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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 28 mars 2006, n° 05/12523

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

du Buit (ès qual.)

Défendeur :

Transports Réunis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

M. Le Dauphin, Mme Moracchini

Avoués :

SCP Arnaudy - Baechlin, Me Huyghe

Avocats :

Me Diesbecq, Me Grinal

TGI Evry, du 9 mai 2005, n° 03/08377

9 mai 2005

Vu l’appel interjeté par Maître Marie-Dominique du Buit d’un jugement rendu le 9 mai 2005 par le tribunal de grande instance d’Evry qui l’a condamnée es qualités, en ordonnant l’exécution provisoire, à verser à la société Transports Réunis la somme de 42 482,66 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2003 ainsi que celle de 1 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 14 février 2006 par l’appelante qui demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter la société Transports Réunis de toutes ses demandes et de son appel incident et de la condamner au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les écritures signifiées le 12 janvier 2006 par la société Transports Réunis qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu le principe de la responsabilité personnelle de Maître du Buit et l’a condamnée à réparer le préjudice par elle subi, à son infirmation en ce qu’il a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de 42.482,66 €, à la condamnation de Maître du Buit au paiement de la somme de 64.213,11 €correspondant aux frais d’enlèvement des déchets en avril et octobre 2001 outre les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2003, date de l’assignation introductive d'instance, de celle de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, de celle de 6.000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant que le 31 mars 1996, la société Travaux Réunis a consenti une convention d’occupation précaire à la société Garnifer relativement à des locaux commerciaux sis 6 rue de Seine à Viry- Chatillon ; que ce site relevait de la législation des installations classées ; que la société Garnifer a entreposé dans les locaux plus de 400 tonnes de déchets variés ; que par jugement du 5 juillet 1999, le tribunal de commerce d’Evry a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire a l’égard de la société Garnifer, de la société Saint Bernard, de la SCl Brétigny, prononcé la confusion des patrimoines des trois sociétés, fixé au 28 juin 1999 la date de cessation des paiements, nominé Me du Buit en qualité de représentant des créanciers et Me Libert en qualité d’administrateur ; que le 13 décembre 1999, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire des trois sociétés, a mis fin à la mission de Me Libert et nommé Me du Buit en qualité de liquidateur ;

Considérant que par ordonnance en date du 12 février 2000, le juge commissaire à la liquidation judiciaire des sociétés susdites a ordonné la cession de gré à gré des actifs mobiliers de la société Garnifer à la SARL TPNL moyennant le prix de 50.000 FF TTC -7.622,45 €-; que l’acquéreur n’a pas procédé à l’enlèvement des déchets et marchandises laissés dans les locaux ;

Considérant que par exploit du 1er août 2000, la société Travaux Réunis a assigné Me du Buit es qualités de liquidateur devant le tribunal de commerce d’Evry afin d’obtenir la libération des lieux loués et la restitution des clefs des locaux sous astreinte journalière de 5.000 FF ; que par ordonnance du 20 septembre 2000, le tribunal a fait droit à sa demande en fixant l’astreinte à 1.000 FF par jour à compter du 60e jour suivant la notification de la décision, laquelle a été confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris le 28 février 2001 ;

Considérant que le 24 août 2000, le Préfet de l’Essonne a notifié à Me du Buit un arrêté en date du 21 août 2000 la mettant en demeure de faire évacuer et traiter dans des installations dument autorisées les déchets présents dans les locaux de la société Travaux Réunis sous peine, en cas de non-respect de l’injonction susvisée, d’être passible des sanctions prévues par la loi du 19 juillet 1976 et son décret d’application du 21 septembre 1977 ; que le tribunal administratif de Versailles, saisi par Me du Buit qui sollicitait l’annulation de l’arrêté, a par jugement du 28 juin 2001 rejeté sa requête ; que compte tenu de la carence du mandataire liquidateur, le Préfet de l’Essonne lui a notifié un arrêté de consignation en date du 14 mars 2001 ;

Considérant que la société Travaux Réunis a fait procéder à l’enlèvement et au traitement des déchets entre avril et octobre 2001 pour un cout global de 64 213,11 € puis elle a assigné le mandataire liquidateur devant le tribunal de grande instance d’Evry qui a rendu la décision déférée ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 237-12 du code de commerce, le liquidateur est responsable personnellement des conséquences dommageables des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions tant à regard de la société que des tiers ;

Considérant que la mise en oeuvre de cette responsabilité suppose la démonstration de l’existence d’une faute personnelle ayant généré un préjudice ;

Considérant que, comme le relève l’appelante, il n’est nullement allégué qu’elle ait contribué à l’encombrement du terrain ; qu’il ne peut non plus lui être reproche de s’être abstenue de vérifier les capacités commerciales et la solvabilité de la société TPNL qui était la seule à avoir fait une proposition d’achat des déchets et dont l’offre a été garantie en totalité par la consignation du prix de cession ; que cependant Me du Buit est mal fondée à prétendre que cette société était devenue propriétaire des déchets ; qu’en effet, les actes de cession n’ont jamais été signés avec la société TPNL qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés moins de deux mois après le prononcé de l’ordonnance du juge commissaire ; qu’aucun transfert de propriété n’est dès lors intervenu ; que la liquidation judiciaire de la société Garnifer est restée propriétaire des déchets ;

