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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 octobre 2013, n° 12/12807

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FAURE HERMAN (SAS)

Défendeur :

METERING & TECHNOLOGY (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Marie-Christine AIMAR

Conseillers :

Madame Sylvie NEROT, Madame Véronique RENARD

Avocats :

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD, SELARL GUIZARD & Associés

Chartres, du 26 oct. 2010

26 octobre 2010

La société Faure Herman, commercialise des débitmètres, instruments destinés à la mesure du débit de fluides notamment de pétrole ou carburant qui passent dans les pipelines ou les conduits d'alimentation de moteurs d'avion, à ultrasons et des débitmètres à turbine à hélice hélicoïdale à bord d'attaque courbe.

Reprochant à la société Metering & Techonology, fondée en 2007 par trois de ses anciens salariés, qui produit et distribue des débitmètres, de commercialiser des produits similaires aux siens, elle a obtenu, par ordonnance sur requête du 13 janvier 2009, l'autorisation de procéder à diverses investigations dans les locaux de la société Metering & Techonology et d'obtenir la communication de documents relatifs au développement de ses produits et une mesure d'expertise

Par ordonnance en date du 3 février 2009, le président du tribunal de commerce de Chartres a partiellement rétracté l'ordonnance, sur la mission de rapportant à l'actionnariat.

Cette ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 20 janvier 2010.

Par jugement en date du 24 novembre 2009, le tribunal de commerce de Chartres a rejeté les demandes de la société Metering & Techonology en nullité de l'expertise.

Entre-temps, la société Faure Herman a, par acte en date du 26 mai 2009, fait assigner la société Metering & Techonology devant le tribunal de commerce de Chartres, sur le fondement de l'article 1382, en concurrence déloyale.

Par jugement du 24 novembre 2009 le Tribunal de commerce de Chartres a rejeté la demande de nullité de l'expertise formée par la société Metering & Technology et de sa demande de sursis à statuer.

Par jugement non assorti de l'exécution provisoire, en date du 26 octobre 2010, le tribunal de commerce de Chartres a :

- donné acte à la société Metering & Techonology que la société Faure Herman ne se prévaut pas du moindre acte de parasitisme concernant les débitmètres à ultrasons.

- dit que la société Metering & Techonology ne s'est pas indûment appropriée le savoir faire de la société Faure Herman dans le développement de ses débitmètres à hélice et à ultrasons,

- dit que la société Metering & Techonology n'a pas commis d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l'égard de la société Faure Herman,

- débouté la société Faure Herman de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné la publication du jugement,

- rejeté les autres demandes de la société Metering & Techonology,

- condamné la société Faure Herman à payer à la société Metering & Techonology la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 29 décembre 2010 par la société Faure Herman ;

Vu l'arrêt rendu le 27 mars 2012 par lequel la cour d'appel de Versailles a :

- déclaré la société Metering & Techonology irrecevable en sa demande d'infirmation de l'ordonnance de référé rendue le 13 janvier 2009 et ses demandes accessoires à cette procédure,

- débouté la société Faure Herman de sa demande de complément d'expertise et de sa demande consécutive au sursis à statuer,

- confirmé le jugement rendu le 26 octobre 2010 par le tribunal de commerce de Chartres seulement en ce qu'il a débouté la société Faure Herman de ses demandes à l'encontre de la société Metering & Techonology au titre des débitmètres à ultrason,

- avant dire droit, ordonné la réouverture des débats sans révocation de l'ordonnance de clôture invitant les parties à conclure sur sa compétence pour statuer sur la demande de la société Faure Herman formulée pour la première fois, au titre des actes de contrefaçon de la société Metering & Techonology postérieurs au 19 novembre 2008 relatifs aux débitmètres à turbine et sur la connexité des demandes portant sur les actes de concurrence déloyale et de parasitaires allégués pour la période antérieure.

Vu l'arrêt rendu le 12 juin 2012 par lequel la cour d'appel de Versailles a :

- renvoyé devant la cour de ce siège les demandes au titre de la contrefaçon et celles connexes au titre de la concurrence déloyale, s'agissant des débitmètres à turbine, à hélice hélicoïdale, à bord d'attaque courbe et toutes autres demandes accessoires non tranchées par l'arrêt du 27 mars 2012,

- réservé les dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2012 par lesquelles la société Faure Herman, au visa des articles 564, l, 2, 4, 7 et 9 du code de procédure civile et D 211-6 du code de l'organisation judiciaire demande à la cour de :

A titre principal :

- dire et juger que la demande en contrefaçon n'est pas une demande irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- ordonner aux parties de mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Paris pour trancher la demande en contrefaçon,

- dire que la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des demandes en concurrence déloyale par elle formées,

- dire que, "dans ce cadre", le brevet n° 08 57852 est un fait juridique ayant valeur de preuve et non pas le fondement de son appel.

