CE, 5e et 6e ch. réunies, 14 avril 2023, n° 436439
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Bendavid
Rapporteur public :
M. Boutron
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 436439, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2019, 3 mars 2020, 22 janvier 2021 et 16 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société The betting and gaming council demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard ;
2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société The betting and gaming council soutient que :
- les I et II de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, sur le fondement de laquelle a été adoptée l’ordonnance attaquée, méconnaissent la liberté constitutionnelle d’entreprendre ;
- ils n’ont pas été notifiés à la Commission européenne, en méconnaissance de l’article 5 de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- ils méconnaissent les principes de liberté d’établissement et de libre prestation de service garantis par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- ils méconnaissent les principes d’égalité de traitement et de transparence ;
- les droits exclusifs accordés à la société La Française des jeux constituent une aide d’Etat prohibée par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- l’octroi de droits exclusifs à la société La Française des jeux pendant 25 ans la place en situation d’abuser de sa position dominante sur le marché concurrentiel des paris sportifs en ligne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, faute pour la société requérante d’apporter la preuve de son intérêt pour agir et de ce que son représentant ait été habilité à agir en son nom, et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, la société La Française des jeux conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n’a pas produit de mémoire en défense.
2° Sous le n° 436441, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2019, 3 mars 2020, 22 janvier 2021 et 16 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société The betting and gaming council demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d’application du contrôle étroit de l’Etat sur La Française des jeux ;
2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société The betting and gaming council soutient que:
- son intérêt pour agir et la qualité de son représentant pour agir en son nom sont établis ;
- le décret attaqué n’a pas été notifié à la Commission européenne, en méconnaissance de l’article 5 de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- il est illégal en raison de l’illégalité de l’ordonnance du 2 octobre 2019 pour l’application de laquelle il a été pris ;
- il est illégal en raison de l’inconstitutionnalité et de l’inconventionnalité des I et II de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 pour l’application de laquelle il a été pris, dès lors que :
- ces dispositions législatives n’ont pas été notifiées à la Commission européenne, en méconnaissance de l’article 5 de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- elles méconnaissent la liberté constitutionnelle d’entreprendre ;
- elles méconnaissent les principes de liberté d’établissement et de libre prestation de service garantis par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- elles méconnaissent les principes d’égalité de traitement et de transparence ;
- les droits exclusifs accordées à la société La Française des jeux constituent une aide d’Etat prohibée par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- l’octroi de droits exclusifs à la société La Française des jeux pendant 25 ans la place en situation d’abuser de sa position dominante sur le marché concurrentiel des paris sportifs en ligne ;
- l’article 3 du cahier des charges annexé au décret attaqué méconnaît l’article 17 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 en ce que l’avis de la Commission des participations et des transferts n’a été publié que postérieurement au décret, l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 dès lors que la contrepartie des droits exclusifs ne pouvait être fixé dans le cahier des charges, et l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dès lors que la contrepartie des droits exclusifs est insuffisante et que ces droits constituent en conséquence une aide d’Etat.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, faute pour la société requérante d’apporter la preuve de son intérêt pour agir et de ce que son représentant ait été habilité à agir en son nom, et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, la société La Française des jeux conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n’a pas produit de mémoire en défense. 3° Sous le n° 436449, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2019, 3 mars 2020, 22 janvier 2021 et 16 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société The betting and gaming council demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 relatif à l’encadrement de l’offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société The betting and gaming council soutient que :
- son intérêt pour agir et la qualité de son représentant pour agir en son nom sont établis ;
- le décret attaqué est illégal en raison de l’illégalité de l’ordonnance du 2 octobre 2019 pour l’application de laquelle il a été pris ;
- il est illégal en raison de l’inconstitutionnalité et de l’inconventionnalité des I et II de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 pour l’application de laquelle il a été pris, dès lors que:
- ces dispositions législatives n’ont pas été notifiées à la Commission européenne en méconnaissance de l’article 5 de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- elles méconnaissent la liberté constitutionnelle d’entreprendre ;
- elles méconnaissent les principes de liberté d’établissement et de libre prestation de service garantis par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- elles méconnaissent les principes d’égalité de traitement et de transparence ;
- les droits exclusifs accordés à la société La Française des jeux constituent une aide d’Etat prohibée par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- l’octroi de droits exclusifs à la société La Française des jeux pendant 25 ans la place en situation d’abuser de sa position dominante sur le marché concurrentiel des paris sportifs en ligne ;
- l’auteur du décret attaqué a méconnu sa compétence faute d’avoir défini, d’une part, les caractéristiques des jeux, les différentes gammes et catégories de jeux de loterie, et d’autre part, les caractéristiques de l’offre de paris sportifs en réseau physique de distribution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, faute pour la société requérante d’apporter la preuve de son intérêt pour agir et de ce que son représentant ait été habilité à agir en son nom, et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, la société La Française des jeux conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n’a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
- la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;
- l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 ;
- le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 ;
- le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne n° C-42/07 du 8 septembre 2009, n° C-203/08 du 3 juin 2010, n° C-212/08 du 30 juin 2011 et n° C-284/12 du 21 novembre 2013 ;
- la décision de la Commission européenne SA.56399 et SA.56634 du 26 juillet 2021, publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 3 décembre 2021 ;
- la décision du 19 août 2020 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société The betting and gaming council ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société The betting and gaming council et SCP Spinosi, avocat de la société La Française des jeux.
