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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 8 mars 2017, n° 15/02434

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Nutritis (SAS), Groupement Union Coopérative Agricole Grap 'sud Rap' sud, Inosud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

M. Pellarin, M. Delmotte

Avocats :

Me Nidecker, Me Marbot, Me Pujol

T. com. Montauban, du 25 mars 2015, n° 2…

25 mars 2015

FAITS et PROCEDURE

En 2006, la société NUTRITIS a été créée dans le but de développer le procédé unique de production de sucres naturels issus des fruits pour l'industrie agro-alimentaire, conçue par Monsieur L.

Elle a été constituée, sous la forme d'une société par actions simplifiée, par quatre personnes physiques qui ont décidé de souscrire de leurs deniers personnels au capital social pour 180.000 € selon la répartition suivante:

Pierre L. : 122.232 € représentant 12.232 actions, soit 68 %,

Didier D.: 23.444 € représentant 2.344 actions, soit 13 %,

Alain J. : 23.444 € représentant 2.344 actions, soit 13 %,

Robert B. : 10.800 € représentant 1.080 actions, soit 6%.

Afin de réaliser la phase d'industrialisation du procédé développé par NUTRITIS, les fondateurs se sont ainsi rapprochés :

d'une part, de structures intervenant dans l'industrie alimentaire à savoir :

L'Union de coopérative agricole à capital variable GRAP'SUD ayant son siège social à CRUVIERS LASCOURS.

La SAS INOSUD ayant son siège social à CRUVIERS LASCOURS (30360),

d'autre part, de Sociétés intervenant dans le domaine financier.

Les fondateurs, dénommés dans les actes Groupe dirigeant, le Groupe Industriel et le Groupe Investisseur ont signé un pacte d'actionnaires le 29 juillet 2010 par lequel ils ont défini notamment les conditions de prise de participation des parties dans le capital social de NUTRITIS.

Le pacte d'actionnaire prévoyait que NUTRITIS, alors constituée sous la forme d'une société par actions simplifiée, prendrait la forme d'une société anonyme à directoire et conseil de surveillance.

Par délibération en date du 29 juillet 2010, NUTRITIS a été transformée en société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Et ont été nommés en qualité de directeurs Messieurs Alain JEAN et Pierre L., ce dernier endossant la qualité de Président.

Conformément au schéma opérationnel retenu, NUTRITIS conserve son Siège social à Moissac (82) et lance la construction de deux unités de production à Rieux Minervois (11) et Cruviers Lascours (30), sur des sites industriels appartenant à GRAP'SUD.

Le 26 décembre 2012, lors d'une réunion, Messieurs J. et L. ont appris qu'ils avaient perdu leur mandat et qu'ils étaient remplacés par :

Monsieur Patrick J., Directeur général de GRAP'SUD,

Monsieur Patrick F., Directeur industriel et commercial de GRAP'SUD,

Monsieur Dominique D., Directeur général adjoint de GRAP'SUD.

Par actes des 21, 25, 26 et 28 novembre 2013, MM. B., D., J. et L. ont fait assigner la SAS NUTRITIS, le groupement GRAP'SUD et la SAS INOSUD ainsi que MM. J., F., D., P., F. devant le tribunal de commerce de Montauban qui, par jugement du 25 mars 2015, les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés solidairement à payer à chacun des défendeurs la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MM. B., D., J. et L. ont interjeté appel le 22 mai 2015 .

MM. B., D., J. et L. ont transmis leurs dernières écritures par RPVA le 6 octobre 2016.

MM. J., F., D., P., F., la SAS NUTRITIS et le groupement GRAP'SUD ainsi que la SAS INOSUD ont transmis leurs dernières écritures par RPVA le 19 septembre 2016.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 novembre 2016.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

Dans leurs dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1142 et 1382 du Code civil et de l'article L.225-61 du Code de commerce, MM. B., D., J. et L. demandent à la cour de :

DECLARER recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. JEAN, Pierre L., Didier D. et Robert B..

REFORMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montauban le 25 mars 2015 frappé d'appel.

PRONONCER la nullité de la délibération du Conseil de Surveillance de NUTRTITIS en date du 21 décembre 2012.

