Cass. 2e civ., 13 avril 2023, n° 21-11.716
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
M. Adida-Canac
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2020), M. [Y], désigné promoteur, au travers de la société de droit luxembourgeois [H] et associés, devenue la société Calhic, du fonds commun de placement (FCP) [H] patrimoine, ensuite dénommé MIF, en a confié la gestion à la société Véga multimanager devenue la société Compagnie 1818-Gestion. Par convention dite « promoteur » du 22 juin 2009, M. [Y] et la société [H] et associés ont transféré la gestion de ce fonds à la société Affinity gestion, devenue la société Hermitage gestion privée (la société HGP).
2. La société HGP ayant refusé, en réponse à une lettre de M. [Y], de procéder au transfert de la gestion du FCP MIF à une autre société de gestion, la société Calhic et M. [Y] l'ont assignée en exécution forcée de ce transfert.
3. Par jugement du 25 juin 2015, revêtu de l'exécution provisoire et confirmé par un arrêt du 12 janvier 2017, un tribunal de commerce a ordonné, sous astreinte, à la société HGP de notifier par écrit à la société Calhic et à la société [H] et associés son accord pour le transfert à la société [H] et associés de la gestion du FCP MIF, de donner toutes instructions utiles à la banque RBC aux fins de mise en oeuvre de ce transfert avec le groupe CM-CIC ou toutes autres entités désignées par M. [Y], de procéder à toutes opérations et donner toutes signatures nécessaires à ce transfert et de communiquer les éléments d'information et documents relatifs à la gestion du FCP depuis le mois de juillet 2013 inclus.
4. L'arrêt du 12 janvier 2017 a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation (Com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-15.908).
5. La cour d'appel de renvoi a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, débouté la société Calhic et M. [Y] de toutes leurs demandes, la société HGP sollicitant leur condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte des gains tirés des actifs en gestion.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [Y] et la société Calhic font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société HGP la somme de 126 276 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que si l'exécution d'un jugement exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables si le titre est ultérieurement modifié, il en va différemment lorsque ce jugement a été confirmé par un arrêt d'appel ; qu'en effet, le pourvoi en cassation n'interdit pas l'exécution, cette exécution ne pouvant donner lieu qu'à restitution ; qu'en l'espèce, le jugement du 25 juin 2015 ayant été confirmé par l'arrêt du 12 janvier 2017, la cour d'appel de renvoi ne pouvait, suite la cassation prononcée par arrêt du 7 mai 2019, qu'ordonner une mesure de restitution au profit de la société Hermitage gestion privée, et non la réparation des prétendus dommages causés par l'exécution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 111-10 et L. 111-11 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
9. Il résulte de ce texte que lorsqu'un jugement, revêtu de l'exécution provisoire, a été exécuté, le créancier doit, en cas d'infirmation de celui-ci, par la cour d'appel de renvoi, à la suite de la cassation d'un premier arrêt confirmatif, rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
10. Ayant exactement retenu que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables sans qu'il soit nécessaire de relever une faute à son encontre, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il convenait de faire droit à la demande de dommages-intérêts à hauteur de 126 276 euros.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, réunis
Enoncé des moyens
12. M. [Y] et la société Calhic font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société HGP la somme de 126 276 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Calhic et de M. [Y], qui concluaient au rejet des demandes indemnitaires formulées à leur encontre par la société Hermitage gestion privée dès lors que seule la société [H] et associés s'était vue transférer le bénéfice de la gestion du fonds commun de placement MIF, et non eux-mêmes, par suite du jugement du tribunal de commerce du 25 juin 2015 assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
13. M. [Y] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec la société Calhic, à payer à la société HGP la somme de 126 276 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que seul le créancier de l'obligation mise à la charge du débiteur par une décision de justice exécutoire à titre provisoire ultérieurement réformée est tenu de rétablir le débiteur dans ses droits ; qu'en condamnant M. [Y] à payer à la société Hermitage gestion privée la somme de 126 276 euros à titre de dommages et intérêts, in solidum avec la société Calhic, cependant que l'obligation de notification de l'accord que la société Hermitage gestion privée avait été condamnée à donner sous astreinte pour le transfert de la gestion du fonds communs de placement MIF à la société [H] et associés n'était prévue qu'au profit de la société Calhic et de la société [H] et associés, ce dont il s'évinçait que M. [Y] n'était en rien créancier de l'obligation mise à la charge de la société Hermitage gestion privée par le jugement du 25 juin 2015, assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
14. Ayant relevé, en premier lieu, que la convention « promoteur », en exécution de laquelle le transfert de la gestion du fonds avait été organisé, avait été conclue entre, d'une part, la société HGP, d'autre part, la société Calhic et M. [Y] et, en second lieu, que ces deux derniers avaient assigné la société HGP à fin d'obtenir le transfert de la gestion du fonds, faisant ainsi ressortir que la société Calhic et M. [Y] étaient les deux créanciers de l'obligation, peu important que le transfert ait été effectué, en exécution du jugement infirmé, entre les mains de la société [H] et associés, dont M. [Y] était le gérant et associé et qui n'était pas partie à l'instance, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.