Considérant ce qui suit :
1. L’article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux (LFDJ) et lui a confié le monopole de l’exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution. Le IV du même article a autorisé le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin, d’une part, de préciser le périmètre des droits exclusifs et les contreparties dues par la société LFDJ au titre de leur octroi, de définir les conditions d’exercice, d’organisation et d’exploitation de ces droits exclusifs ainsi que les modalités du contrôle étroit exercé par l’Etat sur leur titulaire, et, d’autre part, de redéfinir les modalités de régulation de l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a adopté l’ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard. Par trois requêtes, qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la société The betting and gaming council demande l’annulation de cette ordonnance ainsi que du décret du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d’application du contrôle étroit de l’Etat sur la société La Française des jeux et du décret du 17 octobre 2019 relatif à l’encadrement de l’offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain, qui ont été pris pour son application.
2. Il ressort des pièces des dossiers que la société The betting and gaming council justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de cette ordonnance et de ces deux décrets et que son président a qualité pour former, en son nom, un recours pour excès de pouvoir contre ces trois actes. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique doivent être écartées.
Sur la légalité externe :
3. En premier lieu, le 1 de l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du
Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information dispose que : « Sous réserve de l’article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique (…) ». Il résulte clairement de ces dispositions que, pour leur application à une règle technique résultant, en droit interne, de la combinaison de dispositions de nature législative et de dispositions d’application de nature réglementaire, la communication à la Commission européenne des dispositions législatives relatives à cette règle technique peut n’être effectuée qu’au stade de l’élaboration des mesures réglementaires qui en fixent les conditions d’application, soit lorsque l’application de la loi est manifestement impossible en l’absence de ces mesures réglementaires et que, par suite, l’adoption de ces dernières conditionne l’entrée en vigueur de la règle technique, soit lorsque le texte législatif ne détermine pas, à lui seul, la règle technique d’une manière suffisamment précise pour que ses effets puissent être évalués par la Commission européenne et les Etats membres de l’Union européenne. Il en va de même lorsque la règle technique résulte, en droit interne, de la combinaison de dispositions de nature législative et d’une ordonnance que ces dispositions habilitent le Gouvernement à prendre dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution.
4. Il ressort des pièces des dossiers que la mise en œuvre du monopole accordé à la société La Française des jeux était manifestement impossible sans que ses modalités soient fixées par l’ordonnance attaquée. La publication de cette dernière était, par suite, nécessaire à l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l’absence de notification de ces dispositions législatives à la Commission européenne n’a donc pas méconnu le principe de communication immédiate à la Commission de tout projet de règle technique, fixé par l’article 5, cité ci-dessus, de la directive du 9 septembre 2015. Le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée, laquelle a été notifiée à la Commission européenne le 13 juin 2019, serait illégale au motif qu’elle aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives prises en violation de la directive du 9 septembre 2015 doit donc être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que les décrets attaqués seraient illégaux au motif qu’ils auraient été pris sur le fondement de dispositions législatives prises en violation de la directive du 9 septembre 2015.
5. En deuxième lieu, en application de l’article 5, cité ci-dessus, de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, tout Etat membre qui souhaite adopter une nouvelle règle technique au sens de cette directive ou modifier une règle technique existante doit, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, en informer la Commission européenne dans les conditions prévues par cet article. Constitue notamment une règle technique au sens de la directive, selon les termes du f) du 1 de son article premier, « une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un Etat membre ou dans une partie importante de cet Etat, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services ». Selon le e) du 1 du même article, une « règle relative aux services » est « une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis audit point. / Aux fins de la présente définition : i) une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services; / ii) une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente ; (…) ».
6. Le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d’application du contrôle étroit de l’Etat sur La Française des jeux se borne, d’une part, à préciser les conditions dans lesquelles s’exercent les prérogatives du commissaire du Gouvernement placé auprès de la société LFDJ et les modalités selon lesquelles les agréments de ses dirigeants sont délivrés et, d’autre part, à approuver le cahier des charges et la convention conclue par celle-ci. Ce décret, par conséquent, ne comporte aucune règle technique qui aurait pour objet ou pour effet de réglementer les services de jeux en ligne ou qui pourrait concerner ces services. Le moyen tiré, s’agissant de ce décret, de la méconnaissance du principe de communication immédiate à la Commission de tout projet de règle technique, fixé à l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, doit donc être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l’article 17 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 : « La société La Française des jeux s’acquitte, avant le 30 juin 2020, d’un versement à l’Etat en contrepartie de l’octroi, pour les durées fixées à l’article 15 de la présente ordonnance, des droits exclusifs mentionnés aux articles L. 322-8 et L. 322-14 du code de la sécurité intérieure dans leur rédaction issue de la présente ordonnance. Le montant de ce versement est fixé, après avis conforme de la Commission des participations et des transferts, dans le cahier des charges prévu à l’article 16. L’avis de la Commission des participations et des transferts est rendu public à la date de la publication du décret en Conseil d’Etat approuvant le cahier des charges ». La Commission des participations et des transferts a, en application de ces dispositions, émis le 7 octobre 2019 un avis conforme sur le montant du versement mis à la charge de la société LFDJ en contrepartie des droits exclusifs qui lui ont été confiés.
