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Décisions

Cass. com., 25 octobre 2017, n° 15-27.889

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Carbonnier, SCP Ortscheidt

Paris, du 4 déc. 2013

4 décembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2013, n° RG 12/06459), que la société Francilienne de gestion, syndic de la copropriété de l'immeuble situé 177 rue Pierre Brossolette au Perreux-sur-Marne (le syndic), a, le 23 décembre 2002, signé avec la société Banque Delubac & Cie (la banque) une convention de compte, en application de laquelle cette dernière a ouvert dans ses livres un sous-compte affecté au syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat) ; que, courant 2005, la banque a fusionné ce sous-compte avec les divers autres comptes-mandants du syndic dans un compte unique ; que se plaignant d'un détournement de fonds, le syndicat, après avoir vainement demandé la mise en oeuvre de la garantie financière que les Souscripteurs du Lloyd's (les Lloyd's) avaient accordée au syndic jusqu'au 7 mai 2007, a assigné en paiement ce dernier, la banque, les Lloyd's et la société Segap, courtier ; que le syndic ayant été mis en liquidation judiciaire, le syndicat a déclaré sa créance ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat la somme de 4 000 euros alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun texte n'interdit à un établissement bancaire de procéder à la fusion des sous-comptes de syndicats de copropriétaires inscrits sur un compte professionnel unique d'un syndic en matière de gestion immobilière : qu'en considérant néanmoins que la banque ne pouvait ignorer que le syndic agissait en qualité de mandataire des différents syndicats aux noms desquels d0es sous-comptes avaient été ouverts dans ses livres et qu'elle a commis une faute de nature quasi-délictuelle à l'égard du syndicat, cependant que la fusion des sous-comptes, qui était légalement autorisée, ne pouvait être fautive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en considérant que le syndicat avait subi un préjudice consistant dans la perte de chance d'obtenir la garantie des Lloyd's, consécutive au fait qu'il ne pouvait plus justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les relevés bancaires individualisés étaient l'unique moyen d'effectuer un rapprochement bancaire et de déterminer l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible et, en particulier, sans prendre en compte la circonstance que la gestion des fonds mandants sur un compte global n'empêchait en aucune façon d'identifier le solde financier de chaque copropriété au moyen de rapprochements bancaires avec la comptabilité de la copropriété ou en recourant à une expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en considérant que si le sous-compte avait été maintenu, par l'individualisation des mouvements de fonds qu'il permet, le syndicat aurait pu justifier plus facilement auprès du garant du caractère certain liquide et exigible de la créance qu'il allègue à l'encontre du syndic SFG «par le rapprochement de la comptabilité de la copropriété avec les relevés bancaires individualisés que la banque a cessé d'éditer lors de la fusion », sans vérifier si le syndicat avait effectivement tenté d'effectuer des rapprochements entre sa comptabilité et les relevés bancaires du compte global fusionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°/ que la banque faisait également valoir, pour démontrer que le syndicat n'avait subi aucun préjudice consécutif à la fusion des sous-comptes, que celui-ci n'avait engagé, par l'intermédiaire de son nouveau syndic, aucune procédure qui lui aurait permis d'obtenir la communication de la situation de trésorerie du syndicat auprès de la société Francilienne de Gestion et qu'il avait en outre abandonné prématurément ses demandes à titre principal contre les Lloyd's ; qu'en ne prenant pas en compte la carence du syndicat, lequel n'avait pas accompli les diligences qui lui auraient permis de reconstituer sa créance et solliciter sa garantie auprès des Lloyd's, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la garantie financière
obligatoire applicable aux créances ayant pour origine un versement effectué à l'occasion d'une opération prévue par l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ne peut produire effet que sur la justification par le demandeur à la garantie que sa créance est certaine, liquide et exigible, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le refus du syndicat d'ouvrir un compte bancaire séparé n'emporte pas accord pour que le sous-compte sur lequel il décide que seront enregistrés les mouvements de fonds de la copropriété soit fusionné avec ceux des autres copropriétés administrées par le même syndic en un compte unique ouvert au nom de celui-ci ; qu'il retient encore que la convention de compte du 23 décembre 2002 n'est pas opposable au syndicat et que la banque, spécialisée dans les métiers de l'immobilier, ne pouvait ignorer que le syndic agissait en qualité de mandataire des différents syndicats aux noms desquels des sous-comptes avaient été ouverts dans ses livres ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, sans avoir à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, invoquées par les deuxième, troisième et cinquième branches, a pu retenir qu'en fusionnant, dans son seul intérêt, les sous-comptes ouverts au nom du syndic en un solde unique avec ceux des autres copropriétés administrées par le même syndic afin d'opérer une compensation entre les différents soldes et apurer ainsi les dettes des mandants à son égard dans l'éventualité de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du syndic et en cessant d'éditer des relevés individualisés, la banque avait commis une faute de nature quasi-délictuelle à l'égard du syndicat, en le privant de la possibilité de justifier, par le rapprochement de sa comptabilité avec ses relevés bancaires, du caractère certain, liquide et exigible de sa créance envers les Lloyd's, de sorte qu'elle lui avait ainsi fait perdre, de manière certaine, la chance de mettre en oeuvre la garantie dont il était bénéficiaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ qu'elle démontrait que l'opération de fusion des sous-comptes n'était pas à l'origine du préjudice subi par le syndicat dès lors que la disparition des fonds mandants et la difficulté de mise en oeuvre de la garantie financière résultaient de la mauvaise gestion du syndic, la société SFG, dont les anomalies avaient été constatées par les rapports d'audit de la société Cabinet Orion des 12 mai 2005 et 19 juin 2006 ; qu'en retenant l'existence d'un lien de causalité entre l'opération de fusion des sous-comptes et la disparition des fonds mandants du syndicat dans les comptes du syndic, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les anomalies de gestion constatées dans le rapport du cabinet d'audit Orion n'étaient pas de nature à expliquer, au moins en partie, la disparition des fonds mandants et la difficulté pour le syndicat de justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'elle faisait également valoir, pour démontrer l'absence de tout lien de causalité entre l'opération de fusion des sous-comptes et le refus de garantie des Lloyd's sollicitée en raison de la disparition des fonds mandants du syndicat, que la négligence de l'organisme garant, Les Lloyd's, qui aurait dû retirer sa garantie au minimum dès 2005 au vu des graves anomalies de gestion constatées, n'avait pas permis d'alerter le syndicat des copropriétaires du risque de disparition des fonds mandants confiés au syndic ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un lien de causalité entre l'opération de fusion des sous-comptes, la disparition des fonds mandants et le refus de garantie des Lloyd's au motif que le seul préjudice que pourrait invoquer le syndicat en relation avec ce manquement serait un plafond de garantie insuffisant venant diminuer le remboursement sollicité, sans tenir compte, comme il lui était pourtant demandé, de l'inertie fautive du garant qui, en ne retirant pas sa garantie, n'a pas alerté le syndicat sur les risques de disparition des fonds gérés par le syndic, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, contrairement aux allégations du moyen, la cour d'appel n'a pas retenu l'existence d'un lien de causalité entre l'opération de fusion des sous-comptes et la disparition des fonds mandants mais a réparé le seul préjudice en lien direct avec la perte de chance imputée à la faute à la banque ; que le moyen, qui manque en fait, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa quatrième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.