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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B com., 30 juin 2000, n° 95/12919

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cine Photo Technic (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avoués :

SCP Jourdan - Wattecamps, SCP Giacometti - Desombre

Avocats :

SCP Hancy D- Lanzaro, Me Allouche

T. com. Nice, du 10 mai 1995

10 mai 1995

FAITS ET PROCEDURE

La société CINE PHOTO TECHNIC compte trois associés: Mr POINSIGNON (2.303 parts sur 4.700), Mr Gilles MESLY D’ARLOZ (2.303 parts) et Mr Xavier MESLY D’ARLOZ (94 parts); la gérance est exercée par Mr Gilles MESLY D’ARLOZ et par Mr SCARCELLA, directeur technique salarie;

Le 17 mai 1994 l’assemblée générale des associés :

- a «décidé d’affecter le bénéfice de l’exercice, soit la somme de 354.880 Frs: la somme de 17.744 Frs au poste Reserve Légale; la somme de 108.400 Frs en amortissement des pertes antérieures; le solde soit la somme de 228.736 Frs au poste Report à Nouveam,

- a « approuve la rémunération brute perçue par Mr SCARCELLA, cogérant, au cours de l’exercice 1993, soit la somme de 365.519 Frs au titre de son contrat de travail, plus une prime de 150.000 Frs provisionnée en 1993 mais qui sera perçue en 1994 », ce «a l’unanimité à l’exception de Mr POINSIGNON qui vote contre»;

Par jugement du 10 Mai 1995 le Tribunal de commerce de Nice :

- a prononce la nullité de l’assemblée générale du 17 Mai 1994,

- a ordonne la restitution à la société CINE PHOTO TECHNIC de la prime attribuée à Mr SCARCELLA par Mr Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ ;

La société CINE PHOTO TECHNIC et Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ tout relevé appel de cette décision le 12 Juin 1995;

Au terme de conclusions récapitulatives du 3 Novembre 1999 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, ils font valoir :

- que l'exception de connexité avec une autre affaire n’a plus de raison d’être ;

- qu’il convient de joindre les deux procédures ;

- que Mr SCARCELLA n’est pas associé ;

- que la prime dont il a bénéficié était méritée ;

- qu’elle était prévue par son contrat de travail ;

- que les dispositions de l’article 50 de la loi du 24 juillet 1966 n’avaient pas à être respectées;

- qu’elles l’ont été par précaution ;

- qu’il n’y a pas eu d’abus de majorité ;

- que les premiers juges ne pouvaient pas annuler l’assemblée générale dans son ensemble ;

Ils demandent à la Cour :

- de joindre les instances 95/12919 et 96/23658 ;

- de reformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et subsidiairement sur la nullité totale de l’assemblée générale du 17 Mai 1994 ;

- en cas d’annulation de la prime, de dire que celle-ci devra être réintégrée dans la société CINE PHOTO TECHNIC ;

- de condamner Mr POINSIGNON à payer la somme de 20.000 Frs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Au terme de conclusions récapitulatives du 22 Novembre 1999 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, Mr POINSIGNON réplique :

- que la demande de jonction des deux procédures est irrecevable et mal fondée ;

- qu’il fait l’objet d’un véritable harcèlement de la part des associés majoritaires ;

- que lors de l’assemblée générale du 17 Mai 1994 ceux-ci ont décidé de ne pas distribuer de dividendes pour la troisième année consécutive, le privant ainsi de la seule contrepartie à laquelle il peut prétendre en sa qualité d’associé minoritaire;

- que l’avenant au contrat de travail de Mr SCARCELLA du 1er septembre 1993 est un document fabrique pour les besoins de la cause ;

- que I ‘attribution d’une prime de 150.000 Frs au gérant non associe est contraire à l’intérêt social et ne relevé que de la satisfaction d’un intérêt personnel, au détriment de l’associe minoritaire;

- qu’il s’agit d’un abus de majorité ;

- que l'attribution de cette prime ayant été provisionnée des 1993, il y a eu violation de l’article 50 de la loi du 24 Juillet 1966 ;

- que les comptes de l’exercice étant entaches d’une irrégularité, il y a lieu d’annuler l’ensemble des délibérations de l’assemblée générale ;

- que l’abus de majorité commis par Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ lui cause préjudice

Il demande à la Cour :

- de déclarer l’appel irrecevable et mal fonde ;

- de confirmer la décision déférée ;

- de condamner Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ à payer la somme de 150.000 Frs a titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter de l’assignation;

- de condamner la société CINE PHOTO TECHNIC et Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ à payer celle de 20.000 Frs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel est régulier en la forme et a été interjeté dans les délais ; il est recevable ;

II n’existe aucun motif de joindre les procédures 95/12919 et 96/23658 ;