8. La requérante soutient que cet avis serait irrégulier, au motif que le dossier qui a été soumis à la Commission était incomplet, les conditions d’exploitation des droits exclusifs par la société LFDJ n’ayant été arrêtées que par l’ordonnance du 2 octobre 2019. Dès lors qu’aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que, pour formuler son avis, la Commission des participations et des transferts se prononce au vu du projet d’ordonnance et non du texte qui a été finalement adopté, et que la requérante n’établit ni même n’allègue que ces deux textes seraient différents, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie devant la Commission doit être écarté. En outre, la circonstance que cet avis, qui a été publié au Journal officiel de la République française du 27 octobre 2019, n’a pas été publié le même jour que le décret attaqué, publié au Journal officiel de la République française du 18 octobre 2019, est sans incidence sur la légalité de ce dernier.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
9. L’article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 2 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 attaquée, prohibe les jeux d’argent et de hasard, sous réserve des dérogations prévues à l’article L. 320-6 du même code, parmi lesquelles figurent les jeux de loterie et les paris sportifs en réseau physique de distribution. En vertu de l’article 15 de l’ordonnance, le monopole d’exploitation de ces jeux a été confié à la société LFDJ pour une durée de 25 ans, en contrepartie du versement par celle-ci d’une indemnité à l’Etat dans les conditions prévues par l’article 17 de l’ordonnance. Conformément à l’article L. 320-4 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, l’offre de jeu de la société LFDJ, comme celle de tout opérateur de jeux autorisé, doit contribuer « à canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l’autorité publique et à prévenir le développement d’une offre illégale de jeux d’argent » et concourir aux objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeux d’argent et de hasard mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 320-3 du même code, à savoir prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs, assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu et prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
10. L’ordonnance du 2 octobre 2019 attaquée a, par ailleurs, délimité le périmètre des jeux de loterie sous monopole et a prévu qu’un cahier des charges et une convention conclue avec l’Etat encadrent l’organisation et l’exploitation des droits exclusifs octroyés à la société LFDJ, dont les statuts sont approuvés par décret. Un commissaire du Gouvernement, placé auprès de cette société, s’assure que ses activités sont conformes aux objectifs mentionnés à l’article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure et peut s’opposer à une délibération de son conseil d’administration pour des motifs tirés de la méconnaissance de ces objectifs. Ses dirigeants sont nommés après agrément des ministres chargés de l’économie et du budget. La société LFDJ est soumise au contrôle économique et financier de l’Etat et à celui de la Cour des comptes. Elle est également soumise au contrôle de l’Autorité nationale des jeux, autorité administrative indépendante chargée notamment, par l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, dans sa rédaction issue de l’ordonnance attaquée, du respect des objectifs de la politique des jeux définis à l’article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure et de la surveillance des opérations des jeux d’argent et de hasard sous droits exclusifs. En vertu de l’article 34 de cette loi du 12 mai 2010, dans sa rédaction issue de l’article 12 de l’ordonnance du 2 octobre 2019, la société LFDJ doit soumettre, chaque année, à l’approbation de cette Autorité un document présentant sa stratégie promotionnelle et son programme des jeux et paris et rendre compte de l’exécution de l’année précédente. L’exploitation des jeux sous droits exclusifs est également soumise à autorisation préalable de l’Autorité nationale des jeux. Cette autorisation peut être suspendue ou retirée par l’Autorité si les conditions qui ont permis son autorisation ne sont plus réunies, ou par le ministre chargé du budget pour des motifs tirés de la sauvegarde de l’ordre public. L’Autorité homologue également les règlements des jeux autorisés de la société LFDJ. Comme tous les opérateurs de jeux, la société LFDJ doit enfin soumettre, chaque année, conformément aux cadres ministériels de référence, à l’approbation de l’Autorité un plan d’actions en vue de prévenir le jeu excessif et le jeu des mineurs et rendre compte de la mise en œuvre du plan précédent. Il en va de même en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le cahier des charges de la société LFDJ, approuvé par le décret attaqué n° 2019-1060 du 17 octobre 2019, détaille les obligations mises à sa charge afin de contribuer aux objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeux, en particulier à la protection des mineurs et à la lutte contre le jeu excessif. L’article 8 du décret attaqué n° 2019-1061 du 17 octobre 2019, désormais repris à l’article D. 322-14 du code de la sécurité intérieure, fixe respectivement à 40 et 100 le nombre de jeux qui peuvent être simultanément exploités en réseau physique de distribution et en ligne par la société LFDJ. L’espérance mathématique de gain des jeux fait l’objet d’un encadrement défini par décret. Si le nombre de points de distribution relevant du réseau physique de la société LFDJ n’a pas été limité, l’arrêté du 31 octobre 2019 a fixé le maximum d’une seule borne de jeux de loterie et d’une seule borne de paris sportif par point de vente.
