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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 29 mars 2006, n° 05/00578

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Scierie Cote Frères (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Uran

Conseillers :

M. Bernaud, Mme Cuny

Avoués :

SCP Hervé-Jean Pougnand, SCP Jean Calas

Avocats :

Me Para, Me Burdet

T. com. Grenoble, du 4 janv. 2005

4 janvier 2005

Monsieur Pierre COTE, associé minoritaire au sein de la SARL SCIERIE COTE FRERES dirigée par ses deux neveux, se plaint de l’absence de toute distribution de bénéfices depuis l'année 1999 et se dit victime d’un abus de majorité.

II a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de GRENOBLE d’une demande en désignation d’un expert charge notamment de rechercher si les décisions prises par les associés majoritaires étaient conformes à l'intérêt social.

Par ordonnance du 4 janvier 2005 le Président du Tribunal de Commerce a toutefois rejeté sa demande au constat de l'inutilité de la mesure sollicitée en présence d’éléments de preuve suffisants.

Monsieur Pierre COTE a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 4 février 2005.

Vu ses conclusions signifiées et déposées le 31 mai 2005 aux termes desquelles il demande, par voie d’infirmation, l’instauration d’une expertise destinée à établir, au vu des documents comptables des 5 dernières années, l'éventuelle participation des associés majoritaires aux bénéfices et à rechercher si les décisions prises sont conformes à l’intérêt social au motif que le placement systématique des bénéfices en réserve, contrairement à une pratique ancienne, laisse présumer que les associés majoritaires, par ailleurs confortablement indemnisés en leur qualité de co-gérants, agissent dans leur intérêt exclusif et abusent de la majorité dont ils disposent.

Vu les conclusions signifiées et déposées le 29 juin 2005 par Messieurs Bernard et Philippe COTE et par la SARL SCIERIE COTE FRERES qui sollicitent la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de l'appelant au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles aux motifs que la mise en réserve des bénéfices renforce la situation nette de la société, que la rémunération des co-gérants n’excède pas sensiblement les salaires antérieurement perçus par eux avant suspension de leur contrat de travail, que depuis 1986 aucun bénéfice n’a été distribué, l’appelant confondant intéressement et dividendes, que la société a besoin de ses fonds propres pour assurer son développement dans l'intérêt de tous les associés et que par voie de conséquence la demande d’expertise ne repose pas sur un motif légitime.

MOTIFS DE L’ARRET

Les résolutions successives, par lesquelles l'assemblée générale des associés a décidé d'affecter en réserves ordinaires les résultats des exercices comptables clos le 31 décembre de chaque année, ne constituent pas des actes de gestion entrant dans les prévisions de l'article L. 223-37 du Code de commerce.

L’expertise de minorité instituée par ce texte ne peut concerner, en effet, qu’une ou plusieurs opérations de gestion accomplies par les dirigeants.

Se plaignant d’un abus de majorité, qui relève exclusivement d'une action en nullité, et ne prétendant pas que la gérance l'aurait privé de l'information qui lui est légalement due, Monsieur Pierre COTE n’est donc pas fondé a demander que soit mise en oeuvre l’expertise de gestion prévue à l'article L. 223-37 susvisé. 

Sa demande ne saurait pas plus prospérer sur le fondement de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile à défaut de motif légitime, alors qu’il dispose d'ores et déjà de l’ensemble des documents sociaux, comptables et de gestion (dont notamment les comptes annuels, les rapports de gestion et les délibérations des associés) qui permettront à la juridiction du fond, éventuellement saisie d’une action en nullité, d’apprécier si les associés majoritaires ont agi dans l’intérêt social en décidant de ne distribuer aucun dividende ; étant observé que les co-gérants ne font aucun mystère de leur rémunération puisqu’ils produisent aux débats un tableau de leurs appointements et du coût total qui en résulte pour l'entreprise au titre des années 2000 à 2003.

La décision déférée, qui a justement considéré que Monsieur Pierre COTE disposait déjà de moyens de preuve suffisants au soutien de son action future, mérite par conséquent confirmation en ce qu’elle a refusé de designer un expert, qui n’aurait pas pu en toute hypothèse recevoir pour mission de dire si la mise en réserve des bénéfices est conforme ou non à l’intérêt social, cette appréciation n’appartenant qu’au juge.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME I‘ordonnance déférée en toute ses dispositions,

DIT n’y avoir lieu a application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit des intimés,

CONDAMNE Monsieur Pierre COTE aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP d’avoués CALAS.