Considérant que le bail dont bénéficiait la société Garnifer s’est trouvé résilié de plein droit le 28 août 1999 en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985; qu’à cette date, le mandataire liquidateur devait rendre effective la libération des locaux à leur propriétaire en faisant enlever les déchets et remettre les lieux en état ; que ces obligations lui ont été rappelées dans l’arrêt de la cour d’appel du 28 février 2001 ;

Considérant cependant que l’abstention de Me du Buit, à titre personnel, ne peut être qualifiée de fautive dans la mesure où elle s’explique par la totale impécuniosité de la procédure, cause qui lui est étrangère ;

Considérant qu’il est constant que le mandataire liquidateur doit respecter les dispositions légales en matière d’environnement et notamment agir aux lieu et place de l’exploitant dessaisi du fait de la procédure collective pour satisfaire aux prescriptions de l’article L. 541-2 du code de l’environnement et assurer l’élimination des déchets , et à celles de l’article 34 du décret du 21 septembre 1977 qui imposent aux exploitants d’installations classées qui mettent fin à leur activité de remettre le site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article L. 511 -1 du code de l’environnement ; que Me du Buit avait été spécialement avisée par la Direction Régionale de l’Industrie de la Recherche et de l’Environnement - DRIRE - que les sites exploités par la société Garnifer relevaient de la législation des installations classées et qu’il lui incombait pour chacun des sites d’adresser au Préfet de l’Essonne une déclaration de cessation d’activité dans les formes prévues par les textes ; qu’il résulte des pièces versées aux débats que Me du Buit à régulièrement adressé à l’autorité préfectorale le dossier de cessation des activités exercées par la société Garnifer à Viry Chatillon ainsi que les déclarations concernant la remise en état du site ; qu’elle a contesté l’arrêté pris par le Préfet de l’Essonne lui enjoignant de remettre en état le site, ainsi qu’un autre similaire, dans le délai de trois mois devant le tribunal administratif de Versailles en invoquant l’impécuniosité de la procédure collective ; qu’il doit ainsi être relevé que Me du Buit a accompli les diligences prévues par les dispositions légales et règlementaires relatives aux installations classées et qu’elle a régulièrement informé l’autorité administrative des difficultés qu’elle rencontrait puisqu’elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour financer l’enlèvement des déchets ; que Me du Buit fait justement valoir qu’elle devait respecter les régies propres aux procédures collectives et notamment les dispositions de l’article L. 621-32 du code de commerce et qu’elle ne pouvait sur le fondement de l’article L. 627-3 du code de commerce faire financer par le Trésor Public les opérations de récupération de déchets ; qu’il résulte des pièces qu’elle communique qu’après paiement du super privilège et affectation aux créanciers hypothécaires des sommes leur revenant le solde disponible s’élevait à 0,00 € ;

Considérant que le seul fait pour un mandataire liquidateur de ne pas satisfaire à des injonctions de l’administration n’équivaut pas à une abstention fautive génératrice d’un préjudice pour un tiers ; qu’au surplus, en l’espèce, Maître du Buit justifie de son impossibilité matérielle d’agir ;

Considérant ensuite qu’il ne résulte pas des pièces versées aux débats que Maître du Buit ait commis une négligence susceptible d’avoir causé un préjudice constitué par la perte d’une chance en omettant d’effectuer des démarches auprès de PADEME (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie) ; qu’en effet il n’est pas établi par l’intimée que le mandataire ait disposé d’une action spécifique pour saisir cet organisme et qu’il ait failli à une obligation ; qu’en outre, dans le cadre de la procédure engagée par le préfet de l’Essonne et après notification de l’arrêté de consignation, il appartenait au trésorier payeur général de transmettre au préfet son avis sur l’insolvabilité définitive de la liquidation et au préfet, sur proposition de l’inspection des installations contrôlées, de déterminer les actions à engager ; qu’au nombre de celles-ci, figure la mise en cause du propriétaire du site qui peut être considéré en cette qualité comme détenteur de l’installation ; qu’en toute hypothèse, l’intervention de PADEME doit être autorisée par le ministère de l’environnement et est suivie systématiquement d’une action en recouvrement à l’encontre du ou des responsables pour recouvrer les fonds engagés ; que la perte de la chance alléguée n’est donc ni certaine ni en relation directe avec le fait prétendument dommageable ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera infirmé dans son intégralité ;

Considérant qu’aucune considération d’équité ne commande de condamnation au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Y ajoutant,

Déboute la société Transports Réunis de toutes ses demandes formées à l’encontre de Maître du Buit,

Rejette la demande de Maître du Buit au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société Transports Réunis aux dépens de première instance et d’appel et admet pour ces derniers l’avoué concerné au bénéfice de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.