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que l’octroi des droits exclusifs porte atteinte à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services :
11. Aux termes de l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. (…) ». Aux termes de l’article 56 du même traité : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. (...) ».
12. Une législation nationale autorisant les jeux d’argent de façon limitée ou dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, en ce qu’elle restreint l’exercice d’une activité économique, porte atteinte à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services. Toutefois, une telle atteinte peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité ou si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, telles que les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pour l’individu et la société susceptibles de résulter de la pratique des jeux de hasard. Même justifiée, l’entrave ne peut, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, notamment par son arrêt du 30 juin 2011, Zeturf Ltd, n° C-212/08, être acceptée que si les mesures restrictives sont proportionnées à la réalisation des objectifs invoqués, c’est-à-dire si elles sont propres à garantir ces objectifs et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre. Ainsi que l’a relevé la Cour de justice dans ses arrêts n° C-42/07 du 8 septembre 2009 et n° C-212/08 du 30 juin 2011, un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs de jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques propres à cette activité et de poursuivre une politique efficace de lutte contre le jeu excessif. Dans ce cas, il incombe au juge national de rechercher si les contrôles auxquels l’organisme bénéficiant d’un droit exclusif est soumis sont effectivement mis en œuvre de manière cohérente et systématique pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés et si la politique menée par celui-ci, laquelle peut impliquer l’offre d’une gamme de jeux étendue, une publicité d’une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution, n’est pas pour autant expansionniste.
13. Les dispositions mentionnées ci-dessus, qui réservent à la société LFDJ l’exercice de l’activité économique que constitue l’exploitation des jeux de loterie et des jeux de pronostics sportifs sur le territoire national par l’intermédiaire d’un réseau physique de détaillants, si elles n’instaurent pas d’inégalité de traitement susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège dans d’autres Etats membres de l’Union européenne, dès lors qu’elles s’appliquent indistinctement à tous les opérateurs susceptibles de proposer des jeux de loterie, quelle que soit leur nationalité, peuvent cependant être de nature à limiter, pour les prestataires de service ressortissants d’un des Etats membres de l’Union européenne ou installés à l’intérieur de celle-ci, la libre prestation de services que constitue l’exploitation des jeux de hasard et faire obstacle à leur liberté d’établissement.
Quant aux objectifs d’intérêt général poursuivis :
14. Il ressort des pièces des dossiers que les dispositions attaquées ont pour objet la protection de la santé et de l’ordre public en raison des risques avérés de jeu excessif, de fraude et d’exploitation des jeux de loterie à des fins criminelles, par la limitation des jeux et leur organisation par une société privée étroitement contrôlée par l’Etat. Ces objectifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à justifier une limitation à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement.
Quant à l’absence de procédure de publicité et de mise en concurrence préalable :
15. Ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, notamment par son arrêt Sporting Exchange Limited, n° C-203/08, du 3 juin 2010, l’attribution d’un monopole à un opérateur unique, sans mise en œuvre d’une procédure transparente d’octroi, constitue une restriction à la liberté fondamentale d’établissement et à la libre prestation de services consacrées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Toutefois, ainsi que l’a relevé la Cour, une telle restriction peut ne pas être disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par la loi, notamment si le bénéficiaire du monopole est un opérateur privé sur les activités duquel l’Etat est en mesure d’exercer un contrôle étroit.
16. Dès lors, eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur en l’espèce, qui ont été rappelés au point 14 ci-dessus, et aux caractéristiques particulières de la société LFDJ, en particulier au contrôle étroit, détaillé au point 10, que les dispositions contestées permettent à l’Etat d’exercer sur ses activités, qui résulte notamment de l’encadrement par un cahier des charges et une convention conclue avec l’Etat de l’organisation et de l’exploitation des droits exclusifs qui lui sont octroyés, du placement auprès de cette société d’un commissaire du Gouvernement et de l’agrément de ses dirigeants par les ministres chargés de l’économie et du budget, mais aussi du contrôle spécifique exercé par l’Autorité nationale des jeux sur LFDJ, dont l’Autorité doit approuver chaque année la stratégie promotionnelle et le programme de jeux et de paris et dont l’exploitation des jeux sous droits exclusifs est soumise à l’autorisation préalable de cette Autorité, le moyen tiré de ce que, en lui octroyant des droits exclusifs sans procédure préalable transparente, l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 aurait été adopté en méconnaissance de l’obligation de transparence prévue par le droit de l’Union européenne, doit être écarté.
Quant à la nécessité des droits exclusifs :
17. En premier lieu, la circonstance que le législateur ait, par la loi du 12 mai 2010, afin de lutter contre le développement incontrôlé de l’offre illégale de jeux et de paris sur internet, décidé de légaliser l’offre de paris en ligne et de l’encadrer en ouvrant à la concurrence les jeux et paris faisant appel au savoir-faire des joueurs tout en maintenant un monopole national sur les autres jeux et paris proposés dans les réseaux physiques de distribution et sur les jeux de loterie en ligne, n’est pas de nature à affecter la cohérence de la politique de l’Etat en la matière, eu égard aux objectifs légitimes poursuivis d’encadrement et de canalisation de l’offre de jeux afin d’en limiter l’expansion.
