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Décisions

Cass. com., 23 novembre 2010, n° 09-17.094

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Vincent et Ohl

Pau, du 17 déc. 2007

17 décembre 2007


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... qui était propriétaire et exploitant en nom personnel d'un fonds de commerce de transport routier, a créé en 1991, avec Mme Y..., une société à responsabilité limitée, dénommée société Transports X..., dont chacun des associés détenait la moitié du capital et dont M. X... était le gérant ; que ce dernier a donné à la société son fonds de commerce en location-gérance ; qu'en 1998, M. X..., agissant en sa qualité de propriétaire du fonds, a notifié à la société Transports X... le non renouvellement du bail à son échéance, puis, a démissionné de ses fonctions de gérant et créé une nouvelle société dénommé Société nouvelle Transports X... (la SNTG), à laquelle il a donné à bail le fonds de commerce ; que Mme Y... après avoir obtenu la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire pour assurer la gestion de la société, puis sa liquidation amiable, a poursuivi M. X... en demandant la désignation d'un expert aux fins de déterminer les préjudices qu'aurait subis la société du fait des agissements de son gérant et demandé qu'il soit condamné à réparation des préjudices causés tant à la société qu'à elle même en tant qu'associée ; que la SNTG a été mise en liquidation judiciaire ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de M. X... au titre de redevances de location-gérance indûment payées par la société Transports X..., alors selon le moyen :

1°/ que Mme Y... faisait valoir que M. X... avait engagé sa responsabilité en concluant un avenant au contrat de location-gérance le liant, à titre personnel, avec la société Transports X... dont il était le gérant, portant le montant de la redevance de 100 000 francs à 120 000 francs ; que le rapport spécial de la gérance sur les conventions réglementées par l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 établi pour l'exercice clos le 30 septembre 1994 mentionne que « la société a versé au titre de la redevance de location-gérance et conformément au contrat, la somme annuelle HT de 100 000 francs » mais ne fait pas état de l'augmentation de la redevance résultant de l'avenant précité ; qu'en retenant, pour débouter Mme Y... de sa demande de remboursement des redevances versées par la société Transports X... à M. X..., que Mme Y... avait approuvé et signé le procès-verbal d'assemblée générale du 9 janvier 1995 approuvant les rapports spéciaux de la gérance présentés au vote « qui portait clairement mention de cette augmentation de location-gérance », cependant que ni le procès-verbal d'assemblée du 9 janvier 1995, ni le rapport spécial de la gérance ne faisait état de l'augmentation de la redevance de location-gérance, la cour d'appel a dénaturé ces documents, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le quitus donné au mandataire social ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en responsabilité contre ce dernier ; que par ailleurs, les conventions passées par le gérant d'une société à responsabilité limitée avec celle-ci doivent faire l'objet d'un rapport spécial soumis à l'approbation de l'assemblée générale ; qu'en jugeant que le vote de l'assemblée générale du 9 janvier 1995 ayant approuvé le rapport de gérance de M. X... faisait obstacle à l'action en responsabilité de Mme Y... contre l'ancien dirigeant de la société Transports X..., la Cour d'appel a violé les articles 1147, 1382 et 1843-5 du code civil, et L. 223-19 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir précisé qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'augmentation du montant de la redevance de location gérance a été portée à la connaissance de Mme Y... dans le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale ordinaire du 9 janvier 1995, et que l'assemblée générale de l'année suivante du 29 février 1996 rappelait de nouveau, dans le rapport spécial de la gérance, le montant de cette redevance portée à la somme de 120. 000 francs, l'arrêt relève que Mme Y... a approuvé et signé les procès-verbaux d'assemblées générales des 9 janvier 1995 et 29 février 1996, lesquels portent mention de ces sommes et approuvent tant le rapport de la gérance que le rapport spécial de celle-ci qui portait clairement mention de cette augmentation de redevance ; qu'en l'état de ces observations et constatations dont il ressort que l'augmentation du montant de la redevance dont il n'est pas contesté qu'elle commençait au 1er octobre 1994, avait fait l'objet d'une information dans le rapport spécial de gestion pour l'exercice du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1995, lequel avait été présenté lors de l'assemblée générale du 29 février 1996, soumis au vote de Mme Y... et expressément approuvé par celle-ci, la cour d'appel, abstraction faite du motif attaqué se référant de façon surabondante à l'assemblée générale du 9 janvier 1995, a justement déduit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au gérant à cet égard ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à la condamnation de M. X... au remboursement d'indemnités de congés payés par la société Transports X..., l'arrêt retient qu'au regard des dispositions de l'article L. 122-12-1 du code du travail, le premier employeur est tenu de rembourser les sommes acquittées par le nouvel employeur, que si donc le nouvel employeur peut être tenu à l'égard des salariés du paiement des congés payés avant le transfert des contrats, il conserve la faculté d'en demander le remboursement au premier employeur, qu'en l'espèce une telle démarche n'a pas été nécessaire car la société Transports X... a rempli ses obligations en la matière en réglant les congés payés acquis par les salariés pour la période en cours c'est-à-dire du 1er juin 1998 au 31 mars 1999 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une motivation impropre à écarter l'existence d'une faute personnelle du gérant résultant de ce qu'il aurait cumulé le versement des salaires avec l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à la condamnation de M. X..., à titre personnel, au paiement de la somme de 1 829 euros au titre du stock de carburant, l'arrêt retient qu'il n'est pas discuté que la SNTG est débitrice envers la société Transports X... de cette somme au titre du stock de carburant existant au 31 mars 1999 sur le fonds de commerce et utilisé par la nouvelle société locataire, gérante du fonds ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions de Mme Y..., si M. X... n'avait pas commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en détournant le stock de carburant appartenant à la société Transports X..., au profit de la SNTG, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à la condamnation de M. X..., à titre personnel, au paiement de la somme correspondant aux échéances de crédit-bail payées par la société Transports X... pour le compte de la SNTG, l'arrêt retient que la SNTG reste débitrice de la somme de 19 383, 13 euros envers la société Transports X... au titre des échéances de crédit-bail réglées par cette dernière à compter de la cessation d'activité, et ce pour le compte de la SNTG ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... qui n'était plus gérant de la société Transports X... n'avait pas commis une faute personnelle en laissant à la charge de la société Transports X... le remboursement des échéances du contrat de crédit bail transféré à la SNTG, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Y... tendant à la condamnation de M. X... au titre de l'augmentation des redevances du contrat de location-gérance, l'arrêt rendu le 17 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.