ORDONNER la réintégration immédiate de Messieurs J. et L. dans leurs fonctions,

CONDAMNER la société NUTRITIS au versement de l'intégralité des sommes dues au titre de l'exercice de leurs mandats, rétroactivement à compter du 21 décembre 2012 soit:

-' Pour Monsieur L. la somme de 9.000 € par mois à parfaire au jour de la décision,

-' Pour Monsieur J., la somme de 500 € par mois à parfaire au jour de la décision à venir ;

PRONONCER la nullité de toutes les décisions prises par le Directoire ainsi que celles de l'assemblée générale intervenues à leur initiative à compter du 21 décembre 2012.

CONDAMNER solidairement GRAP'SUD, INOSUD, Messieurs D., J., P. et E.F., ainsi que Monsieur P. à verser à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi :

-' à Monsieur L. la somme de 100.000 €

à Monsieur J. la somme 100.000 € -' à Monsieur D. la somme de 100.000 €

à Monsieur B. la somme 100.000 €

CONDAMNER la société NUTRITIS à communiquer les comptes rendus d'assemblée générales de

la société NUTRITIS qui se sont tenues depuis le 27 juin 2013, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

CONSTATER que la révocation des Messieurs J. et L. est intervenue sans justes motifs.

CONDAMNER en conséquence la société NUTRITIS, in solidum avec GRAP'SUD à verser à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi les sommes suivantes :

376.250 € à Monsieur L. correspondant aux sommes qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de son mandat

21.500 € à Monsieur J. correspondant aux sommes qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de son mandat

CONDAMNER en conséquence la société NUTRITIS, in solidum avec GRAP'SUD à verser titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi :

à Monsieur L. la somme de 250.000 €

à Monsieur J. la somme 100.000 C

CONDAMNER GRAP'SUD à payer des dommages et intérêts au titre de la perte de chance :

à Monsieur L. la somme de 2.715.870 €

à Monsieur J., la somme de 520.440 €,

à Monsieur D. la somme de 520.440 €,

à Monsieur B. la somme de 239.792,40 €

CONDAMNER GRAP'SUD à payer des dommages et intérêts au titre de la perte de revenus :

à Monsieur D. la somme de 600.000 €,

à Monsieur B. la somme de 600.000 €.

à Monsieur L. 376.250 €

à Monsieur J. 21.500 €

EN TOUTE HYPOTHESE :

CONDAMNER solidairement les intimés à verser à chaque appelant la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement les intimés aux entiers dépens de l'instance.

Dans leurs dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du Code Civil , l'article L.225-61 du Code de Commerce , MM. J., F., D., P., F., la SAS NUTRITIS et le groupement GRAP'SUD ainsi que la SAS INOSUD demandent à la cour d'appel de :

DIRE & JUGER l'appel interjeté par M. L., M. J., M. B. et M. D. infondée.

CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes, fins et prétentions de M. L., M. J., M. B. et M. D. et les a solidairement condamnés au paiement de la somme de 8.000 € à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les demandes présentées à titre principal par les intimés

CONSTATER qu'il existe une contradiction entre les statuts et le pacte d'actionnaires quant à la majorité nécessaire à la révocation des membres du directoire.

RAPPELER que l'application des clauses statutaires prime sur celles d'un pacte d'actionnaires.

CONSTATER que la décision de révocation de M. L. et M. J. a été prise dans le respect des clauses statutaires,

DIRE & JUGER que la décision de révocation dont litige est parfaitement valable et ne souffre d'aucune nullité

REJETER la demande des appelants tentant à obtenir la nullité de la délibération du 21 décembre 2012, la réintégration immédiate de M. J. et M. L. le versement des sommes dues au titre de leur mandat social rétroactivement à compter du 21 décembre 2012 et l'annulation des décisions prises postérieurement.

En tout état de cause,

REJETER la demande de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. tendant à obtenir, sous astreinte, la communication des comptes rendus d'assemblée générale de la société NUTRITIS postérieur au 27 juin 2013

REJETER la demande de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. tendant au paiement à leur profit d'une somme d'argent au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

REJETER les demandes, fins et prétentions supplémentaires de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B..

CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. à payer et porter la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à chacun des requis à savoir la société NUTRITIS, la société GRAP'SUD, Messieurs Patrick J., Éric F., Dominique D., Michel P. et Patrick F., CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. aux entiers dépens,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire votre Cour estimait que seules les dispositions du pacte d'actionnaire devaient recevoir application,

RAPPELER que la nullité d'actes ou délibérations ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative.