18. En second lieu, la requérante soutient qu’une ouverture à la concurrence à un nombre limité d’opérateurs agréés, sous le contrôle de l’Autorité nationale des jeux, permettrait de poursuivre les objectifs fixés par l’article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure sans porter atteinte à la libre prestation de service et à la liberté d’établissement. Comme l’a relevé la Cour de justice, notamment dans son arrêt n° C390/12 du 30 avril 2014, « à la différence de l’instauration d’une concurrence libre et non faussée au sein d’un marché traditionnel, l’application d’une telle concurrence dans le marché très spécifique des jeux de hasard, c’est-à-dire entre plusieurs opérateurs qui seraient autorisés à exploiter les mêmes jeux de hasard, est susceptible d’entraîner un effet préjudiciable, lié au fait que ces opérateurs seraient concurrents et, de cette manière, à augmenter les dépenses des consommateurs liées au jeu ainsi que les risques de dépendance de ces derniers ». Il en résulte que le système de droits exclusifs attribués à un seul opérateur institué par la loi peut être regardé comme participant à une progression limitée tant du nombre de jeux proposés que du nombre de points de vente et canalisant l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé, ce qui est de nature à assurer une meilleure maîtrise des risques liés aux jeux de hasard et à poursuivre l’objectif de lutte contre la dépendance au jeu de manière plus efficace qu’un régime d’ouverture à la concurrence d’opérateurs privés, fussent-ils assujettis à un système d’autorisation et soumis à un régime de contrôle et de sanctions.
Quant à la proportionnalité et à la cohérence du dispositif :
19. En premier lieu, la requérante soutient que la durée des droits exclusifs de la société LFDJ, qui a été fixée à 25 ans par l’article 15 de l’ordonnance du 2 octobre 2019, est excessive. Toutefois, il était loisible à l’Etat, qui a considéré que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics était de nature à lui permettre d’assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs de jeux de hasard, d’octroyer à la société LFDJ les droits exclusifs contestés, en sachant qu’il lui appartient de s’assurer, pendant toute la période pour laquelle ces droits ont été octroyés, que les mesures restrictives qu’il a ainsi instituées restent proportionnées à la réalisation des objectifs fixés et, dans le cas contraire, d’y mettre fin.
20. En deuxième lieu, la requérante soutient que la société LFDJ développe une stratégie d’expansion de son offre de jeux et de son réseau de distribution qui compromet le respect des objectifs d’ordre et de santé publics qui lui sont assignés et que le contrôle exercé par l’Etat sur cette société n’est, du fait de sa privatisation, pas suffisant pour limiter l’expansion par LFDJ de son activité. Il ressort toutefois des pièces des dossiers que, si la politique de développement des jeux de loterie offerts par la société LFDJ se caractérise par un certain dynamisme, les obligations et les restrictions qui sont imposées à cette société, s’agissant en particulier du plafonnement du nombre de jeux susceptibles d’être exploités simultanément et de l’encadrement de l’espérance mathématique de gain, ainsi que les modalités de contrôle renforcées exercées sur son activité tant par les représentants de l’Etat que par l’Autorité nationale des jeux, permettent d’orienter sa politique promotionnelle et de s’assurer que son offre de jeux reste quantitativement limitée et qualitativement aménagée. Ces mesures sont, à la date des textes attaqués, de nature à éviter l’exploitation de jeux susceptibles de provoquer le développement de pratiques excessives tout en offrant la possibilité à la société LFDJ d’adapter et de diversifier son offre de jeux afin de répondre aux évolutions des attentes de ses clients, de façon à les détourner des circuits illégaux.
21. En troisième lieu, la requérante fait valoir que le périmètre des droits exclusifs de la société LFDJ ne serait pas défini de façon suffisamment précise, ce qui lui ouvrirait des possibilités de développement illimité dans des conditions incompatibles avec l’objectif de limitation et d’encadrement de l’offre de jeux, dès lors que celle-ci est par ailleurs désormais soumise à des exigences de rentabilité accrues du fait de sa privatisation. Il ressort toutefois de l’article 7 de l’ordonnance attaquée que, conformément à l’habilitation donnée par le 1° du IV de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 au Gouvernement pour prendre les mesures de nature législative nécessaires à sa mise en œuvre, les articles L. 322-8 à L. 322-9-3 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de l’ordonnance, définissent de façon claire et détaillée les différents jeux, catégories de jeux et gammes de jeux sous droits exclusifs confiés à la société LFDJ, qui correspondent d’ailleurs au périmètre des jeux que cette société était déjà autorisée à exploiter sous l’empire des textes antérieurs à la loi du 22 mai 2019. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la société LFDJ modernise et diversifie à l’avenir son offre de jeux en fonction notamment des évolutions technologiques et des attentes du public, dans la limite des plafonds fixés par le décret du 17 octobre 2019 relatif à l’encadrement de l’offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain et sous réserve des autorisations d’exploitation de jeu accordées par l’Autorité nationale des jeux, elles ne sauraient être regardées comme permettant à la société LFDJ de développer, au titre de son monopole, des jeux qui élèveraient des segments de jeux et de paris ouverts à la concurrence.
