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Décisions

Cass. 2e civ., 6 avril 2023, n° 21-17.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Taillandier-Thomas

Rapporteur :

M. Labaune

Avocat général :

M. de Monteynard

Avocat :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Cass. 2e civ. n° 21-17.055

6 avril 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2021), la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) a fait procéder, le 3 décembre 2019, à une saisie-attribution au préjudice de Mme [H] (la débitrice saisie), sur le fondement d'une contrainte émise le 27 mai 2014 et signifiée le 14 décembre 2018, n'ayant pas fait l'objet d'une opposition, au titre des cotisations impayées et majorations de retard dues pour les années 2010 et 2011.

2. La débitrice saisie a contesté cette mesure d'exécution forcée devant un juge de l'exécution.

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La CIPAV fait grief à l'arrêt d'annuler la saisie-attribution et d'en ordonner la mainlevée, alors :

« 1°/ qu'il n'entre pas dans les attributions du juge de l'exécution de remettre en cause un titre exécutoire devenu définitif telle une contrainte non frappée d'opposition présentant les effets d'un jugement ; qu'en conséquence, s'il a compétence pour connaître de la prescription du titre exécutoire que constitue cette contrainte, ce juge ne peut apprécier, en lieu et place du juge du fond saisi d'une éventuelle opposition, si l'organisme émetteur a respecté le délai de l'action en paiement courant en fonction de l'exigibilité des cotisations appelées et le délai de l'action en recouvrement courant à compter de l'expiration du délai d'un mois imparti par la mise en demeure ; qu'en l'espèce, la contrainte signifiée le 14 décembre 2018 n'a pas été frappée d'opposition et est devenue définitive ; que la CIPAV a procédé à l'exécution forcée de cette contrainte en pratiquant une saisie attribution le 9 décembre 2019, soit bien avant l'expiration du délai de l'action en exécution de cette contrainte ; que pour confirmer le jugement entrepris ayant retenu cependant que l'action en exécution de la contrainte était prescrite, la cour d'appel a jugé qu'elle devait trancher la question de la prescription de l'action en recouvrement, elle a entrepris d'apprécier si le délai de cette action avait été respecté et elle a considéré que la signification de la contrainte avait été tardive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

4°/ que le délai de l'action en exécution de la contrainte court à compter de la signification de celle-ci, non de son émission ; qu'en confirmant le jugement entrepris ayant fait courir ce délai à compter de la date d'émission de la contrainte, la cour d'appel a violé les articles L. 244-3 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La débitrice saisie conteste la recevabilité du moyen, pris en sa première branche, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, ce moyen est de pur droit dès lors qu'il n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, L. 244-3 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction antérieure la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 :

7. Il résulte des deux premiers de ces textes que le juge de l'exécution ne peut connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire dans son principe.

8. Selon le dernier, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

9. L'exécution de la contrainte est soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 244-3, susvisé, dont le délai court à compter de la date de sa signification ou de sa notification.

10. Pour annuler la saisie-attribution et en ordonner la mainlevée, l'arrêt relève que la contrainte sur le fondement de laquelle la mesure d'exécution a été pratiquée a été délivrée le 27 mai 2014 pour le recouvrement de cotisations dues au titre des années 2010 et 2011, qui avaient fait l'objet d'une mise en demeure le 20 décembre 2013. Il retient que les cotisations sont soumises à une prescription triennale et que, la prescription de la contrainte étant celle de la créance qu'elle constate, la CIPAV ne pouvait y faire échec en faisant signifier la contrainte le 14 décembre 2018.

11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la contrainte sur le fondement de laquelle la mesure d'exécution litigieuse avait été pratiquée n'avait pas été contestée devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et que la saisie-attribution litigieuse avait été pratiquée moins de trois ans après la signification de la contrainte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

13. L'arrêt énonce qu'en poursuivant l'exécution d'une contrainte manifestement prescrite, la CIPAV a commis une faute qui a entraîné l'indisponibilité des comptes bancaires de la débitrice saisie, justifiant la condamnation du saisissant au paiement de dommages-intérêts.

14. La cassation du chef du dispositif attaqué par le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif attaqué par le second qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable la contestation de Mme [H], l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.