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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 2 mars 2023, n° 23/00315

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

M. Desalbres, M. Figerou

Avocats :

Me Raffy, Me Le Colleter

JEX Bordeaux, du 24 nov. 2022, n° 22/000…

24 novembre 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

Par une reconnaissance de dette du 5 octobre 2011, Madame [D] [S] a prêté à Monsieur [N] [P], son ancien époux, une somme de 110 000 euros, sans intérêts, qu'il s'est engagé à rembourser avant le 1er janvier 2017.

Face à l'absence de tout règlement, Mme [S] a délivré à M. [P] un commandement de payer valant saisie par exploit d'huissier du 1er juin 2022 portant sur les droits immobiliers situés à [Adresse 13]) cadastrés section C, n° [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour une contenance de 1ha 19a 04ca.

Le débiteur n'ayant pas réglé les sommes dues dans le délai imparti par le commandement, celui-ci a été publié le 4 juillet 2022 au service de la publicité foncière et d'enregistrement de [Localité 16] 1.

Par acte du 23 août 2022, Mme [S] a assigné M. [P] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir ordonner la vente forcée du bien immobilier sis [Adresse 4] à [Localité 12].

Par jugement d'orientation du 24 novembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- constaté que les conditions des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies,

- fixé la créance de Mme [S] à la somme de 117 774,58 euros arrêtée au 27 décembre 2021 en principal, intérêts et accessoires sans préjudice des intérêts ultérieurs au taux légal à compter du 28 décembre 2021,

- ordonné la poursuite de la procédure de vente forcée de l'immeuble saisi,

- fixé la vente aux enchères publiques de l'immeuble saisi à l'audience du 16 mars 2023 sur une mise à prix selon les stipulations du cahier des conditions de vente de 100 000 euros,

- dit que le créancier poursuivant était autorisé à faire paraître une publicité complémentaire à raison de deux insertions complémentaires s'il lui convient dans le journal de son choix (une édition à chaque fois),

- désigné la SARL LBL, commissaire de justice à [Localité 15], aux fins d'assurer la visite des biens saisis à raison de deux visites de deux heures chacune, et, en cas de surenchère une visite complémentaire de deux heures,

- dit que M. [P] ou tous occupants de son chef seront tenus de laisser visiter les lieux et qu'à défaut, il pourra si besoin est être procédé à l'ouverture des portes par ledit mandataire, en présence d'un huissier, si lui-même n'est pas huissier, avec l'assistance d'un serrurier et le cas échéant assisté de deux témoins en application de l'article L.142-1 du code des procédures civiles d'exécution et l'assistance de la force publique,

- dit qu'en cas de difficulté il pourra en être référé au juge de l'exécution sur requête,

- condamné M. [P] aux dépens excédant les frais taxés,

M. [P] a relevé appel du jugement le 2 janvier 2023.

Par acte du 13 janvier 2023, M. [P] a assigné à jour fixe Mme [S] devant la cour d'appel de Bordeaux à l'audience du 15 février 2023.

Par avis du 20 janvier 2023, le dossier RG N°23/00016 a été joint au présent dossier.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 févier 2023, M. [P] demande à la cour, sur le fondement des articles 1343-5 du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel lui interjeté à l'encontre du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 novembre 2022 dans le cadre du contentieux l'opposant à Mme [S], son ex épouse,

- réformer en toutes ses dispositions cette décision et statuant à nouveau,

- accorder à M. [P] un délai expirant le 30 novembre 2023 pour désintéresser Mme [S] des sommes dues en principal, intérêts et accessoires,

- condamner Mme [S] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, lesquels comprendront notamment les frais exposés dans le cadre de la procédure de saisie immobilière par elle engagée.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2023, Mme [S] demande à la cour, sur le fondement des articles L.311-2, L.311-4, L.311-6, R.332-15 à R.322-29 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- débouter M. [P] de son appel, ses demandes, moyens et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris,

y ajoutant,

- condamner M. [P] à payer à Mme [S] une indemnité 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

Les avocats des parties ont plaidé à l'audience du 15 février 2023, et l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.