Elle expose à cet effet que sa demande en contrefaçon de brevet présentée pour la première fois en cause d'appel est recevable car :

* la cour d'appel de Versailles en renvoyant l'affaire tant sur la demande en contrefaçon que sur la demande initiale en concurrence déloyale dont elle était initialement et valablement saisie a de ce fait rejeté l'argument de l'intimée,

* le brevet n° 08 57852 lui a été octroyé le 31 décembre 2010 postérieurement à la clôture de la procédure devant le tribunal de commerce de chartres et il s'agit donc de la survenance d'un fait postérieur au jugement et ayant des conséquences juridiques,

* ce brevet lui permet de combattre devant la cour deux affirmations de l'intimée dans sa défense survenance d'un fait postérieur au jugement et ayant des conséquences juridiques.

Vu les dernières conclusions signifiées 11 juin 2013 par lesquelles la société Metering & Techonology demande à la cour :

- de constater que l'action en contrefaçon de brevet introduite par la société Faure Herman est une prétention nouvelle en cause cl 'appel,

- en conséquence,

* déclarer la société Faure Herman irrecevable à agir en contrefaçon de brevet

* se déclarer incompétente en matière de concurrence déloyale au profit de la cour d'appel de Versailles,

- en tout état de cause :

* condamner la société Faure Herman à lui verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir à cet effet que :

- est irrecevable comme nouvelle la demande en contrefaçon soumise pour la première fois dans ses écritures du 18 novembre 2011 au juge du second degré sur appel d'un jugement qui a statué sur une action en concurrence déloyale, ces deux actions ne tendant pas aux mêmes fins,

- la demande de brevet de la société Faure Herman avait pourtant été déposée le 19 novembre 2008 antérieurement à l'introduction de son action en concurrence déloyale,

- la soumission de la demande en contrefaçon de brevet pour la première fois en cause d'appel est de nature à la priver de la garantie du double degré de juridiction,

- cette demande nouvelle n'a pas pour objet de faire écarter les prétentions adverses,

- le brevet ne constitue pas un fait juridique qui s'impose aux parties, sa pertinence sera discutée lors de l'action au fond en concurrence déloyale,

- les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale n'ayant pas le même fondement juridique, l'action en contrefaçon de brevet ne peut constituer l'accessoire et la conséquence ou le complément de l'action en concurrence déloyale de sorte que la cour d'appel de Paris ne doit plus être saisie de l'action en concurrence déloyale qui ressortit à la compétence de la cour d'appel de Versailles dans le ressort duquel elle a son siège social.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 juin 2013.

SUR CE,

La cour d'appel de Versailles dans son arrêt de renvoi en date du 12 juin 2012 n'a pas tranché la question de la recevabilité de la demande de contrefaçon de brevet, celle-ci dans ses motifs en page 3 indiquant précisément que cette question ne pourrait être examinée que par la cour d'appel de Paris et renvoyant dans son dispositif l'ensemble des demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale devant cette dernière cour.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou la survenance ou de la révélation d'un fait.

En application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L'action en concurrence déloyale fondée sur l'article 1382 du code civil qui exige une faute et l'action en contrefaçon qui concerne l'atteinte à un droit privatif, procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux mêmes fins, de sorte que l'action en contrefaçon présentée pour la première fois en cause d'appel d'un jugement qui a statué uniquement sur la question de la concurrence déloyale, est irrecevable.

Cette demande nouvelle n'a pas pour objet, comme le soutient à tort la société Faure Herman de faire écarter les prétentions adverses car la seule 'prétention' de la société Metering Technology est le débouté des demandes formées à son encontre.

La demande tendant à faire constater que l'obtention du brevet est un fait juridique ayant valeur de preuve, étrangère à la présente question de la recevabilité de la demande en contrefaçon, doit être écartée, la cour, saisie du fond du litige ayant entièrement compétence pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis.

Aux termes de l'article 86 du code de procédure civile la cour renvoie l'affaire à la juridiction qu'elle estime compétente. Cette décision s'impose aux parties et au juge de renvoi. Il s'ensuit que la demande de la société Metering & Technology tendant à voir renvoyer l'action en concurrence déloyale devant la cour d'appel de Versailles est irrecevable.

L'équité commande d'allouer à la société Metering & Herman qui ne peut comparaître devant la juridiction où elle a son siège, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.

Les dépens exposés jusqu'à ce jour resteront à la charge de l'appelante qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Dit que la demande en contrefaçon du brevet d'invention déposée le 19 novembre 2008 à l'INPI et délivré le 31 décembre 2010 sous le n° 08 57852 dont est titulaire la société Faure Herman formée pour la première fois en cause d'appel par celle-ci est irrecevable,

En conséquence,

La rejette et l'invite à mieux se pourvoir,

Renvoie l'affaire devant le conseiller de la mise en état à l'audience du 7 novembre 2013 à 13 heures pour permettre aux parties de conclure au fond sur l'action en concurrence déloyale sur les débitmètres à turbine à hélice hélicoïdale à bord d'attaque courbe et demandes non tranchées par la cour d'appel de Versailles,

Condamne l'appelante à payer à la société intimée la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société appelante,

Condamne la société appelante aux entiers dépens exposés jusqu'à ce jour et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.