CONSTATER en ce sens que la décision de révocation de M. L. et M. J. n'a pas été prise en violation d'une disposition impérative du Code de Commerce.

RAPPELER ainsi que seule la démonstration d'une fraude avérée pourrait permettre de solliciter la nullité de la décision de révocation dont litige.

En ce sens,

CONSTATER que les appelants n'apportent aucune preuve de l'existence d'une collusion frauduleuse entre les débiteurs du pacte et les tiers à ce dernier.

REJETER par conséquent la demande des appelants tentant à obtenir la nullité de la délibération du 21 décembre 2012, la réintégration immédiate de M. J. et M. L. le versement des sommes dues au titre de leur mandat social rétroactivement à compter du 21 décembre 2012 et l'annulation des décisions prises postérieurement.

Pour le surplus,

DIRE & JUGER que les appelants ne rapportent pas la preuve d'agissement caractérisant de la part des actionnaires de la Société NUTRITIS, des membres du Conseil de surveillance ayant voté la révocation de M. Pierre L. et de M. Alain J. ou des nouveaux membres du Directoire, une volonté malveillante ou une intention de nuire à leur égard.

REJETER ainsi les demandes d'indemnisation au titre du préjudice moral prétendument subi

En tout état de cause,

REJETER la demande de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. tendant au paiement à leur profit d'une somme d'argent au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

REJETER les demandes, fins et prétentions supplémentaires de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B..

CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. à payer et porter la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à chacun des requis à savoir la société NUTRITIS, la société GRAP'SUD, Messieurs Patrick J., Éric F., Dominique D., Michel P. et Patrick F.,

CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. aux entiers dépens,

Sur les demandes présentées à titre subsidiaire par les appelants

* Sur les justes motifs de révocation

A titre liminaire,

CONSTATER que les appelants n'apportent aucun élément au débat permettant de démontrer une intention malveillante de la part de l'UNION GRAP'SUD vis à vis de M. L. et de M. J..

DIRE & JUGER que la responsabilité de l'UNION GRAP'SUD ne peut donc pas être recherchée sur le fondement de l'article L.225-61 du Code de Commerce,

REJETER ainsi les demandes de M. Pierre L. et M. Alain J. à ce titre.

Pour le surplus,

DIRE & JUGER que la révocation de M. Pierre L. et de M. Alain J. repose sur de justes motifs.

REJETER purement et simplement les demandes indemnitaires de M. L. et M. J. à ce titre.

* Sur l'absence d'abus de la révocation

DIRE & JUGER que la révocation de M. L. et M. J. n'est pas intervenue dans des conditions brutale et vexatoire.

REJETER ainsi les demandes indemnitaires de M. L. et M. J. à ce titre

DIRE & JUGER que le principe du contradictoire a été respecté lors de la révocation de M. L. et M. J..

REJETER ainsi les demandes indemnitaires de M. L. et M. J. à ce titre

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire votre Cour estimait que la révocation de M. L. et M. J. est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire,

RAPPELER que le préjudice réparable, à ce titre, repose sur la perte de chance qu'ils auraient pu avoir de n'être pas révoqués à l'issue de l'audition qui lui a été prétendument refusée.

CONSTATER que M. Pierre L. et M. Alain J. ne subissent aucun préjudice lié la perte de chance qu'ils auraient pu avoir de n'être pas révoqués à l'issue de l'audition qui lui a été prétendument refusée.

REJETER purement et simplement leur demande indemnitaire à ce titre.

Pour le surplus,

CONSTATER que le brevet revendiqué par M. L. ne lui appartient pas

REJETER la demande de M. L. au titre de la prétendue perte du brevet

* Sur la prétendue responsabilité contractuelle de l'UNION GRAP'SUD et d'INOSUD

* Sur la prétendue perte de chance de participer aux bénéfices de la société

DIRE & JUGER que la prétendue violation du pacte d'actionnaire d'espèce relative à la majorité requise pour révoquer les membres du directoire n'a pas privé les appelants de leur chance de participer aux bénéfices de la société

REJETER purement et simplement leur demande indemnitaire à ce titre.

* Sur la prétendue perte de revenu

- De Messieurs D. et B.

DIRE & JUGER qu'au vu de la situation financière de la Société NUTRITIS, si Messieurs D. et B. avaient été désignés membres du directoire, ils n'auraient pas été rémunérés au titre des mandats.

