Cass. com., 15 octobre 2002, n° 99-17.765
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Aubert
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Cossa, Me Bertrand, Me Foussard, SCP Rouvière et Boutet
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Agro Viticole et Lanvin que sur le pourvoi principal formé par la SAFER de Bourgogne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la procédure de liquidation judiciaire des sociétés Félix Potin et Dispar a été étendue à d'autres sociétés du groupe et parmi celles-ci à la SCA du Domaine Saier, propriétaire d'une exploitation viticole ; que le juge-commissaire a ordonné la cession de cette unité de production aux sociétés Albert Bichot, d'une part, Nouveau Massot, d'autre part ; que la SAFER de Bourgogne dont l'offre d'acquisition n'a pas été retenue a exercé son droit de préemption ; que M. X..., liquidateur, a demandé l'annulation de la préemption ; que la société Agro Viticole, bénéficiaire conformément à l'offre retenue par le juge-commissaire d'un bail d'exploitation du domaine de Mercurey et la société Lanvin, acquéreur des stocks de vin de ce domaine, sont intervenues volontairement à l'instance ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 143-4, 7 , du Code rural et l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 622-17 du Code de commerce ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, ne peuvent pas faire l'objet d'un droit de préemption, les biens compris dans un plan de cession totale ou partielle d'une entreprise, arrêté conformément aux articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire, devenus les articles L. 621-83 et suivants du Code de commerce ; qu'il s'ensuit que la SAFER peut exercer son droit de préemption sur les biens composant une unité de production dont le juge-commissaire a ordonné la cession globale dans le cadre de la liquidation judiciaire ;
Attendu que, pour prononcer la nullité de la décision de préemption du Domaine de Saier, l'arrêt retient que les cessions d'entreprises ou de parties d'entreprise dans le redressement judiciaire ou d'unités de production dans la liquidation judiciaire présentent des caractéristiques identiques qui les différencient des adjudications, que ce sont le tribunal ou le juge-commissaire qui choisissent l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créances alors que le plus offrant devient automatiquement adjudicataire dans les autres ventes judiciaires, qu'admettre le droit de préemption contreviendrait à la volonté du législateur affirmée pour les biens compris dans le plan cession, de confier à l'autorité judiciaire la responsabilité du choix du cessionnaire compte tenu des objectifs qu'il a fixés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 143-4.7 du Code rural n'interdit pas aux SAFER de préempter des biens cédés lors de la liquidation judiciaire d'une entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Agro Viticole et Lanvin, l'arrêt retient que l'appel portant sur l'interprétation d'un texte n'ayant donné lieu à aucune jurisprudence, n'était pas abusif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Agro Viticole et Lanvin demandaient la réparation du préjudice résultant de la procédure de préemption engagée par la SAFER qui a conduit les sociétés à différer les investissements nécessaires à l'amendement des sols et la modernisation du matériel de vinification, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les écritures déposées par la SAFER de Bourgogne le 8 avril 1999, l'arrêt rendu le 1er juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.