22. En quatrième lieu, la requérante soutient que les dispositions du 2° de l’article L. 322-9-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l’ordonnance attaquée, qui autorisent la société LFDJ à proposer des « jeux à aléa immédiat, pour lesquels l’intervention du hasard, générée à la demande individuelle du joueur, résulte d’une action de celui-ci », permettraient à la société LFDJ de développer des machines à sous en ligne, lesquelles présentent un important risque d’addiction. Toutefois, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser l’exploitation par la société LFDJ de machines à sous en ligne, laquelle ne figure pas au nombre des dérogations au principe de prohibition des jeux d’argent et de hasard que pose l’article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure.
23. En cinquième lieu, aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 320-9 du code de la sécurité intérieure : « Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard exploités en ligne ou sur des terminaux d’enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d’un compte sont tenus de faire obstacle à la participation aux activités de jeu qu’ils proposent des personnes interdites de jeu en vertu des dispositions de l’article L. 320-9-1. / Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 320-6 s’assurent périodiquement que les personnes réalisant des opérations de jeux dans les postes d’enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques au moyen d’un compte ne sont pas interdites de jeu en vertu de l’article L. 320-9-1. Tout compte joueur dont le titulaire est interdit de jeu est clôturé ». Aux termes de l’article L. 320-9-1 du même code : « I.- Une interdiction de jeux peut être prononcée par l’autorité administrative compétente à l’égard des personnes dont le comportement est de nature à troubler l’ordre, la tranquillité ou le déroulement normal des jeux. / L’interdiction administrative de jeux s’applique à l’égard des jeux d’argent et de hasard proposés : / 1° Dans les casinos ; / 2° Sur les sites de jeux en ligne autorisés en vertu de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ; / 3° Sur le site de jeux en ligne de la personne morale unique titulaire de droits exclusifs mentionnée à l’article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ; / 4° Sur les terminaux de jeux sans intermédiation humaine mentionnés au premier alinéa de l’article L.320-9 ; / 5° Sur les postes d’enregistrement mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 320-
9. / Elle est prononcée pour une durée maximale de cinq ans. / II.- Toute personne peut engager des démarches auprès de l’autorité administrative compétente afin d’empêcher sa participation à des jeux d’argent et de hasard. / L’interdiction volontaire de jeux s’applique à l’égard des jeux d’argent et de hasard visés aux 1° à 4° du I. / Elle est prononcée pour une durée de trois ans renouvelables tacitement ».
24. Il résulte de la combinaison des articles L. 320-9 et L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure que seuls les opérateurs qui proposent des jeux en ligne ou sur des terminaux d’enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d’un compte sont tenus de contrôler qu’une personne qui souhaite accéder à leur offre de jeux ne fait pas l’objet d’une interdiction administrative de jeu. Une telle obligation ne s’applique donc pas aux jeux de loterie vendus par la société LFDJ en réseau physique de distribution directement ou par l’utilisation d’un terminal d’enregistrement physique sans utilisation d’un compte personnel.
Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait toutefois être déduit de cette différence, qui s’explique par des considérations techniques liées à la possibilité dont disposent les opérateurs proposant des jeux en ligne ou sur des terminaux d’enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d’un compte de contrôler, de façon automatique, grâce à un système d’information, l’identité du joueur lors de la création du compte et à chaque connexion à celui-ci, que le cadre normatif mis en place ne serait pas propre à garantir que le titulaire du monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de santé publique qui lui sont assignés. En revanche, la requérante, dont les écritures ne sont pas contestées en défense sur ce point, est fondée à soutenir qu’aucune différence objective ne justifie que l’interdiction volontaire de jeux ne s’applique pas, contrairement à l’interdiction administrative de jeux, à l’égard des jeux d’argent et de hasard visés au 5° du I de l’article L. 320-9-1, soit aux jeux proposés sur les postes d’enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques et que, dans cette mesure, les règles applicables ne permettent pas d’atteindre de façon cohérente l’objectif de lutte contre le jeu excessif. Toutefois, le Conseil d’Etat ayant, par décision du même jour (n° 436434, 436450, 436814, 436822, 436866) déjà annulé l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 en tant qu’elle ne prévoit pas que le deuxième alinéa du II de l’article L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure s’applique au 5° du I du même article, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 436439 dans cette mesure.
25. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 320-8 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 2 octobre 2019 : « Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire obstacle à la participation de mineurs, même émancipés, aux activités de jeu ou de pari qu’ils proposent. Il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement à des mineurs des jeux d’argent et de hasard mentionnés aux 1°, 3°, 4°, 5° et 6° de l’article L. 320-6. Sur les hippodromes et dans les postes d’enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 320-6, la personne physique qui commercialise directement auprès du client les jeux d’argent et de hasard peut exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité. L’accès aux terminaux de jeux sans intermédiation humaine permettant l’engagement de jeux relevant du 3° ou 4° de l’article L. 320-6 est réservé aux joueurs dont l’identité et la date de naissance ont été préalablement vérifiées aux fins de contrôle de leur majorité ». L’article L. 324-6 du code de la sécurité intérieure punit « d’une amende de 100 000 euros le fait, pour un opérateur de jeux d’argent et de hasard : (…) 2° De permettre un accès direct aux dispositifs de jeu sans intermédiation humaine à un joueur dont l’identité et la date de naissance n’ont pas été préalablement vérifiées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 320-8 ».
