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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 12 octobre 2022, n° 20/03037

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Etude Balincourt (ès qual.)

Défendeur :

Banque Populaire du Sud (Sté), A Top Maconnerie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Chabaud, Me Hamchouch, Me Lezer

CA Nîmes n° 20/03037

12 octobre 2022

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 25 novembre 2020 par la SELARL Etude Balincourt à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 10 novembre 2020, dans l'instance n°2020JC00755, par le juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce de Nîmes dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de la société A. Top Maçonnerie.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 7 février 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 25 mai 2021 par la Banque Populaire du Sud, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la signification de la déclaration d'appel délivrée le 19 janvier 2021 à la société A. Top Maçonnerie, des conclusions de l'appelante délivrée le 25 février 2021 par actes laissés dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui a notifié aux parties constituées le 8 juillet 2022 : « vu au parquet général qui s'en rapporte à l'appréciation de la cour ».

Vu l'ordonnance du 25 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 8 septembre 2022.

La banque est créancière privilégiée de la société débitrice en vertu d'un acte authentique du 24 mai 2007 contenant prêt avec affectation hypothécaire (hypothèque publiée le 26 juin 2007).

Elle a produit au passif de la liquidation judiciaire, à titre privilégié, selon déclaration de créance du 26 juin 2008, admise au passif les 23 octobre 2008 et 17 mars 2009.

Par ordonnance du 11 juin 2009, le liquidateur judiciaire a été autorisé à vendre de gré à gré un bien immobilier dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire, moyennant le prix de 122 000 euros net vendeur.

Cependant, l'acte authentique n'a jamais été établi et par ordonnance du 10 novembre 2020, le juge commissaire a autorisé la vente du même bien aux enchères publiques, sur requête du créancier.

Le liquidateur judiciaire es qualités a interjeté appel de cette ordonnance et demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et de débouter la banque de sa demande de vente aux enchères publiques de la parcelle CZ [Cadastre 1] sise à [Localité 9], outre le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, le liquidateur judiciaire es qualités expose que l'ordonnance du 11 juin 2009 a force de chose jugée et que l'acquéreur désigné dans cette ordonnance confirme son intention d'acquérir. Il ne pouvait donc être fait droit à la requête du créancier.

Le créancier relève l'absence de réalisation de l'acte authentique depuis plus de 10 ans, ce qui est déraisonnable, et soutient, en application de l'article L. 643-2 du code de commerce, qu'il peut exercer son droit de poursuite individuel. Il conteste enfin la démonstration par l'appelante de ce que l'ordonnance serait passée en force de chose jugée.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

L'article L.643-2 du code de commerce est inapplicable à l'espèce, en ce qu'il régit le droit de poursuite individuelle du créancier, pour le cas où le liquidateur judiciaire n'a pas entrepris la réalisation des biens grevés dans un certain délai.

Or, le bien immobilier dont il est question, a fait l'objet d'une cession de gré à gré par ordonnance du 11 juin 2009 qui est versée aux débats.

Si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée.

Com. 15 mai 2019, n° 15-17.435

La banque argue de ce que le certificat de non-opposition à l'ordonnance du juge commissaire ne porte pas le même numéro de RG que ladite ordonnance de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle ait acquis force de chose jugée.

Le certificat de non-opposition fait en effet référence à une ordonnance enrôlée sous le n°2009JC1773 qui correspond à un numéro RG d'ordonnance rendue par un juge commissaire, ce qu'atteste les lettres JC du numéro critiqué. L'ordonnance du 11 juin 2009 mentionne un numéro de greffe 2007/RJ/437 qui est le numéro de rôle de la procédure collective dans le cadre de laquelle a été rendue l'ordonnance de cession de gré à gré. Il n'y a donc pas de difficulté.

Pour le reste, le certificat énonce le nom du juge commissaire rédacteur de l'ordonnance, la date exacte de son prononcé, le nom des parties ainsi que de l'acquéreur retenu et le notaire désigné. Il atteste qu'aucune opposition à l'ordonnance n'a été enregistrée au greffe. A ce propos, il convient de rappeler que ces ordonnances étaient susceptibles d'opposition avant l'entrée en vigueur du décret du 12 février 2009 et que ce décret a introduit le droit d'appel pour les ventes intervenant dans les procédures ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Le certificat atteste enfin que l'ordonnance a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à la banque, au liquidateur judiciaire, au débiteur, à l'acquéreur et au notaire désigné.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du 11 juin 2009 a acquis force de chose jugée.

La vente étant parfaite, le juge commissaire ne peut plus ensuite rétracter son ordonnance, étant observé que la décision déférée ne prend même pas cette peine et statue comme si aucune ordonnance n'avait été rendue précédemment.

Si le délai écoulé depuis la date de la vente et la réalisation d'un acte authentique qui n'en est encore qu'à ses prémices, est anormalement long, il appartient à toute partie intéressée de demander l'annulation de la vente ou de poursuivre l'acquéreur en dommages intérêts, ou encore de prétendre à l'exécution forcée de la vente.

Mais il ne peut être ordonné la vente aux enchères publiques d'un actif immobilier d'ores et déjà vendu et l'ordonnance sera infirmée en toutes ses dispositions.

La banque, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer au liquidateur judiciaire es qualités une somme équitablement arbitrée à 1 500 ¤ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt de défaut et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

Déboute la Banque Populaire du Sud de sa demande de vente aux enchères publiques de la parcelle CZ [Cadastre 1] sise à [Localité 9],

Dit que la Banque Populaire du Sud supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SELARL Balincourt es qualités une somme de 1500 ¤ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que la SELARL CSM2 pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.