DIRE & JUGER que Messieurs D. et B. ne subissent donc aucun préjudice au titre d'une prétendue perte de revenu.

REJETER purement et simplement les demandes de Messieurs D. et B. à ce titre.

- De Messieurs L. et J.

RAPPELER que la révocation de M. L. et M. J. a eu lieu pour de justes motifs.

CONSTATER que M. L. et M. J. ne démontrent pas en quoi la violation d'une clause du Pacte d'Actionnaire les auraient privé de revenu.

REJETER les demandes d'indemnisation de Mrs. L. et J. formulées à ce titre.

En tout état de cause,

REJETER la demande de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. tendant au paiement à leur profit d'une somme d'argent au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

REJETER les demandes, fins et prétentions supplémentaires de Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B..

CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. à payer et porter la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procdure Civile à chacun des requis à savoir la société NUTRITIS, la société GRAP'SUD, Messieurs Patrick J., Éric F., Dominique D., Michel P. et Patrick F.,

CONDAMNER solidairement Monsieur L., Monsieur J., Monsieur D. et Monsieur B. aux entiers dépens,

MOTIFS de la DECISION

Sur la nullité de la délibération du 21 décembre 2012

Le 21 décembre 2012, le conseil de surveillance de la SA NUTRITIS composé de cinq membres a adopté la décision de révocation de M. Pierre L. et M. Alain J. par trois voix et deux abstentions et a désigné trois nouveaux membres au directoire, avec la même majorité.

M. Pierre L. et M. Alain J. soutiennent la nullité de cette délibération en faisant valoir qu'elle a été prise en violation des dispositions du pacte d'actionnaires prévoyant une majorité de quatre voix sur cinq ainsi que la désignation de membres du groupe dirigeant et qu'en raison de la collusion frauduleuse ayant permis la violation du pacte, la sanction de cette violation n'est pas l'allocation de dommages et intérêts mais la nullité de la délibération.

Le 12 août 2006 ont été adoptés les statuts de la SAS NUTRITIS. Le 29 juillet 2010, lors de l'assemblée générale extraordinaire de cette société, en raison de la modification de sa forme sociale, devenant une SA, de nouveaux statuts ont été adoptés par la treizième résolution .

Le même jour, un pacte d'actionnaires a été signé entre M. Pierre L., M. Alain J., M. Didier D. et M. Robert B., dénommés le groupe dirigeant et le groupement GRAP'SUD, la SAS INOSUD dénommées le groupe industriel ainsi que FCPR MC2, FIP AVANTAGE PME 2, FIP AVANTAGE ISF, représentées par la SAS MIDI CAPITAL, la SA société foncière de participations, la SA Soridec, la SA MP CROISSANCE, la SA SCR FAM, la SA INTELLAGRI et la SA TARN et GARONNE INVESTISSEMENT, dénommées le groupe investisseur .

Ce pacte d'actionnaires précise, dans son article 27, que dans le cadre de la gestion et de l'administration de la société, les parties conviennent d'appliquer les lois en vigueur, les dispositions du pacte, les dispositions des statuts de la société ainsi que les amendements des statuts pouvant être adoptés dans la conduite normale des affaires .

Ce document précise, dans son article 28, notamment, que :

- le directoire sera composé de deux membres, choisis par le conseil de surveillance parmi les membres du groupe dirigeant, les premiers étant M. Pierre L. et M. Alain J.,

- le conseil de surveillance sera composé de cinq membres dont trois choisis par le groupe industriel et deux par le groupe des investisseurs,

- le conseil de surveillance disposera de divers pouvoirs propres et notamment la révocation des membres du directoire et du président, tout en précisant que sur ce point, la décision devra être prise à la majorité des quatre cinquième de ses membres.

Aucune partie n'a jugé utile de produire la version initiale des statuts adoptés le 29 juillet 2010, jour de la signature du pacte d’actionnaires. En revanche, elles invoquent la version des statuts mis à jour le 9 décembre 2010.

Or, dans cette version, l'article 17 stipule notamment qu'un directoire administre et dirige la société sous le contrôle du conseil de surveillance, que le nombre de ses membres est fixé par le conseil de surveillance, sans pouvoir excéder le chiffre de cinq, que les membres du directoire, obligatoirement personnes physiques peuvent être choisis en dehors des actionnaires et que les membres et le président du directoire sont nommés et révoqués par le conseil de surveillance.

