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Décisions

Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-24.584

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié

Aix-en-Provence, du 6 avr. 2017

6 avril 2017

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 avril 2017), que M. Y..., exerçant en son nom personnel une activité de transporteur routier, a été mis en redressement judiciaire le 24 janvier 2012 ; que le 30 janvier 2013, un notaire a reçu une déclaration d'insaisissabilité portant sur la maison constituant l'habitation principale du débiteur, déclaration publiée au fichier immobilier de Draguignan le 4 février 2013 ; que le plan de redressement de M. Y... a été arrêté par un jugement du 26 mars 2013 ; qu'un jugement du 10 septembre 2013 a résolu ce plan et prononcé la liquidation judiciaire de M. Y... ; que le 6 novembre 2014, M. Z..., en qualité de liquidateur de M. Y..., a assigné le débiteur en nullité de la déclaration d'insaisissabilité, en raison de son défaut de mention au registre du commerce et des sociétés ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de prononcer l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la mise en oeuvre d'une jurisprudence nouvelle pouvant affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, il appartient au juge de procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; qu'en ne recherchant pas si l'application à la cause du revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt du "25 " (en réalité 15) novembre 2016, que M. Y... lui demandait de ne pas appliquer, n'était pas manifestement disproportionnée, la cour d'appel a méconnu son office en violation du principe de proportionnalité susvisé et de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'application immédiate d'un revirement de jurisprudence ne reposant pas sur des motifs impérieux d'intérêt général ; que sous l'empire de la jurisprudence prévalant depuis l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 mars 2012, la fin de non-recevoir soulevée par M. Y... à l'encontre de l'action en inopposabilité engagée par M. Z..., ès qualités, aurait été accueillie et l'action du liquidateur déclarée irrecevable ; qu'en appliquant à la cause le revirement de jurisprudence intervenue le 15 novembre 2016 déclarant désormais le liquidateur recevable à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, privant ainsi M. Y... en cours d'instance d'une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

3°/ que le respect des stipulations de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose au juge de ne pas appliquer immédiatement un revirement de jurisprudence qui intervient en cours d'instance et qui a pour effet de priver l'une des parties de son droit au respect des biens ; que l'application à la cause du revirement de jurisprudence décidé le 15 novembre 2016 par la Cour de cassation porte atteinte au droit au respect des biens de M. Y... en ce qu'il permet désormais au mandataire liquidateur de rendre inopposable la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale du débiteur et de réintégrer cet immeuble dans le gage commun des créanciers professionnels ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, au lieu d'appliquer la règle jurisprudentielle en vigueur au moment où M. Z..., ès qualités, a engagé son action en inopposabilité et dont il résultait que cette action était irrecevable, de telle sorte que son bien échappait au gage commun des créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé les stipulations précitées, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'appréciation faite par la cour d'appel de la qualité pour agir du liquidateur, conforme aux principes énoncés par l'arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 15 novembre 2016 (pourvoi n° 14-26.287, Bull. 2016, IV, n° 142), n'a pas eu pour effet d'affecter irrémédiablement la situation de M. Y..., en ce qu'il aurait agi de bonne foi en se conformant à l'état du droit applicable à la date de sa déclaration, mais seulement d'ouvrir au liquidateur une action, exercée au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, pour contester la régularité d'une déclaration notariée d'insaisissabilité, qui, en violation des articles L. 526-2 et R. 123-46, 2° du code de commerce dans leur rédaction alors applicable, n'a pas été mentionnée au registre du commerce et des sociétés, de sorte que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche visée par la première branche ;

Attendu, d'autre part, que M. Y... ne peut se prévaloir d'un droit au maintien d'une jurisprudence figée ayant pour conséquence de l'exonérer de l'obligation résultant des articles L. 526-2 et R. 123-46, 2° du code de commerce, dans leur rédaction applicable au jour de la déclaration d'insaisissabilité, de faire mentionner cette déclaration au registre du commerce et des sociétés auquel il était immatriculé ; qu'en conséquence, en rejetant la fin de non-recevoir opposée à l'action du liquidateur, la cour d'appel n'a pas méconnu le droit du débiteur à un procès équitable, ni aucun des textes visés par la deuxième branche ;

Attendu, enfin, qu'en déclarant recevable l'action exercée par le liquidateur dans l'intérêt collectif des créanciers de la liquidation judiciaire, afin de reconstituer leur gage commun et de leur voir déclarer inopposable la déclaration d'insaisissabilité, faute d'une publicité complète et régulière de celle-ci, l'arrêt ne porte aucune atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de M. Y... qui ne peut légitimement invoquer à son soutien la persistance de l'absence de sanction des manquements aux textes régissant la publicité de la déclaration ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.