Cass. com., 10 avril 2019, n° 17-19.474
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F..., associé et ancien gérant des sociétés Amazone métal et Profil Guyane de l'Ouest, a assigné ces sociétés, le 22 mars 2012, en remboursement de ses comptes courants d'associé et en paiement de sommes versées à la banque BNP Paribas en exécution de l'engagement de caution qu'il avait souscrit au profit de la société Amazone métal ; que cette dernière et la société Profil Guyane de l'Ouest ont opposé la nullité de ces conventions de compte courant d'associé, et demandé reconventionnellement l'annulation d'une convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB ainsi que la condamnation de M. F... à leur payer des dommages-intérêts ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. F... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Amazone métal à lui payer une certaine somme au titre de son engagement de caution alors, selon le moyen :
1°/ que M. F... produisait régulièrement aux débats le relevé de compte de la société Amazone métal du 20 au 31 décembre 2010 ; qu'il résultait de cette pièce que le « Virement Cardif Assurance » porté au crédit de la société pour un montant de 374 691,06 euros le 28 décembre 2012 avait été affecté au remboursement de onze « échéances » d'un montant de 13 427,21 euros, d'une « échéance » d'un montant de 5 294,45 euros d'un « rembours[ement] anticipé » de 236 124,51 euros (pièce n° 52 selon bordereau de communication de pièces) ; que pour dire que « l'appelant ne démontre à aucun moment avoir versé à la BNP Paribas Guyane la moindre somme en exécution de son engagement de caution solidaire », la cour d'appel a considéré que « si le versement apparaît sur le compte courant Amazone Métal au vu de la pièce 51, il n'est nullement permis d'établir que la BNP a finalement été attributaire de ce montant en remboursement partiel du prêt de 950 000 € » ; qu'en statuant ainsi sans examiner, serait-ce sommairement, la pièce n° 52 qui établissait au contraire que le virement ordonné par M. F... avait permis le remboursement partiel du prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle aura son recours contre lui sauf si le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. F... « n'établit pas avoir été actionné en sa qualité de caution solidaire par la BNP Paribas mais simplement informé d'un défaut de provision pour une échéance en date du 29 octobre 2009, tel qu'il ressort d'un courrier de cet établissement bancaire en date du 9 novembre 2009 » ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser le moyen dont aurait bénéficié la société Amazone métal pour faire déclarer sa dette éteinte, seul de nature à priver la caution ayant payé spontanément le créancier de son recours subrogatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2308 du code civil ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a retenu que M. F... ne démontrait pas avoir versé à la BNP Paribas Guyane de somme en exécution de son engagement de caution solidaire, n'était tenue ni d'effectuer la recherche invoquée par la seconde branche, que cette appréciation rendait inopérante, ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-19 du code de commerce ;
Attendu que pour déclarer nulles les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés Amazone métal et Profil Guyane de l'Ouest et rejeter en conséquence les demandes de remboursement de ces comptes courants formées par M. F..., l'arrêt retient que celui-ci ne produit ni les procès-verbaux d'assemblée générale statuant sur un éventuel rapport, ni le rapport lui-même, ni les procès-verbaux portant approbation des comptes par l'assemblée générale, prévus par les dispositions de l'article L. 223-19 du code de commerce ; qu'il en déduit que les prescriptions de cet article n'ont pas été respectées et que les conventions doivent dès lors être déclarées nulles ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement condamnant M. F... à payer à la société Amazone métal une certaine somme à titre de dommages-intérêts, au titre du compte courant annulé ouvert au nom de la société TMB, l'arrêt retient que M. F... n'a pas fait appel sur ce point ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. F... demandait, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, la cour d'appel a modifié l'objet du litige ;
Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 223-21 du code de commerce ;
Attendu que pour annuler la convention de compte courant Macapa (TMB) - Amazone métal et condamner M. F... au paiement du solde débiteur de ce compte, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il ressort des extraits des livres de compte des sociétés Amazone métal et Profil Guyane de l'Ouest que la société TMB dispose d'un compte courant au sein de ces sociétés alors même qu'elle n'est pas associée, et que M. F..., qui était alors dirigeant des sociétés susvisées, ne pouvait ignorer que la société TMB n'avait pas qualité pour avoir un compte courant ouvert dans leurs livres ; qu'il en déduit qu'en application de l'article L. 223-21 du code de commerce, M. F... doit être déclaré responsable de ces emprunts et condamné à les rembourser ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société TMB n'était ni gérante ni associée des sociétés Amazone métal et Profil Guyane de l'Ouest, la cour d'appel, qui a fait application du texte susvisé sans constater que la société TMB était une personne interposée, a privé sa décision de base légale ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur les premier et troisième moyens entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt
qui rejette la demande formée par M. F... en réparation de son préjudice moral, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. F... en condamnation de la société Amazone métal à lui payer la somme de 374 691,06 euros compte tenu de la mise en jeu de son engagement de caution et déclare irrecevables les sociétés Amazone métal et Profil Guyane de l'Ouest en leurs demandes de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 3 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.