26. Il résulte des dispositions précitées qu’un contrôle systématique de la majorité du joueur doit être assuré par la société LFDJ et le PMU pour l’accès aux terminaux de jeux sans intermédiation humaine dans leur réseau physique de distribution, sous peine de sanction pénale. L’article L. 320-8 du code de la sécurité intérieure doit également être interprété comme imposant à la personne physique qui commercialise directement auprès du client les jeux d’argent et de hasard sous droits exclusifs l’obligation d’exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité en cas de doute sur son âge. Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que, faute de soumettre les opérations de jeux à la lecture automatisée d’un document d’identité afin de s’assurer que les joueurs sont majeurs, l’ordonnance attaquée ne permettrait pas de garantir le respect, de façon cohérente et systématique, de l’objectif de prévention contre le jeu des mineurs que l’Etat a assigné au titulaire du monopole.
27. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus que la requérante dont les conclusions dirigées contre l’ordonnance du 2 octobre 2019 en tant qu’elle ne prévoit pas que le deuxième alinéa du II de l’article L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure s’applique au 5° du I du même article sont devenues sans objet, n’est pas fondée à soutenir, pour le surplus, que cetteordonnance n’est pas conforme aux dispositions des articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’atteinte à la liberté constitutionnelle d’entreprendre :
28. Dès lors que le monopole attribué à la société LFDJ a été institué par l’article 137 de la loi du 22 mai 2019, le moyen tiré de la violation de la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne peut être utilement invoqué à l’encontre des actes attaqués.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’abus de position dominante :
29. Aux termes de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ». A supposer que l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 ait contribué, en raison des droits exclusifs qu’il prévoit, à assurer à la société LFDJ une position dominante sur le marché des paris en ligne et soit susceptible d’affecter les échanges entre les Etats-membres de l’Union européenne, cette disposition ne serait incompatible avec l’article 102 du traité que si l’entreprise était amenée, par l’exercice du droit exclusif dans les conditions dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive.
30. En premier lieu, la durée d’exploitation du monopole ne constitue pas en elle-même un abus de nature à mettre la société LFDJ en situation de contrevenir aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
31. En second lieu, les dispositions contestées ne mettent pas par elles-mêmes la société LFDJ en situation d’abuser de manière automatique de sa position dominante, en exploitant indûment, par exemple, comme le soutiennent la requérante, sur les marchés concurrentiels des paris sportifs et des jeux de cercle en ligne les moyens et la notoriété qu’elle retire de ses activités sous droits exclusifs ou encore les informations obtenues dans ce cadre sur ses clients et leurs habitudes de jeu.
32. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit donc être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens hormis ceux relatifs à l’existence d’une aide d’Etat illégale :
33. En premier lieu, si l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin « 1° De préciser le périmètre des droits exclusifs (…) et les contreparties dues par la personne morale unique mentionnée au même I au titre de leur octroi ; (…) 3° De définir (…) les modalités du contrôle étroit sur la personne morale unique (…) en prévoyant la conclusion d’une convention entre l’Etat et la personne morale (…) ou le respect par cette même personne d’un cahier des charges défini par l’Etat », ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’article 16 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 soumette la société LFDJ non seulement à un cahier des charges mais également à une convention, ni à ce qu’elle renvoie au décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 le soin de préciser le contenu de ces actes. Ces dispositions, par ailleurs, n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire que le montant du versement mis à la charge de la société LFDJ en contrepartie des droits exclusifs qui lui ont été confiés soit fixé dans le cahier des charges de cette société.
34. En deuxième lieu, l’ordonnance attaquée a également pu, sans méconnaître sa compétence ni, en tout état de cause, la liberté d’entreprendre, se borner à arrêter le principe du versement par la société LFDJ d’une indemnité en contrepartie des droits exclusifs qui lui ont été octroyés, sans en préciser les modalités de calcul.
35. En troisième lieu, il était loisible à l’auteur de l’ordonnance attaquée, après avoir posé, par ses articles 19 à 23, les principes et les modalités du contrôle étroit de l’Etat sur la société LFDJ, de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation des modalités d’application de ce contrôle.
36. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des termes mêmes des articles 8, 9 à 11, 13 et 16 du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 que celui-ci a, conformément à l’article L. 322-11 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue de l’article 7 de l’ordonnance du 2 octobre 2019, défini les caractéristiques des jeux, les différentes gammes et catégories de jeux de loterie sous droits exclusifs, ainsi que celles de l’offre de paris sportifs en réseau physique de distribution.
En ce qui concerne les moyens relatifs à l’existence d’une aide d’Etat illégale :
37. Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, constituent des aides d’État, « dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Aux termes de l’article 108 du même traité : « 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur. / 2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. / Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259. / (…) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. / (…) ».