Sur l’article 50 de la loi du 24 Juillet 1966

En vertu de l’article 50 de la loi du 24 Juillet 1966 sur les sociétés commerciales :

- le gérant ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes, présente un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l’un de ses gérants ou associés a l’assemblée, qui statue sur ce rapport;

- s’il n’existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associe sont soumises à l’approbation préalable de l’assemblée;

- les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s’il y a lieu, l’associe contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables a la société;

Mr SCARCELLA est salarie de la société CINE PHOTO TECHNIC depuis 1979; il en est également cogérant non associe et non rémunéré; un avenant a son contrat de travail du 1er septembre 1993 a fixé le montant de sa prime de fin d’année, dite prime de bilan, a 20 % du résultat d’exploitation (hors prime + charges);

Mr POINSIGNON soutient que ce document a été fabrique pour les besoins de la cause; mais il n’en rapporte pas la preuve; en outre, il n’en demande pas l’annulation, ce qui nécessiterait d’ailleurs la présence aux débats de Mr SCARCELLA, qu’il n’a (curieusement) pas mis en cause, alors qu’il est directement concerne par l’éventuelle «restitution» de la prime; des lors, cet avenant existe et doit être pris en considération;

Pour autant, la quatrième résolution de I ‘assemblée générale du 17 Mai 1994 objet du litige ne porte nullement sur cet avenant ; cela est si vrai qu’il n’en est pas fait état dans le rapport spécial du gérant sur les opérations visées par l’article 50 de la loi du 24 Juillet 1966, et que Mr POINSIGNON lui-même indique qu’il n’en a appris l’existence que le 14 Mars 1995 ;

Cette résolution prévoit seulement que « l’assemblée générale approuve la rémunération brute perçue par Mr SCARCELLA, cogérant, au cours de l'exercice 1993, soit la somme de 365.519 Frs au litre de son contrat de travail, plus une prime», qualifiée d’exceptionnelle» dans le rapport spécial du gérant, «de 150.000 Frs provisionnée en 1993 mais qui sera perçue en 1994»

Elle ne porte donc pas sur une convention intervenue entre la société et I ‘un de ses gérants» au sens du texte susvisé; il s’agit simplement d’une décision de I ‘assemblée générale, ratifiant un acte de gestion, à savoir le provisionnement de la somme de 150.000 Frs, et attribuant une prime a Mr SCARCELLA, directeur technique salarie, également cogérant non associe, comme cela avait d’ailleurs déjà été fait les deux années précédentes, avant même l’avenant du 1er Septembre 1993, sans contestation judiciaire de Mr POINSIGNON;

Même à supposer qu’on puisse considérer qu’elle porte sur une convention intervenue entre la société et l'un de ses gérants » au sens du texte susvisé, celle-ci a été approuvée ;

Il n’y a donc pas lieu à restitution de la prime sur le fondement du texte susvisé ; Sur l’abus de majorité

Constitue un abus de majorité la résolution d’une assemblée prise contrairement à l’intérêt social, dans Punique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité;

Non seulement l’attribution d’une prime assise sur le résultat d’exploitation au directeur technique salarie, également cogérant non rémunéré, n’est pas contraire à l’intérêt social bien compris, mais elle ne favorise en rien Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ, associés majoritaires; la résolution querellée ne constitue donc pas un abus de majorité; 

Celle au terme de laquelle l'assemblee générale a décidé d’affecter les bénéfices de l’exercice 1993:

- pour 17.744 Frs au poste Réserve légale,

- pour 108.400 Frs a l’amortissement des pertes antérieures (peu important leur origine),

- pour 228.736 Frs au poste Report à Nouveau, non plus, d’autant que la société CINE PHOTO TECHNIC a encore subi des pertes importantes en 1995 (639.000 Frs), ce qui démontre suffisamment que la non distribution de dividendes en 1994 non seulement n’était pas contraire à I ‘intérêt social bien compris, mais a favorise le maintien des équilibres financiers de la société;

Le jugement entrepris sera donc infirmée, et Mr POINSIGNON débouté de ses demandes ;

Sur les frais irrépétibles

La société CINE PHOTO TECHNIC et Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ ont engagé des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de leur laisser supporter intégralement la charge; il convient de leur allouer la somme de 20.000 Frs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en dernier ressort,

Reçoit l’appel de la société CINE PHOTO TECHNIC et de Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ ;

Dit n’y avoir lieu a jonction des procédures 95/12919 et 96/23658 ;

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Déboute Mr POINSIGNON de ses demandes ;

Le condamne à payer à la société CINE PHOTO TECHNIC et à Mrs Gilles et Xavier MESLY D’ARLOZ la somme de 20.000 Frs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Le condamne aux dépens, et dit que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.