nombre des installations énumérées par la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ; que par un jugement en date du 25 octobre 1994, le tribunal de commerce de Montereau a prononcé sa liquidation judiciaire ; qu'en exécution d'une ordonnance du juge-commissaire du 9 novembre 1994 autorisant la cession globale de cette unité de production, sous réserve du maintien de huit contrats de travail, à la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES en cours de constitution, le mandataire liquidateur de la société Traub Sonim a cédé à ladite société par une convention du 19 décembre 1994 l'ensemble des éléments d'actif corporels et incorporels constituant le fonds de commerce de fabrication de machines-outils ; que la société requérante s'est ainsi régulièrement substituée à l'exploitant mis en liquidation avant de procéder le 1er juin 1995 au transfert à Bléré en Indre-et-Loire de l'activité ainsi reprise ; que par un jugement du tribunal de commerce de Tours du 12 mai 1998 la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES a ensuite elle-même été mise en liquidation judiciaire ;

Considérant, d'une part, que si la convention de cession du 19 décembre 1994 précise expressément qu'elle n'emporte transfert d'aucun droit locatif, le repreneur "déclarant faire son affaire personnelle directement auprès du bailleur du maintien dans les lieux durant une période comprise entre trois et six mois", il résulte de l'instruction que, moyennant le versement entre les mains du mandataire-liquidateur de la société Traub Sonim d'une indemnité de 18.000 F par mois, la société PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES a effectivement occupé l'installation et poursuivi l'activité de la société Traub Sonim qu'elle a transférée sur un autre site à compter du 1er juin 1995 ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre successivement de la société Traub Sonim et de son repreneur ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre des pouvoirs dont le préfet dispose en vertu des dispositions susmentionnées en vue de la remise en état du site et n'a pas eu pour effet de transférer à la société TPO cette obligation de remise en état en sa qualité de propriétaire de l'immeuble ; que, par suite, la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, qui ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle n'aurait pas sollicité le transfert de l'autorisation d'installation classée détenue par la société Traub Sonim, doit être regardée comme ayant la qualité d'exploitant au sens des dispositions de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 ;

 

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des rapports établis par l'inspecteur des installations classées qu'à la date de la décision attaquée, plusieurs dizaines de fûts contenant des huiles, solvants ou peintures demeuraient sur le site, dont certains à l'air libre ; qu'il résulte d'ailleurs du rapport établi le 8 avril 1998 qu'à la date du 26 mars 1998, un bac de traitement par décapage, trois fûts de déchets de 200 litres chacun et une centaine de bidons de solvant, catalyseur et durcisseur y étaient encore entreposés ; que l'arrêté attaqué du 29 janvier 1997 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANNIQUES d'évacuer d'urgence et d'éliminer les produits et matériaux demeurant sur le site de l'installation précedemment exploitée par la société Traub Sonim ne met pas à la charge de la société requérante la remise en état de terrains autres que celui servant d'emprise à cette installation ; que les dispositions prises par le préfet, en particulier la mise en demeure de procéder à une étude hydrogéologique étaient au nombre de celles qui pouvaient être prescrites à l'encontre de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES en dépit de la circonstance qu'avant la société Traub Sonim, d'autres sociétés auraient déversé des déchets industriels sur le même site ;

Considérant qu'il suit de là que Me X... agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 janvier 1997 ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 22 mai 1998 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.514-1 du code de l'environnement : " ... Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : 1 ) Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'Etat bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ;

2 ) Faire procéder d'office aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ..." ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES pouvait légalement être mise en demeure, en qualité de dernier exploitant du site industriel de la société Traub Sonim, de satisfaire aux conditions imposées par l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 27 janvier 1997 ; que cette mise en demeure est restée sans effet ; qu'ainsi, le préfet était en droit d'appliquer la procédure de consignation prévue par les dispositions précitées de l'article L.514-1 du code de l'environnement, alors même que la société requérante avait relevé appel du jugement du tribunal administratif de Melun du 23 octobre 1997 ;

Considérant que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'a pas pour effet de faire obstacle à la mise en oeuvre des pouvoirs dont le préfet dispose en application de la législation sur les installations classées ; qu'en particulier l'obligation, qui s'impose aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés par l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ne prive pas le préfet de la faculté d'engager la procédure de consignation prévue par les dispositions susmentionnées de l'article L.514-1 du code de l'environnement, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de la créance de l'Etat ;

Considérant que les dispositions de l'article 22-3 de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux dans leur rédaction issue de l'article 61 de la loi n 95-101 du 2 février 1995, qui régissent le financement du traitement et de la réhabilitation des sites pollués lorsque la participation qu'elles prévoient est devenue nécessaire du fait de la défaillance de l'exploitant ou du détenteur ne font pas davantage obstacle à l'exercice par le préfet du pouvoir de sanction qu'il tient des dispositions précitées du code de l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me X..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 22 mai 1998 décidant de l'émission d'un titre de perception à l'encontre de ladite société en vue de la consignation d'une somme de 100.000 F ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Me X... les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Article 1er : La requête n 98PA00230 de la SOCIETE PODELVAL LES INNOVATIONS MECANIQUES, représentée par son mandataire-liquidateur Me X..., est rejetée.

Article 2 : La requête n 00PA02540 de Me X... est rejetée.