38. Ainsi qu’il a été dit au point 7, l’article 17 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 prévoit que la société LFDJ s’acquitte d’un versement à l’Etat en contrepartie de l’octroi des droits exclusifs, pour une durée de 25 ans, sur les jeux de loterie et les paris sportifs en réseau physique de distribution. En application de ces dispositions, qui ne constituent pas en elles-mêmes une aide d’Etat, pas plus que celles du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 relatif à l’encadrement de l’offre de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain, l’article 3 du cahier des charges de la société LFDJ, approuvé par le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 à la suite de l’avis conforme de la Commission des participations et des transferts du 7 octobre 2019, a fixé à 380 000 000 euros le montant de l’indemnité ainsi prévue.
39. Il ressort des pièces des dossiers que, pour fixer à 380 000 000 euros le montant de cette indemnité, le Premier ministre s’est approprié l’estimation que la Commission des participations et des transferts a retenue dans son avis du 7 octobre 2019. La contrepartie financière due par la société LFDJ a été évaluée non pas sur la base de la valeur théorique des droits exclusifs eux-mêmes mais sur celle du surcroît de leur valeur résultant pour cette société du nouveau cadre juridique issu de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019. Il a été procédé, à cette fin, à la comparaison entre la valeur de l’activité sous droits exclusifs de la société avant et après la réforme, à travers la mesure, d’une part, des impacts négatifs liés à la limitation à 25 ans de la durée du monopole, à la fiscalité et aux coûts additionnels supportés par la société, et d’autre part, des impacts positifs résultant de la sécurisation accrue des droits exclusifs et du nouveau cadre fiscal applicable à la société LFDJ.
40. En premier lieu, s’il est soutenu que l’octroi de droits exclusifs à la société LFDJ, par l’article 137 de la loi du 22 mai 2019, constituerait une aide illégale dans la mesure où le principe d’une contrepartie à l’octroi de ces droits n’était pas prévu dans la loi, d’une part le IV de cet article 137 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi pour préciser non seulement le périmètre des droits exclusifs mais aussi les contreparties dues par la société LFDJ au titre de leur octroi, d’autre part l’article 17 de l’ordonnance du 2 octobre 2019 pris en application de ces dispositions prévoit, ainsi qu’il vient d’être dit au point 38, que la société LFDJ s'acquitte d'un versement à l'Etat en contrepartie de l'octroi des droits exclusifs.
41. En deuxième lieu, il est soutenu que la contrepartie, qui a été fixée après avis de la Commission des participations et des transferts du 7 octobre 2019, l’aurait été sur la base d’un dossier incomplet, dans la mesure où la commission ne pouvait pas déterminer précisément la valeur économique des droits exclusifs attribués dès lors qu’à cette date, et avant la publication du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019, l’étendue de l’offre sous droit exclusif était indéterminée. Toutefois, à la date à laquelle s’est prononcée la commission, l’ordonnance du 2 octobre 2019 avait déjà défini, contrairement à ce qui est soutenu, le périmètre des droits exclusifs de la société LFDJ. En outre rien ne faisait obstacle à ce que, pour formuler son avis, la Commission des participations et des transferts se prononce au vu des projets de décrets et non des textes qui ont été finalement adoptés, et il n’est ni établi ni même allégué que ces textes seraient différents.
42. Enfin, il est soutenu que la contrepartie aux droits exclusifs octroyés à la société LFDJ, prévue à l’article 3 du cahier des charges annexé au décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d’application du contrôle étroit de l’Etat sur La Française des jeux, aurait été fixée à un montant sous-estimé, en suivant une méthode biaisée et non transparente
43. Il ressort des pièces des dossiers que, par une décision SA.56399 et SA.56634 du 26 juillet 2021, publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 3 décembre 2021, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne cité ci-dessus « en ce qui concerne la rémunération due à l’Etat par La Française des jeux en échange des droits exclusifs qui lui ont été attribués », en raison de l’octroi supposé de ce qu’elle a qualifié être une aide d’Etat illégale. Dans ces conditions, il résulte des stipulations de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, également citées ci-dessus, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa AG, C-284/12 et au point 29 de son arrêt (grande chambre) du 21 décembre 2016, Commission européenne contre Hansestadt Lübeck, C-524/14P, qu’il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête n° 436441, au soutien de laquelle est utilement soulevé le moyen, mentionné au point précédent, tiré de ce que l’octroi de droits exclusifs à la société LFDJ constituerait une aide d’Etat illégale au motif que la contrepartie de cet octroi aurait été fixée à un montant sous-estimé, en suivant une méthode biaisée et non transparente, jusqu’à la décision finale de la Commission.
44. Dans les autres requêtes, il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il y ait lieu de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne, que le surplus des conclusions de la requête n° 436439 et la requête n° 436449 doivent être rejetés. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la requérante et par la société La Française des jeux au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative dans ces requêtes.
D E C I D E :
Article 1 : Il n’y pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 436439 dirigées contre l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 en tant qu’elle ne prévoit pas que le deuxième alinéa du II de l’article L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure s’applique au 5° du I du même article.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 436441 jusqu’à la décision finale de la
Commission européenne dans le cadre des procédures SA.56399 et SA.56634 mentionnées au point 43 de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 436439 et la requête n° 436449 sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la société La Française des jeux présentées dans les requêtes n°s 436439 et 436449 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée aux sociétés The betting and gaming council et La Française des jeux, à la Première ministre et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.