MOTIFS

Sur les délais

Le tribunal après avoir constaté que les conditions de la saisie immobilière étaient réunies et après avoir considéré que la créance de Mme [S] était certaine et exigible a débouté M. [P] de sa demande de délais au motif que le débiteur avait bénéficié des plus larges délais pour rembourser son ancienne épouse, et que s'il sollicitait de nouveaux délais de paiement au motif que sa fratrie et lui-même bénéficiaient d'une promesse d'achat d'un bien immobilier, celle-ci contenait de nombreuses conditions suspensives, alors qu'auparavant il s'était prévalu d'une autre promesse d'achat qui n'avait pas abouti, si bien que la certitude d'une vente de cet immeuble dans un délai raisonnable n'était pas acquise.

M. [Y] [P] a communiqué en cause d'appel, le 14 février 2023, une attestation de Me [M] dit [U] notaire à la résidence de [Localité 16] aux termes de laquelle sa fratrie et lui-même bénéficieraient d'une société à responsabilité à associé unique au capital de 100 euros d'une promesse d'achat concernant un bien immobilier indivis situé dans la commune de [Localité 17] au prix de 960 000 euros, alors que la vente de son domicile le mettrait à la rue et qu'il va recevoir dans un bref délais des sommes lui permettant de désintéresser son ancienne épouse.

Mme [D] [S] sollicite la confirmation du jugement, qu'elle faisant valoir que si la situation de l'appelant est bien celle qu'il décrit il pourrait aisément solliciter le bénéfice d'un prêt relais, alors que depuis six ans qu'il aurait dû rembourser sa dette à son égard, il n'a rien entrepris depuis 2017 pour vendre une partie de son patrimoine immobilier, alors qu'elle-même a besoin de recouvrer sa créance alors que vivant dans une maison dans laquelle elle ne peut entreprendre de travaux nécessaires, qu'elle ne peut aider ses enfants comme elle le souhaiterait, et qu'elle ne peut solliciter le bénéfice de sa retraite, droit auquel elle pourrait prétendre, car elle ne peut solder un emprunt qu'elle comptait solder la créance dont elle dispose sur son ancien époux.

***

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues'. »

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [P] devait aux termes de l'acte de prêt du 5 octobre 2011 rembourser à son ancienne épouse la somme prêtée de 110 000 euros au plus tard le 1er janvier 2017.

Plus de six ans après cette échéance, M. [P] sollicite de nouveaux délais, alors que dans cette période de six années dont il a de fait bénéficié, il aurait pu trouver une solution pour rembourser sa dette ce d'autant qu'il fait valoir l'existence d'un patrimoine immobilier indivis important.

M. [P] pouvait encore vendre sa résidence principale, et acheter un bien d'une moindre valeur, ou encore louer un logement pour lui permettre de respecter ses obligations.

Par ailleurs, les promesses d'achat qu'il verse aux débats sont assorties de conditions suspensives qui rendent aléatoires la concrétisation d'une vente alors que notamment la dernière promesse d'achat qu'il a versé au débat, émanant de la société GVI comporte des contions suspensives qui ne sont même pas fixées ( « le tout sous diverses conditions suspensives restant à définir aux termes d'un avant contrat » )

Par ailleurs la promesse d'achat émanant de cette société GVI est étonnante alors qu'elle porte sur les parcelles BV [Cadastre 7] et BV [Cadastre 8] de la commune de [Localité 17], pour un montant de 960 000 euros alors que l'appelant se prévalait devant le premier juge d'une promesse d'achat d'une société Tagerim Promotion pour la seule parcelle BV [Cadastre 8] pour le prix de 1 500 000 euros, étant précisé que les deux promesses d'achat étaient assorties de conditions suspensives, lesquelles ne permettent pas en toute hypothèse de garantir une vente prochaine des biens dépendant de l'indivision [P].

Parallèlement, Mme [S] justifie de ses besoins, lesquels justifient le paiement sans délai de sa créance.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [P] succombant, il sera condamné à payer à Mme [D] [S] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, y ajoutant :

Condamne M. [Y] [P] à payer à Mme [D] [S] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [Y] [P] aux entiers dépens.