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Décisions

Cass. 1re civ., 15 juin 1994, n° 92-14.907

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

M. Lesec

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Delaporte et Briard, Me Jacoupy

Lyon, du 4 juill. 1991

4 juillet 1991

Vu la connexité, joint les pourvois n° 92-14.907 et n° 92-16.250 ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1184 du Code civil ;

Attendu que si l'action en résolution du contrat de rente viagère, ouverte au crédirentier par une stipulation dérogatoire à l'article 1978 du Code civil, est transmissible à ses héritiers, c'est à la condition qu'il ait, de son vivant, accompli les formalités prévues par cette clause ;

Attendu que, par acte notarié du 27 janvier 1984, M. Gaidon a vendu en viager aux époux X... une maison d'habitation, moyennant le prix de 115 000 francs converti en une rente viagère de 12 000 par an ; que l'acte comportait la clause suivante : " A défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de la rente, et un mois après un simple commandement de payer contenant déclaration par le vendeur d'user de la présente clause et resté sans effet, celui-ci aura le droit si bon lui semble de faire prononcer la résolution de la vente, malgré toutes offres de paiement ultérieures " ; que les débirentiers ayant cessé tout versement depuis le 1er janvier 1985, M. Gaidon a écrit le 12 février 1986 à son notaire de " faire le nécessaire " ; que, par lettre recommandée du 25 mars 1986, ce dernier a indiqué aux époux X..., après leur avoir rappelé le texte de la clause résolutoire : " A défaut de paiement de l'arriéré et du prochain terme de rente, je serais contraint de vous convoquer aux fins de résiliation de l'acte de vente qui vous liait avec M. Gaidon " ; que cette lettre est demeurée sans effet, et que 6 mois se sont écoulés sans que le crédirentier et son notaire se manifestent ; que, le 5 octobre 1986, M. Gaidon est décédé, après avoir institué en qualité de légataire universelle l'Association pour la recherche contre le cancer (ARC) ; que, les 18 mars et 7 avril 1988, l'ARC a assigné M. X... et Mme Y..., qui avaient divorcé dans l'intervalle, pour voir ordonner la résolution du contrat de rente viagère, pour faire juger que l'association était devenue propriétaire de l'immeuble à la suite de cette résolution, et pour voir condamner M. X... et Mme Y... au paiement solidaire de l'arriéré ;

Attendu que, pour prononcer la résolution du contrat de rente viagère du 27 janvier 1984, à la demande de l'ARC, l'arrêt attaqué énonce que la lettre recommandée adressée le 25 mars 1986 par le notaire de M. Gaidon aux débirentiers rappelait les termes de la clause résolutoire, et exprimait clairement la volonté du crédirentier de se prévaloir de cette clause ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une lettre recommandée ne peut être assimilée à un commandement de payer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.