L'article 21 stipule notamment que le conseil de surveillance est composé de trois membres au moins et de dix-huit au plus .

L'article 25 stipule notamment que les décisions du conseil de surveillance sont prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés .

Selon les dispositions de l'article L225-61 du code de commerce, les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance.

Il résulte ainsi de ces divers éléments que la décision de révocation de M. Pierre L. et M. Alain J. prise le 21 décembre 2012 respecte les dispositions statutaires adoptées le 9 décembre 2010 qui constituent un amendement aux dispositions du pacte d'actionnaires et aux statuts initiaux au sens de l'article 27 du pacte d'actionnaires .

Dès lors, il n'y pas lieu à examiner le moyen tiré de la collusion frauduleuse qui aurait permis la violation du pacte d'actionnaires .

Sur l'irrégularité de la révocation et la violation du pacte d’actionnaires.

M. Pierre L. et M. Alain J. sollicitent la condamnation in solidum de la SA NUTRITIS et le groupement GRAP'SUD au paiement de dommages et intérêts en soutenant que la délibération du 21 décembre 2012 est irrégulière en l'absence de juste motif de révocation et en raison de son caractère abusif.

Sur la demande dirigée contre la société Grap'Sud

Quand bien même la révocation d'un dirigeant se révélerait entachée d'abus de droit, pour avoir été accompagnée de circonstances ou avoir été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation ou à son honneur ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation, la décision des associés, qui usant de leur droit de vote, le révoquent, est une décision de la société, prise par le truchement de l'organe social que constitue la collectivité des associés, la société devant alors en assumer les conséquences. Dès lors, seule la constatation que les associés, ayant voté en faveur de la révocation, étaient animés par la volonté de nuire au dirigeant, par une intention malveillante ou par l'animosité à l'égard de ce dernier permet la mise en oeuvre de leur responsabilité personnelle, un tel comportement étant insusceptible d'être rattaché à l'expression de la volonté sociale et pouvant ainsi être regardé comme une faute individuelle. Or, il doit être constaté que la décision de révocation de M. Pierre L. et M. Alain J. a été prise par trois voix, celles de MM. P. et P. et celle de M. M. pour le compte de GRAP'SUD . Force est de constater que M. Pierre L. et M. Alain J. se bornent à solliciter, dans les motifs, la condamnation solidaire de la SA NUTRITIS et le groupement GRAP'SUD et, dans le dispositif, leur condamnation in solidum, sans caractériser l'intention malveillante ou l'animosité du groupement GRAP'SUD à leur égard.

Sur les justes motifs

D'une part, selon l'article L225-61 du code de commerce, si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages intérêts.

Cependant, les pièces produites démontrent un décalage entre les budgets prévisionnels et les réalisations, des pertes très importantes au 31août 2012, alors que la perte annoncée en septembre 2012 était plus mesurée, une absence de maîtrise des prix de revient entraînant des ventes à perte, une absence de prévision et de procédures de contrôle de gestion de la société, un dérapage de trésorerie aboutissant à un retard de paiement des fournisseurs de plus de 2 500 000 euros, outre une dette à l'égard du groupement GRAP'SUD d'un montant de 2 200 000 euros et un découvert bancaire avoisinant 400 000 euros, une absence de propositions de solutions de refinancement de la société, alors que le 11 janvier 2012 le commissaire aux comptes avait adressé à M. Pierre L. une correspondance attirant son attention sur une absence de prise en compte correcte des flux financiers avec les entreprises liées, une absence de procédure écrite et formalisée pour la facturation clients ainsi qu'un défaut de mise en oeuvre correcte de la délégation de pouvoir sur le fonctionnement des comptes bancaires de trésorerie pour lequel il est la seule personne habilitée .

Le même commissaire aux comptes qui avait constaté un déficit important de la clôture 2012 en examinant le 6 décembre 2012 la première version des comptes de la SA Nutritis avait fait part de son inquiétude à l'expert-comptable et à M. Pierre L. sur la continuité de l'exploitation et sur la nécessité d'établir une note explicitant les mesures permettant d'assurer la continuité de l'exploitation pour l'exercice à venir.

Il résulte ainsi de ces éléments que la révocation décidée n'est pas dépourvue de justes motifs.

Sur les circonstances de la révocation

D'autre part, la révocation d'un administrateur peut intervenir à tout moment et n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation ou à son honneur ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation.

La révocation d'un dirigeant social pouvant intervenir à tout moment, il importe peu que la question ne soit pas inscrite à l'ordre du jour, dès lors que l'intéressé a été informé qu'il devrait s'expliquer sur la situation de la société.

En l'espèce, les 10 et 11 décembre 2013, M. Pierre L. a été destinataire de deux messages électroniques adressés par le président du conseil de surveillance lui faisant injonction de surseoir à toute signature engageant la société sans son aval préalable (virement, contrat, bon de commande...), hormis le paiement des salaires du mois en cours ainsi que les dettes sociales et fiscales.

Le 14 décembre 2012, M. Pierre L. et M. Alain J. ont été destinataires d'un message électronique adressé par le président du conseil de surveillance les convoquant à une réunion devant se tenir le 21 décembre au cours de laquelle ils devaient présenter les documents suivants :

- le bilan et les comptes de résultat 2011/2012 avec explication des écarts avec les comptes prévisionnels antérieurs,

- les comptes prévisionnels sur les deux prochains exercices,

- un plan de trésorerie détaillé jusqu'au 31 août 2013.

Il ressort du procès-verbal de la réunion du 21 décembre 2012 signé par les cinq membres du conseil de surveillance qu'un long échange est intervenu entre eux et les deux membres du directoire au cours duquel M. Pierre L. a indiqué n'avoir aucune solution d'apurement des arriérés constatés, tout en reconnaissant qu'il était plus entrepreneur que gestionnaire. L'existence d'une version allégée du procès-verbal du 21 décembre 2012 signée du seul président du conseil de surveillance ne caractérise pas un faux document mais une pratique consistant à ne pas diffuser des informations confidentielles hors de la société .

Ainsi, M. Pierre L. et M. Alain J. ont été mis en mesure de présenter préalablement à leur révocation leurs observations devant l'organe compétent pour la décider.

Dès lors, la décision de révocation contestée n'a pas été accompagnée de circonstances ou prise dans des conditions portant atteinte à la réputation ou à l'honneur des membres du directoire, dont il doit être relevé qu'ils ne le soutiennent pas, et n'a pas été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation.

Il doit également être constaté que le 4 janvier 2013, M. Pierre L. et M. Alain J. ont été avisés d'une nouvelle réunion du conseil de surveillance au cours de laquelle il était prévu de rappeler les raisons et les motifs de leur révocation, réunion à laquelle ils étaient conviés, s'ils le souhaitaient, pour présenter leurs arguments en défense à la suite de la décision de leur révocation prise le 21 décembre 2012. Les intéressés ne se sont pas présentés à cette réunion.

Dès lors, en la présence de justes motifs de révocation et en l'absence d'abus dans ces révocations, M. Pierre L. et M. Alain J. ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes indemnitaires qu'il s'agisse du préjudice moral allégué ou de la perte de revenus.

Par ailleurs, aucune violation du pacte d'actionnaires n'étant établie à l'encontre du groupement GRAP'SUD, les appelants doivent être déboutés de leurs demandes au titre de la perte de chance de participer aux bénéfices de la société Nutritis ainsi qu'au titre de la perte de revenus alléguée tant par MM D. et B. que par MM. M. Pierre L. et M. Alain J. .

Sur le brevet d'invention apporté par M. M. Pierre L. à la société Nutritis, il ne peut pas obtenir une indemnisation résultant de sa perte dans la mesure où le changement de sa situation au sein de la société n'est pas imputable à une faute de la part de cette dernière .

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en n'ordonnant pas la réintégration de M. Pierre L. et M. Alain J., en n'allouant aux appelants aucune des sommes sollicitées et en les déboutant de leur demande de communication sous astreinte des comptes rendus d'assemblée générale postérieurs au 27 juin 2013, en raison du rejet des demandes indemnitaires.

Enfin, MM. B., D., J. et L. qui n'obtiennent pas satisfaction seront condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

déboute MM. B., D., J. et L. de leur demande,

condamne in solidum MM. B., D., J. et L. à payer la somme totale de 3 000 euros aux intimés,

Condamne in solidum MM. B., D., J. et L. aux dépens d’appel.